« [...] les galeries souterraines du coteau de Passy ont servi de refuge, au cours des bombardements de 1871 et de 1918. M. Gerards croit que le souterrain avait abrité les pensionnaires de la Maison de santé [du doicteur Blanche] en 1871. En réalité, c'est seulement le personnel qui s'y abrita.
Je dois à l'obligeance de MM. les docteurs Meuriot et Allamagny la communication d'un document, rédigé en 1871, sous la dictée du docteur Antoine-Emile Blanche, document qui a été retrouvé tout récemment dans les archives de la maison.
Il résulte de cette pièce que le bombardement par les Prussiens n'atteignit pas l'établissement; un seul obus tomba dans le parc, dans la nuit du 10 au 11 janvier 1871.
Mais le bombardement que subit, en mai, le quartier occupé par les insurgés de la Commune fut plus sérieux. Aussit$ot que les premiers obus atteignirent l'établissement de la rue Berton, les 64 malades pensionnaires furent transportés à l'intérieur de Paris, dans les locaux suivants : Hôtel du Bon La Fontaine, rue de Grenelle-Saint-Germain, 16-18; maison de Messieurs les docteurs Mesnet et Motet, rue de Charonne, 161; maison de MM. Rota et Lacroze, rue de Picpus, 90; maison de M. le docteur Brière, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 303.
Plus de trente obus tombèrent sur la propriété du docteur Blanche; deux pénétrèrent dans les bâtiments et y causèrent des dégâts matériels. Aucun membre du personnel, composé du médecin adjoint et de vingt serviteurs, ne fut blessé. Tout le monde échappa aussi aux conséquences de l'explosion de la cartoucherie du Champs de Mars, qui furent telles que toutes les vitres de l'établissement volèrent en éclats et que les ferrures des portes fermées furent arrachées.
Pendant le siège par les Prussiens, le parc avait été en partie compris par le génie militaire dans la seconde ligne de défense et séparé par une palissade de la partie occupée par les malades.
Mais au mois d'avril, les fédérés construisirent une redoute sur le quai, à la pointe Ouest du parc, sur la route de Versailles; ils rétablirent les créneaux du mur du parc sur le quai et sur la rue Guilhou [sic, pour rue Guillou, aujourd'hui rue du Docteur-Germain-Sée], en même temps qu'ils fortifiaient toute la partie du parc comprise entre la palissade et les murs. Enfin, le 15 mai, les fédérés s'établirent dans le parc. Ils en furent délogés par les troupes de Versailles dans la soirée du dimanche 21 mai; un régiment de ligne occupa l'établissement depuis le 21 jusqu'au mercredi 24 mai. Dès le 27 mai, des malades étaient réintégrés dans la maison du docteur Blanche.
On sait que cet établissement où tant de malades, souvent illustres, ont vécu des heures tristes de leur existence, est maintenant vendu; et la semaine qui va commencer sera la dernière de cette maison, dont les annales, si bien résumées jusqu'en 1847 par M. Gerards, forment une page intéressante de l'histoire de Paris.
Si par malheur, les trois quarts des beaux arbres ont disparu déjà, emportés par les travaux qui ont bouleversé un sol destiné à recevoir un garage et des constructions diverses, desservis par plusieurs voies, du moins, le reste sera sauvegardé par l'acquisition qui vient d'en être faite par le prince P..., au nom de sa sœur, Mme la comtesse de L...
Pendant un temps que nous souhaitons très long, le pavillon dit de la princesse de Lamballe, sera respecté et même sans doute sagement restauré.
Et, par une destinée curieuse, les malades qui étaient abrités dans le milieu calme de cette vieille demeure, seront transportés, dans quelques jours, au lieu même où, quelques uns de leurs prédécesseurs avaient trouvé asile en 1871, rue de Charonne, 161. [...] »
[Rapport présenté par M. Adrien Blanchet, au nom de la 2e Sous-commission, sur un mémoire de M. Gérards, relatif à un captage d'eau à Passy, au XVIIe siècle. » Procès-verbaux de la Commission municipale du Vieux Paris, 24 novembre 1923; 160-161]
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