Hippolyte-Tranquille Vallée et sa fondation

[Bourneville. Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie. Compte-Rendu du service des enfants idiots, épileptiques et arriérés de Bicêtre pendant l’année 1890. Paris, Le Progrès médical, 1891 ; Section II]


Fondation Vallée

« M. Vallée, ancien instituteur des enfants de l’hospice de Bicêtre, a légué au département de la Seine la propriété où il avait créé et fait prospérer une institution importante pour les enfants appartenant aux familles riches, à la condition d’y installer des enfants pauvres.

« En qualité de membre de la Commission de surveillance des asiles d’aliénés de la Seine, nous avons été chargé d’examiner les projets élaborés par l’Administration pour la transformation de l’ancienne institution et son appropriation à l’usage fixé par le légataire. Les rapports dont nous avons été chargé fournissent sur ce nouvel établissement départemental des renseignements complets sur son histoire et son organisation, nous nous bornons à leur reproduction, en la faisant suivre : 1° du Compte-rendu du premier exercice (mars-décembre 1890) ; et 2° de quelques indications sommaires sur sa situation à ce jour.

« Messieurs, L'Administration nous a transmis un avant-projet d'appropriation de l’immeuble Vallée, à Gentilly, dressé par M. l’Architecte en chef du département, d’après une note-programme que nous reproduisons plus loin.

Avant d'examiner cet avant-projet, nous croyons devoir donner quelques renseignements sur le donateur, et sur les incidents qui ont surgi à l’occasion de son legs.

I. M. Vallée (Hippolyte-Tranquille) est né le 23 mars 1816 à Cherbourg où son père était gendarme. Il fréquenta l'école primaire jusqu'à l’âge de treize ans. Il compléta ensuite lui-même son instruction. Il fut attaché pendant une dizaine d'années aux travaux hydrauliques du port de Cherbourg. Il collaborait en même temps au Journal de Cherbourg, dont le rédacteur était Jean Fleury, avec lequel il fit et publia le Guide de Cherbourg et de ses environs. Estimant qu'il n'avait pas d'éléments suffisants à son activité dans sa ville natale, il se décida à venir à Paris où il s'occupa d'abord de librairie en attendant un emploi. Ne trouvant pas mieux, il se décida à entrer à Bicêtre en qualité de surveillant, le 21 novembre 1841.

C'est en cette qualité qu'il a pu assister aux essais d'éducation des enfants idiots faits par Edouard Seguin [du 9 novembre 1842 au 21 décembre 1843]. Seguin sous le coup d'accusations aussi abominables qu'injustifiées, ayant été obligé de donner sa démission, M. Vallée fut nommé commis-instituteur le 13 mars 1844.

Il a rempli ces fonctions jusqu'au 1er janvier 1862, époque où il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite. Vers 1846, M. Vallée fut chargé de faire l'éducation d'un enfant arriéré appartenant à la famille d'H... Dans ce but, la famille loua une vaste propriété [rue des Noyers, n° 9] longeant la rue Benserade dans toute sa longueur.

Peu après, en 1847, M. Vallée eut l'occasion d'acheter moyennant 16,000 francs des créanciers de M. Mallon, directeur de Bicêtre, qui avait fait de mauvaises affaires, la propriété située de l’autre côté de la rue et qui constitue la part principale de son legs. C'est à partir de là que son institution fut fondée. Elle prit progressivement une réelle importance et renfermait une vingtaine d’enfants, lorsque, en juillet 1862, M. Otto Baetge, étranger naturalisé français, entra comme professeur à l’institution. Il la quitta trois ans plus tard, afin de chercher une situation plus lucrative. En avril 1869, M. Vallée, décidé à se retirer, entra de nouveau en relations avec M. Baetge et lui céda la maison moyennant une location annuelle de 12,000 francs d'abord, puis de 17,000 francs, lorsque plus tard, les locaux devenant insuffisants, il lui abandonna le pavillon d'habitation qu'il s'était primitivement réservé.

Au moment de la guerre, M. O. Baetge transféra ses élèves à La Ferté-Macé, dans l'Orne. Les habitants de cette petite ville, voyant son nom étranger inscrit en gros caractères sur ses caisses, le soupçonnèrent de relations avec les Allemands, et menaçaient de lui faire un mauvais parti. Il dut se réfugier en Angleterre. M. Vallée fut obligé de reprendre la direction de l’instruction des enfants, qui, après la guerre, réintégrèrent leur ancien domicile, en même temps que M. O. Baetge.

M. Vallée a été nommé adjoint au maire de Gentilly le 1er décembre 1862 ; il a exercé ces fonctions jusqu'au 31 août 1865, date à laquelle il a été promu maire. C'est au mois de septembre 1870, au moment de la proclamation de la République, qu'il a quitté Gentilly pour accompagner les enfants dans l’Orne et a cessé de faire partie de la municipalité.

De 1871 à sa mort, survenue le 4 décembre 1882, M. Vallée, dont la santé était ébranlée, passait tous les hivers à Nice. Ainsi qu'on le verra plus loin, il paraît avoir profité de ses loisirs pour consigner par écrit les résultats de sa longue expérience pédagogique. Se souvenant que c'était à l'École des Enfants de Bicêtre qu'il devait les fondements de sa fortune, il a voulu en laisser une partie pour la création d'un nouvel établissement en faveur des enfants arriérés pauvres.


II. Pour qu'il y ait moyen à l'avenir de retrouver facilement l'histoire de cette fondation, nous croyons utile de consigner dans notre rapport des extraits du testament de M. Vallée les renseignements sur le procès intenté par ses héritiers au département, ainsi que les délibérations du Conseil général et le texte de la convention intervenue entre les deux parties.

1° Extrait du testament de M. Vallée.
« Je n'ai point d'héritiers directs. C'est surtout à ma vie occupée, à la simplicité de mes goûts et non à aucun héritage, que je dois cette modeste fortune. Il m'appartient donc d'en disposer dans la spontanéité de mes vues et de mes sentiments, sans que personne, dans ma famille, ait à se dire lésé par moi.

« Mon désir eût été de compléter mon œuvre en laissant un grand asile : Institution consacrée aux enfants idiots pauvres, choisis principalement parmi les plus valides et les plus éducables. Il est peu probable, dans l'état de souffrance où je suis, que je puisse donner suite à cette pensée.

« Le département de la Seine est dépourvu de tout établissement spécial de ce genre, établissement réclamé depuis longtemps. - S'il lui convient d'accepter, je lègue au département de la Seine ma propriété de Gentilly, y compris la ferme, ancienne propriété Lacroix, et le mobilier du pensionnat, en ce qui m'appartient, à la condition expresse d'utiliser le tout à l’usage spécial d'une institution d'enfants idiots pauvres, autant que possible valides, susceptibles d'éducation, et pourvus, dans une certaine mesure, d'aptitudes professionnelles; institution qui serait la continuation de celle que j’ai fondée pour les enfants de la classe aisée et que dirigent aujourd'hui M. et Mme Otto Baetge. »

En marge et en regard de ces deux alinéas est inscrit au crayon, ce qui suit, littéralement rapporté :

1885. « Les agrandissements en cours d'exécution opérés à Bicêtre enlèvent à cette disposition de mon testament l'intérêt qui était dans ma pensée en 1876 (H.V.).

« Au refus du département de la Seine, c'est à l'Etat, — qui ferait là, pour les idiots, ce qu'il fait à Paris pour les aveugles et les sourds-muets, — c'est à l’État, sous réserve formelle des conditions ci-dessus exprimées, que je fais donation.

« Ou encore, à défaut de l'Etat, à toute autre personnalité laïque, soit association, soit service administratif, ayant pour objet l’enseignement ou la bienfaisance, et revêtue légalement du caractère d'œuvre d'utilité publique que le département de la Seine ou l’État jugeraient à propos, en se pénétrant de mes vues, de se substituer.

« S'il arrivait, en fin de compte, que l'immeuble dût revenir à ma famille, en la personne de ma sœur et de ses deux filles, que je rends, pour ce cas, légataires au même titre, celles-ci n'en pourraient disposer qu'en vue d'une œuvre charitable, la fondation, par exemple, d'un hospice qui manque à la commune de Gentilly et aux communes environnantes.

« Je veux que le dernier mot de cette maison soit un service rendu aux travailleurs.

« Il est entendu, en tout état de cause, que la prise de possession n'aura lieu qu’à l'expiration du double bail consenti à M. et Mme Otto Baetge ou de sa prorogation, ne dépassant pas la période en cours, s'il y avait prorogation avant mon décès.

« De même que la ferme où je suis domicilié aujourd'hui resterait jusqu'à la même époque, et meublée telle que je la laisserai, à l'usage absolument personnel de ma sœur et de ses filles.

« Toutefois, si le futur ayant droit, pressé par les circonstances, jugeait qu'une installation provisoire dût par anticipation, se faire dans les locaux de la ferme, ma sœur et ses filles n'auraient point à s'y opposer.

« Lors de la prise de possession, mon mobilier personnel et celui que je possède au pensionnat, seraient utilisés dans le nouvel établissement; mais faculté sera laissée à ma sœur et à ses filles d'en distraire les quelques objets à leur convenance, ou auxquels se rattacherait particulièrement mon souvenir.

« Nombre d'objets ont disparu du pensionnat lors de mon absence, en 1870-1871; aucune revendication ne pourra, à cet égard, être exercée contre M. et Mme Baetge. Il est dans mes intentions que mon portrait sur toile peint par Mme Mallon, que mon titre d'officier d'académie, celui me conférant une médaille d'argent à l'Exposition universelle de 1867, les ouvrages que j'ai reçus de l'Administration des hospices en témoignage de satisfaction, de même que la majeure partie de mes livres et ceux de mes manuscrits, qui ont irait à l’éducation des enfants idiots, restent acquis à la future institution.

« Une somme de 50,000 francs prise sur mes valeurs mobilières sera tenue en réserve pour être employée, intérêts compris, à l'installation de l'établissement quand le moment sera venu. »

En marge de ce dernier alinéa est inscrit ce qui suit, littéralement rapporté :
« Il eût été dans ma pensée, en ces derniers temps, d'employer tout ou partie de cette somme à l'acquisition du terrain Lagneau, contigu au jardin du pensionnat et s'y surajoutant. « Je lègue à ma sœur, Madame Régniault, une rente de trois mille francs dont elle aura la jouissance, sa vie durant; à son décès, cette rente se divisant par moitié, passera en toute propriété à ses deux petits-fils, Hippolyte Beaujard et Claude Régniault, mais sans qu'ils en puissent aliéner le capital avant leur vingt et unième année. En cas de prédécès soit de l'un, soit des deux enfants, la rente, à la mort de ma sœur se constituerait inaliénable, soit par moitié, soit en totalité, selon le cas, au profit de la fondation visée en mes précédentes dispositions. »

« Je lègue pareillement à mon neveu Vallée Frédéric et à sa femme Maria Delamarre et ce, pour en user conjointement, une rente viagère de huit cents francs, qui sera, au décès de l'un deux, constituée au survivant.

« A la mort de l'un et de l'autre, le capital, resté intact, passera en toute propriété à leurs descendants directs, ayant titre, au termes de la loi ; à défaut de ces descendants, la rente, ainsi qu'il est dit au paragraphe ci-dessus, se constituera inaliénable au profit de l'établissement projeté. »

« Madame Delphine, veuve Mallon est une des personnes qui m’ont le plus aidé aux heures difficiles de ma vie militante. L'Ecole de Bicêtre surtout lui a beaucoup dû; qu'elle reçoive ici le témoignage de ma reconnaissance pour tant de services rendus ; je lui fais une rente viagère de six cents francs qu'elle sera tenue d'accepter, sous peine de manquer à ma mémoire; à son décès, cette rente se constituera inaliénable au profit de la nouvelle institution.

« Le capital nécessaire à la constitution de ces trois rentes, nettes de tous droits, garanties par l'État, sera prélevé sur mon avoir, argent ou valeurs mobilières, et il est dans mes intentions qu’elles prennent cours le jour de ma mort.

« Dans la pensée qu'elles aideront à la réalisation des dispositions qui précèdent et de celles qui vont suivre, j'institue pour mes principales légataires mes deux nièces Blanche et Zélie Dispan, filles de ma sœur Virginie.

« Je lègue à Blanche, femme Emile Beaujard, une rente viagère de deux mille francs, nette de tous droits, dont le capital, inaliénable de son vivant, passera à son fils Hippolyte Beaujard s'il lui survit; en cas de prédécès de l'enfant, ladite rente, à la mort de ma nièce, se constituerait inaliénable au profit de l'établissement en projet, dont il convient, tout en donnant satisfaction à mes sentiments de famille, que j'assure les conditions d'existence.

« Je lègue également à ma nièce Zélie, femme Régniault, mère du petit Claude, une même rente viagère de deux mille francs, nette de tous droits, soumise aux clauses et conditions qui viennent d'être énoncées, c'est-à-dire qu'en cas de prédécès du petit Claude la rente passera inaliénable à l'établissement des Enfants idiots.

« Ces deux legs, à la charge, par mes deux nièces, et ce, sur la quotité disponible de mon avoir :

« 1° De remettre, le jour de leur mariage, à chacune de mes petites-nièces, filles de mon neveu Vallée Frédéric, une somme de dix mille francs, nette de tous droits, soit vingt mille francs pour les deux, dont les intérêts, tels qu'ils résulteront du placement en titres sur l'Etat et payables par semestre, leur seront servis à l'une et à l'autre jusqu'audit jour, à partir de mon décès;

« 2° De remettre pareillement, le jour de son mariage, à ma petite- cousine Louise Thibault, une somme de six mille francs, nette de tous droits, dont elle touchera les intérêts, ainsi qu'il vient d'être dit, jusqu'audit jour.

« En cas de décès avant leur mariage, soit d'une ou de mes deux petites nièces, soit de ma petite cousine Thibault, Ia somme réservée au profit de chacune d'elles serait convertie en rente inaliénable et affectée au fonds de dotation de l'institution des Enfants idiots.

« Lors du règlement de ma succession, il sera remis, etc…

« Je voudrais faire quelque chose pour Cherbourg, ma ville natale, si le restant disponible de mon avoir le permet, il en sera distrait le capital nécessaire à la création , soit d'une, soit de deux places fixes et gratuites à l'institution des Enfants idiots, destinées à des enfants pauvres, nés à Cherbourg ou dans son arrondissement; c'est au Conseil municipal de Cherbourg, ou mieux au bureau de bienfaisance, qu'appartiendra la désignation de ces deux places, et qui devra être avisé par qui de droit lorsqu'une vacance se produira. Il est désirable que le choix se porte autant que possible sur des sujets valides et éducables, quoique dépourvus de l’intelligence ordinaire.

« Ce testament remplace et annule celui que j'avais fait à la date du 20 septembre 1873.

A Nice, le dix-sept mai mil huit cent soixante-seize.
Signé : H. Vallée »



Codicille. Je porte à quatre mille francs de rente le legs fait à ma sœur, sous réserve des dispositions énoncées en mon testament.

« Il me paraît d'ailleurs indiqué que ma sœur soit instituée principale héritière au même titre que ses filles.

« L'examen de mes papiers devant lui prendre un certain temps, revenant sur une des dispositions de mon testament, je lui lègue en outre, en toute propriété, le mobilier de la Ferme, rue de Benserade, n° 1 , et celui de l'appartement que j'occupais à Nice. A mes nièces Blanche Beaujard et Zélie Régniault appartiendra le mobilier de la rue du Val-de-Grâce, n° 6, soit qu'elles en jouissent en commun, soit qu'elles s'en fassent le partage. — Il est dans mes intentions que les livres, tableaux, etc., soient en majeure partie attribués aux écoles de l'établissement spécial à organiser.

« Des deux filles de mon neveu Vallée Frédéric, l’aînée, de M. Charles Carel, est tenue seule aujourd'hui pour existante. Il n'y aurait donc point, par suite de son mariage, à lui faire attendre le legs qu'il était dans mes intentions de lui attribuer, et que je porte à la somme de vingt-cinq mille francs, payables dès qu'il se pourra, demandant, si la chose est légalement admissible, qu'il soit fait réserve sur les vingt-cinq mille francs, d'une somme de cinq mille francs en faveur de son premier né.

« Ma petite cousine Louise Thibault, aujourd'hui également mariée, n'aurait point non plus à attendre le legs qui lui est personnel. »


Codicille à joindre à mon testament : « Je confie le règlement de ma succession à M. Renard, mon notaire, rue du Quatre-Septembre, à Paris, avec M. Paul-Hubert Valleroux, avocat, pour mon exécuteur testamentaire. »


Autre codicille.
« Voulant prouver une dernière fois à M. et Mme Otto Baetge l'intérêt que j'ai toujours porté à leurs affaires, et ne me souvenant que de ce que nos anciens rapports ont eu de confiant et de cordial, je leur fais remise du montant du dernier trimestre de leur location, soit d'une somme de quatre mille deux cent cinquante francs.

« Fait à Paris, le vingt-deux juillet mil huit cent quatre-vingt-quatre. Signé : Vallée. »


Autre codicille.
« Par suite des grands travaux qui viennent d’être exécutés à Bicêtre, le département se trouvant pourvu, c'est à l'Etat qu’il conviendrait que l'institution de Gentilly fût léguée, s'ajoutant ainsi aux institutions de sourds-muets et pour les aveugles qui composent en ce moment un fonds essentiellement charitable et pédagogique. »


Autre codicille (Extrait).
« Nonobstant toute disposition antérieure, je laisse à ma sœur le mobilier resté à à la ferme, n°1, rue de Benserade, à Gentilly, et celui de Nice; le mobilier de la rue du Val-de-Grâce, n°6, est spécialement réservé à mes nièces, ses filles, sous réserve des objets artistiques et des livres dont l'institution aura à profiter.

« Il entrerait dans mes vues que la somme affectée dans mon testament, à l'installation de l’institution, servît à l'achat de Ia propriété Lagneau qui lui est contiguë pour en faire partie intégrante.
Le 26 octobre 1885. Signé : Vallée.

En marge est écrit : Signé par nous, juge, etc. Signé : C. Roy.
« Je révoque la disposition donnant cinquante mille francs au département ou à l'Etat. Alors, le département ou l'Etat devra employer les loyers servis par M. Otto Baetge à la destination marquée pour ces cinquante mille francs.

« Paris, le vingt-six octobre mil huit cent quatre-vingt-cinq au soir. Signé : Vallée.

Ensuite est écrit : Signé par nous, juge, etc. Signé : C. Roy.



« Comme on le voit, M. Vallée donnait son institution à l'Etat ou, à son défaut, au département ; par une lettre en date du 13 juin 1886, adressée à M. le préfet de la Seine, M. Sarrien, alors ministre de l’intérieur, au nom de l’État « déclara se désintéresser des libéralités du sieur Vallée. »

Par une délibération en date du 27 décembre 1886, le Conseil général a accepté le legs fait au département de la Seine et a autorisé le préfet de ce département à poursuivre par tous les moyens de droit la délivrance de ce legs, les héritiers, M. et Mme Régniault ayant fait opposition par un acte en date du 13 décembre 1886

[note : Le Conseil général, vu le mémoire en date du 6 décembre 1886, par lequel M. le Préfet de la Seine expose que par ses dispositions testamentaires M. Vallée (Hippolyte-Tranquille) en son vivant officier d'académie, ancien chef d'institution, ancien maire de Gentilly, décédé à Paris (cinquième arrrondissement) le 4 décembre 1885, a légué au département de la Seine des rentes et des capitaux divers, ainsi qu'une propriété et une ferme sises à Gentilly, à Ia charge de fonder un asile-institution pour les enfants idiots pauvres, susceptibles de perfectionnement ;

- vu le testament olographe de M. Vallée en date à Nice du 17 mai 1876 et les codicilles aussi olographes en date à Paris des 31 mars 1884, 22 juillet 1884, 20 octobre 1885, lesquels actes ont été déposés au rang des minutes de Me Renard, notaire à Paris ; vu la lettre de M. le Ministre de l’Intérieur, en date du 30 juin 1886 énonçant que l'Etat renonce au bénéfice du legs;

- vu l'acte de décès du testateur; vu le plan des immeubles légués ; ensemble, le procès-verbal d'estimation dressé par M. l'Architecte en chef du département ; vu l'intitulé de l'inventaire dressé, après le décès de M. Vallée, par Me Renard, notaire à Paris ; vu la signification et mise en demeure adressée aux héritiers, ensemble le procès-verbal de leur comparution devant Me Delorme, notaire à Paris ;

- vu la réclamation présentée le 20 novembre 1886, par M. Elienne Regniault, époux de la légataire universelle du testateur tendant à obtenir l'abandon à son profit d'une partie des legs faits au département ;

- vu la lettre de Me Delorme, notaire à Paris, en date du 7 décembre 1886, faisant connaître approximativement le montant des sommes qui resteront en propre aux héritiers ;

- vu l’opposition signifiée le 13 décembre 1886, par Me Rollin, huissier à la requête de M. et Mme Regniault pour que le département ne soit pas autorisé à accepter le legs dont il s'agit ;
Délibère :

Article 1er. - Il y a lieu d'accepter aux charges et conditions imposées, les legs au département de la Seine et contenus dans les testaments et codicilles susvisés de M. Vallée.

Art. 2. - M. le Préfet de la Seine est autorisé à poursuivre par tous les moyens de droit la délivrance de ce legs.

Art. 3. - M. le Préfet de la Seine est autorisé, en outre, à signifier congé à M. et Mme Otto Baetge, locataire du pensionnat légué, avant le 15 avril 1887, de manière que le département puisse en prendre possession le 15 avril 1888, c'est-à-dire à l’expiration de la période en cours, conformément aux intentions du testateur.]

Dans la même séance du Conseil général, M. Gabriel Robinet demanda au sujet de l'acceptation du legs fait par M. Vallée au département, à la charge de fonder un asile-institution pour les enfants idiots, pauvres, susceptibles de perfectionnement, qu'il soit bien spécifié que l'Administration ne fera aucune installation sans prendre l’avis de la troisième Commission.
Les réserves faites par M. Robinet ont été adoptées par le Conseil.

Au mois de juillet 1887, l'Administration et le Conseil général décidèrent, en raison de l’insuffisance des places dont ils disposent pour les jeunes filles idiotes de leur affecter l'immeuble légué par M. Vallée.

Voilà le texte de la délibération prise à ce sujet :

Le Conseil général,
vu le mémoire en date du 29 juin 1887, par lequel M. le Préfet de la Seine propose d'arrêter, en principe les conditions d'éxécution du legs fait par M. Vallée, au département d'un immeuble sis à Gentilly et devant être affecté à une institution d'enfants idiots pauvres, autant que possible valides, susceptibles d'éducation et pourvus dans une certaine mesure d'aptitudes professionnelles, vu l’extait du testament de M. Vallée,
Délibère :

Article premier. — Il y a lieu d'installer dans l'immeuble, sis à Gentilly, dont le legs au département, fait par M. Vallée a été accepté par délibération du 27 décembre 1886, un service de jeunes idiotes.

Art. 2. — La nouvelle institution recevra gratuitement et exclusivement des enfants du sexe féminin dont l'état mental présentera d'ailleurs les divers caractères imposés par le testateur.

Art. 3. — Cet établissement constituera une annexe de l’asile des aliénés de Sainte-Anne au point de vue administratif, économique et financier, et les dépenses qu'entraînera son fonctionnement seront annuellement comprises dans le budget dudit asile.

Durant ce temps, le procès intenté au département suivait son cours. Le tribunal civil de la Seine prononça son jugement le 7 décembre 1888.

En voici le texte :
« Le Tribunal civil de première instance de la Seine a rendu, en son audience du 7 décembre 1888, entre le département de la Seine et M. et Mme Otto Baetge, le jugement dont la teneur suit :

« Le Tribunal,
Ouï en leurs conclusions et plaidoiries Closset, avocat, assisté de Roche, avoué des époux Baetge, du Duity avocat, nsaisié de Picard, avoué du Préfet ; le ministère public entendu, après en avoir délibéré conformément à loi ;

« Attendu que les époux Baetge, demandeurs, sont locataires aux termes d'un acte sous seing privé du 20 octobre 1882, pour quatre, sept ou dix ans, à partir du 15 avril 1884, d’immeubles situés à Gentilly, aménagés pour une institution d’enfants dits arriérés et appartenant à Hippolyte Vallée, au moment du bail ; qu'il est dit dans ce bail que bailleur et preneur auraient un droit réciproque de résiliation entre chaque période à la charge par celui des contractants qui voudrait user de ce droit d'en donner bon et valable avis un an au moins avant l'expiration de la période.

« Attendu que, suivant testament du 17 mai 1876, Vallée a légué les immeubles dont s'agit à l'État ou au département de la Seine avec charge d'y maintenir une institution pour les enfants pauvres et arriérés ; que Vallée étant décédé le 4 décembre 1885, le Préfet, au nom du département, a accepté le legs contenu dans le testament du 17 mai 1876, a, le 13 avril 1887, donné congé aux époux Otto Baetge pour le 15 avril 1888 ; que les demandeurs critiquent ce congé ; qu'ils prétendent en premier lieu que ce congé serait nul, faute d'avoir été signifié par copies séparées, à chacun des époux Baetge, preneurs conjoints et solidaires, aux termes du bail ; — Qu'ils prétendent en second lieu que le département, propriétaire éventuel, ne pouvait, à la date du 13 avril 1887, donner congé, alors que l'autorisation d'accepter ce legs n'est intervenue que le 26 mars 1888.

« En ce qui concerne la nécessité d'une double copie pour le congé, attendu que la double copie n'est exigée pour les exploits que quand il s'agit d'une assignation introductive d'instance entraînant un double appel devant la justice ; que l'exploit du treize avril mil huit cent quatre-vingt-sept était un simple avis donné dans les termes du bail du vingt octobre mil huit cent quatre-vingt-deux ;

« Attendu qu'aux termes des articles 1206 et 1208 du Code civil, l’interpellation à un débiteur solidaire est présumée faite à tous les débiteurs solidaires, que d'autre part et d'après l'esprit du bail, les époux Otto Baetge, demeurant ensemble, ayant des intérêts communs, prenant également part à la direction de l’établissement, il suffisait d'un simple avis porté à leur connaissance pour mettre fin au bail ; que la dame Baetge a connu cet avis donné, puisque à la date du quinze avril mil huit cent quatre-vingt-sept, trois jours après l'exploit, elle figurait dans une protestation faite par les époux Baetge contre le congé en ce qui concerne le défaut de qualité du département, simple propriétaire éventuel pour donner congé valable, attendu qu’aux termes de l'ordonnance du douze avril mil huit cent dix-sept et de la loi du dix-huit juillet mil huit cent trente-sept, les administrateurs des départements, communes, hospices ont le droit de faire les actes conservatoires en attendant l’autorisation du Gouvernement pour l'acceptation des dons et legs faits auxdits départements, communes, hospices, que le congé donné le treize avril mil huit cent quatre-vingt-sept avait pour objet de conserver le droit de résiliation réservé par le bail au propriétaire de l'immeuble de Gentilly ; qu'on prétend, il est vrai, que le caractère des actes conservatoires est de ne rien engager sur le fond du droit ; que le congé du treize avril mil huit cent quatre-vingt-sept était l'exercice d'une action servant au fond du droit même. Pour ce qui était de l'expulsion à terme du locataire, que la conséquence de cette expulsion était l'annulation du bail pour l'avenir, alors qu'il était incertain si le département serait jamais substitué aux droits du bailleur.

« Attendu que si ce congé avait en effet un caractère conditionnel, il n'en était pas moins l'acte conservatoire d'un droit certain que le propriétaire, sous condition suspensive, avait intérêt à maintenir; que le département de la Seine ayant été autorisé à accepter le legs, l'autorisation réagit et donne aux actes conservatoires et conditionnels un caractère définitif. Attendu d'ailleurs, dans l'espèce, que l'autorisation administrative a été retardée par les actes d'opposition faits par Otto Baetge sans droits ni qualité.

Par ces motifs, déclare les époux Baëtge mal fondés en leur demande, les en déboute et les condamme aux dépens, dont distraction faite au profit de Me Picard, avoué, qui la requiert sous les affirmations voulues par la loi.
Signé : Vanier et Le Brisoys.

A la suite de ce jugement, une transaction eut lieu entre Mme veuve Regniault, sœur de M. Vallée, et le département. Elle fut, sur notre rapport, approuvée par le Conseil général (28 décembre 1888).

Voici le texte de cette délibération :
« Le Conseil général, vu le mémoire en date du 19 décembre 1888, par lequel M. le Préfet de la Seine expose que par une pétition en date du 11 décembre 1888, Mme veuve Regniault, agissant en qualité de légataire universelle de M. Vallée déclare :
1° Qu'elle acquiesce au jugement du Tribunal civil de la Seine, en date du 7 décembre 1888, qui a reconnu au département la qualité de légataire de ce dernier ;
2° Qu'elle aurait à faire la délivrance de tous les legs ;
3° Qu'elle ne s'oppose plus à ce que le département recueille les jeunes idiotes dans l'immeuble légué, et demande qu'en retour le département lui fasse les concessions suivantes :

1° Mme veuve Regniault conservera, sa vie durant, l’usufruit de la ferme sise rue Benserade, n°1 ;
2° Après sa mort, cet usufruit profitera encore pendant une période de dix ans à ses héritiers en ligne directe, et à leur défaut à ses gendres, d'après les dispositions testamentaires que pourraient faire ses filles à cet effet, mais à l'exclusion de tous collatéraux.
3° Le département ne réclamera qu’une somme de quarante mille francs une fois payés pour assurer la pension des deux enfants à la désignation de la ville de Cherbourg.

Vu la pétition dont il s'agit;
- vu l'acte de décès de M. Regniault, mari de la pétitionnaire;
- vu les délibérations prises par le Conseil général dans ses séances des 27 décembre 1885 et 13 juillet 1887;
- vu le plan des immeubles légués ensemble, le procès-verbal d'estimation dressé par M. l'Architecte en chef du département :
- vu le mémoire complémentaire, en date du 24 de ce mois par lequel M. le Préfet de la Seine demande à être autorisé à traiter avec M. Otto Baetge, pour le cas où il demanderait à transiger ;
- Sur le rapport de sa troisième commission ;
Délibère :

Article 1°. — Le projet de transaction ci-dessus visé est accepté. En conséquence, M. le Préfet de la Seine est autorisé à passer contrat avec Mme veuve Regniault, aux conditions ci-dessus indiquées.

Art. 2. — Le Préfet de la Seine, est également autorisé pour le cas où M. Otto Baetge demanderait à transiger à lui accorder, pour déménager, un délai de six mois, à partir du 1er janvier 1889. Il est bien entendu que pendant cette période, M. Otto Baetge continuerait à payer les loyers au taux actuel et que les agents et représentants de l'Administration auraient la faculté de pénétrer dans l'immeuble, pour procéder à l'étude des travaux à faire en vue de l'installation du futur établissement départemental.

Par un décret daté du 26 mars 1888, et que nous reproduisons, le Préfet de la Seine fut autorisé à accepter le legs Vallée.

Le Président de la République française, sur le rapport du Ministre de l’Intérieur : vu les testaments et codicilles olographes du sieur Hippolyte-Tranquille Vallée, en date des 9 mai 1876, 31 mars, 22 juillet 1884 et 26 octobre 1885;
- Vu l’acte de décès du testateur;
- Vu la réclamation de l'unique héritière naturelle et légataire universelle du sieur Vallée, ensemble les renseignements recueillis sur la situation de fortune de cette dernière ;
- Vu l'opposition du sieur Baetge, directeurde l'Institution des enfants arriérés de Gentilly (Seine), vu la lettre en date du 30 juin 1886, par laquelle le Ministre de l'Intérieur, au nom de l'État, a déclaré se désintéresser des libéralités du sieur Vallée ;
- Vu les délibérations du Conseil général de la Seine ;
- Vu l'avis du Préfet de la Seine et généralement toutes les pièces de l'affaire ;
- Vu l'article 910 du Code civil et la loi du 10 mai 1838 ;
Le Conseil d'Etat entendu ;
Décrète :

Article premier. — Le Ministre de l'intérieur, au nom de l'État, est autorisé à renoncer aux legs faits par le sieur Hippolyte-Tranquille Vallée, suivant ses testaments et codicilles olographes susvisés, à charge de fonder à Gentilly (Seine), un asile-institution en faveur des idiots pauvres, susceptibles d'éducation.

Art. 2. — Le Préfet de la Seine est autorisé à accepter les legs faits à ce département par le sieur Hippolyte-Tranquille Vallée, suivant ses testaments et codicilles susvisés et consistant : 1° en une propriété sise à Gentilly (Seine) d'une valeur estimative de 197,678 fr. 56 c. ; 2° dans le mobilier d'un pensionnat estimé 1,451 fr. 75 c. ; 3° en divers effets mobiliers ; 4° dans les loyers dus par les locataires du pensionnat ; 5° dans le capital nécessaire pour l'acquisition d'un titre de rente 3 %, sur l'Etat, de 600 francs, qui sera immatriculé, pour l'usufruit, au nom de la demoiselle Delphine Mallon ; 6° et éventuellement, dans les capitaux nécessaires pour constituer des rentes viagères s'élevant à 8,800 francs, et une somme de 10,000 francs. Le tout à la charge d'établir, dans la propriété de Gentilly, un asile-institution en faveur des idiots pauvres, susceptibles de perfectionnement.

Art. 3. — Cet établissement constituera une annexe de l’asile des aliénés da Sainte-Anne, et les dépenses qu'entraînera son fonctionnement seront annuellement comprises dans le budget de l'établissement.

Art. 4. — Il sera statué ultérieurement sur les libéralités faites par le sieur Vallée à la ville de Cherbourg, au bureau de bienfaisance et à la caisse des écoles de Gentilly, et à la Société de patronage des aliénés.

Art. 5. — Le Ministre de l’lntérieur est chargé de l’exécution du présent décret.
Fait à Paris, le 26 mars 1888.
Signé : Carnot, etc.

Certaines difficultés soulevées par les héritiers naturels du défunt, ainsi que par son successeur M. Otto Baetge, qui dirigeait le pensionnat payant, ont été aplanies, à la suite d'un jugement rendu par le Tribunal civil de première instance de la Seine, et le département a enfin acquis le droit d'agir en propriétaire.

Aux termes d’un arrangement conclu avec M. Baetge, le 7 mai 1889, ce dernier a obtenu, pour déménager, un délai de six mois, à partir du premier janvier 1889, soit jusqu'au 1er juillet (ou plutôt le 15 juillet, d'après l’usage local) prochain, à charge toutefois de laisser aux agents de l'Administration, qui auront à l'en prévenir trois jours à l'avance, la faculté de pénétrer dans la propriété, pour procéder à l'étude des travaux d'appropriation et de réparation indispensables. En demandant cette faculté, l'Administration voulait mettre à profit le sursis accordé pour dresser un projet d'après lequel les ouvriers auraient pu être mis à l’œuvre, dès le 1er Juillet, de manière à pouvoir installer les enfants le 1er janvier 1890, « ce qui offrira, lisons-nous dans une pièce du dossier, le grand avantage de remédier à l’encombrement qui règne dans les divisions de femmes des asiles de la Seine, en rendant à sa destination première le quartier de l'asile de Villejuif où quatre-vingts petites filles idiotes occupent la place d'adultes ».


III — Description de la propriété.

— Le domaine légué par M. H. Vallée est situé sur les coteaux qui dominent à droite la vallée de la Bièvre.

Son entrée principale est au coin de la rue Benserade et de la ruelle Jean-Louis. Il est limité au nord par la rue Benserade, à l’est par la ruelle Jean-Louis, qui le sépare d'une ancienne carrière aujourd’hui en grande partie comblée; il est contigu au sud et à l'ouest à des propriétés particulières. Il a la forme d'un quadrilatère.

Une propriété appartenant à M.... forme enclave dans ce domaine et l'interrompt dans les quatre cinquièmes de sa largeur. Le terrain, dont la superficie est de 1 hectare 86 ares 19 centiares, descend en pente rapide de la ruelle Jean-Louis vers Gentilly.

Le domaine se compose de deux parties :
1° en haut l'ancienne institution qu'il s'agit de transformer ;
2° en bas une maison avec cour et jardin dont Mme Regniault conserve la jouissance.

1° L'ancienne institution, qui occupe la région la plus élevée de la propriété, comprend deux groupes de bâtiments, l'un au coin de la rue Benserade et de la ruelle Jean-Louis, l'autre à l'extrêmité opposée de cette même ruelle.

A. Le bâtiment principal, parallèle à la rue Benserade et flanqué d'une aile longeant la ruelle Jean-Louis, formée elle-même de deux petites constructions, l’une à deux étages, l'autre d'un seul étage mansardé, présente un rez-de-chaussée et deux étages. La moitié de ce bâtiment est très ancienne, avec son aile en retour, la seconde moitié a été construite en 1858.

Rez-de-chaussée.
- A droite, un petit vestibule et une salle d'attente, une salle à manger assez vaste, puis, vers le jardin, l’ancien cabinet de M. Vallée ; en arrière, et communiquant largement avec la salle à manger, existe une annexe, qui servait de réfectoires aux pensionnaires ; à gauche, l’ancien salon, une chambre assez grande, une salle dont le sol est en ciment, et qui s'ouvre en arrière sur une galerie établissant une communication entre les deux groupes de construction, et, dans la partie en retour, deux pièces séparées par un escalier étroit et incommode.

Premier étage.
- Nous trouvons à droite : un couloir, sur lequel ouvre une chambre aboutissant à deux dortoirs qui se commandent ; à gauche : quatre chambres assez grandes et, dans l’aile contiguë, deux ou trois chambres.
Second étage.
- A droite : quatre chambres assez grandes ; à gauche : trois ; puis, dans l'aile, deux petites pièces. Tout cet étage est moins élevé que l'étage inférieur. Dans la cour, en face de la porte d'entrée, s’élève un bâtiment composé d'une salle en contre-bas du sol, et d'un étage où l’on accède par un escalier extérieur. A ce bâtiment en est accolé un autre formé, au rez-de-chaussée, d'une chambre et d'une assez grande pièce, séparées par un escalier étroit. Même répartition au premier étage. Ce bâtiment donne dans une cour avec des cabinets d'aisances.

Au-delà de cette cour s'élève un pavillon, édifié un peu avant la guerre, et qui a servi d'habitation personnelle à M. Vallée, alors qu'il avait cédé son institution à M. Baetge. Il comprend au rez-de-chaussée : vestibule, escalier, salle à manger, salon, une chambre; un premier étage avec trois chambres assez grandes et deux petites et water-closets ; un second étage avec deux grandes pièces et une troisième plus petite. Du réfectoire du bâtiment principal part une galerie qui va longer la ruelle Jean-Louis, établit une communication entre le premier groupe de constructions et le groupe que nous allons maintenant décrire.

B. Ce groupe comprend :
a) le service balnéo-hydrothérapique composé d'une petite salle d'hydrothérapie, d'une chaudière et d'une salle de bains; le tout mal éclairé et mal agencé ;
b) un grand bâtiment perpendiculaire à la ruelle Jean-Louis, où l'on trouve : au sous-sol, une cave et des calorifères; au rez-de-chaussée : le gymnasse, la cage de l'escalier, un lavabo composé d'une auge et des cabinets absolument obscurs ; c) au premier étage : un couloir longitudinal sur lequel ouvrent les cinq classes et plusieurs petites pièces de chaque côté de l'escalier. Les classes sont éclairées d'un seul côté. Leur porte est percée d'un carreau étroit ; leurs murs, ainsi que ceux du couloir, sont tapissés d'images découpées dans des journaux illustrés. Chacune d’elle peut contenir douze à quinze élèves.
Le rez-de-chaussée est traversé par un couloir qui fait suite à la galerie dont nous avons parlé, et qui aboutit à un préau couvert faisant le coin extrême de la ruelle Jean-Louis. Devant ce préau s'étend une vaste cour bien plantée et malheureusement entourée de murs élevés ne laissant voir ni la campagne ni les jardins de l’institution.

Entre ces deux groupes de bâtiments, il y a un jardin anglais bien planté où se dresse un portique de gymnastique.

En avant du jardin anglais s'étend le jardin potager.

Au coin de ce jardin et de la propriété X…, le long de la rue Benserade, se trouve un bâtiment désigné, la Maison du Jardinier. Cette maison se compose de remises, d'écuries, etc., au premier, de trois pièces.

2° La seconde partie du domaine, désignée sous le nom de ferme est formée d'une maison d'habitation, d'un vaste hangar et de granges, etc.


IV. — Nous trouvons, dans une note de la Direction des affaires départementales à la Direction des travaux, une sorte de programme. Nous la reproduisons dans ses parties les plus importantes.

Le futur établissement doit comprendre : une cuisine, avec logement pour le cuisinier et son aide; une lingerie, il n'est besoin de prévoir ni buanderie, ni salle de pliage et de repassage, puisque le nécessaire sera fait par les soins de l’asile Sainte-Anne ; une salle de couture pour exercer les petites filles au travail ; — un vestiaire, qui, comme la lingerie sera un simple dépôt des effets d'habillement tenus toujours en état d'entretien et envoyés par l’asile. Une pharmacie avec tisannerie ; quatre magasins, savoir : une boucherie, une cave, une paneterie, un magasin à épicerie et comestibles ; un logement pour le garde-magasin; — un chantier à combustibles ; — quatre logements d'interne, dont deux en médecine et deux en pharmacie.

Un logement pour un commis d'administration et sa famille ; — trois logements pour une surveillante et deux sous-surveillantes des enfants ; trois autres logements pour une sous-surveillante et deux filles de service, qui seront chargées de la lingerie et du vestiaire ; — des logements pour un certain nombre d'infirmières, qui seront placées à proximité des dortoirs, et à raison d’une pour dix petites filles.
Une écurie et un hangar ; — une petite salle pour dépôt des morts ; enfin, le mobilier ; celui légué par M. Vallée et évalué à 1500 francs environ seulement, paraissant devoir être tout a fait insuffisant. On ne mentionne ici que pour mémoire une loge de concierge et des salles de bains et d'hydrothérapie, vu qu'elles existent déjà.

Enfin, doivent être compris dans les travaux à exécuter, ceux afférents à la réparation d'une ferme, dont la jouissance est laissée à la famille du défunt pour une durée de dix années après la mort de Mme Régniault, la sœur de M. Vallée. Ces derniers travaux, évalués par M. Trélat, dans son rapport en date du 24 octobre 1888, à 5,480 fr. 60, semblent pouvoir être réduits ; la convention passée avec Mlle Régniault, à la date du 14 mars 1880, porte en effet : « Que le département de la Seine prendra exclusivement à sa charge les grosses réparations qui seront nécessaires, sans que M. Régniault puisse réclamer aucune réparation locative ou de mise en état, telles qu’elles sont définies aux articles 1719 et 1720 du Code civil. »


Le Conseil général désire qu'il soit fait face à la dépense de tous ces travaux au moyen d'une somme de 56,210 fr. 30 provenant des loyers, avec intérêts, recouvrés sur M. Otto Baetge.

D'après le projet de M. l’architecte, on ne peut installer dans les locaux de l'ancienne institution que 44 enfants (M. Baetge avait cinquante pensionnaires). Le projet modifie, en maints endroits, les affectations primitives. C’est ainsi qu'il transforme le gymnase en classes et les classes en dortoirs. C'est ainsi encore qu'il affecte de nombreux locaux à des logements pour un commis d'administration, pour deux internes en médecine, deux internes en pharmacie, une surveillante, quatre sous-surveillantes, un cuisinier, un garde-magasin, un concierge, etc.

Dans la pensée de l'Administration, il était possible de compter sur quatre-vingts places approximativement. Ce nombre étant réduit à quarante-quatre à la suite des études faites par le service d'architecture, nous nous trouvons en face d’une organisation très dispendieuse. En effet, nous relevons l’énumération suivante dans le dossier :
1 commis d'administration
2 internes en médecine et 2 en pharmacie
1 surveillante et 2 sous-surveillantes
1 surveillante et 2 filles de service pour la lingerie et le vestiaire
1 cuisinier et son aide
1 concierge
1 infirmier pour 10 petites filles, soit pour 44 : 5
1 garde-magasin
Total 20
Sans compter le jardinier.
C’est-à-dire un personnel considérable par rapport à la population.

A cette constatation, le Dr Bourneville ajoute :
« Nous savons très bien que les petits établissements hospitaliers sont proportionnellement très coûteux, et nous devrions nous incliner quand même, bien que, assurément, l'ancien chef de l’institution n'eût pas pour des malades payants un tel personnel, il n'était pas facile d'arriver à une organisation plus économique.
L'énumération que nous venons de donner nous suggère une autre remarque ; c'est qu'il convient d'avoir, dans une institution où il n'y a que des petites filles, le moins d'hommes possible.

« La fondation Vallée doit être à la fois un hospice et une école. L'école doit comprendre et l’instruction primaire spéciale et l’instruction professionnelle. A cet égard, tout le monde est d'accord. En quoi doit consister ce dernier enseignement ? En raison de la population restreinte, nous sommes obligés de limiter le nombre des métiers pour ne pas accroître les dépenses. Alors, quels métiers choisir ? Le genre de malades assistés nous l'indique : les métiers les plus simples, les plus vulgaires : ménagère, couturière, blanchisseuse, repasseuse.

« Par conséquent, il faut modifier le programme provisoire, où il est dit qu' « il n'est pas besoin de prévoir ni buanderie, ni salle de pliage et de repassage, parce que le nécessaire sera fait par les soins de l'Asile clinique (Sainte-Anne). En second lieu, la lingerie et le vestiaire, dans le programme, sont considérés comme un simple dépôt des effets d'habillement tenu toujours en état d'entretien et renvoyés par l'Asile clinique ». Il nous semble difficile que le trousseau de chaque enfant puisse être toujours en état si l'Asile clinique en est chargé. La lingerie et le vestiaire, suivant nous, doivent être au contraire, des centres d'enseignement. Que fera-t-on coudre et raccommoder aux enfants si ce n'est tout d'abord leur linge de corps et leurs effets d'habillement ?

« Le projet indique des locaux pour une pharmacie, pour quatre magasins (boucherie, cave, paneterie, épicerie et comestibles), qui tous seront alimentés par l'Asile clinique. Or cette opération ne pourra se faire qu'en donnant un cheval, une voiture, un cocher de plus à cet établissement.

« L’affectation des locaux à un concierge, à un garde magasin, à un cusinier et à son aide, enfin à quatre internes, et à un commis d’administration réduit encore considérablement l’espace réservé aux malades et aurait énormément de dépense. Et il n’est pas affecté de locaux à l’infirmerie, aux agités, aux malades atteints d’affections contagieuses.

« Nous nous contenterons de ces remarques qui montrent que l’autonomie de cette fondation, que son administration directe par l’Asile clinique auraient pour résultat d’aboutir à un prix moyen de journée exagéré. »

« C’est alors que le voisinage de l’hospice de Bicêtre a donné l’idée de faire pour la fondation Vallée ce que fait Vaucluse pour la colonie d’enfants arriérés. Il convient d’examiner l’organisation intérieure de la fondation Vallée, suivant les deux principes différents ou de l’administration directe de l’Asile clinique, ou l’administration de l’hospice de Bicêtre sous la surveillance et la direction de l’Asile clinique. C’est à cette dernière forme que nous vous demandons de vous rallier actuellement.

« Cette solution ne doit être d’ailleurs que provisoire, car la question la plus importante restera à résoudre, à savoir l’étude des voies et moyens permettant une utilisation complète et définitive de la propriété.

« Les service que doit rendre immédiatement cette création sont indiscutables ; aussi avons-nous l’honneur de proposer au Conseil dans les limites des vœux qu’il a déjà manisfestés, des délibérations tendant à employer le plus simplement possible les locaux mis à notre disposition et une partie (le tout n’étant pas absorbé), des fonds qui proviennent du compte O. Baetge, de même qu’au solde de paiement des droits de mutation de la succession Vallée. En ce qui concerne les 40,000 francs nécessaires au fonctionnement, ils ont été, d’après les indications données ci-dessus, inscrits en recettes et en dépenses au budget de l’Asile clinique.

Paris, le 17 décembre 1889
Le Rapporteur, Albert Pétrot.


Michel Caire, 2015
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