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Héautoscopie
ou autoscopie

Héautoscopie vient de heautou, de soi-même (comme héautognosie ou héautognose, connaissance de soi-même) et scopein, regarder.
Son synonyme, autoscopie, vient du grec autos, soi-même, et scopein.

On distingue l'autoscopie externe de l'autoscopie interne :

- L'héautoscopie externe est la vision hallucinatoire de soi-même, sous forme du spectre ou du fantôme de son propre corps (on parle aussi d'autoscopie spéculaire, ou deutéroscopie, de deuteros, deuxième)

- L'héautoscopie interne, ou auto-représentation : le malade aperçoit, ou mieux, "se représente" et décrit ses organes internes et la façon dont ils fonctionnent (phénomène observé dans certaines formes d'hystérie, sous hypnose).

Une forme particulière d'autoscopie externe, rarissime, est l'héautoscopie négative, disparition de l'image du miroir, la perte du reflet :

« Je me dressai en me tournant si vite que je faillis tomber. On y voyait comme en plein jour, et je ne me vis pas dans la glace ! Elle était vide, claire, pleine de lumière. Je n'étais pas dedans, et j'étais en face, cependant. Je la regardais avec des yeux affolés. Je n'osais pas aller vers elle, sentant bien qu'il était entre nous, lui, l'invisible, et qu'il me cachait. »

Guy de Maupassant, 17 février 1885, Lettre d’un fou (texte publié dans Gil Blas du 17 février 1885 sous la signature de Maufrigneuse).

Une scène que Maupassant reprend dans Le Horla (voir Laurent Dubreuil, « Maupassant et la vision fantastique », Labyrinthe, 4, 1999).

La forme la plus classique, l'héautoscopie externe, est évoquée par Alfred de Musset, dont les vers suivants sont bien connus :

Devant ma table vint s'asseoir
Un pauvre enfant vêtu de noir
Qui me ressemblait comme un frère

Musset a-t-il été le jouet d'une telle vision? C'est ce qu'il est permis de croire en lisant la Nuit de décembre

A tous les instants de ma vie,
J'ai vu partout cette ombre amie

et plus encore en lisant ces quelques lignes de George Sand, extraites de Elle et Lui (Revue des Deux Mondes, 1859). Lors d'une excursion nocturne dans les bois, Alfred s'étant éloigné, elle entendit un cri d'inexprimable détresse, et le retrouva hagard, agité de tremblements :

« Il avait eu une hallucination; il avait vu passer devant lui, sur la bruyère, un homme qui courait, pâle, les vêtements déchirés et les cheveux au vent.» - Je l'ai si bien vu, dit-il, que j'ai eu le temps de raisonner et de me dire que c'était un promeneur attardé, surpris et poursuivi par des voleurs et même j'ai cherché ma canne pour aller à son secours, mais la canne s'était perdue dans l'herbe, et cet homme avançait toujours sur moi. Quand il a été tout près, j'ai vu qu'il était ivre et non pas poursuivi. Il a passé en me jetant un regard hébété, hideux, et en me faisant une laide grimace de haine et de mépris. Alors j'ai eu peur et je me suis jeté la face contre terre, car cet homme............ c'était moi!
«Oui, c'était mon spectre, Thérèse! ne sois pas effrayée, ne me crois pas fou, c'était une vision. C'était moi avec vingt ans de plus, les traits creusés par la débauche ou la maladie, des yeux effarés, une bouche abrutie, et, malgré cet effacement de mon être, il y avait dans ce fantôme un reste de vigueur pour insulter et défier l'être que je suis à présent. »

Pour C.D. Constantinides (Annales médico-psychologiques, 1954, I, 3, 336), il serait plus juste d'appeler ce phénomène héautopsie.

Michel Caire, 2009
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