«La
Commission Administrative des hospices d'Angers
A Monsieur Joubert Bonnaire, Maire de la Ville d'Angers
Angers, le 26 août 1831
Monsieur le Maire,
Par votre lettre du 18 de ce mois, vous nous avez transmis la copie d'une
note qu'un inconnu, se disant voyageur, a déposée l'année
dernière dans les bureaux du ministère de l'Intérieur.
Cette note contient des observations fort justes sur l'insuffisance du
traitement que subissent les aliénés à notre hospice
civil, et sur l'exiguité du local destiné à les recevoir.
Mais elle ne nous a rien appris de nouveau, attendu que depuis plus de
20 années nous ne cessons d'adresser des observations semblables
soit à M. le Préfet, soit au conseil général
du département, pour que l'on mette enfin à exécution
le projet de créer un établissement spécial qui réunirait
toutes les conditions nécessaires pour traiter avec succès
les personnes atteintes d'aliénation mentale.
Nous regrettons que l'auteur de la note en question n'ait pas jugé
à propos de s'adresser d'abord directement à nous. Nous
nous serions empressés de lui fournir tous les renseignemens qu'il
aurait pu desirer, et ces renseignemens eussent été sans
doute suffisans pour lui démontrer qu'il ni (sic) a ni ignorance,
ni faux sistème de la part de ceux qui dirigent l'hospice civil,
mais seulement impossibilité absolue, en raison du local, de donner
une meilleure direction au traitement des aliénés et de
placer ces malheureux dans des loges plus convenables. Nous ne pouvons
mieux faire ici, Monsieur le Maire, que de transcrire la partie de notre
Compte Moral de l'année 1829, relative aux foux des deux sexes
reçus à notre hôpital.
Nous vous serions reconnaissant de remettre cet extrait sous les yeux
de l'Autorité supérieure qui, comme nous, sent la nécessité
de faire cesser un état de choses dont l'humanité ne peut
que gémir.
Extrait
du compte moral de l'année 1829
Le traitement des aliénés des deux sexes admis, chaque année,
à l'hospice civil, consiste, surtout dans le principe, dans des
évacuations sanguines, des bains assez ordinairement chaux (sic),
des douches froides ou chaudes et quelques médicamens qu'indiquent
les symptomes qui compliquent souvent les différentes espèces
d'aliénations mentales. D'ailleurs, ils sont traités avec
toute la douceur que leur état peut permettre, et on ne saurait
trop se louer des soins empressés que leur prodiguent les Soeurs
hospitalières auxquelles est confié cet emploi qui n'est
pas sans danger.
Mais l'administration doit en convenir, il s'en faut que ce traitement
médical et cette louable sollicitude soient suffisant pour rappeler
à la raison les malheureus qui en sont privés. Il faudrait
pouvoir joindre à ce que prescrit la médecine, et a des
soins tous matériels, le traitement moral qui a été
conseillé et employé avec tant de succès par divers
médecins célèbres des hôpitaux de Paris, notamment
par M. Pinel et M. Esquirol, traitement impraticable à l'hôpital
civil où manque l'essentiel, le local.
Les loges, salle de bains et chambres consacrées aux foux et folles,
par elles-mêmes peu convenables à leur destination, sont
rapprochées les unes des autres, donnent toutes sur une petite
cour froide et humide, et n'ont ni préau, ni jardin ou puissent
se promener les malades.
Il résulte de cette position, qu'on n'a pu rendre meilleure à
défaut d'emplacement lorsqu'on a ouvert à cet hôpital
un asile aux infortunés dont il s'agit, que les malades se nuisent
réciproquement, que les plus furieux troublent à chaque
instant par leurs cris le repos de ceux auxquels on est parvenu à
rendre quelque tranquilité, et qu'enfin ces derniers qui pendant
l'intervalle où ils sont lieux, n'ont d'autre espace pour respirer
l'air pur qui leur est nécessaire, que la grande cour commune à
tous les convalescens de la Maison, sont en bute, malgré la plus
active surveillance, aux plaisanteries des autres malades qui s'amusent
à les faire causer, rient de leurs idées et finissent par
exalter leur imagination au point souvent d'occasionner une rechute et
de redonner à leur maladie toute la force qu'elle avait au moment
de leur entrée à l'hôpital.
Aussi malgré l'habileté incontestable des médecins
en chef des hospices, l'administration a-t-elle la douleur de voir qu'on
n'obtient que très peu de guérisons véritables, et
que la plupart des aliénés admis chaque année à
l'hôpital civil, sont destinés à aller grossir, comme
incurables, le nombre des malheureux de leur classe, qui peuplent les
autres maisons hospitalières où elle ne se dissimule pas,
ainsi qu'elle a eu occasion de le signaler dans ses comptes précédens,
que leur sort n'est point meilleur sous le rapport du local, puisque partout
cette ressource précieuse ne répond nullement à ce
qu'exigerait cette triste infirmité.
Puissent ces considérations, connues de l'autorité supérieure,
qui n'est pas sans en gémir, hâter l'ouverture de l'établissement
spécial projeté pour les aliénés du département.
&c.
Nous
avons l'honneur d'être avec une respectueuse considération,
Monsieur le Maire, Vos très humbles et très obéissans
serviteurs
(Signé:) Appert, Brichet, Bourcier et Dainville»
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