L'asile de Moisselles

L'asile de Moisselles a ouvert en 1905. Rebaptisé en 1942 hôpital psychiatrique de Moisselles, il fut ensuite nommé « Centre hospitalier Roger Prévot ».
L'établissement a depuis une cinquantaine d'années en charge les secteurs psychiatriques de plusieurs communes du département des Hauts-de-Seine : Villeneuve-la-Garenne et Gennevilliers, Bois-Colombes et La Garenne-Colombes, Courbevoie,Asnières, Clichy et Levallois-Perret.
Le projet d"établissement prévoit la délocalisation en 2027 des unités d'hospitalisations à Nanterre, sur le site du Centre d'accueil et de soins hospitaliers [CASH] - Hôpital Max Fourestier connu jusqu'en 1989 sous le nom de Maison de Nanterre.


Les premières démarches pour le choix de l'emplacement du sixième asile d'aliénés du département de la Seine avaient débuté en 1880. La direction administrative de l'établissement sera confiée jusqu'en 1974 au médecin en chef, ou médecin chef de service en charge des soins médicaux aux personnes hospitalisées. C'est là l'une des particularités de Moisselles par rapport aux autres établissements de la Seine, qui -hormis les premières années à Ville-Evrard et à Vaucluse- sont dirigés par un directeur administratif.
Ajoutons qu'à Moisselles comme dans les cinq autres asiles -puis hôpitaux psychiatrqiues- du département de la Seine, les médecins chefs sont nommés après avoir réussi -à partir de sa création en 1908- le concours du médicat de la Seine (le dernier concours du « cadre spécial » a lieu en 1969).


A l'approche de son ouverture, Salomon Lwoff [1850-1939] fut nommé directeur médecin en chef de l'asile, par arrêté du 6 août 1904. Cependant, peut-être du fait du retard pris dans les derniers aménagements, Lwoff ne prit pas le poste : le premier directeur médecin en chef de Moisselles fut le docteur Marc Trénel [1866-1932], qui accueillit les douze premiers malades le 1er mai 1905.

A partir de 1907, les directeurs médecins en chef de Moisselles, appelés plus tard « médecins directeurs » sont :
- en 1907 et 1908 : Achille Leroy [1869-1941]

- de 1908 à 1912 : Victor-Paul Truelle [1871-1939]

- de 1912 à 1919 : Paul Juquelier [1876-1921], suppléé pendant sa mobilisation par Joseph Bonnet [1864-1931]

- en 1919 et 1920 : Georges Génil-Perrin [1882-1964], médecin adjoint faisant fonction de directeur médecin

- en 1920 : Maurice Mignard [1881-1926]

- de 1921 à 1925 : Georges Naudascher [1880-1964]

- en 1926 et 1927 : Constance Pascal [1877-1937], première femme médecin directeur d'un établissement hospitalier psychiatrique en France

- de 1927 à 1929 : Xavier Abély [1890-1965]

- de 1929 à 1936 : Noël Sengès [1883-1953]

- de 1936 à 1938 : Jacques Vié [1900-1945]

- en 1938 et 1939 : Pierre Menuau [1893-1985]

- de 1939 à 1941 : Marcel Montassut [1897-1975]

- de 1942 à 1963 : Pierre Menuau [1893-1985]

- de 1963 à 1980 : Jean Ayme [1924-2011], qui à partir de 1974 n'est plus que médecin chef de service : dans les suites de la réforme du statut des médecins hospitaliers temps plein (décret du 11 mars 1970), le cadre des médecins des hôpitaux psychiatriques laisse place au corps des psychiatres des hôpitaux (fin du statut de fonctionnaires), et les médecins directeurs disparaissent. En mars 1974, les douze derniers médecins directeurs sont informés qu'il est mis fin à leurs fonctions : Yves Racine [1928-1983] à Saint-Alban, Ginette Amado [1926-2015] à La-Queue-en-Brie, Fleury-lès-Aubrais, Étampes, Charcot à Plaisir, etc.

haut de chapître



Moisselles et la Grande Guerre

Fin août pour Moisselles, début septembre pour les asiles de Maison-Blanche et de Ville-Evrard et pour l'asile de Vaucluse, il est décidé de la mise à l'abri des malades internés et de leur transfèrement dans des zones moins exposées par l'avancée ennemie.

L’évacuation générale de l'asile de Moisselles a lieu le 31 août 1914 sous la direction du docteur Paul Juquelier : 346 malades partent à pied jusqu'à la gare de Domont distante de l’asile d’environ 3 kms, en voiture pour les impotentes et celles qui avaient besoin d'une grande surveillance, et de Domont à la gare du Nord à Paris par train spécial, puis dans des tramways spéciaux à l'hospice Paul Brousse de Villejuif.

Le 6 septembre, le transfert en province s’effectue par convois à destination de Fleury-les-Aubrais (75 malades), La Charité (75 malades), Bourges (75 malades), puis le 7 septembre à destination de Sainte-Gemmes (39 malades) et La Roche-sur-Yon (50 malades), enfin le 9 septembre 30 malades à l'asile de Villejuif tout proche.


coll. M. CaireLe 6 janvier 1915, l'asile est réquisitionné par l'autorité militaire pour son service de santé. A partir du 19 mars, l'hôpital militaire de Moisselles entre en fonction, et sera réservé aux blessés et malades appartenant « aux troupes musulmanes » (Procès-Verbaux de la Commission de Surveillance, 8 novembre 1916, p.220), autrement-dit « aux troupes d'Afrique » (Procès-Verbaux de la Commission de Surveillance, 22 octobre 1917, p.169).

L'établissement s'équipe d'une salle d'électrothérapie et une salle de mécanothérapie, pour la rééducation.

L'hôpital, appelé alors « Hôpital Militaire complémentaire V.L. » ou « Hôpital VL 37 (Moisselles (S.-&-O.) », ne sera remis à la disposition du département pour être rendu à sa destination que le 27 novembre 1919.

haut de chapître

Honneur aux soldats musulmans blessés


Commission de Surveillance des asiles publics d'aliénés du département de la Seine. Séance du 9 janvier 1917, pp.5-6

« Communication d'une lettre de M. Piat, consul général, relative à l'hospitalisation de blessés musulmans à l'asile de Moisselles.

M. LE PRÉSIDENT expose que, n'ayant pu se rendre à l'invitation qui lui avait été faite pour assister à la fête donnée aux malades de Moisselles, il avait adressé au Président de cette organisation une lettre d'excuses, à laquelle il fut répondu par la lettre suivante :

Paris, le 28 décembre 1916. MONSIEUR LE DIRECTEUR,
J'ai bien vivement regretté que vous n'ayez pu honorer de votre présence la matinée donnée le 20 de ce mois aux blessés musulmans en traitement à Moisselles.

Cette fête qui, par son caractère intime, a touché nos Africains, a parfaitement réussi.

Quand plus tard ces vaillants soldats rentreront dans leur lointaine patrie, ils emporteront précieusement dans leur cœur le souvenir ineffaçable de la sollicitude dont ils ont été entourés à l'asile de Moisselles où règne la plus grande concorde entre les fonctionnaires de la Préfecture de la Seine et le personnel du Service de santé et où chacun s'efforce de remplir la tâche qui lui est dévolue avec un zèle au-dessus de tout éloge.

C'est grâce au tact délicat, au dévouement inlassable, à la science éclairée des médecins et chirurgiens ainsi qu'à l'excellente administration des fonctionnaires qui assurent constamment le bon fonctionnement de cet hôpital que nos Africains apprennent chaque jour davantage à connaître la générosité de notre race et à chérir la France, « leur mère », du doux nom qu'ils donnent à notre pays.

Aussi est-ce pour moi un agréable devoir de profiter de l'occasion qui m'est offerte de rendre hommage au zèle admirable que tous, civils et militaires, apportent à Moisselles dans l'accomplissement de leur tâche. Et ne vous priant d'agréer l'expression de la profonde gratitude que nos tirailleurs ressentent à l'égard de l'Administration de la Préfecture de la Seine pour les soins qui leur sont prodigués avec tant de sollicitude, je ne suis que le fidèle interprète des sentiments qu'ils éprouvent.

Veuillez agréer, Monsieur le Directeur, l'assurance de mes sentiments distingués.

ÉMILE PIAT, Consul général, Secrétaire-Interprète.
M. CLAIR est heureux de transmettre à l'Administration préfectorale, à laquelle ils reviennent, ces éloges et ces remerciements. »

haut de chapître

Le loyalisme des soldats mahométans

« Au cours d'une visite faite par le gouverneur général de l'Algérie à l'hôpital militaire de Moisselles, spécialement affecté aux soldats mahométans de l'Afrique du nord, à laquelle assistait M. Horace Stainton, agent de la Croix-Rouge américaine en France, les Algériens, Tunisiens et Marocains ont exprimé dans des termes émouvants leurs sentiments d'attachement à la France.
Au discours, qu'au moment de son départ, leur a adressé M. Lutaud pour les féliciter de leur vaillance et leur expliquer la beauté et la grandeur du geste de la grande République américaine qui a voulu que ses soldats combattent aux côtés des nôtres pour la cause du droit, de la civilisation et de l'humanité, les blessés mahométans, dans un enthousiasme indescriptible, ont répondu par les cris répétés de « Vive la France ! Vivent les Etats-Unis ! » [Le Temps, 7 octobre 1917]


En 1917, l'asile continue d'hospitaliser des militaires malades ou blessés des troupes d'Afrique :
« Au point de vue médical, sur un effectif de 492 malades traités en 1917, on n'a eu à déplorer qu'un décès, et le service de physiothérapie a compté à lui seul 92 malades entièrement récupérés et 97 récupérables, qui ont été mis en congé de convalescence.
Au point de vue moral, par le jardinage et les séances de cinématographe on a pu préserver beaucoup de ces braves gens de l'alcoolisme, ce fruit funeste de la civilisation. Les rapports du médecin-major Galbruner et du médecin auxiliaire Gendron, tout pénétrés d'un patriotisme avisé et d'une pitié fraternelle pour les blessés et les malades de nos troupes d'Afrique, sont d'une lecture très attachante.
Je ne sortirai pas du cadre de ce travail en citant la fin du rapport du médecin-major Galbruner, qui concerne le personnel hospitalier : « Je tiens à signaler que, malgré la difficulté des approvisionnements, jamais les malades n'ont manqué de lait ni d'œufs. Les infirmières ont été particulièrement dévouées. Aussi nous constatons avec plaisir que, malgré la gravité de certains cas : tétanos, pneumonie, broncho-pneumonie, accès pernicieux, nous n'avons jamais eu un seul décès à enregistrer à l'Infirmerie. »
M. Collier [Auguste Eugène], chargé du service administratif comme l'année précédente, a assuré le service normal avec beaucoup de dévouement au milieu de nombreuses difficultés. » [Procès-Verbaux de la séance du 22 octobre 1918, p.131]


Pendant cette période, 42 soldats sont morts à l'hôpital de Moisselles -de maladie ou des suites de leurs blessures- dont 29 furent inhumés dans le "Carré militaire" du cimetière communal. En leur mémoire et en reconnaissance de ces Morts pour la France, une stèle a été érigée le 11 novembre 1988 par la mairie et l’association des anciens combattants. Un relevé généalogique datant de 2005 relevait la présence de huit sépultures de musulmans dans ce carré militaire [memorial-genweb.org].

haut de chapître






Remise de décorations à des Tirailleurs, par le général Alfred Dubois [1852-1924], commandant du 9e Corps puis en mars 1915 de la VIe Armée. Le général Dubois est l’auteur de Deux ans de commandement sur le Front de France 1914-1916.








Cérémonie de remise de décorations aux soldats musulmans, présidée par Justin Godart [1871-1956], avocat, homme politique, député, vice-président de la Chambre des députés en 1914, alors sous-secrétaire d’État à la Guerre et responsable du service de Santé militaire de 1915 à 1918. Godart est à l'origine de la création au fort de Salins-les-Bains (Jura) du centre neurologique dirigé par Gustave Roussy.

haut de chapître


Michel Caire, 2024
© Les textes & images publiés sur ce site sont librement téléchargeables pour une consultation à usage privé.
Toute autre utilisation nécessite l'autorisation de l'auteur.