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(Paul) Étienne (Marie Joseph) TRILLAT
Lyon (Rhône) 19 février 1919 / Paris 28 mai 1998

« La psychiatrie se fait en flânant »

Psychiatre français, médecin des hôpitaux psychiatriques (cadre de la Seine), psychanalyste, historien de l'hystérie.

Fils d’Ennemond Trillat (1890-1980) et d’Anne-Marie Pouradier Duteil, Étienne naît dans une famille de musicien et de médecins.
- Son père, fils d’organiste, après avoir commencé une carrière de pianiste, s’installe à Lyon après guerre où il fonde un trio avec Jean Witkowski, avant de devenir directeur du Conservatoire de la ville.
- Son oncle, Paul Trillat (1879-1970), interne des Hôpitaux, docteur en médecine à Lyon, fut médecin accoucheur à la Charité puis à l'Hôtel Dieu, Professeur de Clinique obstétricale, et membre correspondant de l'Académie nationale de médecine.
- Son cousin germain, Albert Trillat (1910-1988), fils de Paul, fut professeur de chirurgie orthopédique et traumatologique à Lyon, chirurgien spécialisé dans la médecine du sport (et … membre fondateur de l'équipe de foot-ball connue sous le nom d'Olympique lyonnais).

Étienne Trillat fait ses études secondaires et médicales à Lyon, et passe avec succès le concours de l'internat en médecine des Hôpitaux Psychiatriques du département de la Seine. Paul Trillat -ainsi qu'il apparaît dans les listes- sera notamment interne à Maison-Blanche en 1946-1947 dans le service du Docteur Emmanuel Martimor.

Après avoir soutenu sa thèse de docteur en médecine en 1949, Étienne est reçu au médicat des Hôpitaux Psychiatriques en 1951. Il occupe d'abord un poste d'assistant à Henri-Rousselle (Paris), avant d'être nommé Médecin chef à l'hôpital psychiatrique de Clermont-de-l’Oise.

En 1959, le docteur Trillat est reçu au concours du médicat des Hôpitaux psychiatriques du département de la Seine, et après avoir fait l'intérim de Xavier Abély à Sainte-Anne, il rejoint en 1960 son poste de médecin chef de la 4ème section de l'hôpital psychiatrique de Maison-Blanche (Neuilly-sur-Marne) où il succède à Guilhem Teulié. Il est par ailleurs chargé de la responsabilité médicale de l’école d'infirmière Théodore Simon, lors de la dissolution de l’école supérieure départementale.

En 1971, lors de la mise en place de la sectorisation psychiatrique dont il est un acteur engagé, il prend en charge le 10ème secteur de psychiatrie générale de Paris, rattaché à la 9ème section de l'établissement nocéen, qu'il dirigera jusqu'à sa retraite en 1985. A la fin des années 1960 et dans les années 1970, Trillat et ses collègues Victor Bertrand -avec qui il partage le Xème arrondissement- et Hubert Mignot dans le IIIème arrondissement, créent des structures alternatives à l'hospitalisation (hôpitaux de jour et ateliers thérapeutiques) et développent les prises en charge ambulatoires dans les dispensaires d'hygiène mentale.

A Maison-Blanche, Trillat est le premier président élu de la Commission Médicale Consultative. Il assumera ce mandat de 1971 à 1973, date de l'élection d'Yves Racine à la présidence de ce qui est aujourd'hui la "CME". Il joue un rôle actif aux plans institutionnel, syndical et scientifique.

En 1970, il succède à Henri Ey au poste de rédacteur en chef de la prestigieuse revue L’Evolution psychiatrique, une charge dont il s'acquitera pendant une douzaine d'années.

Il exerce par ailleurs les fonctions de Médecin inspecteur de la Préfecture de Police, et aurait été médecin-chef de l'Infirmerie psychiatrique près la Préfecture de police s'il l'avait accepté.

Il n'est que de lire les hommages rendus lors de sa disparition pour juger de l'estime que lui portaient ses pairs et ses élèves : « homme de beauté » dont la « compétence sur l'érotisme en littérature ou en spectacles étaient remarquables », d'une « pensée originale sans concession à aucune idée reçue », d'une éthique « implacable » exprimée « d'un air détaché et sans prétention dogmatique » (Chaigneau), parlant de psychiatrie « avec la hauteur que toute connaissance vaste et profonde devrait toujours permettre », « dans un esprit humaniste, souvent poétique, jamais dogmatique », un homme « secret mais "publié", modeste mais public, nonchalant mais travaillant sans cesse » (Jacquelin), « toujours sur la brêche de la réflexion, le faisant à pas comptés et feutrés, il était en dehors des modes », d'un « goût prononcé pour le cinéma, le théâtre, la littérature », « acteur parfois, il ne se laissait pas prendre à son jeu ou à celui des autres » (Baillet).

[Hélène Chaigneau, Claire Jacquelin, Pierre Baillet, Pierre Noël dans L’Information psychiatrique 1998, n°7 ; 720-724.

Yves Thoret et Claudie Cachard dans L’Évolution psychiatrique 1999, 1 ; 9-12 et 173-174, auxquels on peut ajouter Jacques Chazaud et son article « Sur Trillat et son Briquet », L'Évolution Psychiatrique 2003, 2; 323-326]

Quant à Noël, il évoque ce dont nous avons nous-même été le témoin étonné et amusé, impressionné par l'éloquence et le style :
« Son ascendant sur les collègues était manifeste, même dans les désaccords. Quant aux directeurs successifs, ils éprouvaient tous une admiration respectueuse pour ce psychiatre qui les déconcertait parfois. Il est vrai qu'en CMC Trillat était coutumier d'interventions vigoureuses où se mêlaient un art consommé du paradoxe, un humour à plusieurs degrés, des formules choc et quand le duo Chaigneau-Trillat se mettait en branle...! »

Ses travaux et écrits sur l'hystérie et son histoire, au sein d'une œuvre riche et diverse, ont été remarqués et font aujourd'hui autorité.

Travaux

- [Paul Etienne Trillat] La crampe des écrivains. Troubles psychomoteurs. Thèse de doctorat en médecine, Paris, 1949, n°607 ; 167 p.

- « L'apport de la phénoménologie de Merleau-Ponty au problème de l'aphasie ». Entretiens Psychiatriques, 1952, vol. 1 ; 221-245

- « Oralité et langage ». L'Évolution Psychiatrique, 1960, 25, 3 ; 383-406

- « La prématurité au point de vue neuro-psychique ». La Psychiatrie de l'Enfant, 1960, vol. 3, n° 1 ; 274-290

- « Le corps, son vécu et ses représentations : aperçu sur quelques travaux postschilderiens ». Revue française de psychanalyse, 1963, vol. 27, n° 2-3 ; 231-253

- Les déséquilibrés. EMC Psychiatrie, 1965, 37-310-A-10 ; 6 p.

- « Regards sur l'hystérie ». L'Évolution Psychiatrique, 1970, 35, 2 ; 513-524

- J.M. Charcot. L’hystérie. Textes choisis et présentés par E. Trillat. Toulouse, Privat, 1970 ; 211 p. (rééd. L’Harmattan, 1998, 214 p.)

- « Point de vue d'un psychiatre responsable de service public » [Colloque de l’Evolution Psychiatrique, février 1971 : Psychiatres et psychotiques aujourd’hui]. L'Évolution Psychiatrique, 1971, 36, 3 ; 519-5273

- (Notes de lecture) "La sexualité perverse", de Robert et Ilse Barande et coll., Paris, Payot, 1972 ; 256 p. L'Évolution Psychiatrique, 1973, 38, 1 ; 193

- [avec D. Sabourin-Sivadon] Le corps en psychiatrie. Rapport de psychiatrie présenté au Congrès de psychiatrie et de neurologie de langue française, LXXIe session, Monaco, 2 au 7 juillet 1973. Paris : Masson & Cie, 1973

- « Le sujet de la folie, de Gladys Swain ». L'Évolution Psychiatrique, 43, 4, 1978; 783-788

- « Les mouvements de libération mythique et autres essais sur l'histoire de la psychiatrie, de H.-F. Ellenberger ». L'Évolution Psychiatrique, 44, 2, 1979; 387-390

- « Une histoire de la psychiatrie au XXe siècle », in Nouvelle histoire de la psychiatrie, Toulouse, Privat, 1983; 453-479

- « Sur la naissance de l'hystérie de Charcot ». Perspectives psychiatriques, 1984, 22, n°96; 137-141

- « Promenade à travers l’histoire de l’hystérie ». Histoire, économie et société, 1984, 3, n°3-4 ; 525-534

- Histoire de l’hystérie. Paris, Seghers, coll. « Médecine et Histoire, 1986 ; 288 p. (Prix 1987 de la SFHM)

- « Trois itinéraires à travers l'histoire de l'hystérie ». Histoire des Sciences médicales XXI, 1, 1987 ; 27-34

- « Le tableau, la copie et le faux », in : Hysterus. Frénésie (histoire, psychiatrie, psychanalyse), 1987, n° 4 ; 39-50

- « Chorée de Sydenham, danse de Saint-Guy et chorée rythmée hystérique. Essai de révision historique et critique ». L'Évolution Psychiatrique, 53, 1, 1988; 49-72

- « Hystérie et hypnose (une approche historique) ». Psychiatrie Française, 1988, 19, n°sp ; 9-19

- (avec F. Paoli) « Faits divers et psychiatrie (Dépouillement de cent dossiers de malades considérés comme dangereux) ». L’Evolution Psychiatrique, 1990, 55, 1 ; 169-172

- « Le Platonisme dans les théories des hallucinations au XIXe siècle ». L'Évolution Psychiatrique, 1991, 56, 3; 583-593

- « Les Énergumènes. Croire et guérir. La foi en Gaule dans l’Antiquité tardive, d’Aline Rousselle ». L'Évolution Psychiatrique, 1991, 56, 3; 633-638

- « L’espèce morbide comme l’un des Beaux-Arts « … Faire sortir du chaos une espèce morbide déterminée ». A propos de… Charcot, un grand médecin de son siècle, de Michel Bonduelle, Toby Gelfand et Christopher G. Goetz ». L'Évolution psychiatrique, 1997, 62, 3 ; 559-564

- « Un souvenir d’enfance de Casanova ». L'Evolution Psychiatrique, 1999, 64, 1 ; 13-27

- De l’hystérie à la psychose. Du corps à la parole. Préface de Guy Maruani. Paris, L’Harmattan,coll. « Psychanalyse et civilisations », Série « Trouvailles et Retrouvailles », 1999 ; 200 p. (« Ce que Etienne Trillat dit de la danse de Saint-Guy contient l'essence de sa pensée sur la folie : " Il faut séparer ce qui relève de l'évolution des mœurs, des croyances, des mentalités et ce qui est le socle an-historique sur lequel repose la folie en question ". Et ce socle, à n'en pas douter, est selon lui la manière dont l'esprit et le désir habitent le corps de chacun, manière dont l'hystérie plus encore que la psychose détient le chiffre. »)

- [avec Julian de Ajuriaguerra, J. Garcia Badaracco, G. Soubran] « Traitement de la crampe des écrivains par la relaxation (le processus de guérison à partir de l'expérience tonique) ». Encéphale 2002, 28, n°2 HS ; 75-95

- Histoire de l'hystérie. Préface de Jacques Postel. Paris, Ed. Frison-Roche, 2006 ; VIII-238 p

- « Regards sur l'hystérie (1970) », commenté par Didier A. Chartier. L'Evolution Psychiatrique, 2007, 72, 4; 551-802


Michel Caire, 2014
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