L'Extraction de la Pierre de Folie
De Keisnijding, The stone-cutting
Plusieurs gravures et tableaux de l'Ecole Flamande des XVème, XVIème
et XVIIème siècles représentent des opérations
pratiquées sur le crâne d'hommes en état de veille, effectuées
par des personnages ayant généralement l'allure de chirurgiens,
et consistant en des gestes d'incision, d'excision, parfois d'extraction d'objets,
essentiellement de l'apparence de pierres.
S'agit-il d'allégories, de paraboles, de parodies burlesques ou de
représentations d'interventions ayant été réellement
pratiquées chez des fous et des épileptiques dans un but curatif ?
Certains de ces tableaux portent des titres explicites, confimant qu'il s'agit
là de représentations de l'opération de la pierre
de folie, réalisée par un chirurgien, ou un barbier-chirurgien
: si la folie était due, selon une idée alors répandue,
à la présence d'un corps étranger dans
le cerveau, minéral : une "pierre", ou végétal : un "grain" (d'autres parlaient aussi d'insecte : taon, guêpe, hanneton... et plus récemment d'araignée),
tenter de la guérir en supprimant la cause, par son extirpation, était légitime.
D'autres tableaux, représentant des scènes tout à fait
invraisemblables, s'apparentent à des satires (Van Der Bruggen par
exemple). D'autres encore sont manifestement allégoriques (J. Bosch).
On remarquera qu'aucune de ces scènes ne représente une authentique
trépanation, dont la technique est alors parfaitement maîtrisée
-le patient étant contenu, faute d'anesthésie- et les instruments
caractéristiques.
Cependant, plusieurs textes et quelques mentions dans les archives font état
de tentatives de traitement neuro-chirurgical de la folie. S'il s'agissait
de troubles neuro-psychiques causés par un épanchement sanguin
intra-crânien (hématome extra- ou sous-dural, ou intracérébral),
une tumeur (l'observation de tumeurs calcifiées n'est-elle pas à
l'origine de cette "pierre de folie"), une telle intervention a
pu donner de bons résultats.
Il est par ailleurs certain que lorsqu'elle a été pratiquée
chez un fou, l'intervention chirurgicale ne fut généralement
qu'un simulacre, le stratagème consistant probablement à inciser
le cuir chevelu, et, par ce qui n'est rien d'autre qu'un tour de passe-passe, faire apparaître l'objet en cause, une pierre, et la présenter
au patient. Ce qui ne diffère guère de la pure supercherie du
charlatan.
Quant à l'effet thérapeutique de tels artifices dans les maladies
mentales, il n'a sans doute été, au mieux, que très éphémère.
Pour en savoir plus :
Henry Meige,Les peintres de la médecine: documents nouveaux sur
les opérations sur la tête. Extrait de la Nouvelle Iconographie
de la Salpêtrière, 1898, t.XI, in 8°; 4 pp., fig. et pl.
La thèse de doctorat d'Etat en médecine d'Alec Holmes, Sur
les traces de la pierre de la folie : des folies médiévales
à la folie d'un peintre: à propos de l'uvre de Jérôme
Bosch, soutenue à la Faculté de Lille II, en 1993
Le mémoire de Maitrise d'Histoire de Jean-François Broux, La
folie en peinture, XVIe - XIXe siècle, soutenu à l'Université
Jean Monnet (Saint Etienne), en 1999. Ce mémoire est consultable en ligne sur le site de l'auteur.
Le très bon mémoire de master de Grégory Bouchet, L'excision
de la Pierre de Folie et le charlatanisme aux XVIe et XVIIe siècles,
sous la direction de Mme Jacqueline Vons, et soutenu en 2008 au Centre d'Etudes
Supérieures de la Renaissance, Université François Rabelais, à Tours.
Michel
Caire, 2008
|