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Charles (Samson) FÉRÉ
Auffay (Seine-Maritime) 13 juin 1852 / Paris 22 avril 1907

Aliéniste distingué et expérimentateur infatigable, élève de Charcot dont il fut le secrétaire particulier et le préparateur, médecin chef des aliénés de Bicêtre.

« Né à Auffay, en Normandie, le 13 juin 1852, Féré avait commencé ses études à Rouen, dans cette Ecole de médecine qui façonne avec tant de vigueur et de science une pléiade continue de solides cliniciens.
Lauréat des hôpitaux de Rouen en 1872, Féré venait à Paris, attiré par le prestige de notre Internant des hôpitaux; il passait les premières années de sa vie parisienne chez Alphonse Guérin, Constantin Paul, Horteloup, Mauriac, Gubler et enfin chez Bouchard, à Bicêtre, en 1876, où il devait trouver sa voie.
Interne de Broca, de Guéniot, de Parrot, de Guyon, Féré se destinait d'abord à la chirurgie, pour laquelle il avait une prédilection marquée.
La Salpêtrière, où la toute puissante influence de Charcot commençait à faire triomphante une Ecole scientifique nouvelle, ouverte à toutes les personnalités et à tous les travailleurs, décida Féré et l'entraîna dans l'étude de la neuropathologie
. (...)

Expérimentateur ingénieux autant qu'impeccable, allant parfois jusqu'à la minutie, Féré, soutenu par la passion de la science et par ses études approfondies, se façonna psychophysiologiste et psychopathologiste de premier ordre.

Les innombrables travaux consacrés par lui à la "Pathologie des émotions, à la Famille névropathique", à la "Dégénérescence et à la criminalité", au "Magnétisme animal", à "l'évolution et à la dissolution de l'instinct sexuel", aux "Troubles de l'intelligence", à "l'Aphasie et à ses diverses formes", au "Traitement des aliénés dans la famille", pour ne citer que ses principaux ouvrages, en font foi et montrent la diversité de ses recherches, autant que la souplesse de son esprit
» (Letulle, Discours prononcé aux obsèques).

Une illustration des propos du Docteur Letulle :

Féré avait été des quelques savants dont la question de l'inversion sexuelle (nous dirions aujourd'hui l'homosexualité) des animaux avait troublé le repos... On aurait en effet surpris des insectes en flagrant délit de rapport homosexuel dans des conditions où il était impossible d'accuser l'isolement sexuel.
Féré eut donc recours à l'expérimentation chez les hannetons, plus spécialement visés.

Il réunit un certain nombre de ces animaux et les répartit en trois groupes :
1° les hannetons mâles n'ayant pas pratiqué le coït depuis un certain temps;
2° les hannetons neufs (nous dirions vierges) identiques aux précédents, mêlés à des hannetons artificiellement frottés avec des produits odorants venant d'organes génitaux de femelles;
3° des hannetons mâles neufs et des hannetons mâles ayant pratiqué le coït.

Voici les résultats obtenus par Féré: aucun accouplement homosexuel chez les 300 couples de hannetons neufs, 2 chez les 208 couples de hannetons neufs et de hannetons imprégnés, 17 parmi les 210 couples de hannetons neufs et de hannetons émérites.
Les hannetons n'ont donc aucune tendance à l'homosexualité, même quand ils sont privés de femelle: cela ne leur arrive que lorsqu'on les trompe ou quand ils se trompent.
L'auteur conclut à la réhabilitation des hannetons.

Charles Féré, « Les perversions sexuelles chez les animaux », Revue philosophique, 1897, XLIII, p.494

Féré s'intéresse également au magnétisme animal (hypnotisme) et minéral (métallothérapie de Victor Burq), sujets auxquels parmi bien d'autres il consacre plusieurs publications.

« L'homme n'était pas plus banal que son œuvre. Grand, maigre, avec un visage un peu triste, aux traits fortement scuptés, au front large et bombé, Féré était l'affabilité même. Il était d'un abord sympathique, et qu'on n'oubliait plus quand on l'avait quelque peu fréquenté » (Letulle).
Une opinion que Léon Daudet, qui en fait le Ligottin des Morticoles, ne partageait assurément pas.

coll. M. Caire

Lire l'excellent article de Frédéric Carbonel, «Le docteur Féré (1852-1907) : une vie, une œuvre, de la médecine aux sciences sociales», paru dans L'Information Psychiatrique, 82, 1, Janvier 2006; 59-69 et la thèse de médecine d'Isabelle Capelle, Charles Samson Féré (1852-1907), élève de Charcot et aliéniste de Bicêtre, "travailleur infatigable et patient" (Caen, 1998)

La notice nécrologique parue dans Le Progrès médical du 1er mai 1907 et deux articles de Féré sur le bâillement sont consultables sur le site du Dr O. Walusinski.

Michel Caire, 2008-2012
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