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(Marie) Marguerite (Gabrielle) BADONNEL
Lons-le-Saunier (Jura) 17 novembre 1895 / Paris 13e, 21 décembre 1970

Née à Lons au domicile de son grand père maternel Melchior Blanchard, maître d'hôtel, Marguerite Badonnel fait ses études secondaire à Besançon où son père est professeur agrégé de physique au lycée de la ville. La famille habite au n°2 Square Castan, auparavant Place Saint-Jean, à l'angle de la rue de la Convention.

Elle entreprend ensuite des études de médecine à Paris, où elle devient « aide d'anatomie » en novembre 1917.

Après une année comme interne suppléante dans le service du professeur Henri Claude à Sainte-Anne de novembre 1919 à décembre 1920, elle est reçue au concours 1920 de l'internat en médecine des asiles de la Seine, prend ses fonctions le 1er janvier 1921 à Villejuif, et revient en mai 1922 à Sainte-Anne.

Sa thèse de doctorat, soutenue en juin 1924 et intitulée Contribution à l'étude des troubles des fonctions organiques dans la Mélancolie, lui vaut le titre de lauréat de la faculté.

De novembre 1924 à décembre 1925, elle assure les fonctions de chef de clinique adjoint à la Clinique des maladies mentales de Claude, d'où elle est détachée, après concours, comme chef de clinique titulaire de neuro-psychiatrie infantile dans le service de Georges Heuyer.

Elle est donc la première chef de clinique du fondateur de la psychiatrie infanto-juvénile en France, fonctions qu'elle exerce de décembre 1925 à juin 1926 à la toute nouvelle Clinique annexe de neuro-psychiatrie infantile ouverte en juin 1925 au 379 rue de Vaugirard à Paris, et où elle se spécialise dans l'orthophonie.

Le « Fonctionnement de la Clinique annexe de Psychiatrie Infantile et de son Centre d'Observation » dans ses premières années est exposé dans un article de la revue L'Hygiène mentale, cosigné par Heuyer et Badonnel [L'Hygiène mentale, mai 1928, n°5; 101-109]. Des mêmes, nous avons : « L'hérédité des pervers instinctifs » [L'Hygiène mentale juin 1928, n°6; 125-138].

Tandis que Suzanne Serin 1898-1978 puis Claire Vogt-Popp 1898-1978 lui succèdent comme chef de clinique chez Heuyer, elle est nommée en 1929 au concours sur titres - avec Marcel Montassut 1897-1975, Pierre-Adolphe Chatagnon 1894-1986 et Adolphe Courtois 1903-1935 - médecin assistant au Centre de psychiatrie et de prophylaxie mentale Henri-Rousselle à Paris, dirigé par Edouard Toulouse 1865-1947. Elle y travaillera, entre autres, avec René Targowla 1894-1973.

Suite au décret du 31 mai 1936 créant un service d’examen et d’observation psychiatriques dans les prisons du département de la Seine, elle est nommée par arrêté du Garde des sceaux en date du 3 juin médecin psychiatre des prisons de Paris et du département de la Seine, à la maison d’éducation surveillée et à l‘école de préservation de Fresnes (André Ceillier est affecté en cette même qualité à la prison de la Santé et Paul Schiff à la Petite-Roquette). Depuis quelques jours, Badonnel était - par décret du 22 mai 1936 - membre du Conseil supérieur de prophylaxie criminelle, chargé d’étudier les mesures et les méthodes susceptibles de développer la prévention contre le crime, dont Toulouse était l’un des vice-présidents. En cette même année 1936, l'annexe médico-psychiatrique de la Petite Roquette est placée sous sa direction.

Dans un article portant le titre de « La prophylaxie criminelle juvénile » paru dans la revue Pour l’enfance coupable n°19, en 1937, Badonnel défend un ensemble de mesures eugéniques, dans le bon sens du terme et manifestement inspirées par son maître Toulouse, chef de file en France du mouvement d'hygiène mentale : protection des filles-mères, éducation des parents, dépistage des enfants anormaux dès l’école primaire, création de nouvelles classes de perfectionnement, examen médico-psychologique systématique des enfants délinquants.

Signalons également un important article publié dans L'Hygiène mentale en novembre 1938 [pp.137-141] intitulé « Prophylaxie de la délinquance juvénile et dépistage scolaire ».

Avec Lucie Bonnis 1889-1974 et Suzanne Serin 1898-1978, deux autres élèves et collaboratrices d'Heuyer, Marguerite Badonnel est l'une des trois premières femmes médecins spécialisées en psychiatrie infantile à Paris, sinon en France, et elle-même peut être considérée comme la meilleure spécialiste de son temps en matière d'assistance médico-judiciaire aux enfants appelés alors anormaux.

Sur Mademoiselle Badonnel, lire le bel hommage rendu par son maître Georges Heuyer lors de sa disparition :

Nécrologie
Marguerite Badonnel (1895-1970)


Revue de Science criminelle et droit pénal comparé 1971, 1; 241-242

Le matin du 21 décembre 1970 Mlle Marguerite Badonnel a été trouvée endormie, tenant dans la main le prix Femina de l'an dernier, c'était sa dernière lecture, c'était son dernier sommeil.

Pour ceux qui l'ont connue, la nouvelle fut une douloureuse surprise avec la consolation relative de savoir qu'elle a eu la mort qu'elle désirait, sans souffrance, sans avoir subi une diminution physique ni intellectuelle, après avoir exercé jusqu'au bout les activités professionnelles qu'elle avait choisies et conservées.

Marguerite Badonnel est née le 17 novembre 1895 à Lons-le-Saunier (Jura). Son père était professeur agrégé de physique et chimie au lycée de Besançon. Elle était l'aînée de deux enfants.

Après des études secondaires au lycée de jeunes filles de Besançon, après le baccalauréat, elle vint à paris pour suivre des études médicales. Elle s'orienta rapidement vers la psychiatrie. en 1920 elle fut reçue interne des asiles de la Seine. Elle fit son internat dans les services du docteur legrain, du professeur Claude et du docteur Sérieux. Après plusieurs publications avec le professeur Claude et le docteur Targowla, elle passa sa thèse de docteur en médecine en 1924 sur L'étude des troubles des fonctions organiques dans la mélancolie.

Elle fut chef de clinique à la Faculté de médecine de Paris de 1924 à 1926 à la clinique des maladies mentales du professeur Claude puis à la clinique annexe de psychiatrie infantile qui fut créée en 1925, où elle fut déléguée par le professeur Claude et où elle fut mon premier chef de clinique.

En 1926, elle fut reçue au concours de médecins des asiles publics; en 1928 médecin assistant et en 1945 médecin de l'hôpital Henri-Rousselle. Depuis 1929, elle était chargée des examens médico-psychologiques des mineurs appelés à comparaître devant le Tribunal pour enfants et adolescents de la Seine. En 1936 médecin neuro-psychiatre des prisons de Paris et du département de la Seine et affectée à la Maison d'éducation surveillée de la prison de Fresnes. Membre du Conseil supérieur de prophylaxie criminelle auprès du ministère de la Justice en 1936, et du Conseil supérieur de l'Administration pénitentiaire en 1931. Enfin depuis 1947 elle était psychiatre de la Maison d'arrêt de la Roquette.

Médecin-expert, elle était fréquemment chargée par les juges d'instruction d'examiner mineurs et adultes. Ses rapports étaient des modèles de clarté et toujours préconisant la mesure qui pouvait faire espérer la réadaptation sociale du délinquant.

Elle a fait trente-neuf publications, soit en collaboration avec le professeur Claude et nous-même, soit seule. Parmi ces trente-neuf publications, les unes ont trait à des cas cliniques méritant de retenir l'attention, les autres à des recherches ou à des études d'ensemble portant sur les psychopathes, en général ou sur des maladies particulières : paralysie générale de l'adulte et de l'enfant, troubles mentaux de la puerpéralité, états psychopathologiques de l'enfance. Elle s'est intéressée aux troubles métaboliques de la mélancolie à laquelle elle a consacré sa thèse et d'autres études, particulièrement avec Targowla.

Elle a beaucoup publié sur la délinquance et la criminalité infantiles, sur la prophylaxie criminelle infantile. Celle-ci doit être fondée sur l'étude des facteurs qui interviennent dans la production des délits. " Toute décision, dit-elle, doit être siubordonnée à l'étude minutieuse de chaque cas individuel : enquête sociale, détermination du niveau mental et du niveau scolaire, examen d'orientation professionnells, observation médico-psychologique, notes journalières prises sur le comportement de l'enfant. Ce bilan établi, il faudra : 1° instituer un traitement médical, s'il est nécessaire, 2° compléter l'instruction primaire, 3° pourvoir le sujet d'un métier.
"Lorsqu'un mineur a été placé dans un patronage ou dans une maison d'éducation surveillée, il est nécessaire qu'après sa libération il demeure encadré.
" Des mesures d'ordre général doivent également mises en œuvre : protection des enfants en danger moral, dépistage des anormaux à l'école, multiplication des établissements appropriés à leur éducation ".

Ces principes, qu'elle exposait au XXIe Congrès de médecine légale en 1937, ne sont encore actuellement qu'ébauchés.

Mademoiselle Badonnel était membre de la Société médico-psychologique, de la Société de neuropsychiatrie infantile, de la Société de médecine légale et de criminologie, de la Société internationale de criminologie, etc.

Elle était assidue aux séances de la Société des prisons et de législation criminelle. Elle prenait souvent la parole, sans vaine éloquence; d'une voix douce et claire, elle faisait des remarques toujours pertinentes, elle exposait les faits de sa riche expérience, elle était écoutée avec le respect et l'admiration que méritaient son intelligence et la générosité de son cœur.

Elle avait eu des distinctions honorifiques : chevalier de la Santé publique en 1946, la Médaille pénitentiaire en 1956, la Médaille de l'Education surveillée en 1960.

Plus importantes que les décorations, elle avait acquis l'estime et l'admiration de tous ses collègues.

Comme psychiatre des prisons, maisons d'éducation surveillée et de la Maison d'arrêt de la Roquette, elle avait conquis le respect, la reconnaissance, l'affection des prévenues et détenues, de ce monde pitoyable de la délinquance et de la criminalité, dont la violence cache la faiblesse, et l'hostilité, la souffrance. Lors de ma dernière expertise à la Roquette une voleuse de vingt ans à qui je parlais de Mlle Badonnel, eut brusquement des larmes dans les yeux et me dit : " Oh oui! elle était bien gentille ! "

A mon âge, on apprend les décès successifs de ses contemporains et de ses amis. Quand on a enseigné, il est surtout douloureux de voir disparaître prématurément un ancien élève, comme un père a la douleur de perdre un enfant.

A Marguerite Badonnel la vie a donné des satisfactions intellectuelles, et la mort lui a apporté sans souffrance la sérénité et le repos définitif. Elle ne sera pas oubliée.

G. Heuyer


Michel Caire, 2020-2021
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