FAITS DIVERS
illustrés

Le Petit Journal est un bon reflet des mentalités de son temps, et eut aussi une grande influence sur l'opinion publique. Les illustrations proposées en première page frappent encore l'imagination. Les évènements spectaculaires qu'elles évoquent lient naturellement folie et dangerosité (à l'exception peut-être de la curieuse affaire des Folles de Villejuif, qui relate cependant une scène violente).

Sur Le Petit Journal, voir le très beau site CENT.ANS qui lui est spécialement consacré.


Les folles de Villejuif (un enlèvement)
Le Petit Journal n°55, 12 décembre 1891

Un fou dans les bureaux de la Préfecture de la Seine
Le Petit Journal n° 62, 30 janvier 1892

Le drame de l'asile de Bron
Le Progrès Illustré, 25 septembre 1892

Un nouveau Vacher. DÉFENDUE PAR SON CHIEN !!!
Le Petit Journal illustré, 9 Janvier 1898

Victime du devoir. Inspecteur de police assassiné par un fou
Le Petit Journal n° 389, 1er mai 1898

Un drame dans un asile. Assassinat de la soeur Boinet à Libourne
Le Petit Journal n° 411, 2 octobre 1898

Victime du devoir. Un fou meurtrier
Le Petit Journal n° 437, 2 avril 1899

A L'ASILE DE CLERMONT. Médecin blessé par un fou
Le Petit Journal, 29 avril 1906

UN DRAME AU JARDIN DU LUXEMBOURG. Un fou tire des coups de revolver sur une fillette
Le Petit Journal, 11 Juillet 1909

COUPS DE REVOLVER A LA CHAMBRE
Le Petit Journal Illustré, 29 Janvier 1911

UN CHIRURGIEN DEVIENT FOU EN OPÉRANT UN MALADE
Le Petit Journal Illustré, 17 septembre 1911

LE GESTE D'UNE FOLLE. Mme Huguette ex-Duflos, la grande actrice classée première à notre Concours des Vedettes, a été blessée par une démente
Le Petit Journal Illustré n°2106, 3 mai 1931



Les folles de Villejuif
(un enlèvement)


Le Petit Journal n°55
12 décembre 1891

Il vient de se produire un enlèvement d'une nature absolument particulière et curieuse.

A Villejuif se trouve un grand établissement d'aliénés. On avait conduit les folles à la messe, elles étaient soixante-quatre sous la conduite de quatorze surveillantes et s'avançaient paisiblement, lorsque quatre hommes d'une force considérable, paraît-il, se jetèrent sur la troupe et firent leurs efforts pour en séparer une des pensionnaires.

Ce fut une lutte inénarrable. Les folles et leurs gardiennes se précipitèrent sur les agresseurs qui ripostaient de leur mieux, et ce fut un assaut de coups de pied, de giffles, de morsures, d'égratignures, comme l'on n'en vit peut-être jamais.
Victoire resta aux quatre assaillants et la jeune fille fut enlevée.

Elle se nomme Louise Dourches, elle a été arrachée de l'asile de Villejuif par son frère agissant d'après l'autorisation, sur ordre même de ses parents.
Louise Dourches avait été enfermée il y a quatre ans, à la suite de désordres cérébraux qui s'étaient manifestés parce qu'on refusait de lui laisser conclure un mariage qu'elle désirait.
Que se passa-t-il depuis? Sont-ce les soins qu'elle reçut, est-ce l'apaisement que le temps amène? Toujours est-il que l'internée de Villejuif amena dans l'esprit de ses parents la conviction qu'elle n'était plus folle. Ils supplièrent qu'on la leur rendit, on refusa.
Ce fut alors qu'ils se décidèrent à obtenir par la force ce qu'on n'accordait pas à leurs prières.
On sait le reste.
Ils ne se sont cachés de rien, ils ont tout avoué, ajoutant que l'on ne trouverait pas leur fille où ils l'avaient envoyée.
On ne paraît pas, jusqu'ici, s'être donné grand mal pour les contrarier, et il me semble qu'on a bien fait.
Quoi qu'il en soit, l'affaire nous a paru assez extraordinaire pour en offrir à nos lecteurs le souvenir illustré.

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L’Enlèvement de Villejuif

Le Progrès Illustré n°51, 6 décembre 1891, p.6

Il existe à Villejuif, près de Paris, un important établissement d’aliénés.

Il y a quelques jours, des gardes-malades conduisaient à la messe une division de soixante quatre pensionnaires. Tout à coup, quatre individus se précipitèrent sur elles.

En un clin d'oeil, la colonne fut coupée à l'endroit où était placée Mlle Louise Dourches, et brusquement cette jeune fille se trouva séparée de ses camarades. A peine remises de leur violente émotion, les gardes-malades se jetèrent sur les agresseurs, afin de dégager la jeune fille qu'ils emportaient ; de leur côté, les malades voyant le mouvement de leurs gardiennes, suivirent leur exemple, et à leur tour s'élancèrent sur les quatre hommes pour leur arracher la jeune fille.

Ce fut une indescriptible mêlée ; près de quatre vingt femmes ou jeunes filles, dont soixante-trois malades, contre quatre hommes, mais quatre hommes absolument résolus.

Les coups de pied, les coups de poing pleuvaient, et l'un des agresseurs jetait dans la bagarre, essayant de dominer le tumulte : "Je suis le frère de Mlle Dourches ! " Enfin, les ravisseurs parvinrent à éloigner Mlle Dourches de ses camarades ; deux d'entre eux la saisirent alors et la placèrent dans un fiacre qui attendait à quelque distance, puis, rapidement, ils disparurent avec elle.

Nous avons dit qu'un des quatre agresseurs, celui qui paraissait le chef de la bande, avait déclaré qu'il était le frère de Mlle Dourches. C'est vrai : c'était le frère de la jeune fille qui avait préparé et exécuté cet audacieux enlèvement sur l'ordre de sa famille.

Voici d'ailleurs ce que M. Dourches, qui habite à Paris, boulevard Ménilmontant, et qui a été interrogé sur cet étrange affaire, a raconté :
« Il y a quatre ans, a-t-il dit, ma fille Louise s'est éperduement éprise d'un chanteur. Bientôt, une alliance n'ayant pu être conclue, ma fille fut en proie à des crises terribles qui ébranlèrent sa raison.

Mme Dourches voulut confier notre malheureuse enfant à une maison de santé : je m'y opposai quelque temps, mais je cédai enfin. Louise fut d'abord placée à Sainte-Anne, puis l'année dernière transférée à Villejuif.

Il y a six mois, après avoir maintes fois fait la remarque qu'une amélioration sérieuse s'était produite dans l'état de la jeune fille, nous nous décidâmes à la retirer. Peine perdue ! C'est en vain que nous avons usé de tous les moyens en notre pouvoir pour la faire sortir de l'hospice. On s'obstinait à nous répondre que notre fille était folle.

Eh bien ! non, c'est faux, notre fille est guérie ; c'est parce qu'on n'a pas voulu nous la donner de plein gré que nous l'avons prise de force, et nous la garderons. »

Où le père et la mère ont-ils caché leur fille ? M. Dourches et sa femme se refusent à le dire.


L'affaire Louise Dourches a inspiré une pièce de Anne Dreyfus, «Le vol de Louise D.», avec Saül Dovin , Véronique Estel , Gundrun Skamletz, donnée en 2001 au Théâtre "Scènes du Jura" à Lons-le-Saunier.

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Un fou dans les bureaux de la Préfecture de la Seine

Le Petit Journal n° 62
30 janvier 1892

La folie des grandeurs vient de donner lieu à un drame sanglant dans les bureaux de la préfecture de la Seine, rue Lobau.

Un valet de chambre nommé Le Rudelier, âgé de vingt-trois ans, était atteint de ce mal terrible depuis plusieurs années. Il était en outre sujet à des crises d'épilepsie.

L'année dernière, étant en service, il avait, à différentes reprises, proféré des menaces contre ses maîtres. Il prétendait leur avoir confié une immense fortune, et leur disait qu'il les tuerait s'ils ne la lui restituaient pas.
On prit des mesures de prudence, et le pauvre fou fut conduit à L'infirmerie du dépôt et enfermé à Bicêtre.
Il sortit de Bicêtre dans les premiers jours de janvier. Son état s'était tellement amélioré qu'on pensait n'avoir plus à craindre aucune rechute.

Comme au moment de son internement on avait saisi sur lui différents objets et entre autres une montre et un peu d'argent, Le Rudelier se présenta ces jours-ci à la préfecture de la Seine pour qu'on lui rendit ce qui lui appartenait.
On lui remit une somme de 150 francs environ.
Quand il ramassa ces quelques louis, sa figure se contracta et ses yeux brillèrent d'un éclat subit.
La vue de l’or avait réveillé sa passion; il s’étonna qu’il n’y eut pour lui qu’une si petite somme. On lui fit remarquer qu’on lui rendait tout ce qu’il avait laissé; et il partit on bougonnant des phrases incohérentes.
On s’en croyait débarrassé, mais trois jours plus tard, il revint au même bureau, les yeux hagards et demanda cinquante mille francs.

— Oui, cinquante mille francs, criait-il, c’est cinquante mille francs que l’on m’a pris; Je veux qu’on me les rende !
On essaya de le calmer, et on l’éconduisit, en le raisonnant le mieux possible. Mais il revint à diverses reprises et, n’osant pas retourner au même bureau, il se mit à errer dans les couloirs, le regard sombre, en parlant tout seul et en proférant des menaces.

Enfin le 13 janvier, à trois heures, il se présenta de nouveau à la préfecture, au bureau des mairies, et, très surexcité, réclama avec insistance au garçon une somme de 100,000 francs!
Ce dernier, après de vaines paroles et avec l’aide de plusieurs employés, tenta de le faire sortir; mais le fou, devenu furieux, se débattit vigoureusement en poussant de grands cris et tout à coup, sortant un stylet de sa poche, il frappa celui qui le tenait, M. Bergelin, expéditionnaire, au bras, à la tête et au visage.
Le blessé tout couvert de sang lâcha prise, tandis qu’un de ses collègues, âgé de soixante ans, M. Poncet, saisissait l’aliéné. Mais M. Poncet fut lui-même atteint au front et à la gorge.

M. Chollet, garçon de bureau, voulant intervenir, fut à son tour atteint assez grièvement. C’est alors qu’un employé eut l’idée de frapper le fou, avec un tisonnier, à la tête et au bras, ce qui lui fit lâcher prise.
Des gardiens de la paix arrivèrent, se saisirent du fou et sur l’ordre du commissaire de police le conduisirent d’abord à l’Hôtel-Dieu où on lui prodigua des soins et ensuite à l’infirmerie du dépôt.

L’état des blessés n’est pas très grave, car après un premier pansement ils ont pu regagner leur domicile.

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Le drame de l'asile de Bron

Le Progrès Illustré
25 septembre 1892

Cette Une est présentée sur le site de la Bibliothèque municipale de Lyon où sont rappelées les circonstances de la tragédie :

La scène se déroule dans le grand asile de Bron (aujourd'hui devenu l'hôpital du Vinatier), et, selon le journal, dans la "section des agitées dangereuses" où "les dortoirs sont seulement de trois lits, où les malades, dès qu’elles sont couchées, se trouvent ligotées par une camisole de force compliquée de courroies qui rendent tout mouvement impossible."

Lors de sa première nuit, une nouvelle venue, Mélanie Bonnet, dont les courroies ne sont pas assez serrées, se précipite sur sa voisine, la dégage incomplètement, la roue de coups et l’étrangle en la tirant par les pieds.
Les gardiennes la maîtrisent à grand peine, tandis que sa victime meurt peu après.

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Un nouveau Vacher
DÉFENDUE PAR SON CHIEN !!!


Le Petit Journal illustré
9 Janvier 1898

Est-ce que l'horrible chemineau Vacher ferait école ? Sa gloire sinistre aurait-elle des jaloux ?
Espérons que non et que le fait qui vient de se produire à Salbris, près de Romorantin, restera un fait isolé.


Ces jours passés, une gentille bergerette de dix-huit ans, Marie Debray, faisait tranquillement paître son troupeau lorsqu'une sorte de sauvage de vingt ans, moitié fou, moitié brute, nommé Louis Midou, se précipita sur elle, la saisit à la gorge et la renversa.


Elle courait un grave danger lorsque, courageusement, son chien s'élança sur le misérable et fit si vaillante contenance qu'il le força à se sauver.
Midou est arrêté. Son avocat plaidera l'irresponsabilité ; on l'enfermera pour un temps dans une maison d'aliénés, après quoi on le relâchera, tout comme Vacher.


Quelques mois plus tard on apprendra qu'une série d'attentats vient d'être signalée.
Par qui diable peuvent-ils bien avoir été commis ? se demandera-t-on naïvement.


0 société ! que n'es-tu aussi bien gardée contre les chemineaux meurtriers que le fut par son brave chien cette pauvre petite bergère de Romorantin ?

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Victime du devoir
Inspecteur de police assassiné par un fou


Le Petit Journal n° 389
1er mai 1898

Voici encore une fois posée cette terrible question des fous.
Un certain Besnard, enfermé dans un asile d'aliénés, est si mal surveillé qu'il parvient à s'échapper.

Peu de temps après, il commet de telles extravagances qu'on envoie chercher la police pour le réintégrer à l'hospice.

L'inspecteur Royer se présente, il parle de la façon la plus douce, il veut persuader au fou de le suivre, et celui-ci tout à coup saisissant un large couteau le plongea dans le ventre de l'inspecteur qui mourut presque aussitôt.

On a fait à ce malheureux de très belles funérailles; on l'a solennellement inhumé au cimetière Montparnasse, dans la tombe réservée aux Victimes du devoir. Cela ne le rend pas à l'affection des siens; c'est très bien tout de même, mais il y aurait mieux : ce serait de ne pas lâcher les fous avant qu'ils fussent complètement guéris et hors d'état d'assassiner.

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Un drame dans un asile
Assassinat de la soeur Boinet à Libourne


Le Petit Journal n° 411
2 octobre 1898

Dans l'asile des vieillards de Libourne, un crime odieux a été commis.
Un des pensionnaires, François Coiron, âgé de soixante-treize ans, s'est précipité, armé d'une lame de fleuret emmanchée au bout d'un bâton, sur la supérieure, la soeur Boinet, et lui a fait une blessure profonde; il a également assez grièvement atteint la soeur Cécile; après quoi, saisissant un rasoir, il s'est ouvert la gorge.

Comme il est mort sur-le-champ, on n'a pu savoir de lui quel mobile l'avait guidé.

Il n'était point fou et paraît avoir agi avec une assez longue préméditation.

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Victime du devoir
Un fou meurtrier


Le Petit Journal n° 437
2 avril 1899

Quand se décidera-t-on à surveiller sérieusement les fous et à les mettre dans l'impossibilité de nuire avant qu'ils aient commis des meurtres.

Voici encore un pauvre brave homme, marié et père de deux enfants, qui tombe frappé par un aliéné, dans les circonstances suivantes:
A l'hôtel Sainte-Marie, rue de Rivoli, dans la soirée, un homme se présentait et délibérément demandait qu'on le conduisit à sa chambre.
Le garçon le prit pour un M. Cauchois qui avait déposé ses bagages dans la chambre n° 15.
Il s'aperçut de son erreur, à deux heures du matin, quand M. Cauchois rentra. Il alla frapper à la porte du 15, priant l'inconnu d'en sortir, l'assurant qu'il lui donnerait un autre logement aussi confortable.
Mais l'homme ne voulut rien entendre; il poussait des cris accompagnés de coups de revolver.

Reconnaissant que l'on avait affaire à un fou, on alla chercher le secrétaire du service de permanence, M. Goyard, dont les adjurations n'eurent pas plus de succès.
Alors survint M. Euriat, commissaire de police, avec son garçon de bureau, Édouard Héloir, et quatre agents.
Il imposa silence à ses hommes, convaincu que le fou sortirait quand il croirait tout le monde parti.
C'est ce qui, en effet, arriva; mais Capdeville, ainsi se nomme le triste héros de cette aventure, se montra armé de son revolver; quant on voulut s'emparer de lui il opposa une résistance désespérée et fit feu deux fois.

Le premier coup brûla seulement la main de M. Euriat, mais la seconde balle atteignit en pleine poitrine le malheureux Héloir, qui fut transporté à l'Hôtel-Dieu dans un état très alarmant.

M. Blanc, préfet de police, l'est allé visiter et lui a remis une médaille d'honneur; c'est fort bien, mais il serait mieux encore de prendre des mesures pour empêcher les fous d'augmenter la trop longue liste des victimes du devoir.

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A L'ASILE DE CLERMONT
Médecin blessé par un fou


Le Petit Journal
29 avril 1906

L'an dernier, à l'asile Sainte-Anne, le docteur Vallon fut victime d'une agression de la part d'un des aliénés confiés à ses soins. Le fou lui planta un couteau entre les deux épaules.

C'est un fait du même genre qui vient de se passer à l'asile des aliénés de Clermont.
Le docteur Thivet, médecin en chef du service des hommes, passait la visite dans la section des malades tranquilles, lorsque soudain l'aliéné Boulogne, âgé de vingt-quatre ans, soldat récemment réformé, s'approcha de lui avec vivacité, le saisi à la gorge, puis le frappa en pleine figure avec un tesson de bouteille qu'il avait dissimulé sous sa blouse. Le médecin, gravement blessé au-dessous de l' oeil droit, a dû s'aliter.

Le surveillant Bazelaire ayant voulu s'interposer, reçut de Boulogne une poignée de poivre dans les yeux et fut également frappé d'un coup de tesson de bouteille à la nuque.

Le gardien Ildis, accouru aussitôt, fut blessé lui aussi, mais assez légèrement, et il put, non sans peine, passer au malheureux aliéné la camisole de force.

Certes, il faut plus que du courage, il faut de héroïsme pour vivre au milieu des fous, pour les soigner, pour garder tout son sang-froid, tout son calme devant leurs injures, leurs menaces, leurs coups. Il faut de la patience, du dévouement et de la bonté.

Nos médecins aliénistes ont tout cela. Et l'on ne peut que s'incliner devant le courage de ces hommes qui affrontent des dangers de tous les instants pour la Science et l'Humanité.

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UN DRAME AU JARDIN DU LUXEMBOURG
Un fou tire des coups de revolver sur une fillette


Le Petit Journal n°973
11 Juillet 1909

L'un de ces derniers jours, les mamans qui surveillaient en souriant les ébats joyeux de leurs enfants à travers les paisibles allées du jardin du Luxembourg, ont eu un instant de poignante émotion.

Tandis qu'une jolie fillette de sept ans jouait au ballon avec sa gouvernante, un homme, correctement vêtu, s'approcha doucement et, tirant un revolver de sa poche, fit feu par trois fois sur l'enfant.

Celle-ci, heureusement, ne fut pas atteinte. Tandis que sa gouvernante, épouvantée, l'entraînait hors du jardin, des passants arrêtaient le meurtrier. Celui-ci, conduit au commissariat, fut fouillé. On trouva sur lui une lettre incohérente, dans laquelle il y avait cette phrase : « Je tue les enfants français dans les jardins ».

Après un laborieux interrogatoire, on parvint à fixer l'identité du déséquilibré. C'est un Arménien nommé Avenio Toumaeff. Il a déclaré que s'il voulait tuer des enfants français, c'était pour évoquer aux yeux des mères françaises le spectacle des scènes sanglantes qui récemment encore se sont déroulées sous les yeux des mères arméniennes, dont les familles étaient massacrées par les Turcs. Singulière façon de solliciter la pitié des mères que celle qui consiste à tuer leurs enfants !

Toumaeff va être examiné par des médecins aliénistes.

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COUPS DE REVOLVER A LA CHAMBRE

Le Petit Journal Illustré
29 Janvier 1911

Encore un fou qui joue du revolver et qui en joue en pleine séance de la Chambre !

Ce Gizolme est un ancien greffier de justice de paix atteint du délire de la persécution. Il en voulait à M. Briand et tira sur lui deux coups de revolver du haut d'une tribune. M. Mirman, qui se trouvait assis, près du président du Conseil, reçut une des deux balles dans la jambe.

Après un tel attentat, n'en finira-t-on pas avec la liberté du revolver. Songez qu'il y a Paris des milliers de détraqués, d'alcooliques, de demi-fous. Tous ces déments peuvent acheter librement des revolvers et tirer sur tout venant. Ils sont peut-être plus dangereux encore pour la sécurité publique que les vrais malfaiteurs.

Nos parlementaires ne se décideront-ils pas à voter une loi qui réglemente la vente du revolver et nous protège à la fois contre les apaches et contre les fous ?...

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Deux Coups de Revolver, à la Chambre
M. Mirman blessé par un fou


Le Figaro
Mercredi 18 Janvier 1911

Un fou a tiré hier, à la séance de la Chambre, deux coups de revolver. On verra qu'il n'a pas atteint M. Briand, qu'il visait. Mais M. Mirman a reçu une blessure assez sérieuse.

Ainsi la question du revolver s'est posée de nouveau, dans la journée d'hier, et en pleine Chambre des députés! Peut-être, cette fois, nos législateurs vont-ils se décider à en chercher la solution. Ils ont vu de près l'inconvénient de tolérer, dans un Etat civilisé, la liberté des armes à feu. On appelle cela une leçon de choses.

Ce fou, sorti de l'asile, ce fou, à qui le pharmacien de son quartier eût refusé de vendre le moindre poison, n'a eu qu'à entrer chez un armurier pour se procurer un revolver et des balles. Peut-être même lui a-t-on donné gratis, dans la boutique, la petite leçon de meurtre dont il avait besoin. C'est inouï.

La blessure de M. Mirman n'aura pas de suites graves. Aussi pourrait-on dire qu'à quelque chose malheur est bon, si l'on était sûr que de cet émouvant incident dût sortir la réforme que réclament et attendent, en France, tous les honnêtes gens.

Voici les faits.

M. le député Razimbaud était hier vers trois heures à la tribune de la Chambre et dénonçait « certains procédés administratifs ». Une détonation interrompit brusquement son discours. Une balle partit de la tribune A, qui est située au-dessus des bancs de l'extrême gauche, et passa tout près de MM. Bougère et Villebois-Mareuil, assis à droite, près du banc des ministres.

A ce moment on vit, dans la tribune A (la galerie, disent les familiers du Palais-Bourbon), un homme qui tenait son revolver braqué sur M. Briand. Une seconde balle partit, qui n'atteignit ni le président du Conseil, ni M. Guist'hau, placé à côté de lui, mais vint frapper à la cuisse M. Mirman, assis derrière eux.

M. Mirman est directeur de l'Assistance publique au ministère de l’Intérieur. C'est un fonctionnaire distingué, doué d'une grande puissance de travail. Sa carrière est connue. M. Mirman appartenait à l'enseignement lorsqu'il fut nommé député de Reims, en 1903. N'ayant pas complètement accompli l'engagement décennal qui le liait à l'Université, il fut, sous le ministère Dupuy, incorporé dans un bataillon de chasseurs à pied à Vincennes. Il eut donc à ce moment le double privilège de servir son pays sous les drapeaux et de légiférer au Palais-Bourbon comme représentant du peuple.

Hier, il suivait les débats en qualité de commissaire du gouvernement. On le vit s'affaisser, et une émotion agita tous les spectateurs. Cependant, M. le président Brisson, s'étant coiffé de son chapeau, quittait la salle des séances et les huissiers firent aussitôt évacuer les tribunes. On releva M. Mirman et on le transporta à la questure. La balle avait traversé la cuisse droite de part en part et, sortie, avait frappé le mollet gauche, qui fut seulement contusionné. M. le député Augagneur s'étant rappelé ses connaissances chirurgicales, examina la blessure. Aucun gros vaisseau n'avait été atteint par le projectile. M. Mirman fut ramené immédiatement chez lui. Son état n'inspire aucune inquiétude.

Le meurtrier, au moment où il avait tiré, se trouvait dans la tribune A, tout contre la balustrade qui sépare cette tribune A de la tribune B. De l’autre côté de cette balustrade étaient M. Duverger, avocat du barreau de Marseille, conseiller général des Bouches-du-Rhône, et son ami M. Mouton, chef de division à la préfecture de Marseille. Celui-ci voulut se jeter sur l’homme. Mais M. Duverger l’avertit de son imprudence. – Faites attention, lui dit-il, il va vous mettre une balle dans la tête.

Derrière le meurtrier se trouvait un garçon boucher, nommé Chalamet. Il saisit fortement le bras qui tenait le revolver, et mit une main sur l’ouverture du canon. Au reste, déjà des agents de la sûreté accouraient. L’homme ne leur opposa aucune résistance. Il est de taille moyenne. Il a des yeux bleu pâle et froids, et porte une forte moustache rousse. On dit qu’au moment où il fut arrêté, ses yeux étaient hagards et son visage convulsé. Je l’ai vu quelques instants après ; il m’a paru l’homme le plus calme du monde, et rien ne le distinguait du commun des hommes.

Les agents et M. Seguy, chef du Service intérieur du Palais-Bourbon, le conduisirent aux bureaux de la questure. Dans les couloirs intérieurs se trouvaient beaucoup de députés, qu'une grande indignation animait. Les uns la manifestèrent par des huées éclatantes, et les autres par des coups de pied. Malheureusement, ceux-ci se trompèrent, et frappèrent non point le meurtrier, mais un agent qui n'avait rien fait. Ainsi, l'irritation mal informée de ces législateurs ardents fit que le meurtrier arriva frais et dispos, à la questure, et l'agent tout endolori.

Aux demandes des questeurs, MM. Saumande et Chapuis, l'homme ne répondit rien. On le conduisit alors au commissariat tout proche, où M. le juge Boucard arriva bientôt. On avait, auparavant, déterminé son identité.

C’est un nommé Antoine Gizolmes, né à Andelat, près de Saint-Flour, le 25 avril 1872. Il habitait 40, rue des Ecoles, chez son frère, sous-chef adjoint du cabinet de M. Lafferre, et précédemment attaché au cabinet de M. Viviani. Ce frère assistait justement, hier, à la séance de la Chambre, ainsi que son poste l’y oblige. Antoine Gizolmes a été greffier de la justice de paix de Bayonne. Mais on le contraignit à vendre cette charge, parce qu’il avait donné des preuves de déséquilibre mental. C’était en 1908. Quelque temps après, à Saint-Sébastien, il menaça d’un revolver le consul de France. Il fut interné en Espagne, et, étant revenu en France, fut enfermé à l’asile de Ville-Evrard. Il en sortit, voici quinze mois environ, et vint habiter chez son frère.

M. Boucard essaya de l’interroger, mais il répondit qu’il ne dirait rien, et qu’au surplus il ne voulait pas d’avocat. « – Vous ne comprendriez pas les choses importantes que je pourrais déclarer, dit-il au juge. J’ai agi sous la suggestion de voix intérieures. – Je suis juge, dit M. Boucard. Vous avez été greffier, vous devez donc être un auxiliaire de la justice. »

Cette phrase sembla frapper le fou, qui déclara qu’il avait voulu tirer sur un homme politique important, et que M. Briand s’étant trouvé là, il l’avait visé. Il ajouta qu’il regrettait d’avoir atteint M. Mirman, qui n’est ni ministre, ni député. Et puis il tient quelques propos déraisonnables, et on le conduisit à la prison de la Santé. Il avait pénétré au Palais-Bourbon à l’aide d’une carte que lui avait donnée M. Garat, député de Bayonne.

Pendant la suspension de séance qui a suivi l’incident dont on vient de lire les détails, les députés se sont en grand nombre répandus dans les couloirs. On n’était encore pas très exactement fixé sur l’auteur de l’attentat ; les commentaires allaient leur train. C’est un phénomène inexplicable, mais il y a bien cent députés qui affirment avoir entendu siffler la balle à leur oreille. L’un d’eux déclare avec de grands gestes : – Elle a passé si près de ma tête qu’en élevant la main j’aurais pu la saisir au passage.

Or la balle partie de la galerie A a traversé la Chambre en diagonale, et c’est à peine si deux ou trois députés ont pu en percevoir le sifflement. D’autres déclarent qu’il est temps d’examiner d’urgence les propositions relatives au port du revolver. C’est même l’objet principal des conversations, et l’on peut espérer que, comme après la bombe de Vaillant, on prit des mesures pour assurer la sécurité au Palais-Bourbon, la Chambre se décidera à réprimer un délit qui a déjà causé la mort de beaucoup de citoyens inoffensifs. Ce fou aura plus fait que cent articles pour une campagne pleine de sagesse.

Mais: comme ils sont fétichistes, ils ne manquent pas aussi de faire remarquer qu'il y a dix-sept ans, au moment même où M. Mirman, élu député de Reims, défendait à la tribune son élection, Vaillant jeta sa bombe, qui blessa assez grièvement l'abbé Lemire, et un certain nombre de députés.

Dans un groupe, M. Garat, député de Bayonne, qui a fait entrer Gizolmes, à la Chambre, dit son émotion : « Je connais Gizolmes depuis longtemps. Il était greffier de la justice de paix dans le canton Nord-Ouest de Bayonne et j'entretenais avec lui des relations de pure courtoisie. C'est un être doux et faible, un peu mélancolique et taciturne. Il passait pour être atteint de neurasthénie aiguë. Obligé, à la suite de divers incidents, de perdre son greffe, il vint à Paris. Nommé député, j’eus l'occasion de le rencontrer plusieurs fois sur le boulevard. Il me demanda des cartes pour la Chambre. Je ne l'avais pas revu depuis quelque temps, lorsqu'il me fit appeler aujourd'hui dans la salle du public et me demanda une entrée pour la séance. Je la lui fis donner immédiatement par le chef de service, et brusquement, sans même me remercier, il me quitta et, on courant presque, se dirigea vers l'escalier conduisant aux galeries. Je restai un peu surpris mais j'attribuai sa précipitation au désir d'assister au début de la séance. Quel ne fut pas mon émoi en rentrant dans la salle des séances lorsque je vis Gizolmes tirer des coups de revolver sur les ministres.
A la questure, où on l'interrogeait et où je me rendis, je lui dis Vous êtes un misérable. Il me répondit : « Je voulais tuer un député. »

Tel est le récit que fait M. Garat à ses collègues et aux journalistes qui l'entourent.

Ajoutons ce détail, que Gizolmes collaborait, dit-on, à un journal socialiste des Landes Le Défi.

L’émotion assez vive s’est, du reste, asse vite calmée, lorsqu’on a su que Gizolmes était un aliéné, et surtout lorsque l’on eut la certitude que M. Mirman n’était pas dangereusement blessé. On affecta même une grande sérénité et un peu d’ironie. On fit des mots sur Gizolmes : « C’est un partisan de la réduction du nombre des députés, dit M. Ch. Benoist. »

Au Sénat, l’émotion a été fort vive lorsqu’on apprit l’incident. Il y arriva démesurément grossi. On crut à un attentat politique contre le président du Conseil.

Cette émotion fut traduite en ces termes par le président, M. Antonin Dubost :

M. le président : « J’ai reçu de M. Julien Goujon, la motion suivante : Le Sénat indigné de l’attentat dirigé contre M. le président du Conseil et dont M. Mirman a été victime, leur adresse à tous deux l’expression de sa vive sympathie. (Approbation unanime) Aucun terme n’est assez fort pour exprimer l’indignation que ne manqueront pas d’éprouver tous les honnêtes gens et l’horreur que leur inspirent de pareils crimes. (Applaudissements.) Le Sénat me permettra, je pense, de l’associer tout entier à la motion de notre honorable collègue M. Goujon. (Vifs applaudissements) »

Et l’on en revint a la loi sur la réglementation des débits de boisson.

M. Briand, président du Conseil, accompagné de M. Huart, secrétaire général du ministre de l'intérieur, s'est rendu hier soir, vers sept heures et demie, chez M. Mirman, directeur de l'assistance et de l'hygiène publiques. Le président a été reçu par Mme Mirman. Il s'est excusé d'avoir été la cause involontaire de l'accident survenu à M. Mirman. Introduit auprès de celui-ci, il a pu constater que l'état du blessé était satisfaisant.

Jean de Paris.

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UN CHIRURGIEN DEVIENT FOU EN OPÉRANT UN MALADE

Le Petit Journal Illustré
17 septembre 1911

Une scène bizarre et horrible à la fois s'est passée à la clinique du docteur Razomine, à Tchita, en Russie.

Un ouvrier atteint d'appendicite devait y être opéré d'urgence. Au moment où le malade fut plongé dans le sommeil, le docteur Razomine tint des propos étranges qui surprirent fortement les deux médecins assistants.

Il se mit toutefois à l'oeuvre et la première incision qu'il fit était tout à fait selon les règles de l'art chirurgical, de sorte que ses aides n'eurent aucun sujet d'alarme.

Mais voilà que le chirurgien en chef poussa un éclat de rire strident et déclara que tout travail était inutile. « Il vaudrait mieux, ajouta-t-il en ricanant, achever le malade d'un coup de bistouri ».

Les deux assistants reconnurent tout de suite qu'ils avaient affaire à un fou. L'un d'eux se plaça entre le malade chloroformé et le docteur Razomine. Celui-ci entra alors dans une rage indicible. Une lutte s'engagea entre le médecin en chef et son aide, qui cherchait à arracher le couteau au chirurgien devenu fou.

Les Soeurs de charité, effrayées, se sauvèrent dans la salle.

Mais, au milieu de ce tumulte, l'autre médecin assistant restait tranquille auprès du malade et continuait l'opération chirurgicale commencée par le docteur Razomine.

Enfin, le chef de la clinique fut emmené et l'aide qui avait soutenu la lutte vint prendre part à l'opération. Elle a d'ailleurs complètement réussi.

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Un Chirurgien est devenu fou en opérant un malade

Le Stéphanois
2 septembre 1911

Saint-Pétersbourg, 1er septembre.

Une scène bizarre et horrible à la fois s'est passée à la clinique du docteur Razomine, à Tchita.

Un ouvrier atteint d'appendicite devait y être opéré d'urgence. Au moment où le malade fut plongé dans le sommeil, le docteur Razomine tint des propos étranges qui surprirent fortement les deux médecins assistants.

Il se mit toutefois à l'œuvre et la première incision qu'il fit était tout à fait seIon les règles de l'art chirurgical, de sorte que ses aides n'eurent aucun sujet d'alarme.

Mais voilà que le chirurgien en chef poussa un éclat de rire strident et déclara que tout travail était inutile. « Il vaudrait mieux, ajouta-t-il en ricanant, achever le malade d'un coup de bistouri ».

Les deux assistants reconnurent tout de suite qu'ils avaient affaire à un fou.

L'un d'eux se plaça entre le malade chloroformé et le docteur Razomine. Celui-ci entra alors dans une rage indicible. Une lutte s'engagea entre le médecin en chef et son aide qui cherchait à arracher le couteau au chirurgien, devenu fou. Les sœurs de charité effrayées se sauvèrent dans la salle.

Mais au milieu de ce tumulte, l'autre médecin assistant restait tranquille auprès du malade et continuait l'opération chirurgicale commencée par le docteur Razomine.

Enfin le chef de la clinique fut emmené et l'aide qui avait soutenu la lutte vint prendre part à l'opération. Elle a complètement réussi, mais bientôt après l'un des médecins assistants eut une crise nerveuse.

Le docteur Razomine a été interné dans un asile.

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LE GESTE D'UNE FOLLE
Mme Huguette ex-Duflos, la grande actrice classée première à notre Concours des Vedettes, a été blessée par une démente


Le Petit Journal Illustré
n°2106
3 mai 1931

Une des plus grandes actrices du théâtre et du cinéma français, Mlle Huguette ex. Duflos que mes lecteurs ont classé première de notre référendum, Concours des vedettes de cinéma, a été victime il y a quelques jours d'une folle.

Elle se rendait au théâtre Saint-Georges où elle joue actuellement lorsqu'elle fut abordée par une femme correctement vêtue qui lui demanda :
- C'est bien vous, Huguette ex. Duflos?


La question fut posée avec un tel ton de menace que l'artiste, après avoir répondu affirmativement voulut pénétrer rapidement dans le théâtre. Comme elle en franchissait le seuil, l'inconnue l'arrêta par le bras et lui dit :
- Ah! il y a assez longtemps que vous me faites souffrir!


Comme Mme Huguette ex. Duflos tentait de se dégager, la femme, furieuse, brandit un couteau qu'elle avait, ouvert dans son sac, et frappa. L'artiste para de la main droite et fut profondément blessée à la base de l'auriculaire.


A cet instant l'énergumène fut maîtrisée par le personnel du théâtre et par le chauffeur de l'artiste. Au commissariat où elle fut conduite, on s'aperçut bientôt qu'on avait affaire à une démente.


Tous nos lecteurs apprendront avec joie que Mlle Huguette ex. Duflos est en bonne voie de guérison.

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Michel Caire, 2007-2014
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