SECTION
IV
Dispositions communes à toutes les personnes placées dans
les établissements d'aliénés
Art. 29 -
Toute personne placée ou retenue dans un établissement d'aliénés,
son tuteur, si elle est mineure, son curateur, tout parent ou ami, pourront,
à quelque époque que ce soit, se pourvoir devant le tribunal
du lieu de la situation de l'établissement, qui, après les
vérifications nécessaires, ordonnera, s'il y a lieu, la
sortie immédiate.
Les personnes qui auront demandé le placement, et le procureur
du Roi, d'office, pourront se pourvoir aux mêmes fins.
Dans le cas d'interdiction, cette demande ne pourra être formée
que par le tuteur de l'interdit.
La décision sera rendue, sur simple requête, en chambre du
conseil et sans délai ; elle ne sera point motivée.
La requête, le jugement et les autres actes auxquels la réclamation
pourrait donner lieu, seront visés pour timbre et enregistrés
en débet.
Aucunes requêtes, aucunes réclamations adressées,
soit à l'autorité judiciaire, soit à l'autorité
administrative, ne pourront être supprimées ou retenues par
les chefs d'établissements, sous les peines portées au titre
III ci-après.
Art. 30 - Les chefs, directeurs ou préposés responsables,
ne pourront, sous les peines portées par l'article 120 du Code
pénal, retenir une personne placée dans un établissement
d'aliénés, dès que sa sortie aura été
ordonnée par le préfet, aux termes des articles 16, 20 et
23, ou par le tribunal aux termes de l'article 29, ni lorsque cette personne
se trouvera dans les cas énoncés aux articles 13 et 14.
Art. 31 - Les commissions administratives ou de surveillance des hospices
ou établissements publics d'aliénés exerceront, à
l'égard des personnes non interdites qui y seront placées,
les fonctions d'administrateurs provisoires. Elles désigneront
un de leurs membres pour les remplir : l'administrateur, ainsi désigné,
procédera au recouvrement des sommes dues à la personne
placée dans l'établissement, et à l'acquittement
de ses dettes ; passera des baux qui ne pourront excéder trois
ans, et pourra même, en vertu d'une autorisation spéciale
accordée par le président du tribunal civil, faire vendre
le mobilier.
Les sommes provenant, soit de la vente, soit des autres recouvrements,
seront versées directement dans la caisse de l'établissement,
et seront employées, s'il y a lieu, au profit de la personne placée
dans l'établissement.
Le cautionnement du receveur sera affecté à la garantie
desdits deniers, par privilège aux créances de toute autre
nature.
Néanmoins les parents, l'époux ou l'épouse des personnes
placées dans des établissements d'aliénés
dirigés ou surveillés par des commissions administratives,
ces commissions elles-mêmes, ainsi que le procureur du Roi, pourront
toujours recourir aux dispositions des articles suivants.
Art. 32 - Sur la demande des parents, de l'époux ou de l'épouse,
sur celle de la commission administrative ou sur la provocation, d'office,
du procureur du Roi, le tribunal civil du lieu du domicile pourra, conformément
à l'article 497 du Code civil, nommer, en chambre du conseil, un
administrateur provisoire aux biens de toute personne non interdite placée
dans un établissement d'aliénés. Cette nomination
n'aura lieu qu'après délibération du conseil de famille,
et sur les conclusions du procureur du Roi. Elle ne sera pas sujette à
l'appel.
Art. 33 - Le tribunal, sur la demande de l'administrateur provisoire,
ou à la diligence du procureur du Roi, désignera un mandataire
spécial à l'effet de représenter en justice tout
individu non interdit et placé ou retenu dans un établissement
d'aliénés, qui serait engagé dans une contestation
judiciaire au moment du placement, ou contre lequel une action serait
intentée postérieurement.
Le tribunal pourra aussi, dans le cas d'urgence, désigner un mandataire
spécial à l'effet d'intenter, au nom des mêmes individus,
une action mobilière ou immobilière. L'administrateur provisoire
pourra, dans les deux cas, être désigné pour mandataire
spécial.
Art. 34 - Les dispositions du Code civil, sur les causes qui dispensent
de la tutelle, sur les incapacités, les exclusions ou les destitutions
des tuteurs, sont applicables aux administrateurs provisoires nommés
par le tribunal.
Sur la demande des parties intéressées, ou sur celle du
procureur du Roi, le jugement qui nommera l'administrateur provisoire
pourra en même temps constituer sur ses biens une hypothèque
générale ou spéciale, jusqu'à concurrence
d'une somme déterminée par ledit jugement.
Le procureur du Roi devra, dans le délai de quinzaine, faire inscrire
cette hypothèque au bureau de la conversation : elle ne datera
que du jour de l'inscription.
Art. 35 - Dans le cas où un administrateur provisoire aura été
nommé par jugement, les significations à faire à
la personne placée dans un établissement d'aliénés
seront faites à cet administrateur.
Les significations faites au domicile pourront, suivant les circonstances,
être annulées par les tribunaux.
Il n'est point dérogé aux dispositions de l'article 173
du Code de commerce.
Art. 36 - A défaut d'administrateur provisoire, le président,
à la requête de la partie la plus diligente, commettra un
notaire pour représenter les personnes non interdites placées
dans les établissements d'aliénés, dans les inventaires,
comptes, partages et liquidations dans lesquels elles seraient intéressées.
Art. 37 - Les pouvoirs conférés en vertu des articles précédents
cesseront de plein droit dès que la personne placée dans
un établissement d'aliénés n'y sera plus retenue.
Les pouvoirs conférés par le tribunal en vertu de l'article
32 cesseront de plein droit à l'expiration d'un délai de
trois ans : ils pourront être renouvelés.
Cette disposition n'est pas applicable aux administrateurs provisoires
qui seront donnés aux personnes entretenues par l'administration
dans les établissements privés.
Art. 38 - Sur la demande de l'intéressé, de l'un de ses
parents, de l'époux ou de l'épouse, d'un ami, ou sur la
provocation d'office du procureur du Roi, le tribunal pourra nommer, en
chambre de conseil, par jugement non susceptible d'appel, en outre de
l'administrateur provisoire, un curateur à la personne de tout
individu non interdit placé dans un établissement d'aliénés,
lequel devra veiller, 1° à ce que ses revenus soient employés
à adoucir son sort et à accélérer sa guérison
; 2° à ce que ledit individu soit rendu au libre exercice de
ses droits aussitôt que sa situation le permettra.
Ce curateur ne pourra pas être choisi parmi les héritiers
présomptifs de la personne placée dans un établissement
d'aliénés.
Art. 39 - Les actes faits par une personne placée dans un établissement
d'aliénés, pendant le temps qu'elle y aura été
retenue, sans que son interdiction ait été prononcée
ni provoquée, pourront être attaqués pour cause de
démence, conformément à l'article 1304 du Code civil.
Les dix ans de l'action en nullité courront, à l'égard
de la personne retenue qui aura souscrit les actes, à dater de
la signification qui lui en aura été faite, ou de la connaissance
qu'elle en aura eue après sa sortie définitive de la maison
d'aliénés ;
Et, à l'égard de ses héritiers, à dater de
la signification qui leur en aura été faite, ou de la connaissance
qu'ils en auront eue, depuis la mort de leur auteur.
Lorsque les dix ans auront commencé de courir contre celui-ci,
ils continueront de courir contre les héritiers.
Art. 40 - Le ministère public sera entendu dans toutes les affaires
qui intéresseront les personnes placées dans un établissement
d'aliénés, lors même qu'elles ne seraient pas interdites.
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