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Henry (Eugène) MABILLE
Vanault-les-Dames (Marne) 25 novembre 1852 / La Rochelle (Charente Maritime) 20 octobre 1918

Médecin des asiles.


Henry, fils d'Eugène Mabille, docteur en médecine et de Thérèse Céline Gillot, naît dans une petite bourgade du département de la Marne, située au nord-est de Vitry-le-François.

Après avoir suivi des études à la Faculté de médecine de Nancy, où il est aide-bibliothécaire, Henry Mabille y soutient sa thèse le 9 avril 1878 intitulée De l'hématome de l'oreille.

Il avait été interne en médecine à l'asile public d'Aliénés de Maréville, et il est alors depuis 1877 médecin adjoint du quartier d'hospice de Blois. Il exerce ensuite les mêmes fonctions à Ville-Evard de 1878 à 1880 puis à l'asile de Vaucluse jusqu'en 1881.

Cette année-là, il est nommé par arrêté du 3 février directeur médecin chef de l'asile de Lafond, en Charente-Inférieure, aujourd'hui Maritime, où il fera toute sa carrière. Retraité en 1917, il est maintenu en fonctions jusqu'en septembre 1918. La mort de son fils Jean Robert Eugène le 4 juin 1916, des suites de blessures reçues sur le champ de bataille, assombrit ses dernières années. Et il trépasse un peu plus d'un mois après avoir quitté l'établissement où il avait passé 37 ans.

C'est son fils cadet, Robert Mabille, déjà médecin adjoint à Lafond, qui lui succèda comme directeur médecin le 2 septembre 1918.

Dr H. Mabille
Charles Perrens, Annales médico-psychologiques 1919, pp.252-253

Le Dr Henry Mabille est mort en octobre dernier au poste même qu'il occupait depuis 1881, à l'asile de la Rochelle.

Aucune carrière ne fut mieux remplie que la sienne, ni plus honnêtement, nulle ne donne davantage l’impression du devoir accompli sans tapage dans la sécurité de la famille et de la ville élue. Un médecin consciencieux et probe a disparu.

Les premières fois qu’on le voyait, la froide sévérité de son attitude troublait. Sous cette réserve qu’y avait-il ? Un peu de timidité, peut-être, plutôt une certaine méfiance des paroles et la crainte de se livrer prématurément. Plus tard, celui dont la chance avait conquis son amitié découvrait son vrai caractère tout imprégné de honte et son désir de l'action utile qu’il réalisa dans l'exercice de sa profession ou en dehors d’elle. Ces qualités qu’il s’efforçait, semble-t-il, de dissimuler ne restèrent pourtant pas ignorées.

De 1893 à 1905, il demeura le premier adjoint au maire de La Rochelle à une époque ou la prospérité de la ville obligeait à de vastes travaux. Sa collaboration efficace, surtout dans les questions d’hygiène, lui valut des marques d’estime qu’il était fier de rappeler. La Rochelle lui garda jusqu’a sa mort la confiance qu’elle avait mise en lui. S'iI est vrai que la foule versatile et diverse connait mal ses vrais serviteurs, l'exemple de la longue et heureuse fortune municipale de M. Mabille prouve qu’à l'occasion le mérite est susceptible de s’imposer d’une manière durable.

Mais le meilleur de son activité M. Mabille le donnait à sa profession. II l'aimait au point de ne pas croire qu’il eut été capable de lui en préférer une autre. L’étude de ses malades, la direction de son asile, la lecture des revues psychiatriques composaient ses occupations favorites. II avait débuté dans la médecine mentale sous la conduite de Christian, à Nancy.

Reçu docteur en 1877, sa thèse sur l’hématome de l’oreille, résumant et interprétant des phénomènes mal connus jusqu’alors, lui fit accorder par la Société médico-psychologique le prix Esquirol. Parmi ses travaux ultérieurs citons : une étude sur la lypémanie qui obtint le prix des Annales médico-psychologiques, puis, en collaboration avec Lallemant, un mémoire sur les folies diathésiques », un autre sur « la folie des vieillards » où ne manquent ni la documentation ni le sens clinique, pas même, si l'on peut dire, une consécration officielle, puisque l’Académie de Médecine récompensa le premier mémoire et la Société médico-psychologique le second.

Nous ne signalons que les principaux ouvrages. M. Mabille ne publiait qu’avec prudence, en homme qui sait le juste prix de ces nouveautés qu’on exhume au jour le jour d’un vieux dictionnaire. Son érudition lui refusait la joie des découvertes illusoires. Du moins se plaisait-il à grouper les faits positivement établis, à analyser d’une curiosité toujours en éveil les syndromes que sa visite quotidienne lui présentait, à connaitre ses malades, à soulager leur détresse.

Lorsqu’il arriva à l’asile de Lafond, après une courte période d’adjuvat à Blois, à Ville-Evrard et à Vaucluse, il ne trouva dans une plaine nue qu’une antique masure d’où suintait la tristesse. Et ce Lorrain planta des arbres. Il fit bâtir ensuite. Qu’il ait donné à ses malades plus d’air et de lumière dans une maison plus décente, qu’il ait offert à leur infortune l’apaisement de ces grands jardins où l’ombre est douce, double charité, elle suffirait à montrer qu’il n’a pas vécu en vain.

Il est mort au milieu des choses qu’il avait créées. Ses dernières années, qu’il espérait paisibles, furent consacrées au chagrin, car, s’il enfermait sa douleur en lui-même, il ne se consolait point de la perte de son fils aîné tué a la guerre.

Il laisse à sa famille, à ses amis le souvenir d’un homme juste et bienfaisant. Nous lui adressons un suprême adieu.


Michel Caire, 2022
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