Folie hachischique


Joseph Moreau de Tours

Recherches sur les aliénés en Orient. Notes sur les établissements qui leur sont consacrés à Malte (Ile de), au Caire (Egypte), à Smyrne (Asie-Mineure), à Constantinople (Turquie) ; par le docteur J. Moreau (de Tours), Médecin de Bicêtre. 1843


Parmi les causes déterminantes de la folie chez les Orientaux, nous devons admettre l’usage (mais l’usage immodéré) d’une certaine préparation végétale connue sous le nom de hachich.

Dans le mémoire que j’ai publié il y a deux ans sur le Traitement des hallucinations par le Datura stramonium, j’ai parlé avec quelques détails des effets physiologiques vraiment extraordinaires du hachich. J’ai signalé également la singulière disposition d’esprit qui paraissait, dans quelques cas, être la suite de l’usage prolongé de cette préparation, sorte d’état mixte de folie et de raison, de simple prédisposition aux hallucinations, qui n’a d’analogue dans aucun genre de vésanie connue.

Quant à ses effets pathologiques, le hachich ne fait point exception aux autres substances végétales dont l’action se porte spécialement sur le système nerveux.

L’abus de hachich, en ébranlant fortement l’organe intellectuel, en exagérant son action, en exaltant la sensibilité générale au point de jeter l’individu qui est soumis à son influence dans un monde tout imaginaire, en transformant, en quelque sorte, ses perceptions, ses sensations et jusqu’à ses instincts, sans toutefois, chose remarquable ! obscurcir jamais assez sa conscience, son moi, pour l’empêcher de juger et d’apprécier sainement la situation nouvelle dans laquelle il se trouve ; l’abus de hachich, dis-je, peut à la longue amener des désordres d’autant plus graves qu’il ne semblerait briser les ressorts de la machine psycho-cérébrale qu’à force de la tendre.

Un état de somnolence habituelle, d’hébétude, d’engourdissement des facultés morales, dans lequel disparaît la spontanéité des actes, la faculté de vouloir, de se déterminer ; anomalies psychiques qui se traduisent au-dehors par une physionomie sans expression, des traits abattus, flasques et languissants, des yeux ternes, roulant incertains dans leurs orbites, ou bien d’une fixité automatique, des lèvres pendantes, des mouvements lents et sans énergie, etc. ; tels sont, en partie, les symptômes propres à l’usage immodéré du hachich. Nous avons eu l’occasion d’en voir plusieurs exemples.

Cependant, je me hâte d’ajouter, et je dois insister sur ce point, que l’abus seul, mais un très long abus, un abus d’un grand nombre d’années, peut amener les désordres que nous venons de signaler.

Il ne faudrait donc pas, sur ce que je viens de dire, prendre du hachich une idée désavantageuse.

En Égypte, il en est du hachich comme du vin et des boissons alcooliques en Europe. L’usage n’en est pas moins répandu.

Presque tous les musulmans mangent du hachich, un très grand nombre en abusent d’une manière incroyable, et pourtant, il est excessivement rare de rencontrer des individus chez lesquels de hachich ait produit les désastreux effets dont nous parlions tout à l’heure. Pour ne rien dire de l’opium et des autres narcotiques, le vin, les liqueurs, sont mille fois plus redoutables, et cependant, ne serait-il pas absurde de les proscrire, de nous priver de leurs bienfaits, par la raison qu’en en abusant on court le risque de nuire à sa santé ?

Nous ne pouvons qu’en dire autant et avec plus de raison mille fois du hachich, cette merveilleuse substance à laquelle les Orientaux doivent des jouissances indicibles, et dont, en effet, on tenterait vainement de donner une idée à quiconque ne les a pas éprouvées.




Auguste Voisin

Leçons cliniques sur les maladies mentales et sur les maladies nerveuses professées à la Salpêtrière, 1883

DIX-SEPTIÈME LEÇON, pp.281-288


De l'aliénation déterminée par l'abus de l'opium; de la folie hachischique; niconitique; saturnine, etc., etc.

MESSIEURS,

Folie par abus de l'opium. - Une de ces folies dont les romanciers et les gens du monde ont plus parlé jusqu'à présent que les savants et les médecins, et qui offre une grande analogie avec la folie alcoolique, est l'aliénation que détermine l'abus de l'opium. Elle aussi présente deux aspects différents; il y a une forme aiguë et une forme chronique. Puis il faut distinguer, pour chacune d'elles, des nuances spéciales, selon le mode d'intoxication.

En Perse surtout, l'opium est absorbé par la muqueuse gastro-intestinale, à l'état d'une composition débitée dans les maisons publiques aux amateurs de plaisirs raffinés. Dès que la substance a été ingérée, ceux qui ne sont pas encore descendus jusqu'à l'état chronique présentent d'abord les signes de la plus vive excitation cérébrale. Ils se querellent entre eux, se frappent, vocifèrent, ou bien avec la même ardeur, mais sur une gamme tout opposée, se confondent, à leur propre adresse ou à l'adresse des voisins, en compliments très outrés, en démonstrations affectueuses les plus hyperboliques; après quoi, ils tombent dans un assoupissement d'une durée variable.

Si l'usage du poison est prolongé, et, comme vous le concevez bien, c'est le cas le plus fréquent, l'intoxication chronique survient; elle peut se résumer en ces deux mots : cachexie, démence au dernier degré. Quand l'opium est fumé, l'intoxication peut revêtir encore l'état aigu ou l'état chronique. L'intoxication aiguë se traduit à grand fracas et suscite presque toujours une sorte de gaieté frénétique, aussi expansive, aussi tapageuse qu'on peut l'imaginer.

Si, en général, le ton joyeux prédomine, on a cependant remarqué aussi que l'opium de Malaisie produit souvent le délire furieux; il est vrai qu'il y a lieu de supposer que le hachisch entre pour une part dans sa composition. A côté de cette gaieté extravagante se place, comme conséquence capitale de cette intoxication aiguë, un tremblement plus ou moins généralisé, et qui est toujours beaucoup plus accusé chez les fumeurs d'opium que chez les mangeurs de hachisch.

On sait aussi que, pendant cette excitation, les malheureux fumeurs restent soumis presque entièrement au con trôle de leur intelligence ; ils conservent assez nettement la conscience des circonstances présentes, et, au milieu des fantaisies qu'enfante leur esprit malade, ils ne se sentent que spectateurs; c'est là, vis-à-vis de l'intoxication alcoolique aiguë, une circonstance différentielle assez tranchée.

Tous ces avertissements restent vains, car rien n'égale la fureur de la passion des poisons; l'abus se continue; alors les intoxiqués s'amaigrissent, leur face devient blafarde, leurs yeux ternes, excavés, vides de toute expression; le rachis se courbe. C'est la vieillesse anticipée, et quelle vieillesse! la plus abrutie, la plus misérable. Les fumeurs d'opium ne sortent plus de l'atonie complète où le corps et l'esprit ont sombré; ils sont passés à l'état de squelette, el la dernière lueur d'intelligence s'est éteinte en eux.

Folie hachischique.

Comme l'opium, le hachisch est, pour certaines populations, une sorte de fléau épidémique. Et quoi de plus bizarre et de plus terrible que ces funestes habitudes des races ?

Une grande partie de l'Orient est saisie depuis bien des siècles de la fièvre du hachisch; depuis bien des siècles des milliers d'êtres aspirent la fumée fatale pour voir le paradis de Mahomet.

La voient-ils dans leurs hallucinations, la région désirée ? Il importe peu; ce qu'ils rencontrent sûrement, au fond de leur narguilé, c'est la folie et la mort.

Les effets du hachisch sur les Orientaux sont aujourd'hui bien connus; les études de MM. Aubert-Roche, Moreau de Tours, Villard, les ont mis en lumière.

M. Villard, un de mes anciens internes, a eu récemment l'occasion de faire un voyage en Orient et d'examiner, surtout dans l'asile de Moristan, les différentes formes d'aliénation qui se présentent chez les fumeurs de hachisch.

Il a rapporté de son voyage une très intéressante collection de photographies qui retracent les types les plus achevés de ces aliénés, et que je vous ferai passer sous les yeux.

Voici, en outre, les observations de ces aliénés :

Obs. CI (recueillie par le docteur Villard). - Asile du Moristan (Caire), février 1869.
Achmed, âgé de quarante-cinq ans, fume du hachisch depuis son jeune âge, mais d'une façon non continuelle. Il travaillait pendant le jour, et ce n'est que le soir qu'il allait prendre part â la fantasia, ainsi que disent les Arabes. Il est à l'asile du Moristan depuis deux ans.

Aujourd'hui, lorsque nous examinons ce malade, nous le trouvons assis par terre, la tête appuyée contre la muraille, la face tournée vers le soleil. Il nous regarde avec un air de défiance et le sourire hébété sur le visage. Lorsqu'on s'approche de lui et qu'on lui parle, il part d'un grand éclat de rire. S'il répond, il le fait toujours de façon à éluder la question; souvent il se sert de la forme proverbiale très usitée parmi les Arabes. Ce malade est calme, mais d'un calme qui n'exclut pas une certaine gaieté.

Comparé avec les autres malades que nous avons sous les yeux, il nous paraît être dans la période intermédiaire qui sépare l'excitation aiguë produite par le hachisch, de la prostration profonde dans laquelle sont plongés ceux qui ont fait un abus prolongé de celle substance. - C'est à ce titre que sa photographie nous a paru intéressante.


Obs. CII (recueillie par le docteur Villard). - Asile du Moristan (Caire), février 1869.
X..., âgée de cinquante-cinq ans, femme admise à l'asile du Moristan, au Caire, il y a environ quatre ans. - Cette malade était marchande de café : elle tenait un de ces établissements arabes, aujourd'hui rares, où l'on venait fumer du hachisch. Elle vendait cette substance aux consommateurs et leur préparait le narguilé enchanteur qui devait les conduire dans le monde des rêves et des hallucinations.

Cela se pratique ainsi dans tous les cafés où l'on fume le hachisch: c'est le maître du café qui prépare la pipe qui renferme la précieuse substance, et, après l'avoir préparée, il l'allume, et pour s'assurer qu'elle marche bien, il aspire lui-même le premier plusieurs bouffées. On conçoit que si cet exercice se reproduit souvent dans une soirée, il ressentira bientôt les effets du hachisch : c'est ce qui est arrivé à notre femme.

Aujourd'hui, l'aspect de cette malade est caractéristique pour celui qui a déjà vu des individus placés sons l'influence chronique du hachisch; les chairs sont flétries, sa face est profondément ridée; sa physionomie porte le cachet de l'abrutissement; elle est d'une extrême maigreur. Elle paraît être dans une grande prostration, mais ce n'est qu'une apparence, car à certains moments sa figure s'illumine, un sourire moqueur erre sur ses lèvres, et elle prononce, en secouant la tête, quelques paroles incompréhensibles.

Lorsque je m'approche d'elle, et qu'elle s'aperçoit qu'elle est l'objet de mon attention, elle lève sur moi un œil craintif et cherche à me fuir. Je puis l'examiner cependant et constater que la sensibilité à la peau est intacte. Je la fais conduire dans une cour spéciale pour qu'on puisse prendre sa photographie.

Là se trouvent plusieurs aliénés arabes : en les apercevant, elle se met à sauter et à danser. Elle rit aux éclats, parle avec beaucoup de volubilité un langage que, malheureusement, je ne comprends pas, gesticule, marche, va et vient, tout cela avec les apparences de la plus grande gaieté. - De temps en temps, elle retombe pendant quelques minutes dans son indifférence première, dans une espèce de prostration, d'où elle sort bientôt pour recommencer de nouvelles évolutions.

Elle se met à chanter des chansons en arabe, chansons que je me fais traduire et qui ne sont que l'expression de pensées érotiques. Parfois elle danse et simule tous les mouvements les plus lubriques des danses égyptiennes. - Ce n'est qu'après avoir fait sortir tous les hommes qui étaient dans la cour, et qui étaient la cause de son excitation, qu'elle retomba dans l'état qui lui est le plus ordinaire et dans lequel nous l'avons fait photographier.


0bs. CIII (recueillie par le docteur Villard). - Asile du Moristan (Caire), février 1869.
Saïd Effendi, âgé de vingt ans, est entré à l'asile du Moristan (Caire), il y a environ huit mois. Il fume du hachisch depuis sept ans. Il est le fils d'un personnage qui occupe une des plus hautes positions administratives au Caire.

Ce malade présentait à son entrée à l'asile les mêmes caractères que ceux qu'il offre aujourd'hui.
Il est habituellement plongé dans une profonde inertie; alors il est assis, dans une attitude mélancolique. Son regard est fixe, sa physionomie sévère; il a toujours les mains jointes placées entre ses genoux.

Il parle ordinairement fort peu et seulement lorsqu'on l'interroge; souvent il ne répond que par monosyllabes.

Parfois cependant il n'en est pas toujours ainsi : il lui arrive à des intervalles variables d'avoir de l'excitation. Alors il parle avec une volubilité incroyable, il décrit les délices du paradis de Mahomet et se transporte en imagination dans un pays idéal.

A la parole il joint le geste. Souvent, alors, il marche précipitamment dans la cour, en gesticulant fortement.

Mais cette excitation ne dure que quelques minutes; il retombe ensuite dans son mutisme et son indifférence habituelle pour tout ce qui l'entoure.
Chez ce malade, la sensibilité est intacte.


Obs. CIV (recueillie par le docteur Villard). - Asile du Moristan (Caire), février 1869.
Mahamoud Effendi, âgé de vingt-cinq ans, appartient à une des meilleures familles du Caire. Fume du hachisch depuis l'âge de quinze ans. A l'âge de dix-neuf ans, il avait déjà subi l'influence de cette substance, et fut amené à l'asile du Moristan, où il resta trois ans.

Là, il eut une dysenterie grave qui parut produire une révulsion salutaire sur son état cérébral, car après être guéri de cette dernière affection, il sortit de l'asile jouissant de la plénitude de ses facultés intellectuelles.
Mais bientôt il recommença à fumer le hachisch et ne tarda pas à retomber dans son état primitif.

On le ramena à l'asile du Moristan, où il se trouve aujourd'hui depuis trois ans.

Ce malade est dans une prostration absolue et dans une profonde immobilité. Il paraît beaucoup plus âgé qu'il ne l'est réellement. Sa tête est légèrement inclinée vers la terre; son regard est fixe; ses traits sont tirés; sa physionomie générale exprime une concentration profonde de la pensée; elle est empreinte en outre d'un certain air de tristesse.

Ce malade ne profère jamais une parole; il entend parfaitement ce qu'on lui dit. Si on l'invite à se lever ou à s'asseoir, il obéit très bien, mais il le fait machinalement, sans chercher à se rendre compte de ce qu'on lui demande.

Chez ce malade, jamais d'excitation; jamais, comme chez les autres, d'éclair de joie, jamais de sourire de satisfaction sur le visage. Il est arrivé au dernier degré de l’intoxication que produit le hachisch.

Si on le pince, on voit à la contraction de ses traits qu'il sent, mais il ne l'accuse ni par une parole, ni par un geste.


Ici encore il y a deux états : un état aigu, un état chronique.

Dans l'état aigu, les individus s'agitent sans cesse, parlent avec une volubilité extrême, rient aux éclats, se livrent à des danses effrénées, à des manifestations érotiques; ils sont en proie à de vives hallucinations. Quelquefois, au contraire, c'est un délire furieux qu'on observe. A cette agitation succède le sommeil ou la stupeur.

L'état chronique se caractérise par des symptômes de dépression; les malheureux restent plongés dans une profonde indifférence, dans une stupeur lypémaniaque, que viennent troubler parfois encore des idées érotiques ou des hallucinations tristes; les habitudes de pédérastie sont très fréquentes chez ces malheureux; à son degré plus inférieur encore, c'est la démence sans aucun retour, avec mutisme absolu.

Ces deux périodes sont donc séparées par une période intermédiaire durant laquelle on peut observer alternativement des symptômes d'excitation et de dépression. La forme chronique se rapproche beaucoup, comme nous l'avons vu, de la forme chronique due à l'abus de l'opium; cependant elle s'en distingue en ce que, de temps à autre, il s'y surajoute un délire aigu passager avec ses notes spéciales : les hallucinations et les tendances érotiques.

Le fumeur de hachisch est principalement pédéraste.

Le hachisch est donc un agent modificateur tout-puissant du système nerveux, et il est singulier qu'en France au moins il ne soit pas plus employé en thérapeutique; en Angleterre on lui a fait une place importante dans la matière médicale.

A ce point de vue, il était utile d'analyser avec soin, au moyen d'observations et d'expériences nombreuses, l'action du hachisch sur les différentes fonctions, sur les différents organes. C'est ce que j'ai entrepris avec mon ami, le docteur Liouville, dans une série de recherches qui se trouvent déjà consignées dans la thèse de Villard.

Nous avons donné à des cobayes, tous les jours ou tous les deux jours, pendant une période de trois à cinq mois, de 25 à 75 centigrammes d'extrait de hachisch, et nous avons observé les faits suivants : L'animal mange moins, maigrit, perd une partie de son agilité, de son activité, dort davantage, se tient moins propre, arrive même à ne plus se nettoyer, a de la diarrhée; le poil perd son luisant.

Le poids du corps peut diminuer et descendre à 250 ou 200 grammes en moins d'un mois. Il se produit à la longue de l'incoordination du train postérieur, des frissonnements, et l'animal meurt dans un état d'affaiblissement qui nous a paru surtout causé par l'absence d'alimentation. La mort survint dans le coma.

Tels sont les symptômes observés dans cet empoisonnement chronique, lent. Les examens cadavériques que nous avons faits sur ces animaux, nous ont montré de l'excès de vascularisation, à peu près semblable à celui que nous avons trouvé dans l'empoisonnement aigu, comme je vais vous le dire; de plus, ils nous ont appris, dans quelques cas, que la moelle renfermait des corps amyloïdes.

Voici comment s'est décelé l'empoisonnement aigu, rapide. Nous avons administré l'extrait de hachisch par la bouche, en boulettes enveloppées de pain azyme. Les doses toxiques sont de 1 gramme à 1gr 50. L'action se fait sentir après une heure au moins, après quatre heures au plus. Les phénomènes initiaux sont de la somnolence, du sommeil, une moins grande mobilité, puis de l'immobilité, une sorte de stupeur, d'hébétude, de laisser-aller, des plaintes. Puis, l'œil devient blafard; l'animal ne fuit pas, les paupières se ferment; la tête et le cou s'inclinent comme chez un individu qui s'endort sur une chaise.

Les mouvements deviennent mal assurés, incoordonnés, l'incoordination est quelquefois unilatérale, et siège surtout dans le train postérieur. L'appétit se perd, l'animal reste plusieurs jours sans manger et maigrit alors considérablement en deux ou trois jours.
Puis on constate du frissonnement général spontané ou provoque par la moindre excitation cutanée; la sensibilité persiste jusqu'au dernier moment; mais la motilité arrive à être très diminuée, puis à disparaître dans le train postérieur. Le nombre des mouvements respiratoires et la température augmentent, puis on observe de la gêne dans l'inspiration et du trouble dans l'expiration, qui devient bruyante et ressemble beaucoup au hoquet. Le nombre des inspirations diminue beaucoup; lorsque l'intoxication fait de rapides progrès, on constate de l'opisthotonos siégeant au cou et fréquemment alors l'émission de sperme. La mort survient dans le coma et avec les signes de la gêne respiratoire.

L'examen cadavérique de ces animaux dont plusieurs ont été sacrifiés avant la mort, nous a montré les signes suivants : J'immobilité du cœur même sous la pince de Pulvermacher; la distension du cœur droit par des caillots, la vacuité du cœur gauche. L'une des branches de la pince étant mise sur le diaphragme et l'autre sur le cœur, le diaphragme a toujours présenté quelques mouvements, mais le cœur est resté immobile.

Tous les nerfs ont été trouvés insensibles à l'action de la pince électrique, tandis que les muscles se montraient sensibles lorsque la pince les atteignait. L'électrisation du nerf et de son muscle a toujours provoqué des contractions musculaires.
Tous les cobayes nous ont présenté une vascularisation exagérée des méninges de la moelle, et de celles qui tapissent les parties inférieure et postéro-supérieure du cerveau et du cervelet.

La moelle elle-même et le cerveau ont toujours offert une vive injection.
De nombreux examens microscopiques nous ont permis de nous assurer que les capillaires médullaires et cérébraux étaient gorgés de globules, quelquefois dilatés par l'accumulation de ces globules et que cette hyperhémie était aussi considérable à la base qu'à la convexité du cerveau.
Les poumons nous ont offert des ecchymoses sous-pleurales et de l'hyperhémie dans les portions contiguës du viscère.

Ces données et celles qui ressortent des travaux des différents auteurs, Moreau (de Tours), Gairdner, Lieutaud, Aubert-Roche, Crouzant, Soubeiran, Mongeri, Villard, peuvent déjà indiquer une ligne de conduite au thérapeutiste; mais ce n'est pas ici le lieu d'insister plus longuement sur ces détails, et je veux vous citer encore quelques formes d’aliénation qu’on observe qu’on observe dans certaines autres intoxications.

Folie nicotinique (…) »




Michel Caire, 2012-2013
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