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Traitement moral

de moralis, de mores [pluriel de mos], coutume (comme mœurs et morose)

Le Traitement moral est la grande invention des premiers aliénistes à la fin du XVIIIe siècle et au tout début du XIXe siècle, qui marque la naissance de la psychiatrie moderne.

Dans Traitement Moral, "moral" doit être pris au sens de mental ou psychique ou psychologique, par opposition à physique.

Mental est bien le premier sens qu'Edmond Goblot donne à Moral : « On oppose le physique et le moral. Le moral est l'ensemble des faits psychologiques, des facultés, des inclinations et des tendances », alors que « le physique est l'organisme avec ses fonctions ». Dans son 2ème sens, c'est ce qui concerne les mœurs. Et en 3ème, ce qui a le caractère de la moralité [Le vocabulaire philosophique. Paris, A. Colin, 1901, p.350]

Le moral, l'on dirait aujourd'hui la part psycho-affective de la personne, ne doit donc pas être confondu avec LA morale, qui est l'ensemble de valeurs et de règles relatives au bien et au mal, la moralité, qui revoie au caractère moral d'une action, une action conforme à la loi morale, c'est-à-dire effectuée avec l'intention, avec la volonté de s'y confirmer.

Et pratiquer le Traitement Moral ne consiste pas à faire la morale, mais, pour reprendre la définition proposée par François Leuret, en l'« emploi raisonné de tous les moyens qui agissent directement sur l'intelligence et sur les passions des aliénés » (Du traitement moral de la folie, 1840).

Pour Esquirol, « tout ce qui pourra agir sur le cerveau directement ou indirectement et modifier notre être pensant, tout ce qui pourra dominer et diriger les passions, sera l'objet du traitement moral » [Mémoires sur la folie et ses variétés, in Des maladies mentales, 1838, I, p.60].

Un autre aliéniste considère qu'« il est impossible à décrire. C'est tout ce que le médecin trouve dans son cœur et dans son esprit pour soulager, consoler, rassurer, relever, distraire, amuser, occuper, ceux de ses malades dont les facultés ne sont que perverties, ou partiellement altérées; c'est la sympathie sincère qu'il témoigne à celui-ci, les conseils qu'il donne à celui-là; c'est une œuvre permanente de conciliation et d'apaisement; c'est une recherche incessante de tout ce qui peut adoucir les privations nécessairement imposées à ces malheureux; c'est l'art et le désir bienveillant d'écarter de leur esprit la pensée de tous les plaisirs que l'on est obligé de leur refuser, et aussi de modérer leurs accès de désespoir en laissant dans l'ombre ce qui peut leur inspirer le dégoût de la vie et en mettant en lumière à leurs yeux tout ce qui doit les rattacher à l'existence. C'est ainsi que se passe et que s'use la vie du Médecin d'Aliénés, agissant sans cesse par lui-même, sans cesse inquiet, ne pouvant tout faire, malgré toute sa bonne volonté, cherchant à donner ses sentiments à ses auxiliaires, responsable de leur conduite, et n'ayant jamais une minute exempte de soucis et d'inquiétudes. »

Qui saura découvrir l'auteur de ces propos, empreints de bonté, de philanthropie et d'esprit de sacrifice...?

Michel Caire, 2008-2021
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