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Madeleine (Andrée) DEROMBIES épouse HUMBERT
Paris (12e arr.) 9 janvier 1903 / Louhans (Saône-et-Loire) 24 janvier 1995

Médecin des asiles, puis des hôpitaux psychiatriques, médecin en chef puis Médecin-Directeur de l'Hôpital psychiatrique de Saint-Ylie (Jura)

Membre correspondant national de la Société médico-psychologique, élue le 23 décembre 1935

Madeleine Derombies fait ses études secondaires au Lycée de Jeunes filles de Dijon, rue Condorcet, où elle est reçue au certificat d'études secondaires en juillet 1917, puis au baccalauréat. Elle entreprend ensuite des études de médecine qui la conduisent à Paris où elle devient externe des hôpitaux.

En 1930, elle est reçue au concours de l'internat en médecine des asiles d'aliénés du département de la Seine.
Mlle Madeleine Derombies sera successivement en fonction à l'asile de Maison-Blanche du 1er mai 1930 au 30 avril 1931, dans celui de Villejuif et enfin à l'Asile Clinique (Sainte-Anne).

A Villejuif, elle mérite de son chef de service une appréciation sympathique : « Notre interne, Mlle Derombies, est une collaboratrice pleine de zèle et d'activité » [P. Guiraud, Asile de Villejuif, Rapport pour 1932].

En 1934, elle a retrouvé à Sainte-Anne le docteur Paul Guiraud -qui a remplacé Leroy en 1933- et publie avac lui dans les Annales médico-psychologiques « Un cas de maladie familiale de Roussy-Lévy avec troubles mentaux ». Elle termine son internat à la 2e section des Femmes de Sainte-Anne, service du docteur Joseph Capgras, qui écrit dans son Rapport d'activité pour 1934 : « Mes deux internes, M. Humbert et Mlle Derombies, ont été pour moi de précieux collaborateurs : toujours empressés à faire bénéficier les malades de leur science et de leur sollicitude, ils ont même donné leur sang pour tenter de sauver une septicémique. »

Sur la photo du service Capgras en 1934, on reconnaîtra à la gauche du médecin-chef, Pierre Humbert et Madeleine Derombies, et Elie Joaki, assistant bénévole d'origine grecque à sa droite.

L'année suivante, elle soutient à Paris sa thèse de doctorat en médecine, inspirée par son chef de service, sur Une forme particulière de la méconnaissance systématique "l'illusion des sosies" connue depuis sous le nom de Syndrome de Capgras.

Reçue au concours du médicat en 1935, elle est nommée médecin-chef à l'asile de Vauclaire par arrêté du 28 mars 1936. Mais elle ne reste que quelques mois à l'asile de la Dordogne, puisque, par arrêté du 29 août 1936, elle est nommée médecin-chef de l'hôpital psychiatrique départemental du Jura, à Saint-Ylie, en remplacement d'Achille Santenoise, retraité.

Dans l’attente de son installation, c’est le docteur Gardien qui fait l’intérim. Dans cet établissement, où elle fera toute sa carrière, elle est en charge du service des hommes, et à partir de 1937 de la consultation d'hygiène mentale infantile de Montbéliard-Audincourt (tandis que le médecin-chef du service des hommes de Saint-Ylie, Maurice Desruelles, qui en est à l'origine en 1935, a la charge de celles de Besançon et Pontarlier).

Le 31 octobre 1940, Mademoiselle le docteur Derombies épouse à Besançon (Elie) Jean (François) Humbert [qui n'a pas à notre connaissance de lien de parenté avec son ancien condisciple de Sainte-Anne, Pierre Humbert], docteur en médecine, chevalier de la Légion d'honneur, Croix de Guerre, et de cette union naîtra le 29 octobre 1941 à Besançon une fille prénommée Marie Françoise.

Le docteur Derombies-Humbert repose au cimetière de Saint-Ylie.


Les Archives Chevallier, déposées aux Archives Nationales, conservent le rapport établi en 1941 par le docteur Derombies-Humbert en réponse à la circulaire du Secrétaire Général de la Santé en date du 24 février 1941 « concernant l'avitaminose dans les hôpitaux psychiatriques », et plus généralement l'alimentation des malades en traitement dans ces mêmes hôpitaux.

Ce rapport fut transmis le 3 juin 1941 par le préfet du Jura -avec celui du docteur Maurice Desruelles, médecin en chef du Service des Femmes- au Secrétaire d'Etat à la Famille et à la Santé (Direction de la Santé, Vichy), sous couvert du Directeur de la Famille et de la Santé de la Région du Lyonnais.
Il présente le mérite de la clarté et de la concision, établissant nettement le rôle déterminant de la sous-alimentation dans l'augmentation de la mortalité chez les malades inactifs, dont les rations sont à elles-seules insuffisantes pour survivre. Quant aux malades travailleurs, qui bénéficient des suppléments prévus par la carte T, ils sont, jusqu'ici précise le docteur Humbert-Derombies, les moins atteints par les restrictions, ajoutant que les malades internés en hôpital psychiatrique n'ont évidemment pas les moyens d'améliorer par eux-mêmes leur ordinaire [les passages ci-dessous soulignés l'ont été par nous-mêmes].

Le 31 mars 1941, notre médecin chef disait craindre « que dans un avenir très proche », la situation des malades « devienne critique ». C'est bien ce qu'il advint à Saint-Ylie comme dans la presque totalité des hôpitaux psychiatriques français, où environ 45.000 personnes sont mortes d'inanition entre 1940 et 1944.

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République Française
Département du Jura
Asile public d'aliénés de Saint-Ylie
Service des Hommes
Cabinet du Médecin-chef

SAINT-YLIE près Dole, le 31 Mars 1941
Le Docteur Humbert-Derombies
Médecin-Chef du Service des Hommes
Hôpital Psychiatrique de Saint-Ylie
à Monsieur le Préfet du Jura
(Sous-couvert de M. le Directeur de l'Hôpital Psychiatrique)

J'ai l'honneur de vous rendre compte qu'en effet plusieurs incidents dûs à l'avitaminose sont apparus dans le service. 45 cas d'œdèmes diffus ont été signalés dans le service. Ces œdèmes étaient, pour la plupart, localisés aux membres inférieurs, 3 siégeaient à la face. Tous ces accidents ont été bénins.

Quant à la diarrhée, 47 malades en ont été atteints, mais il fut remarquer que dans le 3ème Pavillon (gâteux), cette maladie règne à l'état endémique et que pour ce seul quartier 23 cas sont apparus. Les 24 autres cas restant en cause peuvent être une conséquence du manque de vitamines, mais cette situation n'a rien d'alarmant pour le moment.

A cette saison d'ailleurs, l'avitaminose s'est toujours un peu manifestée du fait de la difficulté d'approvisionnement des grands établissements en légumes frais et en fruits.

La nourriture des malades est restée (sauf pour les rations de graisses) sensiblement la même cette année que celle des années précédentes, tout au moins en ce qui concerne la qualité. Il n'en est pas de même au point de vue de la quantité. La sous-alimentation entre pour une bonne part dans la cause des décès de nos malades. 11 de ceux-ci sont décédés par suite d'un amaigrissement très rapide et considérable, sans aucun signe de maladie organique. Ceci nous semble beaucoup plus grave que les petits incidents signalés au début de cette lettre.

Les idiots, les imbéciles et les séniles sont, jusqu'à présent, plus que les autres, touchés par les restrictions et ces 11 malades décédés étaient, pour la plupart classés dans ces catégories.

Les malades inactifs accusent presque tous, une perte très importante de poids. Les malades travailleurs sont, jusqu'ici, les moins atteints par les restrictions du fait qu'ils perçoivent journellement un casse-croûte composé de 100 grammes [de pain], d'un morceau de gromage et de 15 centilitres de vin. Il est à noter que ce casse-croûte n'est pas un supplément pris sur la ration des autres malades, mais qu'il est compris dans leur ration normale, ces malades étant classés dans la catégorie T. Néanmoins, un amaigrissement sensible est constaté dans leur état général.

D'autre part, les malades internés ne peuvent en aucun cas améliorer leur ordinaire comme toutes les autres personnes qui ont la faculté d'acheter des denrées non soumises au rationnement : viande de lapin, poulet, poissons, œufs, fruits, etd... La situation alimentaire de nos malades va en s'aggravant de jour en jour et il est à craindre que dans un avenir très proche elle ne devienne très critique.

[Signé Dr M. Humbert Derombies]

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