1902
Congrès des médecins aliénistes et neurologistes de France et des pays de langue française
«L'asile
de Saint-Robert est situé dans la riche vallée du Graisivaudan,
à six kilomètres de Grenoble. L'origine d'une partie de
ses bâtiments remonte à une date fort ancienne. Ce fut vers
la fin du XIe siècle que deux princes de la famille des Dauphins
fondèrent un monastère à Saint-Robert et y appelèrent
des moines de l'ordre de Saint-Benoît.
En 1691, Louis XIV fit élever, dans l'enclos de ce monastère,
un vaste bâtiment destiné à servir d'hôpital
et où devaient être soignés les soldats de l'armée
d'Italie. Après la paix de Ryswick, ce bâtiment fut abandonné
aux religieux. Pendant la Révolution, il fut vendu avec le monastère
et le clos comme propriété nationale.
Le département en devint propriétaire en 1812. Successivement
dépôt de mendicité, maison de correction, maison de
refuge pour les aliénés en état de fureur, les filles-mères
parvenues au terme de leur grossesse, les indigents des deux sexes atteints
de maladies vénériennes et cutanées reconnues susceptibles
de guérison, et école d'accouchement, l'établissement
de Saint-Robert ne se modifia que lorsque la loi du 30 juin 1838 prescrivit
un nouveau régime pour les aliénés.
Le Conseil général décida, en 1845, que le dépôt
de Saint-Robert serait affecté exclusivement au traitement des
aliénés et approuva, en 1851, les plans et devis du nouvel
asile, uvre de M. le docteur Evrat, directeur. Il divisa l'asile
en trois parties : celle de droite réservée au service des
femmes ; celle de gauche au service des hommes ; les
services généraux au centre.
Les pavillons, séparés les uns des autres, forment, pour
ainsi dire, de petits asiles, ce qui facilite la distinction et le classement
méthodique des différentes catégories et formes d'aliénation
mentale, l'éloignement de celles dot le voisinage pourrait être
nuisible à l'une ou à l'autre. Barreaux aux fenêtres,
hautes murailles autour des préaux, tout ce qui rappelle la séquestration
a été supprimé. La vue a été rendue
aussi riante et étendue que possible. Des massifs d'arbres et de
fleurs, la vue du magnifique panorama de nos montagnes, tout concourt
à donner aux malades l'illusion de la liberté. Chaque pavillon
a deux expositions et de nombreuses ouvertures pour donner à profusion
de l'air et de la lumière. La propreté fait l'admiration
de tous les visiteurs.
L'asile comprend seize pavillons pour les indigents, un pensionnat pour
les hommes, un autre pour les femmes et une colonie agricole de quarante
hectares. Deux nouveaux quartiers d'agités sont en voie de construction.
Toujours à l'avant-garde du progrès, le Conseil général
a fait construire, depuis longtemps, un asile pour les vieillards. L'année
dernière, il a voté la création d'un asile pour les
incurables qui ne peuvent être admis à l'hôpital, parce
qu'ils sont incurables, à l'asile des vieillards parce qu'ils n'ont
pas cinquante ans ou sont impotents et gâteux, à l'asile
d'aliénés, parce qu'ils ne sont pas fous. Les bâtiments
nécessaires à ce nouveau service seront construits sur le
terrain de la ferme.
A midi, un banquet était offert aux visiteurs dans les superbes
allées de marronniers du parc de l'asile.
Au dessert, M. le Préfet de l'Isère prend le premier la
parole. Il excuse M. l'inspecteur-général Ogier, qui n'a
pu répondre à l'invitation qui lui avait été
adressée.
M. Antonin Dubost, président du conseil général et
délégué du ministre de l'intérieur souhaite
la bienvenue aux congressistes et les remercie d'avoir honoré Grenoble
et l'asile départemental de leur visite. Il énumère
les sacrifices que s'impose le Conseil général pour assurer
le fonctionnement des services administratifs et des services médicaux
de l'asile et annonce la prochaine ouverture des nouveaux pavillons, ce
qui permettra, d'une part, de recevoir un plus grand nombre de malades,
d'autre part de dégager les locaux actuellement encombrés.
«Nous sommes convaincus, Messieurs, dit-il, que votre voyage dans
ce pays se traduira par de nouvelles améliorations dont bénéficiera
l'assistance publique.»
Il termine son allocution en portant un toast aux congressistes, à
M. Régis, président et aux dames du Congrès.
M. Régis, remercie M. le Préfet et le Conseil général
de leur bienveillant accueil. Il a trouvé dans l'asile une direction
et une administration parfaites et il est heureux de rendre hommage au
dévouement autant qu'à la compétence de MM. Gex et
Bonnet. Ce dernier, ajoute-t-il, s'est inspiré du souvenir de M.
le Dr Evrat, dont il applique la méthode. Il est heureux de retrouver
ici son ancien maître, M. le Dr Mottet. Il lève son verre
à M. le Préfet, à M. Dubost, à M. Bonnet,
à M. Gex, à M. le Dr Mottet.
M. Gex dit que c'est un honneur et une fête pour l'asile de recevoir
d'aussi éminents visiteurs : il remercie les invités et
les dames, dont la présence double le charme de cette fête.
Les félicitations qui lui ont été adressées,
il les reporte sur ses collaborateurs dont le zèle ne se dément
pas un instant et qui contribuent à lui rendre sa tâche facile.
Il a un mot aimable pour la presse locale et pour tous ceux qui ont donné
à l'établissement de Saint-Robert le précieux témoignage
de leurs sympathies.
Au nom de la Société Médico-psychologique de Paris,
M. Mottet, dont la verte vieillesse a affronté les fatigues d'un
long et pénible voyage, est heureux de retrouver quelques-uns de
ses plus laborieux élèves. Il lève son verre aux
progrès de la science médicale et au développement
de l'assistance.
M. Dupré porte ensuite, en vers, le toast suivant :
Vous
m'avez demandé des vers
Comme si j'étais un poète.
Depuis, j'ai la tête à l'envers.
Le cur triste et l'âme inquiète.
Vous m'avez dit : «Je suis jaloux,
Que m'importent tous ces éloges ?
Ces toasts, je les donnerai tous
Pour un sourire de Limoges !»
Régis, s'il faut que nos repas
Soient couronnés par un poème,
Aujourd'hui, ne l'oubliez pas,
Le vrai poète, c'est vous-même.
Grâce à vous, échanson divin,
Nous avons eu mieux qu'un poète :
Le poème de votre vin
S'est répandu sur notre tête !
A travers les ors transparents
Et les rubis de vos bouteilles,
Des onirismes délirants
Nous avons connu les merveilles !
Le vin qu'on doit boire à genoux,
Vous le savez mieux que personne,
N'évoquait-il pas devant nous
L'âme exquise du vieil Ausone !
A Regis, un ban solennel !
A l'amphitryon de la fête !
Les petits-fils du grand Pinel
saluent leur président-poète !
M.
Bonnet, secrétaire général du Congrès, remercie
les savants du monde médical d'avoir répondu à son
appel ; il exprime toute sa gratitude au Conseil général
et à son éminent président, M. Dubost, et porte un
toast en l'honneur de M. Vallon, son ancien maître.
M. Giraud rappelle qu'au congrès qui se tint à Lyon, il
y a onze ans, les congressistes avaient fait une première visite
à l'asile de Saint-Robert. Il est heureux de constater les améliorations
apportées pendant cette période et les progrès réalisés.»
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