La
Colonie Agricole de Chezal-Benoît (Cher)
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Jusqu'à
ces dernières années, le département du Cher disposait,
en matière de psychiatrie, de trois Centres Hospitaliers : Beauregard
à Bourges, Chezal-Benoît, Dun-sur-Auron. |
Chezal-Benoît
1910-1912
Des débuts difficiles |
Commission
de Surveillance des Asiles publics d'aliénés du département de la Seine. «M.
DELMAS. - Je serai reconnaissant à l'Administration de nous fournir
quelques renseignements au sujet d'une mutinerie de malades récemment
survenue à l'asile de Chezal-Benoît (Cher). « Aliénés révoltés, il serait urgent d'envoyer huit infirmiers avec chef de quartier. » Cette
dépêche avait été adressée la veille
au soir de Chezal-Benoît. Un train partant à 10 heures pour
Issoudun, gare qui dessert Chezal-Benoît, je n'avais pas le temps
matériel de prendre les mesures nécessaires pour le départ
des infirmiers, mais je priais M. de Darassus, notre secrétaire
administratif, de partir immédiatement à Chezal, avec la
mission de se rendre compte sur place de l'importance de l'incident. Avant
midi, je recevais une dépêche plus rassurante de M. le Dr
Ameline, faisant connaître que le calme était à peu
près rétabli, et que les infirmiers réclamés
avaient été demandés moins pour rétablir l'ordre
que pour conduire les mutins au nombre de conq dans un asile fermé. |
“Une révolte à la colonie agricole de Chézal-Benoît”
L'Informateur des Aliénistes, 25 juin 1911, n°6; 140-142
« On sait qu'au mois d'août 1910, le département de la Seine a ouvert, dans le département du Cher, un nouvel établissement d'aliénés désigné sous le nom de "colonie agricole de Chezal-Benoit". Le 4 avril dernier, cette colonie a été le théâtre d'une révolte qui eût pu avoir les conséquences les plus graves et au cours de laquelle le médecin directeur, notre distingué collègue le docteur Ameline a été grièvement blessé, victime du devoir professionnel.
Voici les renseignements que notre enquête nous a permis de recueillir au sujet de cette mutinerie : Au mois d'avril dernier, la colonie hospitalisait cent soixante-deux malades, dont un tiers au moins se composaient de débiles impulsifs ou épileptiques très dangereux. Soit dit en passant, de tels malades étaient-ils bien à leur place dans un pareil milieu réservé en principe aux chroniques inoffensifs valides et capables de travailler ? Quoiqu'il en soit, la plupart des malades arrivant à Chezal-Benoit, croyaient (ainsi qu'une très grande partie du personnel des asiles de la Seine) qu'ils allaient être placés chez l'habitant, hypnotisés sans doute par l'appellation de "colonie". Aussi furent-ils très désillusionnés de se trouver "casernés". Il est à remarquer aussi que le personnel d'infirmiers recruté en majeure partie parmi les paysans et ouvriers de la région est encore peu au courant des soins convenant à des aliénés et du fonctionnement d'un établissement hospitalier. Enfin l'asile n'est constitué actuellement comme l'asile de Moisselles, que par l'unique bâtiment d'un ancien couvent, naturellement inadapté à la destination actuelle, couvent où se trouve notamment une seule salle de jour, où s'entassent pêle-mêle les aliénés de toutes catégories et qui sert par surcroît de salle à manger. Rien n'était donc prévu pour une sélection indispensable des malades et leur isolement. Au contraire, par les journées pluvieuses, on voyait, réunis dans cette même salle : une cinquantaine de débiles de caractère difficile, turbulents, impulsifs et insubordonnés, et soixante à soixante-dix débiles simples, dont l'aptitude à la contagion mentale est fort grande. le moindre incident devait provoquer une révolte et c'est en effet ce qui s'est produit le 5 avril dernier à propos d'un infirmier dont les malades prétendaient avoir à se plaindre. Ce jour-là, à cinq heures quarante-cinq du soir, au moment où le personnel s'occupait de dresser le couvert et d'apporter le repas, un malade est pris d'un accès de violence terrible; il se précipite sur la vaisselle qu'il lance à la tête des infirmiers présents, et aussitôt il est imité par une trentaine de mutins. Trois infirmiers tombent sous leurs coups, atteints à la tête par des débris de verre, de faïence, des barreaux de chaises brisées. Attiré par le bruit, le docteur Ameline entre alors dans la salle et trouve les malades délirants retirés dans un passage, laissant le champ libre aux trente mutins occupés à tout briser, en particulier les fenêtres, avec les chaises. Notre confrère réussit cependant à calmer les plus acharnés, leur fait déposer les chaises et jeter les tessons, morceaux de cuillers ou de fourchettes tordus, etc., dont ils avaient fait des armes dangereuses; un certain flottement se produisit, et le chef de quartier aux prises avec une demi-douzaine de malades et secouru par trois autres (deux persécutés et un paralytique général) put se dégager de dessous une table. Un groupe d'infirmiers fit alors soudainement une véritable irruption dans la salle : ce que voyant, un épileptique donna le signal d'une nouvelle bagarre, en reprenant une chaise que le docteur Ameline venait de lui faire poser à terre. C'est alors qu'en voulant s'interposer entre les combattants, notre collègue fut grièvement blessé à la tête par un aliéné. Des agents des ateliers, de la culture, du jardin, etc., netendant le tapage vinrent s'offrir pour prêter main forte, et après une courte lutte dans laquelle aucun malade ne reçut de coups, ni de contusions, les principaux mutins furent maîtrisés et isolés. Du personnel des asiles de la Seine et de celui de Bourges, envoyé d'urgence, transféra le surlendemain à Bourges un certain nombre de malades qui s'étaient signalés soit par leur acharnement, ou par des regrets de n'avoir pu prendre part à la révolte. Depuis lors, à part quelques refus à plusieurs de traviller, et quelques menaces de recommencer, isolées et peu sérieuses, émanant des épileptiques, l'ordre n'a cessé de régner dans l'établissement. L'enseignement à tirer de l'évènement, c'est que, pour traiter et surveiller des malades difficiles, il faut, à défaut de moyens de contention, un personnel nombreux et très au courant; si les malades sont des débiles moraux, ils doivent être répartis en groupes très peu nombreux (pas plus de trente) et relativement éloignés les uns des autres. Une proportion même forte de délirants ne suffit point à endiguer plusieurs dizaines de mutins décidés à tout. Peut-être la création de services intermédiaires entre ceux de l'asile pour aliénés difficiles et la colonie pénitentiaire proprement dite serait-elle à envisager. Nous disons "service" et non "établissements", car, comme pour les colonies familiales, les asiles pour alcooliques, les fermes-asiles, etc., les services spécialisés doivent être, sinon enclavés, du moins annexés à un asile ordinaire pour aigus et subaigus. Ainsi, l'ensemble fournira tous les moyens de traitement dont un aliéné peut être justiciable. Un dernier mot au sujet de cette affaire : le docteur Ameline a été blessé grièvement en plein exercice du devoir professionnel et il porte au front une balafre significative qu'enviraient les étudiants duellistes d'Allemagne. Est-ce que l'administration de l'Assistance et de l'Hygiène publique de France qui dispose de médailles multiples ne serait pas bien inspirée de décerner l'une de ces distinctions honorifiques à l'aliéniste méritant et courageux qui a risqué sa vie pour rétablir le calme dans son service de Chezal-Benoit ? » |
A. Antheaume fut entendu : la
conduite du directeur médecin lui vaut la médaille de bronze de l'Assistance Publique.
L'infirmier Taillet, blessé également, aurait sans doute aussi mérité une récompense. Deux ans plus tard, ce ne sont plus les malades, mais les infirmiers qui se révoltent, plus pacifiquement toutefois. |
Commission
de surveillance des Asiles publics d'aliénés du département de la Seine. «
M. RAIGA, chef du service des aliénés. |
La
grève est brisée, soit, mais on aurait été
intéressé de savoir ce que demandaient les infirmiers au Préfet...
Remarquons aussi qu' en ce mois de mai 1912, 12 entrées ont tout de même pu être effectuées, ainsi qu'une sortie et un transfert. Ainsi, l'effectif des malades présents passe au 1er juin à 252 malades. |
Michel
Caire, 2010-2021 |