Le Règlement particulier du service intérieur de l'asile départemental d'aliénés du Rhône (1897)


L'asile public d'aliénés du département du Rhône ouvre ses portes en 1876. La déclaration d'utilité publique de création d'un asile au territoire du Mas des Tours, commune de Bron, date de 1868.

Se succèdent comme médecins chefs de l'asile :
Joseph Arthaud, de 1875 à 1878, puis, après division du service médical de l'établissement en deux sections :

- Dans la section des hommes, Max Simon [1837-1905] de 1878 à 1890, François Brun [1854-?] de 1890 à 1899, Auguste Rousset [1859-1913] de 1899 à 1913. En 1907 est créé un 2ème poste, occupé jusqu'en 1915 par André Papillon [1871-1915]...

- Dans la section des femmes, Firmin Lagardelle [ca1838-1882] de 1878 à 1879, Henri Taguet [1842-?] en 1879, Auguste Pierret [1845-1920] de 1879 à 1901, André Viallon [1867-1921] de 1901 à 1921. Le 2ème poste de médecin chef est occupé par Paul Dodéro [1865-1941] de 1908 à 1930, puis par Jean Lautier [1888-1933] de 1931 à 1933...


L'asile de Bron puis Hôpital psychiatrique du Rhône est devenu le Centre hospitalier du Vinatier, établissement de psychiatrie publique sectorisé qui dessert aujourd'hui la population de sept arrondissements de Lyon et 24 communes de l'Est de la ville.

Sur l'Histoire de la Psychiatrie à Lyon de l'Antiquité à nos jours, on lira avec profit l'ouvrage d'Henri Bonnet, paru à Lyon en 1988 (Césures éd., 301 p.), et sur le fondateur de l'Asile et son premier médecin en chef, Joseph Arthaud, le très bel ouvrage de Frédéric Scheider (2009). Voir également l'Inventaire général du Patrimoine Culturel de Rhône-Alpes, qui présente l'histoire de l'établissement des origines aux années 1960, des références bibliographiques et archivistiques, et de nombreuses illustrations.

Les extraits du Règlement intérieur présentés ci-dessous donnent quelques indications concrètes du statut du personnel asilaire non médical à la fin du XIXème siècle : hiérarchie, rôle, traitement, recrutement, service, uniformes, etc.

On notera en particulier l'échelle des peines disciplinaires encourues en cas de manquement ou de faute : «la réprimande, la privation de sortie, la garde de nuit hors tour, la remise à une classe inférieure et le renvoi» (article 65).

Il y est fait peu de cas des soins aux malades. Même dans une grande métropole comme Lyon, la fin de l'ère asilaire n'est pas encore à l'ordre du jour et le personnel subalterne est avant tout chargé de l'entretien des malades, et donc entre autres choses d'éviter les évasions, accidents, suicide et meurtres.


Surveillante et surveillant en chef, infirmières et infirmiers

Art. 34

Le service intérieur de la section des femmes et celui de la section des hommes, sont confiés à des surveillantes et infirmières et à des surveillants et infirmiers laïques, sous les ordres d'une surveillante et d'un surveillant en chef.
Ces employés sont nommés par le Directeur, sur l'avis conforme du médecin en chef pour le surveillant et la surveillante en chef, et pour le premier infirmier et l'infirmière en chef.

Art. 35

La surveillante en chef, la sous-surveillante en chef, les surveillantes et infirmières, le surveillant et sous-surveillant en chef, les surveillants et infirmiers, sont placés généralement sous l'autorité du Directeur et spécialement, en ce qui concerne le service médical, sous l'autorité du médecin en chef de la section.

Art. 36

La surveillante en chef et le surveillant en chef se concertent avec le Directeur et le médecin en chef pour le placement et le déplacement des surveillantes et surveillants, des infirmières et infirmiers, dans les différents emplois du service.

Art. 37

Chaque division est placée sous la direction d'une première infirmière dans la section des femmes, d'un premier infirmier dans la section des hommes, ayant le titre de surveillante cheftaine, ou infirmière en chef, ou chef de quartier, et auxquels les autres infirmières et infirmiers doivent obéissance. Ils sont chargés de la conservation du mobilier, de la surveillance du linge et des effets, de la distribution alimentaire, de l'administration des médicaments, du maintien de l'ordre et de la discipline. Ils doivent veiller à la propreté des dortoirs, réfectoires, préaux, latrines, et doivent rendre compte à la surveillante en chef ou au surveillant en chef de tout ce qui peut intéresser le service général ou médical dans la division.

Art. 38

Les surveillantes en chef des divisions sont divisées en deux classes recevant un traitement annuel de 450 et 500 francs.

Art. 39

Les chefs de quartier sont divisés en deux classes recevant un traitement annuel de 500 à 550 francs. La solde du chef du quartier des ateliers est exceptionnellement portée à 600 francs pour la section des hommes et à 550 francs pour la section des femmes.

Art. 40

Les infirmières sont divisées en trois classes : 3me, 2me et 1re, et reçoivent un traitement annuel, suivant la classe, de 300, 350 et 400 francs.

Art. 41

Pour être admise comme infirmière, il y a lieu de produire :
1° Un acte de naissance constatant qu'elles sont âgées de 18 ans au moins;
2° Un certificat de bonnes vie et mœurs;
3° Un casier judiciaire.

Art. 42

Les infirmiers sont divisés en trois classes : 3me, 2me et 1re, et reçoivent un traitement annuel, suivant la classe, de 350, 400 et 450 francs.

Art. 43

Pour être admis comme infirmier, il y a lieu de produire :
1° Un acte de naissance constatant qu'ils sont âgés de 21 ans au moins et de 40 ans au plus;
2° Un certificat de bonnes vie et mœurs;
3° Un casier judiciaire;
4° Une pièce constatant qu'ils ont satisfait à la loi militaire.

Art. 44

Un minimum d'une année de bons services est nécessaire à une infirmière et à un infirmier pour passer de la 3me à la 2me classe. Les infirmières et infirmiers de 2me classe ne pourront être élevés à la 1re qu'après deux ans de service dans la seconde. Ces dispositions ne sont pas obligatoires, mais facultatives. Elles ne constituent pas un droit pour les infirmières et infirmiers dont l'élévation d'une classe est toujours laissée à l'appréciation du Directeur après avis du médecin en chef.

Art. 45

Les infirmières versent, comme retenue de garantie, dans la caisse de l'Asile, la somme de vingt-cinq francs, et les infirmiers la somme de quarante francs.
Ce dépôt, qui leur est rendu en cas de sortie régulière (1), est opéré par voie de retenues partielles faites successivement sur le traitement des premiers mois de leur entrée à l'établissement.
(1) La sortie régulière d'une infirmière ou d'un infirmier est celle qui a lieu quand la sortante ou le sortant a rempli toutes les obligations exigées par le règlement, c'est-à-dire avertissement du départ huit jours à l'avance et absence de préjudice causé à l'Asile par négligence grave.

Art. 46

La surveillante en chef et la sous-surveillante, le surveillant et le sous-surveillant, sont nourris à la 2me classe des pensionnaires et sont servis ensemble dans leur quartier respectif.
Les surveillantes et infirmières, les chefs de quartier et infirmiers sont nourris à la 3me classe et prennent leur repas dans leur division respective.

Art. 47

Les surveillantes et infirmières, surveillants et infirmiers, sont pourvus, par l'Asile, du gros linge, comme draps, taies d'oreiller, serviettes, essuie-mains, torchons et tabliers de travail, plus d'une tenue d'uniforme réglementaire.

Art. 48

La surveillante en chef n'étant pas habillée par l'Établissement reçoit, à cet effet, une indemnité annuelle de deux cents francs.

Art. 49

Il est interdit aux surveillantes et chef de quartier, ainsi qu'aux infirmières et infirmiers, de porter au dehors le costume de la maison, à l'exception des sorties de service ou des sorties faites en commun.

Art. 50

le service des surveillantes et chefs de quartier, des infirmières et infirmiers, qui se compose essentiellement des soins à donner aux malades et de la surveillance des divisions, est continu et ne peut, en aucune circonstance, être interrompu, ni le jour, ni la nuit.
En conséquence, les surveillantes et chefs de quartier, les infirmières et les infirmiers qui en sont chargés ne peuvent quitter leur division sous aucun prétexte sans l'autorisation de la surveillante en chef ou de la sous-surveillante, du surveillant en chef ou du sous-surveillant.

Art. 51

Il est expressément défendu aux surveillantes et chef de quartier, aux infirmières et infirmiers, d'entreprendre le moindre travail étarnger au service, ou de se livrer à une distraction qui aurait pour conséquence de diminuer leur surveillance.

Art. 52

Le service de nuit comprend, dans les deux sections :
1° La veille d'une infirmirèe et d'un infirmier qui se tiendront chacun, sans pouvoir la quitter, dans la salle affectée à la garde continue et désignée par le médeicn en chef et le Directeur;
2° Les rondes de nuit, spécialement confiées à la surveillante en chef et à la sous-surveillante, au surveillant en chef et au sous-surveillant, dans leur section respective.

Art. 53

La surveillante en chef, aidée de la sous-surveillante, le surveillant en chef, aidé du sous-surveillant, sont spécialement chargés de maintenir le bon ordre et la discipline dans la section; d'assiter à la distribution des aliments et de veiller à ce qu'elle soit faite conformément aux prescriptions du cahier de visite; d'assister à la distribution des médicaments et de veiller à ce que les malades les prennent en temps utile; d'assister aux communications des visiteurs avec les malades, et de veiller à ce qu'il ne soit rien remis à ces derniers, ni liqueurs alcooliques, ni instruments tranchants ou piquants, ni aucun autre objet, sans l'autorisation écrite du médecin en chef.
Ils devront surtout veiller à ce qu'aucun, surveillante ou chef de quartier, infirmière ou infirmier, ne fournisse, verbalement ou par écrit, des renseignements sur l'état physique ou mental des malades.

Art. 54

La surveillante en chef ou la sous-surveillante, le surveillant en chef ou le sous-surveillant, doivent assister à la visite médicale du matin et rendre compte au médecin en chef, soit verbalement, soit par un rapport écrit, de tout ce qui s'est passé depuis la veille.
A l'issue de cette visite, ils remettent au Directeur un rapport écrit dont le cadre imprimé est fourni par l'administration.

Art. 55

Sous peine de révocation immédiate, il est formellement interdit aux surveillante en chef, sous-surveillante, surveillantes et infirmirèes, de pénétrer, sous quelque prétexte que ce soit, dans la section des hommes.
Même défense est faite, sous la même peine, au personnel masculin de pénétrer dans la section des femmes, à moins que la présence des surveillant en chef, préposés, employés ou gens de service, ne soit nécessitée par des travaux de réparations et d'entretien, et autorisée par l'économe ou le directeur.

Art. 56

Le droit d'ordonner les moyens de contrainte appartient exclusivement au médecin en chef; si, dans un intérêt de sûreté, les surveillantes ou chefs de quartier se trouvent forcés de recourir d'urgence à l'emploi de l'un de ces moyens, ils doivent en rendre compte immédiatement à la surveillante en chef ou au surveillant en chef qui sont tenus d'en informer, dans le plus bref délai, le médecin en chef ou, en son absence, le médecin adjoint ou l'interne de garde.
De même, le médecin en chef de chaque section désigne seul les malades de sa section qui doivent prendre part au travail auquel ils peuvent être occupés, comme aussi les malades qui peuvent prendre part aux promenades extérieures, offices religieux, ou assister aux concerts et spectacles ou autres distractions, donnés dans l'intérieur de l'Asile.

Art. 57

Il est formellement interdit à la surveillante en chef, sous-surveillante, surveillant en chef, sous-surveillant, surveillantes et chefs de quartier, infirmières et infirmiers, d'infliger aux malades quelque punition que ce soit, et de rien changer aux conditions du régime qui leur est attribué par le règlement ou prescrit par le médecin.

Art. 58

Toute surveillante ou chef de quartier, infirmière ou infirmier, convaincus d'avoir maltraité un malade, ou contrevenu aux dispositions de l'article qui précède, sont immédiatement révoqués par le directeur, sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourraient leur être intentés.

Art. 59

Les surveillantes et chefs de quartier, infirmières et infirmiers, ne doivent rien accepter des parents et amis des malades dont ceux-ci reçoivent la visite, pas plus que des malades eux-mêmes.
Aucun dépôt d'argent pour le compte des aliénés des deux sexes ne peut être reçu par les surveillantes et chefs de quartier, infirmières et infirmiers, mais seulement par le receveur de l'établissement.

Art. 60

Il est formellement interdit aux surveillantes et chefs de quartier, infirmières et infirmiers, employés, préposés, ou gens de service, d'introduire dans les quartiers des malades des deux sexes, en dehors de celles prescrites par les médecins, des boissons, liqueurs alcooliques ou médicaments, de quelque nature qu'ils soient.

Art. 61

La surveillante en chef ou la sous-surveillante, le surveillant en chef ou le sous-surveillant, les surveillantes et chefs de quartier, les infirmières et infirmiers, ne peuvent sortir pendant le jour et découcher qu'avec l'autorisation du Directeur.

Art. 62

En cas de décès, la surveillante ou le chef de quartier en informe immédiatement la surveillante en chef ou le surveillant en chef qui le fait connaitre au secrétariat de la direction, après l'avoir fait constater par l'interne de service.
A la suite de ces formalités, le corps est immédiatement porté à la salle des morts.

Art. 63

Chaque fois qu'un malade se trouvera dans un état grave inspirant des craintes pour la vie, le médecin en chef ou, à son défaut, le chef de clinique ou l'interne du service devront en informer le secrétariat, afin que la famille du malade puisse être immédiatement prévenue.

Art. 64

En cas d'évasion, d'accident, de suicide ou de meurtre, la surveillante en chef ou le surveillant en chef, avertis immédiatement par la surveillante ou le chef de quartier, préviennent aussitôt l'interne de service, ainsi que le médecin en chef et le directeur.

Art. 65

Les peines disciplinaires applicables aux surveillantes et chefs de quartier, infirmières et infirmiers, par le Directeur, sur l'avis conforme du médecin en chef, en ce qui concerne le service médical, sont : la réprimande, la privation de sortie, la garde de nuit hors tour, la remise à une classe inférieure et le renvoi.

Art. 66

La surveillante et les chefs de quartier, les infirmières et les infirmiers, qui veulent quitter l'Asile, doivent en donner avis par écrit au Directeur, au moins huit jours à l'avance, sous peine d'être passible d'une retenue de 25 francs.

Art. 67

D'après l'article 2 de l'arrêté de M. le Préfet du Rhône, du 16 avril 1894, la surveillante en chef et le surveillant en chef font partie de la caisse départementale de retraites et subissent les retenues réglementaires au profit de cette caisse.
La limite d'âge pour l'admission à la retraite est fixée, pour le surveillant en chef, à 65 ans, et, pour la surveillante en chef, à 60 ans, sauf le cas d'infirmités dûment constatées par le médecin en chef qui pourra, dans ce cas, d'accord avec le Directeur, proposer au Préfet l'admission à la retraite avant cette limite d'âge. Quel que soit l'âge, les titulaires de ces emplois devront remplir les conditions exigées par le règlement de la Caisse départementale de retraites pour le droit à pension.



SECTION VIII

§ 1er. - Uniforme des infirmiers

Art. 166

Les infirmiers reçoivent de l'administration de l'Asile deux vêtements d'uniforme, l'un pour la tenue, l'autre pour le travail.

Art. 167

La tenue se compose :
1° D'une vareuse de 1re tenue et d'un gilet droit de drap gros bleu, avec boutons de métal jaune;
2° D'un pantalon de 1re tenue en drap gros bleu, avec passe-poil rouge;
3° D'une casquette plate, aussi en drap bleu;
4° La chaussure.
Le vêtement de travail comporte :
Une vareuse et un pantalon de 2e tenue en gros drap.
Ce dernier vêtement est remplacé en été par une blouse et un pantalon de toile.
Des galons de laine rouge, de 5 millimètres de largeur, au nombre de un, deux ou trois, suivant les classes, sont placés à la casquette et aux parements de la vareuse.

Art. 168

L'uniforme du surveillant en chef et du sous-surveillant sera le même que le précédent, à l'exception des galons qui sont en or et au nombre de deux pour le surveillant en chef et d'un seul pour le sous-surveillant.
Le concierge sera assimilé au sous-surveillant, et son uniforme portera un galon en or.
L'uniforme du chef des ateliers sera orné d'un galon en argent.

Art. 169

Le port de l'uniforme n°1 est obligatoire les dimanches, pour les visites, et toutes les fois que le Directeur en donnera l'ordre.

Art. 170

Le port de l'uniforme n'est pas obligatoire en dehors de l'établissement.

Art. 171

La durée du costume est fixée de la manière suivant :
Vareuse de 1re tenue.... 4 ans
Pantalon et gilet............. 2 ans
Casquette....................... 1 an
Vareuse de 2e tenue...... 2 ans
Pantalon de travail......... 1 an
Il sera tenu compte des corconstances qui peuvent accélérer l'usure du vêtement.

Art. 172

Tout infirmier qui ne rendra pas, lors de sa sortie de l'Asile, ses effets dans le plus grand état de propreté et de bon entretien, sera passible d'une retenue sur sa masse.

§ 2. - Vêtements des préposés.

Art. 173

Les préposés n'auront droit qu'à des vêtements de travail.

Art. 174

Ils devront également rendre leurs effets dans le plus grand état de propreté et de bon entretien, lors de leur sortie de l'Asile, sous peine d'une retenue sur leur masse.

§ 3. - Vêtements des préposées et infirmières.

Art. 175

Les préposées et infirmières reçoivent pour une année :
1° Deux robes, dont l'une en laine et l'autre en toile de Vichy;
2° Un bonnet linge et un bonnet en mousseline;
3° Un tablier à bavette et un tablier en cotonne quadrillée;
4° Une paire de fausses manches;
5° La chaussure.

Art. 176

Toute infirmière qui ne rendra pas, lors de sa sortie de l'Asile, ses effets dans le plus grand état de propreté et de bon entretien, sera passible d'une retenue sur sa masse.


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