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Alexandre (Hippolyte Valère) PÂRIS
Monay (Jura) 12 mai 1857 / Nancy 16 janvier 1933

Médecin aliéniste.

Chevalier de la Légion d'honneur 1921

Né dans un petit village jurassien, fils d'Henri Louis et d'Octavie Terrier, Alexandre Pâris fait ses études secondaires à Poligny avant de faire sa médecine à la faculté de Nancy, où il soutient sa thèse de doctorat en 1882.

Sept fois lauréat de l'Académie de médecine (Paris), lauréat de l'Académie de médecine de Belgique, médaille d'or en 1901.

Pâris a exercé les fonctions d'interne à l'asile public d'aliénés de Maréville à partir de 1878, et puis à l'asile de Châlons-sur-Marne en 1883, où il est nommé en novembre de la même année médecin adjoint et chargé du service de la pharmacie de l'établissement. Durant une courte période, de novembre 1887 à août 1888, il est en outre directeur-médecin intérimaire de l'asile de Châlons.

En avril 1889, il est nommé directeur-médecin à l'asile de l'Orne à Alençon et revient à Maréville en octobre comme médecin en chef de la division des femmes de l'asile, fonction qu'il exerce jusqu'à sa retraite le 1er septembre 1912.

Durant cette période, il est chargé de cours à la Faculté de médecine de Nancy à partir de l'année universitaire 1901-1902.

Précisons que Maréville (Meurthe-et-Moselle), où se trouve l'établissement où Pâris a exercé et qui se nomme aujourd'hui Centre psychothérapique de Nancy, fait partie de la commune de Laxou, limitrophe de Nancy et partie de la Métropole du Grand Nancy.

Alexandre Pâris a épousé Alice Rouyer le 4 mars 1893, sans que l'on ne sache s'il a eu une postérité. Comme le sous-entendent Aubry et Hamel qui parlent de véritable sacerdoce, il semble qu'il se soit dévoué à sa tâche professionnelle jusqu'au sacrifice de sa vie personnelle. Il est vrai qu'un service médical de pas moins d'un millier de malades pour un seul médecin, même assisté de deux internes, ajouté aux fonctions administratives, d'enseignement, d'expertise pour la Cour d'Appel de Nancy, et à la rédaction de plusieurs travaux importants représentent une charge considérable.

Principaux travaux

- Du délire ambitieux. Thèse de médecine, Nancy, 1882. Nancy, N. Collin impr., 1882

- Rapport médico-légal sur le nommé Paul-Eugène Girot, inculpé d'incendies volontaires [avec Henry François Auguste Bonnet]. Châlons, Le Roy, 1884

- Alcoolisme et ses principaux inconvénients montrés aux populations peu aisées. Châlons, Le Roy impr., 1886; 24 p.

- De la mélancolie. Mémoire couronné par l'Académie de médecine, Paris, Prix Lefèvre. Châlons-sur-Marne, Le Roy, 1887; 55 p.

- Du Rôle de l'hérédité dans l'alcoolisme. Châlons-sur-Marne, Le Roy, 1888

- Les Principaux devoirs des gardiennes du service des aliénées, instructions données aux gardiennes de l'asile de Maréville. Nancy, Impr. nancéienne, 1890

- Épilepsie. Sa nature, son traitement. Paris, Berger-Levrault, 1892

- Période paralytiforme de l'alcoolisme et du saturnisme

- Documents pour servir à l'histoire des épidémies d'influenza

- Traitement de l'aliénation mentale en général. Communication à la Société pour le bien-être des aliénés du New Jersey

- Rapport du médecin en chef de la division des femmes à M. le préfet de Meurthe-et-Moselle. Année 1898. Asile public d'aliénés de Maréville. Nancy, Berger-Levrault et Cie, 1896

- Folie des femmes enceintes, des nouvelles accouchées, et des nourrices : causes, caractères, traitements; indications résultant de son étude, relatives à la curabilité ou à la prophylaxie de l'aliénation mentale et à l'amélioration de la descendance. Paris, A. Maloine, 1897; 131 p.

- L'Aliénation mentale, ses causes, ses dangers, ses traitements, améliorations à apporter à l'organisation des asiles. Rapport à M. le préfet de Meurthe-et-Moselle. Année 1896. Nancy, Berger-Levrault, 1897; 110 p.

- L'Assistance des aliénés. Organisation médicale des asiles, assistance familiale, traitement moral, etc. Rapport à M. le préfet de Meurthe-et-Moselle : Année 1897 (complément du rapport de 1896). Nancy, Berger-Levrault, 1898; 58 p.

- Contribution à l'étude de la fièvre typhoïde

- Contribution à l'étude de l'épilepsie. Mémoire récompensé par l'Académie de médecine de Belgique, 1901

- L'Étude de l'aliénation mentale, son utilité au point de vue individuel, familial ou social. Nancy, L. Kreis impr., 1902

- Épilepsie, pathogénie et indications thérapeutiques. Contribution à l'étude de la physiologie du corps thyroïde. Évreux, C. Hérissey impr., 1904

- Travail statistique relatif à la tuberculose

- Enfants épileptiques ou enfants prédisposés à l'épilepsie et enfants indisciplinés

- La Paralysie générale progressive. Sa parenté avec la confusion mentale primitive. Sa pathogénie, son pronostic. Orientation à donner à sa thérapeutique (causes de l'échec complet de la thérapeutique actuelle). Nancy, L. Kreis impr., 1905; 79 p.

- Leçons de psychiatrie. Caractères de dégénérescence et aliénations mentales (types) relevant surtout d'une constitution originelle anormale... Paris, A. Maloine, 1909; 488 p.

- Les troubles de l'intelligence, de la sensibilité ou de la volonté chez les femmes enceintes, nouvelles accouchées ou nourrices. Paris, Maloine, 1911

- Aliénation mentale et état de guerre. Leurs rapports dans notre région [1915]



Le Docteur PARIS (1857-1933)
Par E. AUBRY et J. HAMEL

L’Aliéniste français 1933, pp.131-133

Le Docteur Pâris était originaire du Jura. Stimulé par un de ses oncles, médecin parisien très estimé, il accomplit ses études secondaires au Collège de Poligny. Il suivit ensuite les cours de la Faculté de médecine de Nancy et en 1878, il entra comme interne à Maréville dans le service de Charles Sizaret.

Malgré les années déjà écoulées, l'Asile vivait alors dans le souvenir de Morel, qui y avait séjourné comme médecin chef de 1848 à 1856. Les travaux de cet illustre maître exercèrent sur le jeune interne une impression qui persista toujours; ils affirmèrent sa vocation et ils fixèrent dans son esprit les grandes idées directrices de sa doctrine psychiatrique. M. Pâris ne fut pas seul à être attiré par le même appel, tous les camarades d'internat qu'il rencontra à Maréville, Febvré, Guyot, Vernet, suivirent également la carrière de l’aliéniste.

En 1883, M. Pâris fut nommé médecin adjoint à Châlons-sur-Marne.

Conduit par les événements à accomplir un long intérim de médecin-directeur, il prit en mains la gestion de l'Asile et il s'affirma possesseur d'une telle personnalité que longtemps après son départ, le personnel parlait encore de lui avec une admiration déférente. De Châlons, M. Pâris passa à Alençon comme médecin-directeur avant de revenir à Maréville, comme médecin-chef, en octobre 1889.

L'Asile était alors divisé en deux sections, dont un seul médecin assisté de deux internes, devait assumer la charge. M. Pâris fut affecté à la division des femmes. Ses anciens collaborateurs n'ont pas perdu le souvenir de cet énorme service, qui comprenait environ 1.000 malades dispersées dans de vastes bâtiments où l'autorité du chef, sa connaissance complète des locaux, des malades et du personnel, faisaient régner un ordre exemplaire.

M. Pâris sut toujours obtenir de son entourage la collaboration la plus dévouée et, de ses malades, la reconnaissance la plus grande. Il ne cessa pas, par des efforts opiniâtres, d'améliorer les conditions d'assistance et de traitement; et il fit fonctionner avec le même succès le service d'admission qui, plus tard, fut organisé pour lui, à la demande de ses collègues.

Pendant sa carrière, il jouit auprès de l'Administration et de la Commission de surveillance, comme auprès de tous les services de l'Asile, d'un ascendant incomparable, ftltldé sur la droiture inflexible de son caractère, sur la fermeté de son Jugement, sur l'étendue de ses connaissances médicales et administratives, et lorsqu'il prit, en 1922, une retraite bien gagnée, après 33 années d'un véritable Sacerdoce, ii partit entouré du respect et des regrets de chacun.

M. Pâris était doué en effet de qualités exceptionnelles au point de vue, moral et au point de vue intellectuel. Au prestige mérité par la noblesse de son caractère, s'ajoutait une distinction particulière due à sa haute taille, à sa robustesse, à une tenue toujours impeccable, à la régularité de ses traits, au charme apaisant et majestueux de son visage. Cette force si bien équilibrée cachait en outre une sensibilité délicate, un tact exquis, un attachement profond à ceux qui l'entouraient. Le désir de sa vie était de se rendre utile. En entrant dans la carrière des Asiles, M. Pâris s'était imposé une discipline dont il ne s'est jamais départi. La fermeté de ses décisions, la haute dignité de sa conscience, lui permettaient de n'admettre aucune compromission avec lui-même. Il avait une conception très élevée de l'importance de sa profession dont il accomplissait tous les actes, même les plus minimes avec une dignité recueillie et scrupuleuse, s'inspirant uniquement de sa conscience qui était très rigoureuse, de l'intérêt de ses malades, du respect de la légalité et du secret professionnel dont il était le défenseur intransigeant. Dans les renseignements qu'il donnait aux familles, dans ses bulletins de santé, comme dans ses certificats, il pesait avec soin les expressions qu'il allait employer et il se gardait de prononcer aucun mot qui fût de nature à révéler des particularités capables de nuire ultérieurement au malade. Son attitude stricte dans les questions de certificats, de visites et de renseignements, le mit parfois en opposition avec des hommes de loi et avec divers solliciteurs, mais assuré qu'il était d'avoir le bon droit pour lui, il ne céda à personne. Rien ne parvenait à l'écarter de l'idéal qu'il s'était tracé, l'intérêt personnel ne pouvait se présenter à son esprit et lorsqu'il avait à défendre une idée qu'il estimait juste, il luttait courageusement, quels que fussent les hommes qu'il avait à combattre.

En dehors de son service et dans sa vie privée, le Docteur Pâris était non seulement affable et bienveillant, mais de la plus délicate courtoisie. A l'égard de ses internes il était un véritable parrain, paternel, attentif et vigilant. Il les entourait de prévenances, les encourageait et préparait leur instruction, avec le souci de les imprégner de ses conceptions : amour de la profession, respect du malade, probité absolue. Il gardait avec eux un contact permanent; il ne considérait pas que sa tâche fût terminée avec la visite du matin, il exigeait une contre-visite soigneuse et il venait fréquemment recueillir à l'internat les nouvelles de son service. En vue de la préparation au concours du médicat, il consacrait de longs moments à des exposés de malades, terminés par une conférence animée et fructueuse. M. Pâris fut le type accompli du grand chef de service à qui aucun détail n'échappait : vêture, nourriture, traitement étaient contrôlés par lui de façon constante. Toute négligence était suivie d'une action vigoureuse et immédiate, menée jusqu'au succès.

La certitude de suivre une voie sûre, dans le rayonnement de cette belle activité, conduisait ceux qui avaient M. Pâris comme maître, à tenir pour un honneur d'être sous sa direction car l'élévation de ses sentiments le plaçait très haut dans l'échelle des valeurs humaines.

M. Pâris ne fut pas seulement un excellent chef de service, il fut aussi un grand travailleur dont les œuvres scientifiques, maintes fois remarquées lui valurent de nombreuses récompenses, puisque, sans parler d'autres sociétés françaises ou étrangères, l'Académie de médecine le compte sept fois au nombre de ses lauréats. Dans son labeur, il avait gardé les mêmes règles d'exactitude méthodique. Epris de conceptions claires et d'observation clinique, il prenait des notes au cours de chacune de ses visites, puis il consacrait quotidiennement plusieurs heures à classer, à compulser ses documents et à rédiger. Son long séjour dans le même asile lui permit d'accumuler, des documents d'une très grande valeur, basés sur une expérience que peu ont possédée, et il laisse derrière lui, une quantité considérable de fiches du plus haut intérêt. Chargé de cours à la Faculté de médecine de Nancy, il enseigna pendant vingt ans les éléments de la clinique psychiatrique. Il inspira de nombreuses thèses et travaux. Outre divers ouvrages de longue haleine et de multiples publications, il réunit, en un traité, des leçons cliniques qui demeurent l'un des meilleurs exposés de la psychiatrie française et qui résument un enseignement lucide, objectif, résolument opposé aux synthèses des psychiatres allemands.

Cette existence si admirablement remplie eut une terminaison digne d'elle.

Très éprouvé par la perte d'une compagne à laquelle il était uni par une profonde affection, il avait su triompher du chagrin qu'il avait ressenti; il avait repris le cours d'une vie active dans laquelle, à son habitude, il se montrait discrètement généreux, bon, sociable, dévoué à ses amis et à tous ceux qui avaient recours à lui. Quelques défaillances survenues dans sa santé ne l'avaient pas effrayé ; ayant envisagé, de façon sereine l'éventualité menaçante d'une terminaison brusque, il avait soigneusement consigné ses dernières volontés et sans trahir en quoi que ce fût, la connaissance qu'il avait des atteintes dont il était touché, il avait gardé la même apparence solide et imposante qui semblait échapper à l'action de l'âge. Des accidents brusques vinrent l'arrêter. Pendant les dernières semaines qui précédèrent sa mort, il sut donner l'exemple d'une résignation souriante, et pensant à tous, sauf à lui-même, gardant jusqu'à la fin sa clarté d'esprit, il n'eut comme unique préoccupation jusqu'au dernier moment, que de manifester son attachement à ses amis, et à ses anciens internes et de témoigner sa reconnaissance à ceux qu'un pieux devoir retenait à son chevet. Demeuré jusqu'au bout le parfait médecin qu'il avait été, il consacra sa dernière pensée aux jeunes internes, aux infirmiers et infirmières de l'asile et aux malades à qui il n'avait jamais cessé de garder le même intérêt affectueux.

Longue et belle carrière d'un homme qui honora grandement notre profession et dont le souvenir demeurera en nous, comme l'image même du devoir.


Michel Caire, 2018
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