Le piano à chats : un traitement de la dépression au XVIIème siècle?




Un tel instrument a-t-il vraiment existé?

C. Schott, dans un ouvrage publié en 1657-1659, reproduit le texte d'un jésuite allemand, le père Athanasius Kircher, qui fait une description du piano qui aurait été construit pour dissiper la mélancolie d'un grand prince.

Le Katzenklavier est mentionné en 1803 par Johann-Christian Reil dans son célèbre ouvrage : Rhapsodien über die Anwendung der psychischen Curmethode auf Geisteszerrüttungen (Rhapsodie sur l'application des méthodes psychiques de traitement de la folie; réédité en 1818).

S'il a jamais été construit, cela n'a pu être sans doute qu'à un très petit nombre d'exemplaires, et réservé à la classe supérieure de la société.

Un orchestre de chats et un concert d'ânes

« Le P. Kircher raconte, dans le livre VI de la Musurgie, qu'un artiste avait imaginé, pour dissiper la mélancolie d'un prince accablé de soucis, un piano de chats.

Au lieu de cordes, son instrument contenait un certain nombre de queues de chats vivants engagées dans des gaines étroites au-dessous desquelles s'élevaient et s'abaissaient les marteaux correspondants aux touches, munis à leurs extrémités, d'une pointe aiguë. Les chats avaient été choisis de différents sexes et de différents âges et rangés à côté les uns des autres dans des cases séparées, selon l'acuité de leur voix (fig.1).

Sous les doigts agiles des pianistes, les pointes des marteaux allaient attaquer avec art les queues des différents animaux.
Ceux-ci répondaient d'abord par des miaulements brefs et nets, mais bientôt, mis en fureur par la fréquence des piqûres, ils modulaient, crescendo et rinforzando, des sons capables de dérider les plus moroses et de mettre en danse les souris elles-mêmes, et vel sorices ipsos ad saltum conotare, dit le texte.

Le père Scott, élève du père Kircher et le continuateur de ses savants ouvrages, parle d'un concert analogue qui avait été donné à Palerme et dont le souvenir était tout récent lorsqu'il habitait cette ville.

Un farceur avait parié de faire déchiffrer à des ânes un morceau de musique ; il étudia les dispositions des nombreux baudets qui, en Sicile, servaient à effectuer tous les transports et il en choisit quatre des plus vigoureux dont les voix s'accordaient naturellement, le second donnait la tierce majeure du premier, le troisième, la quinte et le quatrième l'octave.

Il peignit alors ces quatre notes sur une large bande d'étoffe qu'il trempa (je laisse la parole au vénérable jésuite) in urinam asinæ. On était alors au printemps, saison où tous les animaux chantaient leurs amours ; excités par l'odeur, les quatre baudets n'y faillirent point au moment où leur impresario déroula devant avec le cahier de musique préparé à leur intention.

C'est ainsi que le rusé Sicilien gagna son pari et la gravure que nous reproduisons (fig. 2) a conservé à la postérité la représentation de ce quatuor mémorable. »

Pour en savoir plus sur el piano de gatos, the Kircher’s Cat Piano, das Katzenklavier ou Katzenpiano, consulter notamment l'article de Wikipedia (en allemand) qui lui est consacré.

Michel Caire, 2007
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