II - Les causes d’admission à la Fondation Vallée
A – Arriération mentale ; épilepsie ; folie
Tableau III – Causes d’admission
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idiots, imbéciles, débiles |
479/538 89,03% |
1890 à 1900 |
épilepsie - hystéro-épilepsie |
52/538 9,06% |
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folie - démence |
9/538 1,67 % |
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idiots, imbéciles, débiles |
455/503 90,4% |
1901 à 1910 |
épilepsie - hystéro-épilepsie |
43/503 8,5% |
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folie - démence |
5/503 1% |
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idiots, imbéciles, débiles |
487/554 87,9% |
1911 à 1919 |
épilepsie - hystéro-épilepsie |
48/554 8,6% |
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folie - démence |
19/554 3,4% |
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Nous voyons immédiatement, à la lecture du tableau III, que l’institution assure pleinement le rôle à elle dévolu.
En effet, près de 90 % des mineures séquestrées appartiennent au groupe des idiots, imbéciles, soit 1421 pensionnaires sur 1595 ; les épileptiques, désignées comme hystéro-épileptiques dans certains cas, représentent moins de 10% de notre jeunesse souffrante.
Les mineures internées, folles, démentes ou hystériques sont peu nombreuses car elles restent, le plus souvent, à la Salpêtrière au milieu des adultes.
C’est ainsi que sur trois cents filles mineures internées à la Salpêtrière, de 1867 à 1873 [note : Salpêtrière, 6Q3-18. Archives APHP. Recherches personnelles], près de 20 % sont « folles », 50 % idiotes ou imbéciles, 30 % épileptiques [note : Une vue d’ensemble sur la situation des enfants «idiots» de la Seine se trouve dans le rapport du CSAAS daté 7 octobre 1884, op. cit.].
La lecture des certificats médicaux nous montre que les notions gravitant dans le champ sémantique de la nébuleuse « idiotie » ne sont pas clairement fixées, qu’il existe des glissements, des permutations entre les termes canoniques : idiotie, imbécillité, arriération et débilité mentale.
À quinze jours d’intervalle, les deux certificats médicaux concernant la même fillette portent des diagnostics différents.
Toutefois, nous voyons bien, dans nos registres, ce qui peut séparer la « débilité légère » de l’idiotie « profonde » dite aussi « mongolienne ».
Si nous remontons brièvement dans le temps, au XVIIIe siècle, en nous penchant sur quelques registres de Bicêtre, nous observons que le mot imbécile est le seul terme utilisé pour désigner une forme de déficience mentale juvénile : T.G., 10 ans, est un «imbécile» entré à Bicêtre en 1756 ; M.R., 15 ans ; est «insensé» et « imbécile » [note : Bicêtre, XVIIIe siècle. 7Q2. Archives AP-HP. Pour le milieu du XIXe siècle, les registres de la Salpêtrière mentionnent l’idiotie et l’imbécillité].
Au XIXe siècle, l’aliénisme naissant, puis la psychiatrie, s’intéressent à l’imbécillité et à l’idiotie [Cf. Annales médico-psychologiques. Tables générales et alphabétiques. 1843-1930. 3 tomes. Genvresse, P. ; Meurisse, M ; Index général des thèses de psychiatrie publiées en France du début du XVIIe siècle à 1934, Paris, 1988].
À la Fondation Vallée, nous pouvons suivre l’évolution de ces notions médicales définissant la déficience mentale sur une période de trente ans.
Disons, brièvement, que les notions d’arriération mentale et de débilité mentale, supplantent progressivement celles d’idiotie et d’imbécillité.
Tableau IV – Evolution de la catégorie « idiots, imbéciles » (sondage)
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Arriération mentale |
Débilité mentale |
Idiotie |
Imbécillité |
1890 à 1900 |
4 |
4 |
53 |
40 |
1901 à 1910 |
7 |
1 |
38 |
43 |
1911 à 1919 |
23 |
31 |
26 |
18 |
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Ces deux derniers termes, qui qualifiaient la « déficience» de plus de 90 % de nos jeunes internées entre 1890 et 1910, ne représentent plus que 45 % de ces «arriérations» au cours de la décennie 1911-1919 [note : Résultats à paraître ultérieurement. Le tableau IV donne les premiers résultats d’un sondage 1890-1919].
Ces chiffres reflètent les nouveaux partages au sein des savoirs pédagogiques et psychiatriques évoqués précédemment.
B – Epilepsie – hystéro-épilepsie – folie démence juvénile
À la lecture du tableau III, nous constatons la présence à peu près constante du groupe présentant cette maladie.
Environ 10 % de nos internées sont considérées comme épileptiques ou hystéro-épileptiques.
Au cours de la période étudiée, à travers les observations médicales des registres, nous voyons que la sémiologie de l’épilepsie – et plus encore celle de l’hystéro-épilepsie – reste quelque peu incertaine.
C’est d’ailleurs pour cette raison que l’on évoque souvent le haut mal en usant du conditionnel : « aurait des crises d’épilepsie », « serait épileptique», « n’a pas de crises depuis son entrée » [note : Le pourcentage des épileptiques, parmi les «arriérés mentaux» de la Salpêtrière ou de Bicêtre, service des garçons, est très variable. Cf. 6Q3-30 Salpêtrière (1885) ; CSAAS, (1893) p. 185].
Mais bien sûr, ces crises d’épilepsie existent, sont notées avec précision sur des cahiers conservés dans les archives ; elles provoquent des décès chez nos mineures « arriérées ». Les traitements médicaux les plus divers suscitent tantôt l’espoir tantôt le scepticisme.
Nos fillettes, « folles, démentes, hystériques » [7Q31, B .Y., 14 ans, vol.109, « dépression psychique légère » ; « dépression mélancolique » 7Q31. Vol. 122, L.C., 8 ans, entrée le dix-neuf février 1913 : « dégénérescence mentale, plus bas instincts, exhibitionniste »] sont peu nombreuses à la Fondation Vallée destinée d’abord aux arriérées mentales éducables.
Nous constatons que les informations médicales concernant nos jeunes folles sont parfois assez vagues et qu’il faudra étudier d’autres sources que les registres d’entrée pour accéder à une connaissance plus précise de la folie juvénile.
L’étude des institutions destinées à l’internement des mineur(e)s nous permet d’évaluer le pourcentage des « folles » et des « fous » à environ 10 % de la population séquestrée [Données à paraître ultérieurement].
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