Les processions dansantes de Molenbeek


Molenbeek-Saint-Jean, en néerlandais Sint.Jans-Molenbeek, en bruxellois Meulebeik, est une commune belge rattachée à Bruxelles qui tient son nom [en flamand, Molen = moulin et Beek = ruisseau] des cours d’eau traversant son territoire et de la présence de moulins à eau [on trouve encore les orthographes : Muelebeeck, Meulebeke, Meulenbeeck].

Deux dessins de Hendricus Hondius [éditeur et graveur hollandais] datées de 1642 représentent une curieuse procession. Ces gravures ont été inspirées d'un dessin de Pieter Brueghel l’Ancien de 1564, conservé au Rijks-Museum d'Amsterdam. Ces scènes évoquent le pèlerinage qui avait lieu chaque année en la ville de Molenbeek, le jour de la saint Jean : le 24 juin, les personnes atteintes de maladies mentales, d’épilepsie appelée communément la maladie de saint Jean, de chorée, de danse de saint-Guy étaient conduits en procession, en dansant et sautant.

Après avoir franchi un pont qui enjambait le ruisseau du moulin, ou Molenbeek, elles pouvaient espérer être guéries pour un an.

Jean Baptiste, précurseur du Messie, était invoqué de très longue date contre l’épilepsie, les vertiges, les spasmes, les convulsions, la furie de la danse ou Danse de Saint-Guy, la grêle ainsi que les maladies de l’enfance, et pour la protection des femmes enceintes.


On dit que l'invocation contre la ‘Furie de la danse’ ou ‘Danse de Saint-Guy’ tire son origine de la danse de Salomé qui fut cause du martyre de Jean.

L'abbé Berthoumieu [Fêtes et dévotions populaires, tableau des us et coutumes religieux, des patronages des saints et pélerinages célèbres, 1873, p.158] donne de curieux détails sur cette invocation dans d'autres contrées :
“ La maladie extraordinaire qu'on a appelé danse de Saint Guy était connue également sous le nom de danse de Saint Jean, parce qu'elle apparaissait surtout vers l'époque de sa fête; ceux qui l'invoquaient étaient préservés du mal.

En 1374, dit une vieille chronique, dans plusieurs contrées des bords du Rhin, on vit des gens danser deux à deux comme s'ils eussent été fous.

Ils chantaient en dansant : Ohé! Sint Jean heu! eh! ohé!

On les calmait parfois en les exorcisant; à défaut d'exorcismes, il n'y avait d'autre remède que les coups de bâtons; remède très peu dispendieux, ajoute la chronique, et que l'on prodiguait aux danseurs avec une obligeance empressée. ”

Quant aux Parisiens qui voulaient implorer le saint de les délivrer de leur mal, ils pouvaient se rendre à Amiens en Picardie : une chapelle de la cathédrale où le chef de ce saint avait été amené en 1206 lui était consacrée. Le roi Louis XI, qui eut des troubles évocateurs d’une épilepsie, aurait lui-même eu recours à son intercession.

Et l’importance de son pouvoir contre les ‘vertiges de la tête’ est encore illustrée par un cantique castillan : « Teneis poder especial En capitales vertigos ».

Mais sans doute nulle part ailleurs qu’à Molenbeek n’assistait-on à des cérémonies assez impressionnantes pour provoquer un choc émotionnel susceptible d’avoir eu un effet favorable sur certains troubles psychogènes, hystériques, épileptiformes ou choréiformes.

Michel Caire, 2016
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