Psychiatrie et littérature

La peur de l'hôpital et de la contagion

Jules Claretie, Les amours d'un interne, Paris, Fayard frères éditeurs, 1899

pp. 81-82 :
— La maladie, déclara le médecin à Jeanne, est d'ailleurs bien moins une folie constatée qu'une sorte d'hystéro-épilepsie. Et au cas où les accès reparaîtraient, je vous conseillerai de conduire votre malade soit à M. Charcot qui est un maître éminent, hors de pair en ces matières, soit à M. Fargeas. L'un et l'autre ont un service à la Salpêtrière.
Ce lugubre nom, la Salpêtrière, sonnait pour la première fois, pareil à un glas, aux oreilles de Jeanne. Il évoquait soudainement la-vision d'un lieu de supplices, avec des apparitions dantesques de visages égarés, des cris sinistres et des grimaces de  folles. La Salpêtrière ! le Bicêtre des femmes ! Ah ! vraiment, non, Dieu merci, non, on n'en était pas là ! [...]
Il lui avait semblé que, dans l'établissement dont la lourde porte s'était un jour refermée sur Hermance, sa mère était perdue pour elle, ensevelie, comme morte, et maintenant c'était une sorte de renaissance, une résurrection. On la lui rendait.
Elle l'étouffait de ses baisers.
— Ah ! si tu savais ce que j'ai souffert là-bas, ma chère petite, disait Mme Barral. Ils ne me saluaient même pas. Ils medisaient que j'étais folle. Si j'avais pu, j'aurais mangé les barreaux de la cour avec mes dents pour me sauver et venir t'embrasser !
[...] Elles avaient déménagé, Jeanne voulant éviter les questions, les propos, les regards des voisins [...]
C'était le début de nouvelles secousses, d'une phase nouvelle dans la maladie et, depuis ce jour, les crises de la pauvre femme devenaient épileptiformes, plus effrayantes encore peut-être pour Jeanne qui regardait se tordre dans des convulsions atroces, dans des torsions de damnée, cette pauvre créature exquise et bonne qui était sa mère,
Et, comme, de mois en mois, cet état morbide s'accentuait, comme les crises devenaient à la fois plus fréquentes et plus épouvantables, il fallait bien songer à faire de nouveau subir à la malheureuse un traitement radical. Mais quel parti prendre ? La conduire dans la maison de santé d'autrefois ? Hélas ! les économies étaient finies !... Jeanne se serait saignée aux quatre veines pour payer les mois de ce traitement qu'elle n'y serait point parvenue. On dirait que la folie et les névroses sont des maladies de riches. Cela mange une fortune. Les maniaques ont besoin de domestiques. La douleur coûte cher.
Alors, avec toutes sortes de frissons tragiques, d'angoisses et de répugnances, Jeanne Barral songea à cette suprême ressource, à ce dernier asile : l'hôpital. Elle en avait la terreur, comme l'a le peuple. A l'hôpital, les médecins sont cependant illustres, les soins gratuits, les médicaments fournis aux malades, le bordeaux aux convalescents. Mais c'est l'hôpital. Cela sont l'agonie, le dépècement, le charnier. Il semble que, dans les rideaux blancs des lits, des odeurs de râles flottent encore, pareilles à des miasmes. L'imagination grossit ces frayeurs et les souffrants aiment mieux mourir at home, chez eux, dans une misère qui ne sent pas du moins la charité, qui ne pèse point comme une aumône.
— Allons donc ! se disait Jeanne. Et où trouverait-on des soins pareils à ceux qu'on donne à l'hôpital ? Et cette maison de santé, qui coûte si cher, n'était-ce donc pas aussi l'hospice et la prison ?
Elle s'efforçait, par toutes sortes de raisonnements, de dompter le dégoût, l'effroi qui s'emparaient d'elle. Il fallait pourtant bien que sa mère fût soignée, guérie peut-être, et ce n'était pas dans leur triste mansarde que la démente retrouverait le repos et la raison...
Oui, mais, à la Salpêtrière — puisque c'était la Salpêtrière qui réclamait de telles malades — il fallait quitter encore sa mère ! L'abandonner ! La lourde porte se refermerait entre elle et Jeanne. Deux fois seulement par semaine, la pauvre fille pourrait voir sa grande enfant, l'attirer, dans un coin du jardin, l'asseoir sur un banc, causer les mains dans les mains, la calmer, lui sourire pour essayer d'amener un autre sourire à ses lèvres...
Non, Jeanne Barral, cette fois, ne se sentait plus le courage d'abandonner à d'autres cet être cher que secouait un mal hideux. Elle avait la superstition peureuse d'une séparation définitive. Toute tremblante, elle songeait ;
— « Si je n'allais pas la revoir ? Ne plus la revoir ? » — Un jour qu'elle viendrait là, demander sa mère, si on lui disait qu'elle était morte ? Morte loin d'elle ? morte sans l'avoir embrassée ? morte entre les bras d'une autre ? Est-ce que c'était possible, ça ? Jeanne Barral s'était-elle donc résignée, courbant enfin la tête sous la nécessité, lorsqu'elle avait ainsi consulté M. Fargeas.

p. 206 :
Les jours passaient.
Autour de l'intelligence obscurcie d'Hermance Barral un peu plus de nuit se faisait presque d'heure en heure. Le docteur Fargeas hochait la tête.
Une crise nouvelle décida de tout. On envoya Mme Barral parmi les folles.
Elle ne paraissait point se douter du changement, Elle allait, droit devant elle, regardant d'un air tragique. [...]
Vilandry marchait à côté de Jeanne, aussi profondément ému que la jeune fille, l'examinant, effrayé d'avance de l'impression qu'allait ressentir Jeanne en voyant sa mère jetée dans ces grandes cours où, comique et lugubre à la fois s'agite éperdument la démence.[...]
Lorsque, après avoir longé les rues grises, Jeanne se trouva, sa mère marchant entre elle et une infirmière, devant l'espèce de portail à claire-voie au dessus duquel on lisait ces deux mots : Section Esquirol, la grille franchie, il sembla à la pauvre fille qu'elle s'engouffrait dans un enfer. Au loin, des terrains s'étendaient sous un ciel gris d'automne, avec des arbres grêles portant encore des feuilles jaunies; de petites constructions basses apparaissaient, longues maisonnettes blanches, comme perdues dans de grands espaces. Des êtres enjuponnés, des femelles devenues idiotes, aux visages étrangement pensifs, avec des des démarches inquiétantes, regardaient, sans dire un mot, passer ce groupe de femmes suivies de l'interne, qu'elles reconnaissaient à sa calotte de velours et à son tablier blanc à larges poches.
Les lèvres blêmes de Jeanne s'agitaient sous un tremblement nerveux. Sa mère, jusqu'alors, lui avait appartenu. Elle l'avait soignée, disputée au mal avec de l'espoir. C'était hier encore une malade. Aujourd'hui, c'était une folle !
Une folle !
Jeanne résistait à l'atroce frisson qui, à son tour, la secouait en courant sur sa peau. À chaque pas qu'elle faisait, elle éprouvait cette impression sinistre que quelque chose d'elle-même sombrait dans un gouffre. Une sorte d'entonnoir rappelait, l'avalait avec ce quelque chose de hideux tout au fond : la folie.
Elle se demandait si ce n'était pas elle-même qu'on conduisait là, si tout ce cauchemar affreux n'était pas une folie, si ce Vilandry, qui lui répétait : « Courage ! » d'une voix étranglée, n'était pas un geôlier et non un soutien.
La folie ?
Jeanne tremblait, non de peur, mais d'étonnement, d'inquiétude, d'angoisse.
II fallait, avant d'entrer dans les bâtiments où se trouvaient les cabanons et les cours, passer par le cabinet du docteur Cadilhat.
— Où est Barral ?... Mon mari ?... Est-ce qu'il m'attend ? demandait Hermance en regardant la porte,
Des vieilles accroupies dans un coin, au bas d'un escalier de pierre, contemplaient cette femme à cheveux gris qu'on soutenait, et sans dire un mot, elles échangeaient des regards narquois, des regards de pitié, des rictus qui tiraient ironiquement leurs lèvres ridées.
C'étaient des folles qui se moquaient de cette folle.
— Entrons, maman, dit Jeanne, en essayant de donnait quelque chose de caressant à sa voix qui vibrait toute sèche.
Vilandry prit le bras de Mme Barral, et la pauvre malheureuse, suivie de sa fille et de l'infirmière, pénétra dans le cabinet où Jeanne revit ce spectacle qu'elle connaissait déjà : le docteur expliquant à ses élèves les cas des malades qu'on lui amenait.
Elle avait sollicité du directeur la faveur de suivre Hermance Barral jusque dans la cour des aliénées, comme elle l'avait suivie dans la salle blanche des malades. Toute sa beauté, toute sa jeunesse, Jeanne les enfermait sous la chape de plomb de la section des folles. Elle allait vivre là, menacée, en péril, entourée des grimaces tragiques, des poings fermés, des dents prêtes à mordre, des ricanements et des rires qui perdaient comme des coups de couteau. Elle ne sortirait plus de cet enfer ; la Section Esquirol ! Jeanne Barral descendait souriante,elle avait supplié M. Fargeas de lui obtenir cette grâce : - la grâce de vivre avec des aliénées!


Jules Claretie, Jean Mornas, Paris, E. Dentu, 1885

p. 141 :
Puis, tout à coup, Mornas songeait. La démence !... Eh! sans doute! Mais alors, c'était le cabanon pour la malheureuse. Une prison plus atroce que l'autre, — sinistre, peuplée d'épouvantés!
Sainte-Anne ? L'asile des aliénés ? La maison fous ?
Et c'était lui, Mornas, qui condamnait peut-être aux quatre murs de la cellule des démentes, cette jolie fille blonde dont les lèvres appelaient ses baisers... Elle deviendrait folle, avec ces folles, Lucie !


Jules Claretie, Le prince Zilah, Paris, E. Dentu, 1884

p. 333 :
Andras se sentit alors profondément, amèrement seul, et il songea encore à cette femme que son imagination maintenant lui montrait accroupie et hagarde dans un cabanon de Vaugirard.


Hector Malot, Le mari de Charlotte, Paris, Michel Lévy frères, 1875

p. 312 :
— Le mot m'épouvante assez, dit-il en continuant, pour que je ne tienne pas à le prononcer. Enfin, si cela arrive, promets-moi de ne pas me mettre dans une maison de santé !
— Mon Dieu! s'écria-t-elle, je t'en prie...
Mais de la main il l'arrêta :
— Laisse-moi prendre cette précaution, dit-il; il paraît tout naturel qu'en prévision de la mort on fasse son testament ; moi, c'est un engagement que je demande en prévision de cette autre mort non moins effrayante. Je ne donne pas, j'implore. Il me semble qu'alors, tu n'auras pas plus de peine à me soigner malade, que tu n'en as en ce moment pour m'empêcher de devenir malade. J'ai une peur effroyable des maisons de santé.
— L'engagement que tu me demandes, je jure tenir.
— Oh! non, pas ainsi, je t'en prie, je ne veux pas d'un engagement en termes aussi précis. Car il peut bien arriver qu'il faille, quand même, me placer dans une maison de santé. II y a des... malades qu'on ne peut garder sans danger pour soi et même pour eux. Si je suis dans ce cas, il faudra bien me mettre dans l'impossibilité de nuire aux autres. Mais d'un autre côté, je puis aussi ne pas être dangereux; alors je te supplie de me garder près de toi. C'est là une tâche terrible que j'impose à ta jeunesse, mais tu es femme à l'accomplir jusqu'au bout, courageusement.
— Oui, jusqu'au bout.
— Près de toi, il me semble que si ce que nous redoutons se réalisait, je guérirais; dans une maison de santé, jamais.



Paul Hervieu, L'inconnu, deuxième édition, Paris, A. Lemerre, 1886


p. 148 : « Il me couvrit d'un regard, si inquiet et si pratique à la fois, de marchand de soupe pour fous qui flaire un client à recruter, que j'eux un douloureux frisson. Diable ! pensai-je... S'il allait s'autoriser de mon dvergondage d'esprit pour me retenir ? Alors, pendan quelque temps, cette appréhension me tint coi. »


Émile Richebourg, La comtesse Paule, Les drames de la vie, t. 2, Paris, Dentu, 1889

p. 89 :
« Le lendemain avant midi, ainsi que l'avait prévu et annoncé le commissaire de police, la complice de l'Italien Jean Oastori entrait à Saint-Anne et, après avoir été soumise à un long et minutieux examen, les médecins aliénistes déclaraient qu'il n'y avait aucun espoir de guérison.
Madame de Brogniès échappait à la honte d'une condamnation infamante ; son nom seul figurerait dans l'affaire criminelle dont les débats allaient bientôt s'ouvrir devant la cour d'assises de l'Isère.
Mais parce qu'elle ne paraîtrait pas devant un jury ayant derrière elle deux gendarmes; parce qu'elle ne serait pas jugée et condamnée à la réclusion, aux travaux forcés ou à mort, une des peines que la loi du code criminel applique aux assassins, son châtiment en était-il moins terrible ?
Avoir la jeunesse, la beauté, la fortune; avoir brillé dans le monde; avoir été aimée, adulée et être enfermée pour la vie dans une maison de fous ! .. Folle, folle !...
Etre frappée de folie, être condamnée à rester folle toujours, n'est-ce pas un châtiment qui équivaut à celui de la peine de mort ? »

p. 272 :
« Toujours est-il, père Rouget, qu'au moment où le commissaire de police allait faire empoigner la dame de Brogniès par ses agents, elle devint folle tout à coup, mais folle à lier ! Les agents s'emparèrent d'elle, néanmoins, et l'emmenèrent Seulement au lieu de la mener à la prison, c'est dans la maison des fous qu'elle a été conduite. Elle y est encore et elle n'en sortira plus.
— Ah ! la gueuse, s'écria le vieillard, elle ne l'a pas volé. Voilà au moins une juste punition l
— Et comme le ciel devrait en avoir en réserve pour d'autres femmes de la même espèce, ajouta le jeune homme d'une voix sombre.
Mais, continua-t-il, cette odieuse madame de Brogniès ne pouvait se soustraire au châtiment qu'elle avait mérité ; si Dieu ne l'eût pas frappée, vengeant ainsi du même coup la petite Isabelle, victime d'une atroce méchanceté, les deux autres enfants abandonnés et l'épouse outragée, trois nouvelles victimes, la justice des hommes ne lui aurait pas fait grâce. Elle aurait été jugée en même temps que l'Italien Castori, son complice, et certainement condamnée comme lui aux travaux forcés à perpétuité.
— Tu as raison, Etienne ; oui, il y a toujours une punition pour les méchants; s'ils parviennent à échapper à la justice des hommes, Dieu est là! »


Xavier de Montépin, Marâtre : La fille du fou, Paris, E. Dentu, 1890

p. 3:
—Je vous ordonne le silence... — Obéissez, sinon je vous rends au cabanon où vous étiez enfermé depuis dix-neuf ans... .
— Non... non... pas cela! — bégaya le fou, pris d'une indicible terreur — pas cela! J'obéirai... Je  vous le promets...
— A la bonne heure... Soyez raisonnable... taisez-vous... et attendez que ce soit moi qui vous interroge...
Gaston enfonça son visage dans ses mains et resta muet.
La voiture continuait à rouler avec une vertigineuse rapidité. [...]On passa devant le Jardin des Plantes.
Des fauves hurlaient au fond de leur cage.
Un frisson d'épouvante secoua Gaston.
— Les fous... — bégaya-t-il d'une voix étranglée, —les fous furieux...— les entendez-vous ?
— Ce ce sont pas des hommes, — répondit la comtesse — ce sont des bêtes sauvages... — Nous côtoyons le Jardin des Plantes.

p. 43 :
Son visage exprimait une grande exaltation. — Comme au moment de quitter l'hôtel de la rue Saint-Dominique une crise semblait imminente.
— Prenez garde! — lui dit la complice de Jarry d'une voix basse et menaçante en lui saisissant le poignet. — Si vous me désobéissez je vous abandonnerai, et non seulement vous ne retrouverez jamais ni votre amie, ni votre enfant, mais encore vous retomberez dans les mains du docteur Sardat, et vous savez ce qui vous attend à la maison de santé de Bonneuil...
Gaston frissonna de tout son corps.
— Oh ! grâce... grâce ! — balbutia-t-il en joignant les mains.
— Obéissez, alors !...
— Oui... oui... j'obéirai... Je vous le promets...
Et il s'élança dans la voiture. Madame Kourawieff avait trouvé un moyen infaillible de dompter l'évadé.
La peur de voir se refermer sur lui la porte du cabanon sinistre où il avait tant souffert le rendait tremblant et docile comme un enfant.

p. 102:
— Le numéro 572 était bien véritablement fou, n'est-ce pas ?
— Madame, — répliqua le docteur avec un légitime orgueil, — quand on a passé vingt ans dans ma maison de santé, en admettant qu'on y soit entré avec toute sa raison, on est fou à lier en en sortant ! [...]

p. 142 :
— Le sculpteur était-il donc réellement fou ? — demanda l'une des dames
— Il ne l'était pas, — répliqua madame Kourawieff, — mais il le devint... on devient toujours fou dans les cabanons.


Jean-Nicolas Bouilly, Contes populaires, Limoges, E. Ardant et Cie, 1895

— Ainsi donc, s'écrie-t-elle avec l'accent du désespoir, j'ai causé la mort du meilleur des maris par excès de travail ; et ses enfants, qu'il m'avait tant recommandés, je les ai réduits à mourir de misère... Ah ! je suis une misérable qui ne mérite plus ni la pitié des hommes ni la miséricorde de Dieu.
Dès ce moment, sa raison s'aliéna : sans cesse elle croyait voir le père et les enfants qui l'entouraient ; elle s'imaginait entendre leurs cris, leurs plaintes, leurs reproches amers. Elle passait tour à tour de la terreur à un rire convulsif, de l'attendrissement à la fureur. Sans asile et dénuée de tout, elle fut conduite dans un hospice, où l'on essaya vainement de calmer sa fièvre délirante, et bientôt on renferma dans un des cabanons de la Salpêtrière, où elle existe encore aujourd'hui, les yeux étincelants de rage, le corps tout meurtri et presque nu ; tantôt cramponnée aux barreaux de fer de sa prison, tantôt étendue sur des planches couvertes de fange, et répétant avec un sourire épouvantable les trois numéros, que, dans sa folie, elle désigne toujours comme la source de l'opulence qu'elle croit enfin posséder.
Spectacle horrible, mais exemplaire, pour les femmes des artisans, et surtout pour les mères de famille qui ne craignent pas de sacrifier à la manie la plus insensée, à l'ambition la plus dénuée d'espérance et de probabilité, en un mot, à la passion des jeux de hasard, un sort tranquille, un heureux avenir, l'estime publique, la confiance de leurs maris et l'existence de leurs enfants.


Jack London, Le talon de fer, Paris, Union générale d'éditions, 1973

pp. 257-258 :
- Vous avez apporté des lueurs dans ma nuit, et maintenant moi aussi je vois la lumière du jour. Et je me trouve très heureux, à part... — il hésita douloureusement, et une vive appréhension assombrit son regard — à part cette persécution Je ne fais de mal à personne. Pourquoi ne me laisse-t-on pas tranquille ? Mais ce n'est pas encore cela, c'est surtout la nature de cette persécution. Il me serait égal d'être écorché sous le fouet, brûlé sur un bûcher ou crucifié tête en bas, Mais c'est l' asile qui m'épouvante. Pensez-y : moi, dans une maison d'aliénés ! C'est révoltant. J'ai vu quelques cas au sanatorium, des fous furieux. Mon sang se glace rien que d'y penser. Être emprisonné pour le restant de mes jours parmi des hurlements et des scènes de violence ! Non, non! pas cela ! c'est trop !
C'était pitoyable. Ses mains tremblaient ; tout son corps frissonnait et se contractait devant la vision évoquée. Mais, en un instant, il recouvra son calme.
- Pardonnez-moi, dit-il simplement. Ce sont mes malheureux nerfs. Et si c'est là que doit me  mener le service du Maître, que sa volonté soit faite ! Qui suis-je pour me plaindre ?


Documents recueillis par Julie Froudière, docteur ès lettres de l'Université de Nancy 2010

Michel Caire, 2010-2011 ©
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