La Circulaire du 28 février 1951

« J'ai noté avec satisfaction la création dans de nombreux hôpitaux psychiatriques et en application des instructions de ma circulaire n° 61 du 1er mars 1949 de services ouverts pour le traitement des malades mentaux dont l'état ne requiert pas l'application des dispositions de la loi du 30 juin 1838.

Cependant, aussi bien de l'énoncé de certaines questions qui m'ont été posées, que de la lecture de rapports qui me sont parvenus et plus particulièrement des justifications fournies à l'appui de vos arrêtés portant fixation des prix de journée, j'ai recueilli l'impression que dans la majorité des cas, l'organisation des services ouverts s'orientait plus ou moins directement vers la réalisation dans les hôpitaux psychiatriques d'une clinique ouverte analogue aux cliniques ouvertes des hôpitaux ordinaires ou d'un service présentant des analogies marquées avec une clinique particulière pour maladies mentales.

Or tel n'a pas été le but de la création de ces services.
Aussi bien dans la pensée de mes prédécesseurs que dans la mienne, le service ouvert d'un hôpital psychiatrique a eu exclusivement pour objet d'éviter aux malades dont l'état mental ne le requiert pas, les limitations de capacité civile et de liberté que comporte, même dans l'hypothèse d'un placement volontaire, l'application des dispositions de la loi du 30 juin 1838 (C. Livre III, titre IV), tout en leur assurant les soins des médecins particulièrement qualifiés qui exercent dans les hôpitaux psychiatriques.

Mais il restait entendu que, aussi bien du point de vue de l'assistance psychiatrique proprement dite, c'est-à-dire des frais d'hospitalisation, que du point de vue du fonctionnement technique, aucune différence ne devait exister entre le service ouvert et les services dits services fermés.

Le service ouvert devait, dans la mesure du possible, et uniquement en raison des préjugés encore très répandus, constituer une section isolée de l'hôpital psychiatrique, mais devait s'intégrer, du point de vue de la technique et de l'administration, dans le cadre général de l'établissement.

Or, dans certains établissements, les médecins chefs de service réclament chacun leur service ouvert; dans d'autres on prévoit l'affectation d'un personnel de spécialistes non prévu pour les services fermés, et pour la quasi totalité est réclamée la fixation d'un prix de journée pouvant atteindre 150 % du prix de journée applicable aux services fermés.

Il m'est apparu nécessaire et urgent de ne pas laisser persister de tels errements qui, à très brève échéance, se révéleraient très nettement préjudiciables à l'institution même des services ouverts dans les hôpitaux psychiatriques.

La présente circulaire a pour objet de déterminer d'une façon précise les caractéristiques principules que je désire voir présider au fonctionnement des services ouverts.

1° Pour éviter toute confusion avec les cliniques ouvertes des hôpitaux ordinaires, il convient d'utiliser à l'avenir, pour les services de l'espèce, la dénomination de services libres.

2° Tout en conservant son indépendance topographique dans la mesure où cela a pu être réalisé, le service libre doit s'insérer très étroitement dans le cadre général administratif de l'hôpital psychiatrique et le prix de journée qui y est pratiqué doit être calculé sur les mêmes bases que celui du service ordinaire, c'est-à-dire sur la base des seules conditions d'hospitalisation telles qu'elles se trouvent définies à l'article 22 du décret du 17 avril 1943 (voir page 25).

J'ajouterai toutefois que s'agissant le plus souvent de malades en période aiguë, l'isolement peut être considéré comme mesure thérapeutique et que le fait d'être traité dans une chambre particulière n'emporte pas le classement obligatoire dans la première ou seconde des catégories prévues par le texte précité.

Il ne saurait être question d'isoler le service libre sur le plan financier et d'en calculer le prix de revient selon la méthode fixée pour les cliniques ouvertes des hôpitaux qui ne sont, en rien, comparables. Une telle procédure fausse totalement l'esprit de l'institution : elle opère, en effet, sur le plan de l'hospitalisation proprement dite une distinction regrettable entre le malade tributaire du service libre et le malade qui doit être traité en service fermé. Elle aboutirait très rapidement à évincer des services libres les malades ne disposant pas de ressources suffisantes pour en acquitter les frais spéciaux, d'ailleurs souvent calculés d'une façon très artificielle.

Or j'entends, de la façon la plus formelle, que l'admission eu service libre soit uniquement basée en dehors de toute autre considération, sur la nature de l'affection mentale dont se trouve atteint le malade.

Il s'établira, d'ailleurs, sans incidence financière notable, une compensation entre les frais de fonctionnement du service libre et ceux du service ordinaire, de la même façon que se compensent dans le prix de journée des services ordinaires les dépenses occasionnées par les malades qui bénéficient de thérapeutiques spéciales (insuline ou autres) et ceux qui ne requièrent dans le même temps aucun traitement médical particulier.

3° Le service libre doit constituer une unité de soins confiée à l'autorité d'un seul médecin-chef. Il ne saurait être question d'envisager la possibilité de prévoir des sections spéciales pour chacun des médecins chefs de l'établissement.

Les difficultés qui pourraient naître d'une telle pratique de division du service libre me paraissent assez importantes pour que je crois indispensable d'insister tout particulièrement sur le caractère impératif de la règle ici fixée. »


Michel Caire, 2013
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