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Lasthénie [Madeleine Émilie] THUILLIER-LANDRY
Ajaccio (Corse) 17 avril 1879 / Calvi (Corse) 30 juillet 1962

Première femme chef de clinique à la Clinique des Maladies Mentales et de l'Encéphale, à Sainte-Anne (Paris)


Son prénom - Lasthénie, philosophe grecque de l’Antiquité, se déguisait en homme pour suivre les cours de Platon - la prédestinait-il à s’inscrire à la Faculté de médecine en un temps où les femmes n’étaient pas encore les bienvenues ? Il semble qu’elle ait surtout suivi l’exemple de sa sœur Marie, interne des hôpitaux en 1906, chef de clinique adjoint dans le service de Jules Déjerine [1849-1917] à la Salpêtrière en 1911 : Marie fut donc la première femme chef de clinique à l'Assistance Publique de Paris.

Lasthénie s'inscrit en médecine quelques années après la naissance de sa fille Ella le 31 octobre 1900 et la mort de son mari Léon (Alfred) Thuillier six mois plus tard.

Ses études la conduisent à faire un stage à la Salpêtrière dans le service psychiatrique modèle du docteur Gaston Deny [1847-1923]. Elle y trouve matière à une thèse de haut niveau intitulée Etude sur les délires à évolution démentielle précoce, où sont analysées dix-huit belles observations de malades qu’elle a suivies personnellement au cours des années 1910 à 1912.

A partir du 1er avril 1916, elle est à Sainte-Anne « déléguée dans les fonctions de Chef de Clinique des maladies mentales à la Faculté de Médecine de Paris », en remplacement d’André Collin [1879-1926], titulaire démissionnaire. Ernest Dupré [1862-1921], chargé à titre temporaire du service suite au décès de Gilbert Ballet [1853-1916] le 17 mars, avait publié plusieurs articles avec sa sœur Marie. Il associe Lasthénie à une communication à la Société de neurologie en février 1917, à propos d’Un cas de paralysie générale infantile.

« Mme la Doctoresse Thuillier-Landry » occupera le poste de chef de clinique jusqu’au 31 décembre 1919. Elle n’exercera plus ensuite la médecine, mais manifestera un intérêt constant pour la psychiatrie, comme le montrent sa participation à plusieurs congrès, et son élection à la Société Médico-psychologique, dont elle est la trésorière archiviste de 1931 à 1936.

Mais « L.Th.L. », ainsi qu’elle signe ses lettres, se distinguera aussi dans le domaine de la bienfaisance et du féminisme institutionnel, comme ses sœurs Marie Long-Landry et Marguerite Pichon-Landry, épouse du secrétaire de Poincaré, engagée dans le mouvement suffragiste.

Lasthénie avait fait partie en 1917 et 1918 des déléguées de la Société des logements populaires hygiéniques, affiliée au Conseil National des Femmes Françaises. En 1919, elle joue un rôle de premier plan au Comité Féminin Français du Travail. Présidente de sa Section d’hygiène, elle mène la lutte contre l'alcoolisme et les maladies vénériennes, pour l’accouchement sans douleur, et la protection de l'enfance.
En 1921, elle est l’une des fondatrices avec sa sœur Marie de l’Association Française des Femmes Médecins et devient sa première présidente. Deux ans plus tard, elle en préside l'Association internationale.
Dans les années 30, on la retrouve au Service social international d’aide aux migrants à Genève, et en mai 1936, Lasthénie est lauréate du prix Jean-Jacques Berger de l’Académie des Sciences Morales et Politiques en qualité de présidente du Cercle François Villon, œuvre de bienfaisance offrant le vivre aux plus démunis.

L’histoire de sa fille Ella, directrice de la revue Temps Présent, cofondatrice et rédactrice en chef de La Vie Catholique illustrée et de Radio Cinéma [futur Télérama], a fait l’objet en 2006 d’un bel ouvrage de Jacqueline Sauvageot, Ella Sauvageot : l'audace d'une femme de presse, 1900-1962, qui traite d’une famille hors du commun, dont naturellement Lasthénie et la mère de celle-ci, atteinte de troubles psychiques.

Il existe dans les Archives de la Fondation Maison des Sciences de l'homme [cote 12 D 1/2069] un intéressant portrait de groupe où figurent Lasthénie Thuillier-Landry et trois hommes en blouse blanche, pris en un lieu indéterminé à une date inconnue.

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Michel Caire, 2023
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