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Transitivisme

de trans, préposition latine signifiant au delà et ire, aller : transire signifie aller au delà, transitus, passage, et transitif, qui passe au-delà.

Nom donné par Carl Wernicke à la perte de la distinction entre ce qui est intérieur à l’individu et ce qui lui est extérieur : la limite est effacée, l’en deçà et l’au delà ne font qu’un, sa propre pensée se confond avec celle d’autrui [Grundriss der Psychiatrie in klinischen Vorlesungen, 1900].

Ce phénomène [considéré parfois aussi comme un mécanisme] se rencontre dans le cours des psychoses dissociatives (schizophrénie), souvent associé à la dépersonnalisation.

Dans le domaine psychanalytique, transitivisme a été proposé (concurremment avec transfert) pour traduire le bertragung freudien, appelée par Jung l’extraversion régressive. Dans ce même domaine, Transitivisme a enfin été encore employé comme synonyme de déplacement.

«  A la suite de Carl Wernicke, il semble que les psychiatres appelèrent cela « transitivisme », terme désignant dans leur ensemble « les processus dans lesquels s’altère ou disparaît la distinction entre le corps et l’espace ambiant, entre la pensée personnelle et celle d’autrui, entre le moi et le monde extérieur. (…)

Le transitivisme, c’est d’abord la perte, la régression de la distinction entre ce qui est intérieur à l’individu et ce qui lui est extérieur, c’est la perméabilité et finalement l’effacement de la limite entre ces deux domaines, c’est aussi et secondairement la perte de l’espace vécu, dans son organisation et dans sa structure ; dès lors les notions de direction centripète et centrifuge perdent leurs assises et sont confondues. Ce qui disparaît ainsi avait été laborieusement édifié au cours du développement, mais cette conquête avait été décisive pour la construction de la personnalité dont elle était devenue une donnée essentielle.

La clinique exprime cette mutilation en une grande variété de symptômes : le malade situe dans son corps un objet extérieur ; ses organes se transforment et comme leurs limites subissent la même effraction que celles du corps, ils communiquent les uns avec les autres sans considération pour les réalités anatomiques ; les mouvements apparaissent ordonnés du dehors (sentiment d’action extérieure, d’influence) tandis que le sujet éprouve comme venant de lui les actions ou les sentiments des autres ; toutes choses paraissent participer les unes des autres et le sujet est tantôt entraîné dans un chaos vertigineux où toutes les forces du monde le pénètrent et le traversent douloureusement, tantôt promu au rôle de moteur et d’ordonnateur de cet univers mouvant qu’il ressent comme une extension indéfinie de lui-même. »

Sutter, in : « Manuel alphabétique de psychiatrie » sous la dir. d’A. Porot, P.U.F.,1964, cité par Hervé Pache, « Joie des synthèses disjonctives,tristesse du transitivisme » sur le blog antioedipe.

Voir aussi : Dr Halberstadt, « Contribution à l'étude du Transitivisme ». Journal de psychologie normale et pathologique, 1913, 10, 369-374

Michel Caire, 2014
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