La Circulaire du 4 février 1958

Organisation et rémunération du travail thérapeutique : ateliers médicaux, pécule et fonds de solidarité.
Associations et clubs thérapeutiques

ClRCULAIRE DU 4 FEVRIER 1958
portant organisation du travail des malades mentaux en traitement dans les hôpitaux psychiatriques
(non parue au Journal officiel)

Circulaires abrogées ou modifiées : néant
Circulaires complétées : circulaire n° 146 du 21 août 1952; Instruction n° 131 du 20 août 1954 concernant l'application du plan comptable aux hôpitaux psychiatriques


Paris, le 4 février 1958.

Le ministre de la santé publique et de la population
(à MM. les préfets, les directeurs départementaux de la santé, les directeurs départementaux de la population et de l'aide sociale, les directeurs et médecins-chefs des hôpitaux psychiatriques) (pour exécution, chacun en ce qui le concerne).

Les dispositions de la section XXII du règlement modèle du service intérieur des hôpitaux psychiatriques ont été modifiées par un arrêté du 4 février 1958 publié au Journal officiel du 14 février 1958. Les modifications essentielles apportées au règlement modèle de 1938 par cet arrêté sont les suivantes :

1° Classification nouvelle des catégories de travaux qui peuvent être offertes aux malades, soulignant l'originalité du travail effectué dans les ateliers médicaux ;

2° Fixation du taux du pécule minimum, par référence au prix de l'affranchissement d'une lettre ordinaire ;

3° Créatlon d’un pécule complémentaire pouvant s'ajouter dans certaines conditions au pécule traditionnel ;

4° Suppression du pécule minimum de sortie qui, dans sa forme antérieure, ne permettait pas d’apporter à certains malades sortants l'aide matérielle Importante dont ils peuvent avoir besoln dans certains cas, pour se réadapter et éviter la rechute, et création d'un fonds de solidarité ;

5° Assouplissement des formalités suivant lesquelles le pécule est perçu par le malade.

La présente circulaire a pour but, tout en éclairant les administrations locales sur les raisons de ces modifications, de donner les directives nécessaires pour en permettre l'application pratique; mais elle dépasse en fait le stade du commentaire de l'arrêté du 4 févrIer 1958 pour constituer une instruction générale sur les conditions d'organisation du travail des malades dans les établissements psychiatriques.

Elle sera complétée ultérieurement, à l'occasion d'une circulaire générale actuellement en préparation, par des directives concernant l'organisation même de la vie sociale dans les hôpitaux psychiatriques, dont le travail thérapeutique n'est qu'un aspect. Avant d’aborder l'exposé de ces directives, il est utile d'indiquer brièvement les raisons qui les rendent nécessaires.

La thérapeutique par le travail a toujours été en honneur dans les hôpitaux psychiatriques. Sur le plan de la réglementation, l'ordonnance du 18 décembre 1839 y fait déjà allusion; le règlement modèle de 1857 y consacre de nombreux articles, repris pour la plupart, avec quelques modernisations, par le règlement modèle de 1938.

Le problème de l'organisation du travail des malades mentaux s'est posé, dès l'origine, en raison du fait que ces malades sont, en général, valides. Il s'agissait, d'abord, d’occuper le temps et d'éviter l'oisiveté. Le travail était, dès lors, considéré comme un dérivatlf, ayant une valeur thérapeutique positive.

Jusqu’à une période relativement récente, il était admis que le travail fourni par le malade « indigent » devait venir, en quelque sorte, en atténuation de ses dépenses d'hospitalisation; l'affirmatlon du principe que le travail bénéficierait à la colIectivité hospitalière n'était qu'une façon d'exprimer la notion de dette du malade assisté vis-à-vis de la collectivité en général; pendant longtemps, les hôpitaux psychiatriques ont fonctionné avec des prix de journée dérisoire, qui s'expliquaient, en partie, par la présence prolongée de ces sujets qu'on appelait les « bons malades » et qui fournissaient aux établissements une main-d'œuvre à bon marché pour leurs services économIques.

Les choses ont changé radicalement depuis une dizaine d'années.
L'hôpital psychiatrique s'éloigne de plus en plus de l’aslle traditionnel, pour devenir un établissement de soins actifs, avec un important et rapide mouvement de population. Sa clientèle a changé ; certes, les bénéficiaires de l'aide sociale sont encore nombreux dans les hôpitaux psychiatriques, mais, si l'on considère les admissions, le nombre de malades dits « payants » s'accroît sans cesse, en raison de la progression du nombre des assurés sociaux.

Cette évolution de la clientèle n’est d'aiIleurs pas limitée à des modifications d'ordre social; en fait, pour un certain nombre de raisons les malades mentaux qui se présentent aujourd'hui à l’hôpital psychiatrique sont, pour beaucoup, à un stade initial de leurs troubles, alors que, dans le passé, on ne recourait à l’asile qu'à la dernière extrémité; enfin, le développement des dispensaires d'hygiène mentale et du système des sorties d'essai contrIbue également, à raccourcir la durée d'hospitalisation, en favorisant des sorties plus précoces. Rappelons, au surplus, les progrès des méthodes thérapeutiques elles-mêmes qui ont été oonsidébables depuis quelques années.

En même temps qu'évoluait la clientèle des hôpitaux psychiatriques - et cette évolution ira en s'accentuant d'année en année les données médicales de l'organisation du travail se modifiaient profondément, sous la pression des expériences de nature diverse, menées dans un certain nombre d'établissements ou de services. De ces expériences variées d'inspiration doctrinale parfois opposée, des conclusions positives communes peuvent être retirées dont les plus importantes sont les suivantes :

1° Le travail a une valeur thérapeutique considérable, à la condition :
- qu'il soit aussi varié que possible, pour s’adapter à la personnalité, aux possibilités et à l'évolution de chaque malade;
- qu'il fasse l'objet d'une rémunération autre que purement symbolique;
- que la rentabilité économique ne soit pas systématiquement recherchée.

2° L'organisation du travail n'est qu'un des aspects de l'organisation de la vie sociale à l'hôpital, laquelle est un élément essentiel de la thérapeutique.

3° La participation du malade à cette vie sociale sous toutes ses formes, doit être active et non passive.

4° Le malade doit bénéficier du produit de son travail; une partie de ce produit doit lui revenir en numéraire : la manipulation de l'argent a, en soi, dans la plupart des cas, une valeur thérapeutique, et, au surplus, constitue un test de sociabilité de premier ordre, complémentaire de celui que représente l'exécution même de la tâche confiée au malade.

Le déroulement de ces diverses expériences a montré qu'un certain nombre de difficultés d'ordre administratif pouvaient s'opposer au fonctionnement aussi souple que possible, dans l’intérêt même du malade, du système idéal d'organisation.

La circulaire n°148 du 21 août 1952 faisait déjà allusion à ces difficultés, qui ont été connues, ces dernières années, d'une manière plus ou moins aiguë, dans un certain nombre d'établissements; la Cour des Comptes a même fait observer que des comptabilités de fait irrégulières se trouvaient instituées dans certains établissements ou services où se déroulaient, précisément des expériences figurant parmi les plus intéressantes; jusqu'à présent, seule la grande compréhension manifestée par la haute juridiction et par les services de la comptabilité publique à l'égard de ces expériences a permis d'écarter provisoirement ces difficultés.

A la suite de la réforme de la comptabilité hospitalière, introduite dans les hôpitaux psychiatriques par l'instruction n° 131 du 20 août 1951, mes services, avec l'aide de mes conseillers techniques et la collaboration des services de la comptabité publique, ont entrepris une étude minutieuse de la question, qui a été évoquée à plusieurs reprises au sein de la commission des maladies mentales du conseil permanent d'hygiène soclale. Cette étude a abouti à la modification précitée du règlement intérieur et à l'élaboration des présentes instructions.

Le but recherché est de faciliter, dans tous les cas, l'organisation du travail des malades, en éliminant les difficultés qui, dans le passé, pouvaient légitimement opposer les responsables des services médicaux aux responsables des services administratifs.

En tirant les conclusions des principales catégories d'expériences réalisées et en les adaptant aux nécessités de la comptabilité et de la réglementation administratives, sans perdre de vue les exigences médicales, les instructions qui vont suivre doivent donner à tous les établissements et à tous les services les meilleures « recettes » pour l'organisation recherchée.

Il va sans dire que l'application de ces instructions ne doit, en aucun cas, avoir pour effet de stériliser les efforts déjà accomplis; le but poursuivi est de régulariser les expériences déjà en cours et de permettre leur intensification dans les services mêmes où elles fonctionnent et, par là, leur généralisation à d'autres services ou établisssements.

Dans un premier chapitre seront exposées les directives d'organisation générale concernant le travail des malades, qui sera désigné dorénavant sous les vocables de « Travail thérapeutique » ; un second chapitre décrira les mécanismes administratifs et comptables qui doivent être mis en place; enfin, dans un dernier chapitre seront données les indications générales sur les conditions dans lesquelles il est possible de recourir à l'aide d'une association déclarée de la loi de 1901 pour assurer tout ou partie des activités en cause.


CHAPITRE 1er

DIRECTIVES GENERALES


Le présent chapitre tend à poser ou à rappeler les principes qui doivent guider les administrations hospitalières et le corps médical dans l’organisation même du travail thérapeutique et pour sa rémunération.



ORGANISATION DU TRAVAlL THERAPEUTlQUE

Après le rappel de quelques généralités, seront décrits les divers modes d'organisation possible.


§ 1er. - GENERALITES

Il y a lieu de rappeler tout d'abord que le médecin chef du service a seul qualité pour prendre au moment opportun la décision de « mise au travail » d'un malade, pour choisir le genre de travail qui lui sera confié et en fixer les conditions d'exécution et de rémunération.

En second lieu, dans chaque établissement, et pour chaque service, le choix des activités, le nombre des malades qui peuvent être affectés à chacune de ces dernières, les dispositions à prendre pour l’aménagement des locaux et pour l’affectation ou Ia répartition des diverses catégories de personnel, le choix entre les solutions possibles pour la réaIisation pratique, dans le sens des indications qui seront données plus loin, en bref tout ce qui concerne l'organisation même du travail thérapeutique doit faire l'objet de décisions qui ne peuvent être arrêtées que conformément aux propositions du médecin chef de service, dans la limite bien entendu, des latitudes offertes par les présentes instructions.

L'arrêté du 4 février 1958 a modifié l'énumération des divers types du travail susceptible d'être accompli par les malades. Les travaux des deux premières catégories définies par le nouvel article 171 correspondent à des types d’activité classiques, pratiquées depuis très longtemps dans tous les établissements et qui, dans le cadre de directives générales d’organisation, ne soulèvent pas de problèmes particuliers.

Il en va tout différemment des « travaux dans les ateliers médicaux » qui sont en fait, dans une large mesure, l’objet même de la présente circulaire.

Déjà la circulaire 148 du 21 août 1952 avait souligné la nécessité de développer ces activités et il ne paraît pas nécessaire, aujourd’hui, d’insister longuement sur ce point. J’indiquerai simplement que, dans chaque établissement, on doit s’attacher à organiser des ateliers médicaux de type artisanal offrant une gamme d’activités aussi variée que possible et susceptibles, au moins pour partie, de se renouveler périodiquement. Ces ateliers doivent pouvoir fonctionner soit dans les pavillons eux-mêmes, soit dans des locaux distincts ; il y a intérêt, en général, à ménager les deux possibilités au sein d'un même service et les constructions d'établissements neufs prévoient d'ailleurs cette double possibilité.

Enfin, la gamme des activités pratiquées dans les ateliers médicaux doit être non seulement variée, mais étendue; en particulier, il est indispensable de prévoir la possibilité de confier à certains malades, à tel ou tel stade de leur traitement, des tâches élémentaires, sans rendement économique, en général désignées sous le vocable de « tâches de bas niveau ».


§ II. - ORGANlSATI0N DES ATELIERS MEDICAUX

Dans un même établissement, voire dans un même service, les modalités possibles d'organisation des ateliers médicaux sont multiples. On distinguera essentiellement deux types d'organisation, selon que l'établissement fournit lui-même tout le matériel et les matières premières (travail en régie) ou qu'il traite pour ces fournitures avec des tiers, entrepreneur ou association de la loi de 1901 (travail à façon). Bien entendu, ces deux types d'organisation ne sont donnés qu'à titre d'indication générale, de nombreuses « variantes » pouvant se présenter.

Les problèmes généraux posés par le recours éventuel aux services d’une association font l'objet, pour plus de clarté, d’un chapitre séparé de la présente circulaire, ils ne sont pas évoqués pour le moment; dans le présent chapitre et le chapitre 2, la participation d'une association à l'organisation du travail thérapeutique dans les ateliers médicaux sera présentée comme une donnée de fait éventuelle. Quel que soit le type d'organisation retenu, dans tous les cas, c'est à l'établissement qu’il appartient de pourvoir à l’aménagement des locaux nécessaires et à la mise en place du personnel moniteur indispensable pour assurer la démonstartion et l’enseignement pratique et veiller à la bonne marche des ateliers.

I. - PREMIÈRE HYPOTHESE. – Travaux en régie

Les matières premières et le matériel sont fournis exclusivement par l'établissement.

L'établissement doit acquérir le matériel, les matières et les fournitures de toute sorte correspondant à la nature des travaux en cause. Il s'agit de travaux dits « en régie ».

Les produits fabriqués peuvent être réservés aux seuls besoins de la consommation intérieure, ou au contraire être vendus à l'éxtérieur soit en totalité, soit partiellement. La vente à l’extérieur peut être assurée soit par l'établissement lui-même, soit par une association de la loi de 1901 avec laquelle l’hôpital psychiatrique a passé contrat à cette fin.

Dans le cas où l’établissement assure lui-même la vente des objets fabriqués, cette vente peut se faire au détail, à diverses occasions, à l’intérieur même de l’établissement ; elle peut aussi s’effectuer en gros ou demi-gros auprès d’entreprises du secteur commercial. Dans l’hypothèse où les produits fabriqués sont reservés totalement ou en partie, à la consommation intérieure, on considèrera – comme on l’a toujours fait - qu'il y a une cession théorique à l'établissement.

Dans tous les cas, quelle que soit la procédure adoptée pour l'utilisation des produits fabriqués, le prix de vente ou de cession de ces dernières (vente effective au tiers, cession théorique à l'établissement) doit, autant que possible, couvrir les frais engagés par l’établissement (matières premières, fournitures, énergie, amortissement du matériel…) et ceux correspondant à l'évaluation de la main-d'œuvre. Cette évaluation est faite conformément aux princIpes posées à l'article 224 de l'instruction n° 131 du 20 août 1954, c'est-à-dire eu égard aux résultats obtenus en quantité et en qualité; il va sans dire, cependant, que ces dispositions ne peuvent s'appliquer aux tâches dites « de bas niveau ».

II. - DEUXIÈME HYPOTHÈSE. - Travaux à façon.

Les matières premières et le matériel sont fournis par des tiers. Les matières premières et les fournitures, voire même le matériel en totalité ou en partie sont, à la suite d'un contrat, mis à la disposition de l'établissement par un entrepreneur de travaux à façons ou par une association de la loi de 1901. Il s'agit alors de travaux dits « à façon ». Les objets confectionnés ou fabriqués sont remis à l'entrepreneur ou à l'association contre versement d'une somme convenue à l'avance, destinée à couvrir le montant des prestations fournies par l’établissement – main-d'œuvre, locaux, matériel, amortissement du matériel, énergie employée, compléments de fournitures s'il y a lieu.

Cette façon de procéder offre l'avantage de simplifier la tâche de l’établissement qui n'a plus à se soucier de rechercher les moyens d'écouler à l'extérieur les produits du travail des ateliers. Elle peut comporter, cependant, quelques inconvénients : risque d'acceptation de tâches non strictement sélectionnées, pouvant n’avoir qu'une faible valeur thérapeutique, ou d'activités purement saisonnières, délais de livraison trop rigoureux…

Aussi, lorsqu’un médecin chef de service désirera recourir à ce mode d’organisation, il devra veiller avec beaucoup de circonspection à la rédaction des termes du contrat, principalement, bien entendu, lorsque ce dernier sera passé avec un entrepreneur de travaux à façon; il y aura intérêt à rechercher de préférence la conclusion de contrats avec une ou des associations désintéressées. Il va de soi que dans l'hypothèse de la passation d'un contrat avec un entrepreneur de travail à facon, un cautionnement devra être exigé des intéressés pour garantir le règlement des sommes dûes.



SECTION DEUXIEME

REMUNERATION DU TRAVAIL THERAPEUTlQUE

PECULE DE BASE ET PECULE COMPLEMENTAIRE

Bien que le terme de « pécule » soit loin d'être satifaisant pour désigner la rémunération du travail thérapeutique, il n'a pas paru possible de le remplacer par une autre dénomination qui fût vraiment adéquate. Le terme traditionnel est donc conservé dans le règlement modèle modifié et dans la présente instruction.

Le pécule ne peut être considéré, du point de vue légal, comme un salaire. Instituée pour inciter le malade à travailler et pour l'intéresser à son travail, l'attribution d'une rémunération constitue, à elle seule, un élément de resocialisation du malade puisque, dans toute société normale, le travail est rémunéré en fonction d'un certain nombre de critères. A l'hôpital psychiatrique, ces critères ne peuvent pas, évidemment, être les mêmes que dans la sooiété normale; ce seront des critères médIcaux et non plus seulement des critères économiques.

L'attribution du pécule ne peut être liée à la réalisation systématique de bénéfices sur les objets fabriqués ou, plus généralement, le service rendu. Tout travail, qu'il soit rentable ou non, doit pouvoir être rémunéré en fonction de deux catégories d'éléments, objectif et subjectif. L'élément objectif est apporté par la durée efective du travail et par son rendement; l'élément subjectif est constitué par l’effort même accompli par le malade, effort qui ne peut être apprécié que par le médecin en fonction de tout ce qu'il sait de l'état mental du sujet.

Ces considérations justifient la réforme apportée à la rémuneration du travail par la modification du règlement modèle, qui consiste à introduire la notion de « pécule complémentaire » à côté du pécule traditionnel qui prend l'appellation de « pécule de base », le mot « pécule » employé seul devenant un terme générique qui couvre les deux notions.

Le pécule de base, prévu à l'article 175 du règlement modèle, sanctionne essentiellement la durée du travail : il varie en outre selon la catégorie de la tâche effectuée.

Le pécule complémentaire prévu à l'article 175 bis, et dont peuvent bénéficier aussi bien les malades travaillant dans les ateliers médicaux que ceux qui exercent une activité des deux premières catégories énumérées à l’article 171 nouveau du règlement modèle, sera, pour chaque malade, fonction de la rentablIité de son travail d’une part et, d'autre part, de l'importance de l'effort qu'il aura fourni, à apprécier dans les conditions ci-dessus précisées --c'est dire qu'un malade dont le rendement économlque est nul peut néanmoins bénéficier d'un pécule complémentaire s'il apparaît au médecin que cela est justifié et nécessaire sur le plan thérapeutique.


Telles sont les directives générales essentielles qui me paraissent devoir être données pour servir de cadre à l'organisation du travail thérapeutique, qui doit être intensifiée dans chaque établissement, dans chaque service. J'insiste sur le fait que ces instructions ne constituent qu’un cadre auquel doivent et peuvent s’adapter toutes les initiatives individuelles qui ont déjà été prises ou qui sont susceptibles de l’être à l’intérieur de chaque service médical.



CHAPITRE DEUXIEME

DISPOSITIONS ADMINISTRATIVES ET COMPTABLES

L’application pratlque des dispositions préconisées dans le chapitre précédent impose l’introduction de certaines modalités administratives et comptables qui font l'objet des développements ci-après. On distinguera dans le présent chapitre deux sections qui traiteront respectivement, la première du travail lui-même, la deuxième du pécule et du fonds de solidarité.



DISPOSITIONS RELATIVES A L'ORGANISATION DU TRAVAIL THERAPEUTIQUE

De même qu'au chapitre précédent, les travaux compris dans les première et deuxième catégories définies par l'article 171 nouveau du règlement modèle n'ont été cités que pour mémoire, de même, dans le présent chapitre, il sera simplement rappelé que ces travaux doivent faite l'objet de prévisions en dépenses et en recettes et d'écritures d'ordre, conformément aux dispositions de l'instruction du 20 août 1954 concernant l'application du plan comptable aux hôpitaux psychiatriques.

Les instructions qui vont suivre ne concernent donc que le travail thérapeutique effectué dans les ateliers médicaux.

On envisagera successivement la question des prévisions budgétaires, celle de l'exécution des opérations et les résultats financiers.


§ Ier. – PREVlSIONS BUDGETAIRES


Il y a lieu de distinguer deux cas, selon que les travaux sont effectués en régie - c'est-à-dire lorsque l'établissement fournit Ie matériel et les matlères premières - ou à façon - c'est-à-dire lorsque le matériel et les matières premières sont fournis par un tiers, entrepreneur ou association.

I. – TRAVAUX EFFECTUES EN REGIE

Les directives partent sur les dépenses, l’entrée en comptabilité des objets fabriqués et les recettes.

1° Dépenses

A. – Modalités d’imputation

Les prévisions de dépenses concernant les achats de matériel, de matières premières et fournitures diverses doivent être inscrites aux comptes suivants :

a) Matériel.

- Pour le matériel amortissable utilisé exclusivement par les ateliers médicaux, les prévisions sont à imputer à une subdivision du compte 21-41 « Matériel et outillage hospitalier » ; cette subdivision sera ouverte sous le n° 21.416 et portera l’intitulé « Matériel et outillage des ateliers médicaux » ;

- Pour le matériel amortissable pouvant être utilisé indifféremment par les ateliers médicaux et par d’autres services, les prévisions sont effectuées à la subdivision du compte budgétaire qui correspond à la nature de ce matériel ;

b) Matières premières et fournitures.

- Pour les matières premières et fournitures de faible valeur, pour lesquelles il n’est pas constitué de stock, les prévisions sont effectuées au compte 654 « Travail thérapeutique et vie sociale, ergothérapie », subdivision du compte 65 ;

- Pour les matières premières et fournitures ayant une valeur importante ou constituées en stocks, il conviendra d'effectuer deux prévisions :

- La première, pour les achats au compte 314 « Matières pour travail thérapeutique »;

- La seconde, pour l'utilisation de matières et fournitures stockées au compte 655 « Travail et réadaptation », cette seconde prévision doit être compensée par une prévision de recettes au compte 314: le compte 655 devra comprendre deux subdivisions, l'une pour les travaux dont le produit sera utilisé par l'établissement, l'autre pour les fabrications destinées à la vente;

Toutes les dépenses des ateliers médicaux non visées aux a et b ci-dessus personneI, entretien des locaux, énergie utilisée…) font l'objet d'inscriptions prévislonnelles aux comptes ou subdivisions de compte correspondant à leur nature.

B. - Modalités de prévision

Les prévisions intéréssant les comptes ci-dessus sont établies sur proposition des différents médecins chefs de service qui présentent leurs estimations au directeur à l'époque fixée par celui-ci, dans des conditions identiques à celles selon lesque!les le pharmacien établit ses propositions de consommation des produits pharmaceutiques.

Les comptes 21.416 « MatérIel et outlllage des ateliers médicaux », 314 « Matières pour travail thérapeutique », 654 « ergothérapie », 655 « travail et réadaptation », comprennent chacun une subdivision par atelier ou groupe d’ateliers placé sous l’autorité d'un même médecin chef de service. Les crédits ouverts à ces subdivisions sont gérés par chaque chef de service, qui en dispose librement selon les modalités précisées ci-après, concernant l'exécution des opérations. Les subdivisions ainsi ouvertes figurent au cadre de développement des opérations par ligne, qui accompagne les documents budgétaires.

2° Entrée en comptabilité des objets fabriqués

Trois cas sont à distinguer :

A. - Les productions consistent en matériel amortissable : a valeur de ce matériel est inscrite au crédit du compte 755-3 « production des ateliers médicaux ». les subdivisions intéressées du compte 21 « Immobilisations », doivent être débitées par ailleurs d’un montant égal.

B. – Les productions consistent en matériel non amortissable qu’il est jugé nécessaire en raison soit de la valeur, soit de leur nombre, de suivre en stock : elles font l’objet d’une entrée en stocks par une double inscription en débit au compte 353 « Fabrication des ateliers médicaux » et en crédit au compte 755-3 « Production des ateliers médicaux ».

C. - Les productions consistent en matériel non amortissable et non suivi en stocks : Les objets fabriqués font dans ce cas, l’objet d’un inventaire extra-comptable.

Au moment de la mise en vente ou de l'utilisation, le compte 353 « Fabrication des ateliers médicaux » est crédité par le débit d’un compte de la classe 6 « Charges par nature ». C'est le plus souvent le compte 605 « Produits finis » qui sera utilisé à cette fin; il comprendra une subdivision spéciale pour les produits destinés à être vendus.

3° Recettes

Les recettes sont constituées par le produit de la vente des objets fabrlqués. Elles sont, dans les prévisions budgétaires, imputées au compte 7674 « Produits de la vente des objets fabriqués ».


II. – TRAVAUX EFFECTUÉS A FAÇON

Lorsqu'il s'agit de travaux effectués à façon, iI n'y a plus à sa préoccuper, lors des prévisions budgétaires, de l'entrée en comptabilité des objets fabriqués, mais seulement des dépenses et des recettes.

1° Dépenses

Il n'y a lieu, d'ailleurs, dans cette hypothèse, de prévoir des dépenses de manières premières et de matériel, que si l’élablissement doit acquérir des foumitures destinées à compléter l'apport du tlers pour le compte duquel sont effectués les travaux. Ces prévisions d'achats sont à inscrire au compte 654 « Ergothérapie ».

Dans le cas où la mise en place d'un matériel particulier devrait être effectuée pour permettre l'exécution de ces travaux, l'amortissement de ce matériel serait inscrit à un sous-compte spécial de l'article 681 « Amortissement ».

2° Recettes

Les sommes versées par le tiers en contrepartie des prestations fournies sont à imputer à un compte nouveau à ouvrir sous les numéro et intitulé suivants : 7675 « Produits des travaux à façon ».


§ II. – EXÉCUTION DES OPÉRATIONS


On envisagera sous ce paragraphe les questions suivantes : réalisation des achats, gestion des stocks, réglement des dépenses et recouvrement de recettes. Ces différentes questions ne se posent en principe que dans l'hypothèse des travaux en régie, mais iI va sans dire que les précisions données ci-dessous s’appliquent également aux acquistions de fournitures complémentaires qui peuvent être nécessaires dans l'hypothèse des travaux à façon.


I. – RÉALISATION DES ACHATS

Les achats de matières premières et fournitures nécessaires sont, en principe, effectués par l'économe sur proposition du médecin chef de service, selon les dispositions générales applicables en la matière.

Toutefois, il y aura très souvent intérêt à ce que les achats soient effectués par les médecins-chefs dans la limite des crédits mis à leur disposition par analogie avec la pratique suivie pour les achats de pharmacie, avec visa préalable de l’économe. Dans l’une ou l’autre hypothèse, l‘économe n’a, en aucun cas, à se faire juge de l’opportunité des achats dès lors que leur montant n’excède pas la limite des crédits disponibles à l’article considéré pour le service qui procède à l’acquisition.


II. – GESTION DES STOCKS

Les stocks de matières, fournitures et objets confectionnés sont gérés par l'économe selon les modalités applicables à la gestion des stocks en général.

Toutefois, par application du paragraphe 435 de la circulaire n° 145 bis du 28 novembre 1952 concernant l'introduction du plan comptable dans la comptabilité des établissements hospitaliers, les médecins chefs de service peuvent gérer les stocks des ateliers médicaux. Ils tiennent alors ou font tenir une comptabilité simplifiée comprenant deux séries de documents :

- un registre des entrées constitué soit par la réunion des bordereaux mensuels des entrées, soit par la main courante des entrées;

- un registre des sorties constltué, soit par la réunion des bordereaux de sorties, soit par le carnet des sorties de stocks.

Ces documents sont destinés à décrire les mouvements, entrées ou sorties, des fournitures inscrites, en comptabilité générale, aux compte 314 « Matières pour travaiI thérapeutique » et 353 « Fabrication des ateliers médicaux ». Une ligne ou une colonne est affectée, sur chaque série de documents, aux opérations concernant une matière ou un produit déterminé. Les fournitures, matières ou produits, sont enregistrés en quantité seulement.

Les totaux des quantités entrées sont comparés, périodiquement, aux totaux des quantités sorties pour déterminer les existants en stocks. La valeur des entrées et celle des sorties sont déterminées à mesure que les documents nécessaires permettant d’en faire l’évaluation (factures, mémoires, etc.) parviennent au médecin chef de service, dans les conditions prévues au paragraphe 432 de la circulaire 145 bis du 22 novembre 1952.

Les résultats de cette comptabilité sont intégrés dans la comptabilité générale des stocks tenus par l'économe ; ils sont reportés à la fin de chaque mois, globalement, sur le journal des stocks de l’économe et sur des fiches récapitulatives par nature du grand livre des stocks.

Les médecins-chefs de service tiennent ou font tenir un état des objets confectionnés ou fabriqués, conforme au modèle donné en annexe. D’autre part, les résultats des fabrications, la destination donnée aux produits fabriqués ainsi que l’acquisition et l’emploi des fournitures imputées au compte 654 « Ergothérapie » sont suivis par un inventaire extra-comptable, tenu sous la responsabilité du médecin-chef de service, sur fiches ou sur bordereaux. L’état visé à l’alinéa précédent peut éventuellement être utilisé à cette fin.


III. – RÈGLEMENT DES DÉPENSES

Toutes les dépenses sont en principe réglées par le receveur selon les règles habituelles.

Cependant, en ce qui concerne l'achat de menues matières et fournitures nécessaires à l'ergothérapie, il peut très souvent s'avérer souhaitable de les faire effectuer par l'intermédiaire de régisseurs d'avances.

Il est alors désigné, selon l'opportunité, soit un seul régisseur pour l'ensemble des ateliers de travail thérapeutique de l'établissement, soit un régisseur pour chaque atelier ou groupe d'ateliers important.

L’acte constitutif de la régie fixe le montant des avances à consentir au régisseur, le montant du cautionnement, le montant de l’indemnité à verser à l’agent chargé de la régie, les documents à tenir par celui-ci et la périodicité selon laquelle il devra fournir les pièces justificatives en vue de l'établissement d'un mandat permettant de reconstituer l'avance à son montant initial.


IV. - RECOUVREMENT DES RECETTES

Lorsque les ateliers médicaux fonctionnent sous le système du travail à facon, le recouvrement des recettes ne pose aucun problème particulier.

Dans l’hypothèse, par contre, où le travail est organisé en régie par l’établissement lui-même, il est nécessaire de donner un certain nombre de directives visant les modalités partlculières de vente qui peuvent être suivies :
Vente globale à un ou plusieurs tiers;
Vente au détail sur place;
Vente au public d’une kermesse organisée dans l'établissement.

1° Vente globale à un ou plusieurs tiers :
L’acquéreur règle à la caisse du receveur sur titre de recette émis par l'ordonnateur.

2° Vente au détail sur place :
Les objets sont remis aux acquéreurs contre versement immédiat de leur prix.

Pour éviter d’alourdir le travail servlces d'économat et de la recette, il y a intérêt à désigner, comme il a été lndiqué en matière de dépenses soit un seul régisseur de recettes pour l'ensemble de l’établissement, soit un régisseur de recettes pour chaque atelier ou groupe d’ateliers importants. Le même agent peut d’ailleurs à la fois remplir les deux fonctions.

L’acte constitutif de la régie doit fournir des précisions analogues à celles qui sont indiquées plus haut en matière de régie de dépenses : montant du cautionnement, montant de l’indemnité versée au régisseur, périodicité selon laquelle les sommes encaissées sont versées à la caisse du receveur.

En ce qui concerne ce dernier point, chaque versement est appuyé d’un bordereau des recettes provenant des ventes, dressé par le régisseur et visé par le directeur, indiquant pour chaque journée et pour chaque catégorie de produits :
- la quantité de produits vendus au cours de la journée ;
- le prix unitaire auquel la vente a été opérée ;
- le montant de la recette.

Les quantités de produits vendus portées sur les bordereaux de recettes provenant des ventes doivent, en ce qui concerne les objets suivis en stocks, correspondre aux sorties inscrites dans la comptabilité de stocks et, en ce qui concerne les autres objets, aux inscriptions portées sur l'inventaire extra-comptable.

3° Vente au cours d’une kermesse :
Pour de telles ventes, les établlssements peuvent recourir à l’une des solutions ci-après :

A. - Vente, dIrecte par rétablissement qui se charge de l'organisation générale de la fête ou de la kermesse; les maniements de fonds sont alors effectués sous la responsabilité d'un ou de plusieurs membres du personnel ayant la qualité de régisseurs de recettes; les agents qui agiraient en cette qualité uniquement à cette occasion peuvent être dispensés de fournir un cautionnement.

B. - Remise en dépôt des objets à une association qui se charge de l'organisation de la fête ou de la kermesse et qui remet ensuite le produit des ventes et les objets invendus; l'association agit alors comme un régisseur de recettes.

C. - Cession des objets à une association qui se charge de l'organisation de la fête ou de la kermesse et qui n'a pas à rendre compte des resultats de la vente; la cession doit précéder la fête ou la kermesse et être consentie pour un prix déterminé à l’avance.


§ III. – RESULTATS FINANCIERS


Sous ce paragraphe seront traités successivement les questions relatives aux dépenses, aux recettes et aux résultats proprement dits.

I. - Dépenses

Les différentes dépenses inscrites au budget primitif au titre du travail effectué dans les ateliers médicaux, sont regroupées dans une des colonnes du cadre de développement qui accompagne le budget pour déterminer le coût global de ces travaux. Les chiffres portés dans cette colonne peuvent être ventilés dans un tableau annexe pour permettre de dégager les dépenses affectées à chaque atelier ou groupe d’ateliers fonctionnant dans l’établissement. Chaque total de dépenses est comparé aux recettes de façon à déterminer, dès le stade du budget primitif, le résultat bénéficiaire ou déficitaire de l’atelier ou du groupe d’ateliers placé sous l’autorité d’un médecin-chef, de façon à permettre l’application des dispositions de l’article 175 bis nouveau du règlemet modèle, qui seront commentées plus loin. (Fonds de solidarité)

Des dispositions identiques sont prises à la clôture de l’exercice pour déterminer le coût réel des ateliers médicaux. Un compte de regroupement de frais est ouvert à cet effet à la feuille de répartition et d’imputation des prix de revient. Par analogie avec les dispositions similaires arrêtées par l’instruction du 20 août 1954, en ce qui concerne le travail thérapeutique dans les exploitations agricoles, la rémunération des moniteurs attachés aux ateliers médicaux ne doit pas être incorporée dans les éléments de dépenses entrant dans le calcul du prix de revient des ateliers ; cette rémunération doit être exclusivement imputée au compte 612.2 « Personnel hospitalier soignant ».

II. - Recettes

Les recettes à prendre en considération pour déterminer les résultats de chaque atelier ou groupe d'ateliers sont constituées par:
- les sommes inscrites aux comptes 767.4 « Produits de la vente des objets fabriqués » et 767.5 « Produit des travaux à façon »;
- les productions d'immobilisations inscrites au compte 755.3 « Production des ateliers médicaux »;
- la valeur des produits consommés ou utilisés qui, dans la oomptabllité des prix de revient, doit faire l'objet d'un virement aux sections auxquelles aurait été inscrite la valeur des produits analogues s'ils avaient été acquis à l’extérieur.

III. - Résultats proprement dits : déficits et excédents

Les résultats déficitaires sont pris en compte pour le calcul du prix de journée de l'établissement.
Les résultats bénéficiaires sont isolés par service. Ils sont utilisés dans les conditions prévues par l'article 175 bis nouveau du R. M. des hôpitaux psychiatriques, à savoir :

a) Le financement de certaines dépenses effectués au bénéfice d'un groupe de malades.
Il n'est pas question d'envisager que les résultats bénéficiaires des ateliers médicaux financent eux seuls les activités culturelles et récréatives tendant à l'organisation de la vie sociale dans le service ou dans l'établissement, mais seulement qu'ils constituent un appoint, un complément des dispositions prises à cet égard dans le cadre des dépenses budgétaires de l'établissement. En aucun cas d'ailleurs le montant des dépenses susceptibles d’être effectuées à ce titre dans chaque service ne pourra dépasser le tiers du montant total de l'excédent

b) L'alimentation du fonds de solidarité du service;

c) L'octroi d'un pécule complémentaire s'ajoutant au pécule traditionnel.

Ces deux dernières questions seront traitées plus en détail dans la section deuxième du présent chapitre.

Il appartient au médecin chef de chaque service d'établir la ventllation prévisionnelle des résultats bénéfieiaires escomptés entre les rubrlques a, b et c ci-dessus, et d'utiliser ces crédits en cours d’année, suivant les nécessités.



SECTION DEUXIÈME

PECULE ET FONDS DE SOLIDARlTE

§ 1er. - LE PECULE

L'innovation apportée dans ce domaine par l’arrêt portant modification du règlement modèle a déjà été soulignée dans la deuxième section du premier chapitre. Comme il a été dit, il y a lieu de distinguer deux éléments, le pécule de base et le pécule complémentaire.

I. - Pécule de base

Le troisième aIinéa de l'article 175 modifié du règlement modèle fixe le taux minimum du pécule de base par référence à une donnée pratique simple; cette indexation a paru commode et il y aura lieu pour l'autorité de tutelle de veiller à l'application effective et immédJate de ces dispositions, si elles ne sont pas déjà effectivement appliquées, comme c'est le cas, à ma connaissance, dans un certain nombre d'établissements.

Il y aura lieu également de veiller à ce que l’institution d'un taux maximum impliquant des taux différenciés entre le minimum et le maximum ne reste pas lettre morte.

Le pécule de base reste comme par le passé un des éléments constitutifs du prix de journée et est imputé aux subdivisions 650-0 et 650-1 du compte budgétaIre « Pécule ».

Je rappelle, à cette occasIon, que le pécule des malades travaillant à l'exploitation agricole est inscrit au compte « Pécule » du budget général et ne doit pas figurer sur le budget de l'exploitation. Par ailleurs, le pécule des malades employés à des travaux ménagers pour les fonctionnaires de l'établissement doit être remboursé par ceux-ci à l'hôpItal pschiatrIque. La recette correspondante doit figurer à la section d'exploitation.


II. - Pécule complémentaire

Les développements du chapitre 1er ont souligné les caractéristiques et les conditions d'attribution du pécule complémentaire. Du point de vue de l'organisation financière, les précisions ci-aprés doivent en outre être apportées.

Les crédits ouverts au titre du pécule complémentaire et mis à la disposition du médecin figureront au compte 650-2 « Pécule complémentaire », qui comportera deux subdivisions :

a) 650-20 « Pécule complémentaire des malades travaillant dans les ateliers médicaux ». Sous cette rubrique figureront les crédits affectés par le médecin chef de service dans le cadre de la ventilation des excédents de recettes des ateliers (cf. section 1re du présent chapitre, troisième paragraphe, Ill);

b) 650-21. « Pécule complémentaire des malades travaillant dans les services généraux et à l’exploitation agricole ». Les dépenses prévues à ce titre constituent une charge d’exploitation et doivent être incorporées parmi les éléments constitutifs du prix de journée. C’est au médecin qu'il appartient d’établir en temps utile les prévisions nécessaires à cet effet pour harmoniser les conditions de rémunération du travail dans les deux types d’ateliers.

Bien entendu, il y aura lieu d’ouvrir pour chaque service médical une subdivision de chacun des sous-comptes 650-20 et 650-21.


III.- Payement du pécule

Les opérations comptables relatives au payement aux malades du pécule de base et du pécule complémentaire doivent s'effectuer conformément aux dlrectives ci-après.

Comme par le passé, les opérations du pécule décrites au compte ouvert dans les écritures du receveur ne seront pas individualisées, les comptes individuels étant tenus par l'économe qui devra toujours être en mesure de remettre à chaque malade tout ou partie des sommes figurant au solde de son compte individuel.

Comme par le passé également, l'autorisation de percevoir et de détenir des sommes d'argent provenant du pécule, et d'en disposer, est donnée par le médecin chef de service, sans intervention des autorités administratives.

L'usage s'est instauré, dans nombre d'établissements, deumettre globalement entre les mains d'un membre du personnel soignant (surveillance, chef de pavillon) le montant en numéraire du pécule destiné aux malades du service ou du pavillon. C'est ce membre du personnel qui donne acquit à l'économe et qui détient l’argent jusqu'à la distribution aux malades. Un des fondements de cet usage souvent mis en avant est que l'acquit donné par un malade interné n'aurait aucune valeur; or, la loi du 30 juin 1838 prévoit sans doute les conditions dans lesquelles les actes des malades internés peuvent être attaqués « pour cause de démence », mais n'édicte pas leur incapacité juridique à priori.

Au surplus, cet usage comporte les inconvénients certains sur le plan administratif, et des inconvénients plus graves encore du point de vue médical pour des raisons psychologiques évidentes.

C'est pourquoi, désormais, les comptes de pécule, qu’il s’agisse du compte figurant dans les écritures du receveur ou des comptes individuels, ne pourront être débités que des sommes rendues aux malades et pour lesqueIle ces derniers auront eux-mêmes donné acquit. Ces sommes seront remises aux intéressés, soit par l’économe qui présente au receveur les acquits appuyés de l’autorisation ou de l’approbation du médecin chef, soit directement à la caisse du receveur. Dans ce dernier cas, toutes dispositions seront prises pour annoter les comptes individuels tenus par l’économe.


§ II – FONDS DE SOLIDARITÉ

L’arrêté portant modification du règlement intérieur modèle a supprimé l’article 179 du règlement de 1938 qui prévoyait l’accumulation du péculesans que le malade pût le percevoir, jusqu’à une somme déterminée « réservée à titre de pécule minimum de sortie ».

Cette disposition de l’ancien règlement était devenue anachronique ; elle pouvait se justifier dans le passé, lorsque le séjour des malades à l’hôpital psychiatrique était généralement très long, et avant que l’intérêt thérapeutique du maniement par le malade de « son » argent ait été souligné. Pour de nombreux malades, la nécessité de disposer d’une somme d’argent au moment de la sortie n’existe pas ; par contre, certains posent des problèmes aigus à cet égard et, souvent, une sortie se trouve conditionnée par la nécessité d’assurer au malade une aide matérielle importante – mais toujours moins coûteuse que des semaines supplémentaires d’hospitalisation ; or, le pécule de sortie de l’ancien système était toujours très insuffisant, lorsque le malade était en difficulté.

C’est pourquoi cette disposition ancienne a été supprimée et remplacée par l’intervention possible d’un « fonds de solidarité », qui doit fonctionner dans le cadre de chaque service ; ce nouveau système permettra d’assurer aux malades qui en ont vraiment besoin, soit sous forme de prêt d’honneur, soit sous forme de secours non remboursable, une aide matérielle efficace au moment de leur sortie.

Ainsi que l'indique l'article 181 nouveau du règlement intérieur type, le fonds de solidarité est alimenté, d'une part, à l'aide d'une dotation inscrite au budget, et, d’autre part, par une partie des excédents des ateliers d'ergothérapie.

En ce qui concerne la dotation inscrite au budget celle-ci doit être également répartie entre les services. Ainsi qu'il a été précisé plus haut, l'affectation des bénéfices des ateliers d'ergothérapie au fonds de solidarités s’effectue par service.

Eventuellement, la gestion du fonds de solidarité pourra être confiée à une association déclarée au titre de la loi de 1901, qui interviendra alors en qualité de régisseur de dépenses et devra rendre compte des opératlons qu'elle effectuera dans les conditions indiquées au chapitre ci-après.



Telles sont les dispositions d'ordre administratif et comptable qui doivent être prises en vue d'une meilleure organisation du travail thérapeutique.

Dans un troisième et dernier chapitre, les présentes instructions fournissent quelques précisions sur le rôle que peuvent jouer, dans ce cadre, des associations de la loi de 1901 auxquelles il a été fait allusion à plusieurs reprises.



CHAPITRE TROISlEME

INTERVENTION D'UNE ASSOCIATION DANS L'ORGANISATI0N DU TRAVAIL THERAPEUTIQUE

1° Généralités

Au cours des développements qui précèdent, la possibIlité de faire intervenir une association déclarée au titre de la loi du 1er juillet 1901 à des stades divers de l'organisation du travail thérapeutique, a été évoquée à plusieurs reprises. Dès à présent des expériences de ce genre ont fonctionné dans un certain nombre d’établissements et ont donné des résultats parfois très satisfaisants. Ces expériences doivent pouvoir être poursuivies et étendues, mais il ne m'apparait pas possible de me prononcer en faveur de leur généralisation systématlque à tous les établissements ou services; j’estime en effet ne pas pouvoir prendre une position absolue tendant à préconiser l'adoption d’un tel système dans un domaine qui touche au choix de la meilleure thérapeutique et qui, de ce fait, doit être laissé à la seule appréciation du médecin traitant.


Il appartiendra donc aux médecins chefs de service de choisir eux-même la solution qui leur paraît la plus adéquate, compte tenu de leurs tendances propres, des caractéristiques mêmes de leur service et de toutes les contingences locales.

Il n’est d’ailleurs nullement exclu, ainsi que cela a été indiqué en passant dans les chapitres précédents, que dans un même service on ait recours simultanément aux deux types d’organisation possibles; au surplus, quelle que soit la solution choisie, il est bien évident que Ies décisions prises à cet égard n’engagent l'avenir que dans une mesure limitée et je recommande aux administrateurs et aux médecins des hôpitaux psychiatriques d’avoir, dans ce domaine comme dans d'autres, des contacts fréquents pour tirer la leçon des expériences réalisées.


2° Rôle possible des associations

L'association de la loi du 1er juillet 1901 peut décharger l’administration et le médecin d'un certain nombre de tâches pour lesquelles l'intervention d'un organisme plus souple peut être souhaitable.

a) La prospection du marché extérieur en est une. Sur le plan purement thérapeutique, il serait très mauvais que les ateliers médicaux produisent des objets dont on ne saurait que faire. Une association peut être chargée dans ce domaine, d’une sorte de mission permanente de recherche des débouchés dans le cadre du ressort de l’établissement, voire même au delà; l’orientation même des activités à l’intérieur des ateliers médicaux dépend aussi, dans une certaine mesure, de cette information préalable.

b) Une association peut se substituer à l'entrepreneur de travail à façon et jouer exactement le même rôle; il est sans doute préférable, d’une manière générale, que l'établissement ait à traiter avec un organisme désintéressé plutôt qu'avec une entreprise commerciale ;

c) une association peut être chargée de la gestion du fonds de solidarité du service; par delà cette attribution, elle peut aussi, bien entendu, d'une manière plus générale, se préoccuper d'apporter aux malades sortants une partie de l'aide matérielle et morale qui leur est nécessaire.

d) Une association peut également jouer un rôle dans l'organisation générale de la vie sociale dans le service ou l'établissement en se chargeant de l'organisation de manifestations diverses, telles que sorties collectives, fêtes, kermesses, compétitions sportives, etc... Dans tous les cas où une association de ce genre se constitue, que ce soit sous la forme d'une « Amicale de malades et anciens malades » d’une « Société de patronage » d'une filiale d’une organisation existant à un échelon plus élevé (filiales de la lIgue française d'hygiène mentale ou de la fédération des sociétés de Croix Marine, par exemple), une convention doit être passée entre l’association et l’établissement pour déterminer d'une manière précise les atributions de l'organisme créé et pour fixer clairement la répartition des tâches.


3° Structure des associations

Il ne peut être question de donner des directives précises concernant la structure même des associations qui doivent se constituer sous le régime de la loi de 1901. Ces associations doivent, par définition, se constituer librement.

Toutefois, il est évident que, dans la plupart des cas, la création même de l’association aura été suscitée par des membres de l’équipe administrative, ou par des personnalités associées au fonctionnement ou à la tutelle de l’établissement.

Il y aura avantage, dans tous les cas, à s’efforcer d’intéresser les familles des malades et les anciens malades à la vie même de ces associations, ainsi d’ailleurs, bien entendu, que toutes les personnalités ou organismes qui, dans le ressort de l’établissement, sont susceptibles de leur apporter un appui sous une forme quelconque.

Ence qui concerne l’administration même de ces associations, j’estime qu’il y a intérêt à ce que, dans la généralité des cas, elle ne soit pas sans aucun lien avec l’administration hospitalière et avec le médecin ; normalement ce lien nécessaire doit se concrétiser dans une certaine représentation, de fait plutôt que de droit, de l'équipe médico-administrative au sein du conseil d’administration de l'association; mais cette disposition ne saurait faire l'objet d'une obligation absolue.


4° Aide financière des établissements

Il est très souhaitable que, dans les cas où elles se constituent, les établissements intéressés, apportent une aide financière, autre que purement symbolique à de telles associations.

L’existence d’une association de ce type, qui assumera certaines tâches ne doit pas décharger de tout souci la collectivité responsable de l'organisation correcte des soins dans son ensemble. Le recours à une association est seulement un procédé d’organisation, qui peut, suivant les circonstances, être jugé plus opportun que tel autre, mais ce ne doit pas être un souci d'économies qui doit déterminer ce choix; et, ce choix étant fait, il ne convient pas d’en attendre systématiquement une réduction des dépenses qui doivent normalement s’imposer à Ia collectivité.

L’aide susceptible d'être accordée par les établissements aux associations de ce genre, peut se présenter sous trois formes :

- octroi d'une subvention de démarrage;

- octroi d'une subvention annuelle de fonctionnement;

- octroi d'une subvention en vue d’une affectation déterminée;

Bien entendu l'octroi de ces subventions ne va pas sans un contrôle, par les soins de l’établissement, de l'utilisation qui en est faite. Dans les deux premiers cas, la subvention devient la propriété de l'association dès son versement par l'établissement entre les mains du trésorier; ce dernier en donne quittance et l'association utilise les fonds conformément aux buts que lui assignent ses statuts et aux clauses du contrat qui la lie à l'établissement.

Dans le troisième cas, l'association doit rapporter la preuve que la somme allouée a été employée suivant la volonté exprimée par l'établissement. Les justifications produites sont alors rattachées aux comptes de l'établissement.

Dans l'un et l'autre des trois cas, il appartient toujours à la commission de surveillance ou à la commission administrative de l’établissement, d'exercer le droit de regard que confèrent les dispositions du décret-loi du 30 octobre 1935 (J. O. du 31 octobre, page 11499), en se faisant fournir la copie certifiée des budgets et des comptes de l'organisme privé bénéficiaire, ainsi que tous documents faisant connaître les résultats de son activité.


L’assouplissement des règles administratives et financières applicables au travail thérapeutique doit permettre, de développer considérablement cet aspect essentiel de la thérapeutique moderne est principalement dans un certain nombre d'établissements où de telles activités n'existaient qu'à l'état embryonnaire. Les dispositions préconlsées permettront, en effet d’adopter une gamme variée de formules qui pourront tenir compte des possibilités de chaque service et des conditions locales.


J'attache une très grande importance à ce développement, car la thérapeutique par le travail, qui n'est, comme je l'ai déjà souligné, qu'un aspect de l'organisation même de la vie des malades à l'hôpital, est le complément indispensable de l'application de toutes les autres méthodes thérapeutiques. Quelle que soit la perfection des soins biologiques qui peuvent être dispensés dans certains services, ils ne peuvent se suffire à eux-mêmes si les malades valides restent inoccupés des journées entières.


Les dispositions de l'arrêté portant modificatlon du règlement modèle devront être reprises dans le règlement intérieur du ou des hôpitaux psychiatriques de votre département. Les dispositions qui seront arrêtées devront après avis de la commission de surveillance, être soumises à mon approbation; cependant, lorsque la rédaction retenue sera identique au texte-type, l'approbation pourra être donnée par les préfets; il suffira qu'il m'en soit rendu compte.

* * *

La présente circulaire est adressée à M. les directeurs départementaux de la santé en un nombre d'exemplaires suffisant pour qu'ils en assurent la diffusion immédiate à MM. les directeurs, et médecins chefs de service des hôpitaux psychiatriques.

Par ailleurs, les établissements auront la posslbilité de se procurer des tirés à part dans les conditions habituelles auprès de l'imprimerie du Journal officiel.

Signé: HOUPHOUET-BOIGNY


[Félix Houphouët-Boigny, ministre de la Santé publique et de la Population dans le gouvernement Félix Gaillard du 6 novembre 1957 au 14 mai 1958]


Michel Caire, 2014
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