Honneur aux soldats musulmans blessés
Commission de Surveillance des asiles publics d'aliénés du département de la Seine. Séance du 9 janvier 1917, pp.5-6
« Communication d'une lettre de M. Piat, consul général, relative à l'hospitalisation de blessés musulmans à l'asile de Moisselles.
M. LE PRÉSIDENT expose que, n'ayant pu se rendre à l'invitation qui lui avait été faite pour assister à la fête donnée aux malades de Moisselles, il avait adressé au Président de cette organisation une lettre d'excuses, à laquelle il fut répondu par la lettre suivante :
Paris, le 28 décembre 1916. MONSIEUR LE DIRECTEUR,
J'ai bien vivement regretté que vous n'ayez pu honorer de votre présence la matinée donnée le 20 de ce mois aux blessés musulmans en traitement à Moisselles.
Cette fête qui, par son caractère intime, a touché nos Africains, a parfaitement réussi.
Quand plus tard ces vaillants soldats rentreront dans leur lointaine patrie, ils emporteront précieusement dans leur cœur le souvenir ineffaçable de la sollicitude dont ils ont été entourés à l'asile de Moisselles où règne la plus grande concorde entre les fonctionnaires de la Préfecture de la Seine et le personnel du Service de santé et où chacun s'efforce de remplir la tâche qui lui est dévolue avec un zèle au-dessus de tout éloge.
C'est grâce au tact délicat, au dévouement inlassable, à la science éclairée des médecins et chirurgiens ainsi qu'à l'excellente administration des fonctionnaires qui assurent constamment le bon fonctionnement de cet hôpital que nos Africains apprennent chaque jour davantage à connaître la générosité de notre race et à chérir la France, « leur mère », du doux nom qu'ils donnent à notre pays.
Aussi est-ce pour moi un agréable devoir de profiter de l'occasion qui m'est offerte de rendre hommage au zèle admirable que tous, civils et militaires, apportent à Moisselles dans l'accomplissement de leur tâche. Et ne vous priant d'agréer l'expression de la profonde gratitude que nos tirailleurs ressentent à l'égard de l'Administration de la Préfecture de la Seine pour les soins qui leur sont prodigués avec tant de sollicitude, je ne suis que le fidèle interprète des sentiments qu'ils éprouvent.
Veuillez agréer, Monsieur le Directeur, l'assurance de mes sentiments distingués.
ÉMILE PIAT, Consul général, Secrétaire-Interprète.
M. CLAIR est heureux de transmettre à l'Administration préfectorale, à laquelle ils reviennent, ces éloges et ces remerciements. »

Le loyalisme des soldats mahométans
« Au cours d'une visite faite par le gouverneur général de l'Algérie à l'hôpital militaire de Moisselles, spécialement affecté aux soldats mahométans de l'Afrique du nord, à laquelle assistait M. Horace Stainton, agent de la Croix-Rouge américaine en France, les Algériens, Tunisiens et Marocains ont exprimé dans des termes émouvants leurs sentiments d'attachement à la France.
Au discours, qu'au moment de son départ, leur a adressé M. Lutaud pour les féliciter de leur vaillance et leur expliquer la beauté et la grandeur du geste de la grande République américaine qui a voulu que ses soldats combattent aux côtés des nôtres pour la cause du droit, de la civilisation et de l'humanité, les blessés mahométans, dans un enthousiasme indescriptible, ont répondu par les cris répétés de
« Vive la France ! Vivent les Etats-Unis ! »
[Le Temps, 7 octobre 1917]
En 1917, l'asile continue d'hospitaliser des militaires malades ou blessés des troupes d'Afrique :
« Au point de vue médical, sur un effectif de 492 malades traités en 1917, on n'a eu à déplorer qu'un décès, et le service de physiothérapie a compté à lui seul 92 malades entièrement récupérés et 97 récupérables, qui ont été mis en congé de convalescence.
Au point de vue moral, par le jardinage et les séances de cinématographe on a pu préserver beaucoup de ces braves gens de l'alcoolisme, ce fruit funeste de la civilisation. Les rapports du médecin-major Galbruner et du médecin auxiliaire Gendron, tout pénétrés d'un patriotisme avisé et d'une pitié fraternelle pour les blessés et les malades de nos troupes d'Afrique, sont d'une lecture très attachante.
Je ne sortirai pas du cadre de ce travail en citant la fin du rapport du médecin-major Galbruner, qui concerne le personnel hospitalier : « Je tiens à signaler que, malgré la difficulté des approvisionnements, jamais les malades n'ont manqué de lait ni d'œufs. Les infirmières ont été particulièrement dévouées. Aussi nous constatons avec plaisir que, malgré la gravité de certains cas : tétanos, pneumonie, broncho-pneumonie, accès pernicieux, nous n'avons jamais eu un seul décès à enregistrer à l'Infirmerie. »
M. Collier [Auguste Eugène], chargé du service administratif comme l'année précédente, a assuré le service normal avec beaucoup de dévouement au milieu de nombreuses difficultés. » [Procès-Verbaux de la séance du 22 octobre 1918, p.131]
Pendant cette période, 42 soldats sont morts à l'hôpital de Moisselles -de maladie ou des suites de leurs blessures- dont 29 furent inhumés dans le "Carré militaire" du cimetière communal. En leur mémoire et en reconnaissance de ces Morts pour la France, une stèle a été érigée le 11 novembre 1988 par la mairie et l’association des anciens combattants. Un relevé généalogique datant de 2005 relevait la présence de huit sépultures de musulmans dans ce carré militaire [memorial-genweb.org].


Remise de décorations à des Tirailleurs, par le général Alfred Dubois [1852-1924], commandant du 9e Corps puis en mars 1915 de la VIe Armée. Le général Dubois est l’auteur de Deux ans de commandement sur le Front de France 1914-1916.
Cérémonie de remise de décorations aux soldats musulmans, présidée par Justin Godart [1871-1956], avocat, homme politique, député, vice-président de la Chambre des députés en 1914, alors sous-secrétaire d’État à la Guerre et responsable du service de Santé militaire de 1915 à 1918. Godart est à l'origine de la création au fort de Salins-les-Bains (Jura) du centre neurologique dirigé par Gustave Roussy.

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