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Marie-Agnès Fabrègue
en religion
Mère Maria PIA

Chambon (Gard) 12 avril 1893 / 28 septembre 1959

Fille de Camille Fabrègue, mineur de houille et de Marie Bernard, Marie Agnès naît dans le hameau de Dieusses, commune de Chambon dans le Gard.

Après être entrée dans les ordres, adoptant le nom de Marie Pia ou Maria Pia, elle obtient le diplôme d'infirmière d'État et en exerce les fonctions une dizaine d'années. Puis elle devient économe à l'asile d'aliénés de Montredon - plus tard Hôpital psychiatrique Sainte-Marie, au Puy-en-Velay - dépendant alors de la Congrégation de Sainte-Marie de l'Assomption. Dix ans plus tard, elle en est la directrice et la Supérieure des religieuses de l'établissement.

Le 11 novembre 1946, elle est décorée - par le préfet du département d'alors, Edgard Pisani - non seulement de la légion d'honneur [Chevalier par décret du 28 février 1946], mais aussi de la Médaille de la Résistance et de la Croix de Guerre.


Extrait du Rapport du Ministère de la Population, signé Robert Prigent, le 18 janvier 1946

« L'Etablissement dont Mère MARIA PIA assure la Direction est un modèle d'ordre et de tenue et de bienveillance pour les malades. Femme supérieure, douée d'une grande autorité morale, a eu une attitude particulièrement courageuse pendant l'occupation; malgré les risques courus et les visites des Allemands et des fonctionnaires agents de la collaboration, n'a pas craint d'héberger des chefs de la résistance traqués par la gestapo et de cacher un important matériel pour la lutte contre l'ennemi. » [Dossier de Légion d'Honneur, A.N., 19800035/293/39340]

Des chefs de la Résistance, auxquels le rapporteur aurait pu ajouter des réfractaires au STO [Service du Travail Obligatoire] et des Juifs : le docteur Robert Sigaléa, né à Bucarest en 1915 et petit-fils du grand Rabbin de Constantinople y fut caché pendant les quatre derniers mois de l'Occupation, ce dont il donne un très beau témoignage dans son livre intitulé : De Bucarest à Siaugues ou le chemin des écoliers et les sentiers de la peur, publié en 2003 aux Éditions du Fayet [voir la présentation de l'ouvrage faite par Jean Carasso sur le site La Lettre Sépharade].

Dans un autre domaine, Mère Maria Pia a mérité l'hommage de ses contemporains : les dispositions qu'elle a su prendre dès juin 1940 et durant toute l'Occupation permirent de sauver de la famine non seulement les malades de Montredon, mais aussi nombre de ceux qui séjournaient dans les autres établissements dirigés par la congrégation de Sainte-Marie de l'Assomption, à Nice, Rodez, Clermont-Ferrand, Privas.

En juin 1940, selon les directives de Mère Maria Pia, la sœur économe achète à Marseille un bateau de riz, dont les dizaines de tonnes sont réparties entre les cinq établissements, de même que le wagon de tapioca acheté en 1941, dont chaque maison reçoit 5 tonnes.

Elle sait aussi faire jouer ses bonnes relations avec le milieu agricole local pour acheter orge, lentilles, pois cassés, haricots secs, tissus, galoches, bois de chauffage, terres à cultures... Elle constitue ainsi un très important stock de nourriture et une réserve de près de 300 hectolitres de vins : Paul Besse, qui fut boucher et chauffeur de l'hôpital de 1941 à 1987, assure qu'il y avait des stocks pour cinq ans : « Nous avions muré cinq foudres de vin représentant 298 hectolitres; ce n’étaient que des bons vins (vin d’Algérie et Corbières); il fallait qu’ils aient du degré pour ne pas tourner. Nous tuions des bêtes la nuit pour que les Allemands ne nous voient pas, nous en expédions une partie à l’hôpital psychiatrique de Nice ». [Montredon, un asile sous l’Occupation, 2016]. Précisons qu'un foudre est un tonneau de grande capacité.

Le drame vécu dans la quasi-totalité des autres établissements psychiatriques français entre 1940 et 1944, où la famine est directement ou indirectement responsable de 45,000 morts parmi les malades, y a donc été évité grâce à son exceptionnel esprit d'initiative et sa haute conscience morale : toute vie vaut d'être vécue et protégée.


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