du latin alienus,
de alius, autre, éloigné, détaché ou étranger, et spiritus, souffle,
air, avec l'idée d'immatérialité.
En ancien français, alien signifie étranger ou différent.
Aliénation d'esprit (1610) vient du latin mentis alienatio. Celui
qui en est atteint est un aliéné d'esprit (1606), du latin
mente alienatus, et celui qui la soignera au XIXe siècle un aliéniste.
Le terme est d'usage courant au XVIIIème siècle (en concurrence
avec son quasi-synonyme folie), et sera remplacé par aliénation
mentale, ou aliénation au début du siècle suivant.
Aliénation mentale serait pourtant plus ancien qu'aliénation d'esprit, puisqu'il remonterait au XIVe siècle, et serait dû à Oresme, né à Caen en 1320, futur Grand Maître du Collège de navarre puis Evêque de Lisieux. |
Dans l'Antiquité,
on distinguait, avec Hippocrate, quatre maladies cum alienatio mentis
selon l'existence ou non d'une fièvre et d'une agitation :
- la Phrenesis ou frenesis, maladie chaude, fébrile, marquée
par une excitation. Plus tard, avec Avicennes et Averrhoes, ont été
décrite trois formes de frenesis, dominées, selon le ventricule
atteint, par des troubles de l'imagination, des troubles de la pensée
et du langage, des troubles de la mémoire.
- la Lethargia, maladie froide, humide (phlegme), fébrile, avec
abattement
- la manie et la mélancolie, sans fièvre, l'une
marquée par l'excitation, l'autre par l'abattement.
Le terme aliénation n'appartenait déjà plus au vocabulaire médical depuis plusieurs décennies, lorsqu'est apparu le syndrome d'aliénation parentale (« SAP »), qui désigne « l'ensemble des manifestations psychopathologiques observées chez les enfants soumis à des séparations parentales très conflictuelles » (P. Bensussan, Annales médico-psychologiques, 2009, 167, p.409). L'auteur en propose une étymologie très inattendue : « aliéner revenant en fait à priver du lien ("a" privatif), à "rendre étranger - ou hostile" (un parent à un enfant) » (p.411). |
Michel Caire, 2008-2011 |