SAINT-PONS (Alpes Maritimes)

L'asile privé de Nice, dont le surnom d'asile de Saint-Pons vient du nom de l'abbaye proche, a été construit sous le Second Empire, après l'annexion du Comté de Nice à la France.

Il a reçu ses premiers malades à la fin de l'année 1867.

L'établissement appartient à la Congrégation des Religieuses Sainte-Marie de l'Assomption, un ordre consacré exclusivement aux soins aux malades mentaux et fondé en 1825 par l'abbé Chiron.

Ce Centre Hospitalier Spécialisé aujourd'hui situé à Nice, avenue Joseph Raybaud, dépend de l'Association Hospitalière Sainte-Marie, comme quatre autres établissements psychiatriques : Privas (Ardèche), Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), Le Puy-en-Velay (Haute-Loire), et Olemps, près de Rodez (Aveyron).

Dans la nuit du 4 au 5 avril 1875, l'asile connut un terrible drame : vers deux heures du matin, le feu prit dans la cuisine de l'asile.

Les flammes gagnèrent immédiatement le grand escalier, rendu bientôt inaccessible, et la plupart des sauvetages ne purent s'effectuer que par les fenêtres.

Du fait de l'éloignement - Saint-Pons est situé à trois kilomètres de Nice - les pompiers niçois ne purent être sur place que vers quatre heures du matin.

Tous les efforts pour arrêter le sinistre furent inutiles, d'autant que, par suite d'une forte sécheresse en ce printemps 1875, l'eau manquait dans le Paillon.


Incendie de l'asile de Nice

Du vaste établissement de Saint-Pons il ne reste que les quatre murs. Le principal corps du bâtiment est détruit des caves au faîte.

C'est vers trois heures du matin, pense-t-on, que le feu s'est déclaré dans une des dépendances de la cuisine, située au rez-de-chaussée de l'hospice, sous le quartier des hommes; mais ce n'est que vers quatre heures seulement que l'alarme a été donnée par un aliéné.

On crut d'abors à un accès de folie de sa part; il fallut bientôt se rendre à l'évidence; des langues de feu pénétraient à travers tous les interstices et la fumée était tellement épaisse qu'il était impossible de respirer.

On put néanmoins détacher les fous furieux et mettre en liberté les autres. Ce premier sauve-qui-peut causa un tumulte effroyable : cris de terreur, vociférations, éclats de rire, plaintes, gémissements se confondaient au milieu d'une course désordonnée de gens presque nus et dont la plupart cherchaient inutilement une issue. Le grand escalier, situé au centre du bâtiment, était envahi par les flammes!

On parvint à faire évacuer les malades par un petit escalier de service en bois. Quelques instants après, cet escalier, rongé par les flammes s'écroulait avec plusieurs planchers du premier étage, entraîant avec eux les lits et les autres meubles, qui venaient donner un nouvel aliment à l'incendie. Pendant ce temps un certain nombre de fous s'enfuyaient dans la campagne.

Un pauvre aliéné, affirme-t-on, homme jadis doué de hautes capacités, n'avait pas voulu suivre les autres malades; il s'était cramponné intérieurement à la grille d'une fenêtre du second étage. Il fallait le sauver! on applique une échelle le long du mur, trois pompiers s'élancent : on descelle une partie de la grille et l'on fait passer une crode, en l'engageant à s'y accrocher. Peine inutile! Il était comme soudé aux barreaux de fer et se contenatit de gémir sans paraître avoir conscience de sa dangereuse situation. L'arracher de là, impossible! d'ailleurs, les flammes s'élevaient par les fenêtres de l'étage inférieur et commençaient à brûler le sommet de l'échelle sur laquelle se tenaient les trois pompiers. Afin d'éviter un plus grave malheur, on se vit obliger de leur donner l'ordre de descendre.
Le malheureux insensé, toujours gémissant, toujours cramponné, commençait à être enveloppé par le feu qui avait dévoré une partie du plancher. Tout à coup, un craquement horrible se fait entendre; à ce craquement répond un cri d'horreur et d'épouvante, poussé par tous les assistants de ce drame sinistre. C'est le reste du plancher qui vient de s'effondrer, entraînant avec lui l'infortuné malade déjà à demi consumé.

On a la mort de deux autres malades à déplorer, celle d'un homme et celle d'une femme, qui ont été brûlés dans leur lit.

Les secours envoyés à la hâte de Nice sont arrivés un peu tard et, de plus, l'eau manquait, si bien que malgré leur zèle les pompiers n'ont pu rien sauvé de l'établissement. L'un d'eux a été blessé au genou, un autre a eu la main droite cruellement mordue par un fou qu'il voulait arracher au feu.

Journal de Nice, 5 avril 1875


Michel Caire, 2008-2010
© Les textes & images publiés sur ce site sont librement téléchargeables pour une consultation à usage privé.
Toute autre utilisation nécessite l'autorisation de l'auteur.