La note de Michelou, transmis à tous les médecins-chefs de l'hôpital, a été publiée dans la revue Tankonala Santé en avril 1973, sous le titre L'opinion d'un directeur d'asile.
Présenté ironiquement comme un chef-d'œuvre, le texte serait, selon le rédacteur du journal, « resté prisonnier des murs de l'Asile. Aucune diffusion, même à l'intérieur des services : aucune réaction, bien entendu. ». Et l'auteur poursuit, non sans quelque exagération : « les médecins concernés sont ouvertement traités d'incapables et d'inconscients, on ne leur demande que de se renier, de se reconvertir en gardes-chiourmes de première classe. Devant une telle "demande", on peut admirer la sérénité et le silence de ces médecins-chefs. »
« Etant donné le ton "amusant" du texte et la personnalité localement bien connue du directeur, on a peut-être pensé qu'il ne fallait pas prendre tout cela au sérieux... Et pourtant, maintenant, un mur d'enceinte se construit autour de l'hôpital (avec tessons de bouteilles s.v.p.) pour protéger nos petits pensionnaires et nos chères familles. Une garnde manœuvre "Portes fermées" est bien engagée (nombre de avillons ne le sont guère qu'avec la clé de l'infirmière). Tout cla n'est évidemment que coïncidence... »
Ce qui, au fond, laisserait à penser que les médecins-chefs de l'établissement ont accepté de se renier, de se reconvertir en gardes-chiourmes ? Qui sont-ils donc ?
En voici la liste en 1972, dans l'ordre des 17 sections :
Roger Flambard à la « 1ère section », Henri Cénac-Thaly à la « 3ème », Pierre Delteil à la « 4ème », Michel Schweich à la « 5ème », Jacques Postel à la « 7ème », Hélène Chaigneau à la « 8ème », Étienne Trillat à la « 9ème », Hubert Mignot à la « 10 ème », Denise Saucet à la « 11ème », Maurice Parienté à la « 12ème », Victor Bertrand à la « 13ème », Pierre Schmidt à la « 14ème » et Pierre Noël à la « 15ème ».
[deux des 15 services de psychiatrie générale sont alors dirigés par des intérimaires, et les médecins-chefs des deux services de psychiatrie infantile ne prendront leurs fonctions que le 1er septembre 1972 pour Yves Racine, en juillet 1973 pour René Bérouti].
Est-il nécessaire de dire qu'ils étaient loin de la caricature qui est faite dans la revue précitée, ce dont nous pouvons témoigner, en ayant connu personnellement la plupart ?
Quelques mois après la note de notre directeur la C.M.C., dans sa séance du 18 septembre 1972, se saisit du projet de « Construction d'une enceinte autour de l'hôpital », et M. Michelou fait part de ses réflexions aux membres du Corps Médical, qui conduira à prendre quelques mesures protectrices pour les personnes hospitalisées.
Ce qui naturellement n'a pas règlé tous les problèmes : sous le titre de « La 18ème section », le docteur Victor Bertrand relève dans son Rapport d'activité pour 1974 :
« Il existe aussi dans l'ensemble de Maison-Blanche des problèmes d'ordre général. Si celui-ci comprend 17 sections, on peut dire qu'il en existe une 18ème, celle de tous les extérieurs échappant dans une large mesure à notre contrôle, où l'alcoolisme, la mendicité, le vol, la violence, la prostitution, risquent de se développer. Il ne faudrait pas certes pousser le tableau trop au noir, sans pour autant scotomiser cette situation qui appelle une attention soutenue et une collaboration confiante entre la Direction, chargée en principe de la police intérieure, et les médecins. Une société sans lois serait aussi dégradante pour nos malades que l'ancien univers asilaire carcéral. »
Ni incapable ou inconscient, ni garde-chiourme réactionnaire, ni irresponsable, ni même soumis à l'autorité supérieure donc.
|