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Théodore SIMON
Dijon 10 juillet 1873 / Paris 4 septembre 1961

Aliéniste, inventeur avec Alfred Binet de l'échelle métrique de l'intelligence qui porte leur nom, et fondateur de la première école d'infirmière spécialisée.

Orphelin de très bonne heure, Théodore est recueilli chez un oncle à Sens, où il fait ses études secondaires.

Il s'installe ensuite à Paris, où il suit des études de médecine et passe le concours de l'internat des asiles de la Seine en 1898.

Reçu 4ème, dans la promotion de Roger Mignot, Gatian de Clérambault et Joseph Capgras, il prend un poste à l'asile de Vaucluse, dans le service du docteur Emmery Blin, en charge de la Colonie.

Il écrit alors à Alfred Binet, dont il connaissait les premiers travaux, pour lui proposer les observations qu'il avait recueillies sur les arriérés hospitalisés dans ce service. C'est le début d'une collaboration qui ne prendra fin qu'avec la mort de Binet en 1911.

Reçu 3ème au concours de l’adjuvat de novembre 1902, Théodore Simon prend un poste de médecin adjoint à l'asile de Dury, d'où il passe en 1904 dans le service de Magnan à l'Admission comme médecin assistant, puis à l'asile de Saint-Yon.

En juillet 1912, il est nommé médecin du cadre spécial des asiles d'aliénés de la Seine, est affecté à la Colonie des enfants de l'asile de Vaucluse, et prend en mars 1930 le poste de médecin-chef du service de l’Admission à Sainte-Anne. Jusqu'à la nomination de Brissot à Vaucluse courant 1931, il assure concurremment le service de la Colonie et celui de l'Admission.

Début 1936, il succède à Edouard Toulouse comme directeur médecin de l'Hôpital Henri Rousselle. Une nomination qu'Henri Sellier, conseiller général et sénateur de la Seine, considère illégitime, sinon illégale, jusqu'à se pourvoir contre elle devant le Conseil d’Etat. Devenu ministre, Sellier contraint Simon, à 62 ans, au départ…

Dix ans plus tard, en 1946, Théodore Simon crée la première école d'infirmières spécialisée, dont il sera le directeur technique de 1946 à 1957. L'Ecole d'Infirmières de Maison-Blanche (Neuilly-sur-Marne), initialement appelée l'« Ecole des Bleues » (de la couleur de l'uniforme porté par les élèves), ensuite Institut de formation inter-hospitalier, porte aujourd'hui le nom de son fondateur.

Nécrologie
Docteur Th. SIMON (1873-1961)

Avec Th. SIMON disparaît le seul Médecin d'Asile français, le seul psychiatre français, dont le nom était connu dans le monde entier en dehors de tout milieu spécialisé. Il n'était pas de gens cultivé qui ignorât l'existence des tests BINET-SIMON. Au cours de ces dernières années, l’entrée massive de jeunes médecins dans le cadre qu'il illustre a pu, en quelque sorte, rejeter SIMON dans un passé un peu nébuleux, mais tous ceux qui l'ont approché ont gardé un souvenir très vif de l'homme et du psychiatre.

Th. SIMON est né le 10 juillet 1873 à Dijon où son père était ingénieur au chemin de fer du P.L.M. Orphelin de bonne heure, il vient à Sens auprès de son oncle faire ses études secondaires. Son frère aîné s'était dirigé vers la philosophie et mourait à 23 ans, quelques temps après avoir obtenu son agrégation : sans doute cette orientation joua-t-elle un rôle dans l'intérêt que, très tôt SIMON porte à la psychologie. Etudiant en médecine, il fréquente aussi les cours de la Sorbonne et se dirige vers les Asiles ; il est reçu quatrième au concours de 1898, dans la même promotion que Roger MIGNOT, CLÉRAMBAULT et CAPGRAS.

Son internat l'amène chez BLIN, à Perray-Vaucluse, et de là il écrit à BINET pour lui offrir l'observation des arriérés de la Colonie. Toute la part psychologique de son œuvre découle de cette rencontre. De Vaucluse il passe à Sainte-Anne où il devient l'interne de MAGNAN.

En 1902, lors du premier concours national d'Adjuvat, il est reçu avec CAPGRAS. Durant un an, il est adjoint à Dury-les-Amiens, mais MAGNAN le réclame comme adjoint à l'Admission jusqu'en 1908.

Il reste 12 ans (1908-1920) à Saint-Yon dont il est quelques temps éloigné par la mobilisation. Au concours d'après-guerre, il est reçu Médecin des Asiles de la Seine, premier devant MIGNOT et DUCOSTÉ. Il choisit la Colonie de Perray-Vaucluse où il reste de 1920 à 1930.

Refaisant le trajet de l'internat, il prend à cette date l'Admission et, en 1936, il est directeur d'Henri Rousselle. Brutalement mis à la retraite en 1937, il reprend du service à l'Admission, en 1939-1940, pendant la mobilisation de X. ABÉLY. Bon serviteur de l'Administration préfectorale, il fut appelé à la commission de surveillance où il siégea jusqu'à sa mort. Il était, avant sa retraite, secrétaire général des Écoles départementales d’infirmiers de la Seine ; lorsque fut créée l'école supérieure de Maison-Blanche, il fut chargé de son secrétariat jusqu'en 1959.

Telle fut la carrière administrative de notre collègue.

Si brillants que soient ces états de service, ils ne rendent pas compte de la profondeur de son engagement. Th. SlMON fut un ardent Médecin d'Asile attaché à la défense et à l'illustration de ces maisons. Nombreuses sont les publications, les interventions brèves ou solennelles, où il défend l'Asile attaqué, où il montre les avantages de la loi de 1838, les richesses humaines d’un fonctionnement traditionnel.

Rien d'étonnant qu'à la retraite de TOULOUSE il fut choisi par le cadre comme porte-drapeau pour reconquérir Henri Rousselle ; il paya d’une mise à la retraite brusquée le succès de cette bataille.

On aurait tort de voir dans cette attitude un attachement rétrograde : Th. SIMON vivait pleinement sa vie de Médecin d'Asile, il a consacré une large part de son activité à la formation du personnel. En 1911, il publiait un admirable petit volume « L'Aliéné, l'Asile, l'Infirmier » ; son enseignement, étonnement moderne, insiste sur la qualité des relations de l'infirmier et du malade. Il est très authentiquement le premier, en France, à parler du rôle de l'infirmier autrement qu'en moraliste. Plus tard il poursuit son œuvre à l'école départementale de Maison-Blanche; de 1953 à 1958, il publie un journal mensuel « L'Infirmier Psychiatrique ».

Si Th. SIMON regrettait l'abandon des vieux vocables - il déplorait qu'on parlât de psychiatrie plutôt que d'aliénation, d'hôpital psychiatrique plutôt que d'asile - c'est qu'il savait bien que les choses ne changent pas au gré des dénominations. Mais sur un point il était intraitable et clairvoyant, il disait asile, aliéné, mais il disait infirmier et jamais gardien.

Notre collègue n'était pas seulement un Médecin d'Asile exemplaire, il fut, avec BINET, le créateur de la psychométrie et sans doute de la psychiatrie infantile. De 1900 à 1905, paraissent, dans l'Année Psychologique, les travaux qui constituent ce monument de l'échelle d'intelligence. Ces travaux se poursuivront, après la mort de BINET, dans le Bulletin de la Société Alfred BINET jusqu’en 1959.

La loi sur les classes de perfectionnement et surtout l'adoption mondiale de l'échelle de BINET-SIMON sont la sanction indéniable de la valeur de ces efforts ; le rayonnement de SIMON le fit appeler en Suisse, au Canada, aux Etats-Unis, au Brésil pour des tournées de conférences. En France, avec Mademoiselle Billotey, directrice de l'Ecole Normale d'Instituteur de Paris, il exerça une influence pédagogique qui se perpétue.

Je crois qu'il est juste de signaler un aspect oublié de l'œuvre de Th. SIMON dans l'Année Psychologique de 1905 à 1912 paraissaient des articles consacrés à l'Etat Mental spécifique des affections psychiatriques. Dans un langage très clair, avec une extrême simplicité, les auteurs présentaient la première tentative d'une psychiatrie phénoménologique. Il est probable que l'œuvre de BLONDEL et la discordance de CHASLIN doivent beaucoup à cet abord. Alors que les contemporains se laissaient séduire par la vaste synthèse krapelinienne, par le psychologisme un peu rapide de Paul BOURGET et DUPRÉ, SIMON choisit avec BINET une voie réellement nouvelle.

Parmi bien d'autres il pose un problème toujours pendant, celui de la légitimité de la Confusion Mentale, et on ne peut manquer d'être perplexe devant la discordance entre la psychiatrie française qui adopte toujours la confusion et le silence de la psychiatrie mondiale qui s'en passe. Nous touchons là un des aspects de la personnalité de Th. SIMON qui n'était pas le moins important. Ceux qui ont eu le privilège, en préparant un concours, de « faire des malades » avec lui ont souvent subi ses questions qui remettaient en cause non seulement une présentation trop classique, mais les fondements mêmes du tableau classique.

Dans sa recherche de faits indiscutables, SIMON usait d'un scepticisme constructif, posait des interrogations auxquelles nous n'avons pas fini de répondre. Ainsi fut-il un maître, pas seulement par son œuvre, pas seulement par son exemple, mais par ses questions.

Puis-je évoquer le souvenir qu'il a laissé dans les services : les jeunes infirmières qui l'ont connu sont maintenant des surveillantes chevronnées ; elles parlent de l'agilité avec laquelle, à la fin de sa carrière, il grimpait les escaliers enveloppé dans la pèlerine brune qu'il avait, une fois pour toutes, préférée à la capote administrative; bien des anecdotes précisent le tableau : malade provinciale rapatriée dans sa famille aux frais du médecin, sollicitude envers tel oligophrène.

Th. SIMON n'a pas été connu de ses collègues: Il était entouré de respect, on ne lui ménageait pas les honneurs : il fut le Président de la Société Médico-Psychologique, Président de la session d'Alger du Congrès des Aliénistes et Neurologistes. Mais il était, surtout à la fin de sa vie, un peu à l'écart du mouvement, parfois on eut l'impression que l'Administration usait de son nom pour couvrir son impuissance.

Seuls quelques élèves recevaient ses confidences : il disait alors son regret d'avoir été contraint d'osciller entre la psychopathologie et la pédagogie, les vicissitudes que la carrière administrative lui avaient imposées, le contraignant à un long départ provincial, interrompant ses travaux sur leur lancée, lui imposant un cadre étriqué. L'exemple de cette carrière mérite réflexion et porte enseignement.

C'était un grand privilège d'être reçu dans son merveilleux appartement, à l’angle de la rue de Fleurus et de la rue Guynemer, où son balcon faisait face au Panthéon au-dessus des arbres du Luxembourg. C'est là que nous avons trouvé sa veuve. Th. SIMON s'était marié très tôt, dès l'internat, à une époque où le fait était exceptionnel. Soixante-deux ans de collaboration et de vie commune ... à peine assombrie par l'absence de descendance.

Je suis allé voir Madame SIMON pour lui dire que j'espérais qu'un interne prendrait pour sujet de thèse l'étude de l'œuvre de son mari. Je suis sûr qu'il n'y perdra pas sa peine, je voudrais qu'il soit au niveau de son sujet
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Dr G. DAUMEZON


Michel Caire, 2012
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