Le coulage et sa répression dans un hôpital psychiatrique du département de la Seine sous l'Occupation

L'affaire dont traitent les pièces ci-après concerne une infirmière entrée en 1923 à l'hôpital psychiatrique de Maison-Blanche comme infirmière auxiliaire, et nommée surveillante de 3ème classe en juillet 1941. Pour des raisons de confidentialité, elle apparaît sous le nom de Madame D*, et les noms de ses collègues et des malades cités sont remplacés par des initiales.
Il est permis de penser que ce type d'incident a été rare pendant cette période où le sens du devoir et l'humanité ont prévalu chez l'immense majorité des personnels hospitaliers.


. “Maison-Blanche, le 4 Juillet 1942
Le Directeur à Monsieur le Médecin-Chef de la 2ème Section.

Informé de la disparition d'un vêtement appartenant à une infirmière, je me suis rendu le Mercredi I° Juillet à 21 H., accompagné de M. LALANNE, Chef des Services Economiques, et de Mme JUNOT, Surveillante générale, au 6è pavillon, pour y procéder, en présence des infirmières en service, à la visite de leurs vestiaires personnels.

Les quantités surprenantes d'effets appartenant à elles-mêmes ou aux membres de leurs familles, de fils, de laines de toutes sortes et de travaux en cours, laissent supposer que les infirmières doivent effectuer personnellement de nombreux travaux ou les faire effectuer par des malades dans des conditions qui dépassent toute mesure. Cet état de choses qui n'est pas grave en soi réclame une mise au point.

Il n'en est pas de même du résultat de la visite faite dans l'armoire de Mme D*, Surveillante du pavillon. Dans un fouillis invraisemblable, au milieu des objets les plus hétéroclites, dont une partie lui appartenait, il a été découvert:
I°- Dans un sac lui appartenant: Une paire de bas de laine d'administrée, neufs.
2°- Dans son placard individuel: 2 fichus, 5 essuie-mains, 3 torchons, 3 tabliers de médecine, le tout marqué "M.B."- 3 seringues hypodermiques, 4 peignes fins neufs dans leur enveloppe, 14 démêloirs dans leur enveloppe, I brosse en chiendent, 7 ampoules de 5 cc. d'huile camphrée, et 500 grammes de pain, enveloppé dans un torchon marqué M.B.
3°- Sur sa table: Un torchon non terminé, confectionné dans un grand morceau de drap de lit.

La présence de ces objets ne s'explique pas. Il est permis de supposer que la paire de bas de laine, trouvée dans le sac de Mme D*, aurait été emportée le soir même.
Quant aux autres objets, ils n'avaient pas leur place dans le placard de Mme D*. Les fichus, essuie-mains et torchons auraient dû se trouver avec les autres objets de même nature dans le placard qui leur est réservé, les seringues et les ampoules dans l'armoire à pharmacie. Le torchon en confection semble avoir été prélevé sur un drap de l'établissement, mais ce qui est le plus grave, ce sont les 500 grammes de Pain, qui, incontestablement, provenaient d'un prélèvement opéré sur la ration des malades.

Des infirmières ont tenu à moi-même ou à M. LALANNE des propos qui laissent supposer qu'un certain nombre de faits répréhensibles se seraient produits depuis longtemps dans le pavillon.
D'autre part, l'inventaire auquel il a été procédé le vendredi 3 Juillet a fait apparaître des manquants importants.

Comme conséquence de cette situation, je vous prie de bien vouloir:
I°- Rappeler aux infirmières de votre section et plus particulièrement à celles du 6è pavillon qu'elles doivent tout leur temps à l'exercice de leurs fonctions. S'il est admis qu'à certains moments de la journée, elles peuvent se livrer à de légers travaux d'aiguille ou de tricot, ou si elles peuvent en confier aux malades, il faut que ce soit avec modération, et vous voudrez bien prendre toutes dispositions pour en fixer les limites, et en organiser, dans la mesure que vous jugerez utiles, le contrôle.
2°- Recueillir les dépositions des infirmières du pavillon qui auraient été témoins de faits touchant le détournement d'objets appartenant à l'administration ou d'aliments réservés aux malades.
3°- Prier Mme CO. de fournir tous renseignements sur les objets manquant à l'inventaire.
4°- Inviter Mme D*à fournir par écrit ses explications sur la provenance des objets dont la liste est ci-dessus.

Maison-Blanche, le 4 Juillet 1942
Le Directeur (Roulot)”

. “Liste des objets trouvés en la possession de Mme D*, surveillante du 2/6
Le 2 Juillet 1942
1°) dans son sac:
1 Pre de bas de laine d'administrés, neufs
2°) dans son placard individuel:
2 Fichus marqués M.B.
5 Essuie-mains "
3 Torchons "
0,500 de Pain enveloppés dans un Torchon (souligné au crayon rouge) marqué M.B.
3 Tabliers médecins (+ 1 sur elle + 1 sur une table)
3 Seringues hypodermiques
4 Peignes fins neufs
14 démeloirs neufs
1 brosse chiendent
7 Ampoules de 5cc huile camphrée
3°) Sur sa table:
1 Torchon, non terminé, confectionné dans un morceau de drap de lit.
4°) Sur le toit de son placard
1 beefteak cru et un petit morceau de beurre (provenant de son repas)”

à

. “Maison-Blanche le 3 Juillet 1942.

J'avais, en effet, dans mon placard personnel différents objets administratifs, je ne croyais pas cette chose interdite.
Essuie et torchons étaient du service lorsque ces pièces étaient sales, je les remettais le lundi à la surveillante I° équipe.
Les tabliers étaient également du service.
Pour les peignes ou démeloirs une manie, que je ne croyais pas coupable, me faisait avoir quelques objets propres et neufs en réserve. (en marge: “peignes en ébonite”)
La brosse de chiendent était également pour le service, elle n'est, du reste pas neuve et servait à certains nettoyages dans le bureau ou table et buffet réfectoire.
Pour le pain je savais que les aliments devaient être distribués le jour même et au repas présent mais parfois les pains sont courts et minces ou s'effritent en les coupant il est difficile ces jours là de faire les 66 morceaux sur les trois pains et 1/4 j'avais donc la mauvaise habitude lorsque les pains étaient beaux d'en prélever un petit morceau pour le lendemain. (en marge: “était de repos le lendemain”)
Les ampoules d'huile camphrée n'étaient personnelles (sic).
Les seringues vous savez combien il est difficile d'en obtenir. Je les avais depuis au moins dix ans d'une personne partie depuis longtemps ainsi que les deux fichus.
Le tissu ou torchons n'est pas, comme il est supposé, prélevé d'un drap administratif. (en marge: “les fichus portent la marque 37 et 40”)
Les bas étaient dans un sac qui reste constamment hors de mon placard et ne quitte jamais le pavillon c'était des bas presque neufs n'ayant été lavés que Quelquefois je les gardais au cas où une malade irait à la radio ou à Ste-Anne.

G. D* surveillante 6° pavillon 2° section

Pour copie conforme Maison-Blanche le 9 Juillet 1942. LE DIRECTEUR.”


. “Mercredi 8 Juillet 1942.

Monsieur le Directeur,
Nous avons l'honneur de répondre à votre note de service en date du 7 courant.
Nous devons tout d'abord vous avouer que cette lettre nous est très pénible à rédiger et nous aurions aimé n'avoir jamais à signer pareille accusation, mais nous préférons de beaucoup libérer notre conscience.

Si nous n'avons rien dit depuis si longtemps, car la presse l'accuse d'avoir de tout temps dérobé des choses, ce n'est pas faute d'actes répréhensibles causés par Madame D*, mais uniquement par le dégoût que nous causait ces sortes d'histoires et surtout l'appréhension d'en être éclaboussées.

Il y a 5 mois, trois infirmières ont demandé à être déplacées:
Mesdames B., D. et L. qui pourront également témoigner, car elles étaient écœurées des agissements de cette personne.
D'ailleurs toutes les personnes ayant travaillé avec elle ou sous ses ordres étaient unanimes à l'accuser de vol.

1° au point de vue des malades:
Nous accusons d'une façon formelle, Madame D* de s'approprier les provisions et même le menu journalier des malades. Elle l'a toujours fait. Plusieurs fois elle a été prise sur le fait. De plus lorsque son placard était ouvert on y voyait du pain fantaisie, du chocolat, des fruits, du cake, du fromage etc...
Un jour qu'elle faisait visiter le pavillon aux surveillantes nouvellement nommées à la 2° section, Madame D. a pu constater qu'elle avait mis de côté dans son placard deux pains entiers de margarine.
Une chose irréfutable, depuis 2 jours, les malades au dortoir ont leur ration de pain augmentée et leur dessert doublé (souligné au crayon bleu).
L'infirmière de dortoir donne les gâteries des malades à 5 heures, Madame D* les distribue à 5 heures 1/2, à la garde, pourtant tous les soirs à 9 heures 1/2, elle s'enfermait dans le réfectoire pour vérifier les provisions, ce qui étonnait toutes les remplaçantes. Elle pouvait très bien à 5 h 1/2 faire cette vérification qui était désobligeante pour nous.

2° au point de vue administration:
Nous avons toutes constaté que Madame D* se fait faire 24 torchons dans des draps tout neufs.
Nous ne les avons vu ni avec la marque de la maison, ni à l'état de drap. Et nous ne faisons que supposer qu'ils appartiennent à l'Administration.

3° au point de vue du personnel:
Le mercredi 1er juillet, Madame D* nous a commandé de faire les carreaux du 1er étage, de s'y mettre toutes, même l'infirmière de garde, même les 2 infirmières de dortoir.
Je ferai la garde au dehors dit-elle et Madame L., malade lucide munie d'un sifflet, fera la garde au dortoir (souligné au crayon bleu).
Nous nous sommes inclinées quoique cet ordre nous paraissait bizarre et scabreux, car il est inadmissible de confier la garde d'un dortoir d'agitées à la seule garde d'une malade, mais ce n'est pas la première fois que nous sommes commandées de cette façon.
Madame D. descend à l'improviste et voit Madame D* détricoter, en se cachant, un pull de laine bouclette bleu marine, qu'elle reconnait catégoriquement appartenir à Madame C., infirmière du 3° pavillon, qui l'avait oublié lorsqu'elle était venue remplacer la semaine précédente.
Sur cette affirmation nous nous sommes indignées, nous avons toutes constaté qu'elle défaisait de la laine et nous nous sommes alors décidées à intervenir.
Monsieur le Directeur voici nos griefs, et nous jurons sur la foi du serment d'avoir dit toute la vérité.
Nous vous prierons d'agréer, Monsieur le Directeur, avec la marque de notre rpofond respect, l'expression de nos sentiments dévoués.

Fait à Neuilly sur Marne le 8 juillet 1942
Lu et approuvé D. L. Lu et approuvé M. L. Lu et approuvé Y L. Lu et approuvé M. D. Lu et approuvé M. D. Lu et approuvé M. V. Lu et approuvé M. B. Lu et approuvé Mme M.”

. “9 Juillet 1942 Le Directeur à Monsieur le Médecin-chef de la 2° Sect.

Comme suite à ma note du 4 Crt et après avoir pris connaissance des explications écrites fournies par Mme D*, j'ai l'honneur de vous informer qu'en raison de la gravité des faits reprochés à Madame D*, j'ai l'intention de proposer à l'Administration supérieure que cette surveillante soit relevée de ses fonctions pour inaptitude morale, en application de la Loi du 17 Juillet 1940.
Conformément au règlement, je vous prie de me faire connaitre votre avis sur cette proposition.
Ci-joint une copie des explications fournies par Mme D*.
Le Directeur”


. “10 Juillet 1942 Le médecin-chef de la 2° Sect à Monsieur le Directeur de l'H.P. de Maison-Blanche
Monsieur le Directeur,
J'ai l'honneur de vous soumettre ci-dessous l'avis que vous m'avez demandé:
Les faits que vous portez à ma connaissance concernant les agissements de Mme D* surveillante d'après-midi au 6° pavillon méritent sanction.
Votre proposition de l'application de la Loi du 17 Juillet 1940 pour inaptitude morale est pleinement justifiée.
Cependant des circonstances atténuantes pourraient être invoquées en raison du tempérament hyperémotif, hypersensible et impulsif de cette personne qui a dû agir en toutes circonstances que vous me signalez sous l'influence d'impulsions mauvaises.
Dr CHATAGNON”


. “10 Juillet 1942 Le Directeur à Monsieur le Médecin-chef de la 2° Section

C'est sans doute, sur vos indications que la lettre ci-jointe m'a été remise directement. Je crois utile, cependant, de vous l'adresser en communication.
Comme vous le verrez les faits relatés ne concernent pas seulement l'Administration mais, dans une large mesure, l'intérêt des malades.
LE DIRECTEUR (signé “R”) P.J. une lettre en communication”


. “Vendredi 10 Juillet 1942 Le Médecin Chef de la 2° Section à Monsieur le Directeur de l'H.P. de Maison-Blanche

Monsieur le Directeur,
- Veuillez je vous prie trouver ci-inclus la lettre collective des infirmières du 6° Pavillon que vous m'avez adressée en communication et que j'ai enregistrée.
- Je vous demande s'il n'y aurait pas intérêt à pourvoir le plus rapidement possible à la nomination de la surveillante chargée de remplacer dans ses fonctions Madame D*. Puisque cette nomination ne doit pas intéresser d'infirmière de ma section, je ne designerai donc pas pour l'interim d'infirmière de la 2° section et attendrai qu'intervienne la nomination régulière.
- Il y aurait également intérêt à ce que les nombreuses malades que je pourrais mettre à la disposition de la culture pour le désherbage ou les menus travaux de jardinage soient prises en charge et sous la surveillance d'un jardinier, les infirmières n'étant souvent qu'en nombre restreint à cette periode de l'année (congés annuels). Dr Chatagnon”


. “Maison-Blanche, le 11 Juillet 1942 Le Directeur de l'hôpital psychiatrique de Maison-Blanche
à Monsieur le Préfet. Directeur des affaires départementales

J'ai l'honneur de vous rendre compte qu'ayant été informé de la disparition d'un vêtement appartenant à une infirmière, je me suis rendu le Mercredi 8 (sic) juillet à 21 heures, accompagné de Mr LALANNE, Chef des Services Economiques et de Mme JUNOT, surveillante générale, au 6° pavillon de la 2° section, pour y procéder, en présence des infirmières de service, à la visite de leur vestiaire personnel.

Cette opération n'a donné lieu à aucune remarque, en ce qui concerne les armoires des infirmières, si ce n'est la diversité et les quantités excessives d'effets personnels, de fil et de laine qui s'y trouvaient, ce qui laisse supposer que l'on se livre à des travaux dans des conditions dépassant toutes mesures. J'ai pris des dispositions pour que ces pratiques soient abandonnées.

Il n'en est pas de même du résultat de la visite faite dans le Cabinet de la surveillante du quartier, Mme D*, où il fut trouvé:
I°- Dans un sac lui appartenant: Une paire de bas de laine d'administrée, neufs.
2°- Dans son placard individuel: 2 fichus, 5 essuie-mains, 3 torchons, 3 tabliers de médecins, le tout marqué "M.B."- 3 seringues hypodermiques, 4 peignes fins neufs dans leur enveloppe, 14 déméloirs dans leur enveloppe, I brosse en chiendent, 7 ampoules de 5 cc. d'huile camphrée, et 500 grammes de pain, enveloppé dans un torchon marqué M.B.
3°- Sur sa table: Un torchon non terminé, confectionné dans un grand morceau de drap de lit.
La présence de ces objets ne s'explique pas. Il est permis de supposer que la paire de bas de laine, trouvée dans le sac de Mme D*, aurait été emportée le soir même. Quant aux autres objets, ils n'avaient pas leur place dans le placard de Mme D*. Les fichus, essuie-mains et torchons auraient dû se trouver avec les autres objets de même nature dans le placard qui leur est réservé, les seringues et les ampoules dans l'armoire à pharmacie. Le torchon en confection semble avoir été prélevé sur un drap de l'établissement, mais ce qui est le plus grave, ce sont les 500 grammes de Pain, qui, incontestablement, provenaient d'un prélèvement opéré sur la ration des malades.

Invitée à fournir des explications sur la présence de ces objets, Mme D* a produit la note ci-jointe.
Si les justifications présentées peuvent être admises pour ce qui est des essuie-mains, torchons et tabliers qui, en effet, lui avaient été remis par la surveillante du matin responsable de l'inventaire mais, sui auraient dû être ragés dans le meuble réservé à cet effet, il est difficile de retenir celles intéressant le pain, la paire de bas et le tissu transformé en torchons pour lequel, d'ailleurs, aucune précision n'est donnée, quant à sa provenance. Elles ne sont pas davantage probantes en ce qui touche la présence des ampoules d'huile camphrée et des seringues.

En raison de la gravité des faits relatés, Mme D* a été suspendue de ses fonctions en attendant qu'une décision soit prise à l'égard de cette employée dont la manière de servir n'avait jusqu'ici, donné lieu à aucune remarque défavorable.

Certes, Mme D* mérite une sanction très sévère; étant surveillante elle devait donner le bon exemple mais, je crois devoir, cependant, attirer l'attention de l'administration supérieure sur les termes de la note de Mr le Médecin-chef sous les ordres duquel était placée l'intéressée et qui laisse entendre que son état psychique ne serait pas étranger aux faits qui lui sont reprochés. Je dois préciser que j'ai été frappé du désordre invraisemblable qui régnait dans le placard visité et dans lequel se trouvaient les objets les plus hétéroclites dont la plupart étaient sans valeur comme sans utilité. Ce qui confirmerait une manie détestable, certes, mais peut être pas toujours inspirée par un esprit de lucre.

Tenant compte de cette particularité et aussi de ce que Mme D* est une veuve de la guerre 1914-1918, fermement décidé par ailleurs à sévir contre des habitudes fâcheuses, je propose que Mme D* soit relevée de ses fonctions pour inaptitude morale et physique en application de la Loi du 17 Juillet 1940, en insistant pour qu'en tout état de cause, la décision à intervenir soit précédée d'une visite médicale de Mr le Médecin-chef de la Préfecture.
LE DIRECTEUR (Roulot)
P.J.- copie d'une note de Mme D*”



. “Voici quelques faits que j'ai eu à combattre presque journellement et pour lesquels je me suis attirée pas mal d'antipathie.

Un certain soir, au moment du repas, vers 18 heures, dans une crise impulsive, Mme R. a pris aux cheveux l'infirmière Mme DR., l'a faite tomber lui a congner (sic) la tête sur le bord du lit et sur le parquet, Mme DR. a eu son voile et des cheveux arrachés, un évanouissement de quelques minutes et ensuite une crise de larmes. Elle souffre de la nuque côté gauche, l'interne de garde a constaté et a délivré le certificat ci-joint.
Dans la lutte, pour dégager l'infirmière, la malade R. qui était très agitée et très résistante a eu une contusion à la nuque, côté droit.

Le lendemain, la malade F. me signale que la malade R. avait jeté à terre son assiette et que Mme D., devant ce fait, avait gifflé et privé de dessert, c'est-à-dire de confiture, cette malade, d'où lutte.
J'ai questionné l'infirmière DR. qui a avoué et devant mes reproches parut fort mécontente.
J'appris également vers le 6 juillet, que Mme DR. avait dit à la malade B."Vous avez vu Mme D* détricoter de la laine?" devant la question négative de celle-ci, Mme DR. fut encore très mécontente et de répliquer "Vous ne voulez rien dire!"

Le service allait de façon parfaite jusqu'au moment de la venue au pavillon de Mme MA.. A partir de ce moment, ce ne fut que des discussions entre infirmières. J'ai dû souvent intervenir, celle qui fut particulièrement prise à parti fut Mme CR., qui, parait-il, était très maltraitée en mon absence et je le crois, car à chaque retour de mes repos, elle me communiquait ses doléances. Un fait, en Juin ou Juillet 1941, après une absence de quelques jours, le service allait si mal, qu'un rapport écrit a été transmis à Mme JU. de la part de Mme CR. qui demanda son changement.
De ce jour, la vie au pavillon fut impossible, on m'accusait d'avoir soutenue Mme CR., ces dames qui, jusque là étaient souvent en désaccord, se liguèrent pour tout critiquer, il me fallut bien souvent me facher pour obtenir la garde dans les services; quand les malades avaient des désirs, boissons, etc.. en dehors des heures des repas, elles préféraient s'adresser à moi, car elles n'avaient que des refus de la part des infirmières.

Ce qui comptait avant pour ces dames, c'était leur petit commerce, marché à prix forts, même pour les malades, exemples: Mme DR. vendait 14 francs 1 tablette de chocolat à Mme BO.. VI. vendait ses fruits ou légumes, quand les cerises étaient à 6 francs la livre elle les vendait 9 quoique étant dans un autre pavillon.
Mme DR. me demandait souvent d'aller au 2° pavillon et j'appris qu'elle vendait des gâteaux aux malades.
Mme DE. échangeait des épluchures de mandarines et d'oranges contre des gâteaux de la malade SI.; devant mon interdiction ce fut une scène et des cancans.
Mme MA. refusait de faire la fouille des malades prétextant que ceci était le travail de la surveillante, il est vrai qu'elle préférait tricoter et attacher les malades difficiles. De plus, elle payait le travail fourni par la malade PO. avec les provisions de la malade NE..
On n'est pas sans ignorer les histoires de Mme MAR. avec les autres surveillantes et même à Ville-Evrard.

Mme LAM. à son arrivée au pavillon, son premier travail, avant d'être déshabillée, était de mettre de côté, un pot de tilleul qu'elle buvait le soir avec ses collègues, même l'hiver, quand les malades étaient enrhumées et en avaient à peine pour elles, d'où discussions avec Mme GO..
Elle voulait partir avant l'heure sous prétexte qu'elle n'avait pas de bicyclette. Un soir à 21 hres 45, je cherchai Mme LAM. dans le service, eh bien! elle avait quitté et le service et le pavillon, le lendemain à mes reproches elle me répondit très sec "Mme LH. était là et je suis à pied!" De plus, en mon absence, Mme LAM. faisait nettoyer sa bicyclette avec du linge administratif (chemises déchirées) et du pétrole. Devant les reproches de Mme GO. et les miens, elle nous répondit que "c'était des chiffons!!! donnés!! par des malades!!

Mme LAV. et Mme LAM. sont de très grandes amies, il est vrai, qu'elles font du commerce plus ou moins régulier.
Quoi que vous puissiez en penser, Mme LAV. est un mauvais esprit. Mme LE. qui a dû quitter le pavillon malade devant ses ennuis aux cancans de Mme LAV. cette dernière accuse sa fillet de 12 ou 14 ans de rechercher la fréquentation des hommes.
Au 4° pavillon, elle fit se facher 2 infirmières.
Au 3° pavillon, elle chercha à créer des histoires, se plaignant de Mme BO., surveillante.

Mme LH., infirmière faisant son travail, mais se laissant influencer. Elle prétend que le service allait bien. Elle m'a avoué elle-même, qu'avant de venir au pavillon, après avoir entendu parler de tout un tas d'histoires, être venue "gonflée à bloc" et prête à se révolter contre tout et surtout contre moi. Et pourtant, avant de partir, je lui demandai son impression: "Que voulez-vous me répondit-emme si l'on me demande vous avoir vu détricoter et tricoter de la laine, ourler des torchons, je dirai oui, puisque c'est vrai, mais je ne sais rien d'autre.
Je demandai à Mme DR. ce qu'elle avait à me reprocher "Eh bien! que voulez-vous! je suis obligée de vous l'avouer vous n'êtes pas juste, vous servez mieux les malades de la garde que les malades du dortoir.
Je savais ceci, je la chargeai donc quelques jours auparavant de mon défait, de faire la répartition, elle la fit et une réflexion de Mme LH. me vint aux oreilles "Toi, qui prétend toujours que le dortoir est mal servi, aujourd'hui que tu es au réfectoire, tu avantages celui-ci" Mais Mme DR. répondit d'un air très supérieur au moins MOI, je suis JUSTE, JE ME RENDS COMPTE.!!!
Voici les seuls faits que les infirmières m'ont reprochés lors de mon départ, lorsque je leur ai demandé ce qu'elles avaient contre moi.

Maintenant:
Pourquoi depuis quelque temps, Mmes DR.& LAV.étaient assez souvent appelées chez Mme JU., non pas dans son bureau mais à son appartement et celà pendant les heures de service?
Pourquoi Mme JU. m'empêchait-elle de parler de l'infirmière DR.? au moment de l'évasion de la malade RA.?
Pourquoi Mme JU. me demande-t-elle de me taire, à l'heure actuelle me disant que c'était préférable pour moi, que cela s'arrangerait, que je serai payée, mais si je parle, ce sera la révocation???”

(En marge: “Remis par Mme D* le 13/8/42” et “Copie transmise au Médecin Chef de la 2° section le 14/8/42”)

“En raison de la gravité des faits qui lui sont reprochés”, Madame D* est suspendue de ses fonctions par le Directeur dès le 8 juillet. Comme étant “dans l'impossibilité d'assurer, d'une façon normale ou régulière, l'exercice de ses fonctions”, la surveillante est “admise à faire valoir ses droits à la retraite pour cause d'infirmités”, c'est-à-dire réformée à dater du 14 août par arrêté préfectoral du 24 septembre 1942.

En novembre 1947, une demande de réintégration reçoit une réponse défavorable de la préfecture, le directeur, sollicité, estimant que “les véritables raisons du départ de Mme D* rendent son retour peu souhaitable” (note du 12 décembre 1947, signée Roulot)


Michel Caire, 2006
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