FAITS
DIVERS
illustrés |
Le Petit
Journal est un bon reflet des mentalités de
son temps, et eut aussi une grande influence sur l'opinion publique. Les
illustrations proposées en première page frappent encore
l'imagination. Les évènements spectaculaires qu'elles évoquent
lient naturellement folie et dangerosité (à
l'exception peut-être de la curieuse affaire des Folles de Villejuif,
qui relate cependant une scène violente). |
Un
fou dans les bureaux de la Préfecture de la Seine
Un valet de chambre nommé Le Rudelier, âgé de vingt-trois ans, était atteint de ce mal terrible depuis plusieurs années. Il était en outre sujet à des crises d'épilepsie. L'année dernière, étant en service, il avait, à différentes reprises, proféré des menaces contre ses maîtres. Il prétendait leur avoir confié une immense fortune, et leur disait qu'il les tuerait s'ils ne la lui restituaient pas. On prit des mesures de prudence, et le pauvre fou fut conduit à L'infirmerie du dépôt et enfermé à Bicêtre. Il sortit de Bicêtre dans les premiers jours de janvier. Son état s'était tellement amélioré qu'on pensait n'avoir plus à craindre aucune rechute. Comme au moment de son internement on avait saisi sur lui différents objets et entre autres une montre et un peu d'argent, Le Rudelier se présenta ces jours-ci à la préfecture de la Seine pour qu'on lui rendit ce qui lui appartenait. On lui remit une somme de 150 francs environ. Quand il ramassa ces quelques louis, sa figure se contracta et ses yeux brillèrent d'un éclat subit. La vue de lor avait réveillé sa passion; il sétonna quil ny eut pour lui quune si petite somme. On lui fit remarquer quon lui rendait tout ce quil avait laissé; et il partit on bougonnant des phrases incohérentes. On sen croyait débarrassé, mais trois jours plus tard, il revint au même bureau, les yeux hagards et demanda cinquante mille francs. Oui, cinquante mille francs, criait-il, cest cinquante mille francs que lon ma pris; Je veux quon me les rende ! On essaya de le calmer, et on léconduisit, en le raisonnant le mieux possible. Mais il revint à diverses reprises et, nosant pas retourner au même bureau, il se mit à errer dans les couloirs, le regard sombre, en parlant tout seul et en proférant des menaces. Enfin le 13 janvier, à trois heures, il se présenta de nouveau à la préfecture, au bureau des mairies, et, très surexcité, réclama avec insistance au garçon une somme de 100,000 francs! Ce dernier, après de vaines paroles et avec laide de plusieurs employés, tenta de le faire sortir; mais le fou, devenu furieux, se débattit vigoureusement en poussant de grands cris et tout à coup, sortant un stylet de sa poche, il frappa celui qui le tenait, M. Bergelin, expéditionnaire, au bras, à la tête et au visage. Le blessé tout couvert de sang lâcha prise, tandis quun de ses collègues, âgé de soixante ans, M. Poncet, saisissait laliéné. Mais M. Poncet fut lui-même atteint au front et à la gorge. M. Chollet, garçon de bureau, voulant intervenir, fut à son tour atteint assez grièvement. Cest alors quun employé eut lidée de frapper le fou, avec un tisonnier, à la tête et au bras, ce qui lui fit lâcher prise. Des gardiens de la paix arrivèrent, se saisirent du fou et sur lordre du commissaire de police le conduisirent dabord à lHôtel-Dieu où on lui prodigua des soins et ensuite à linfirmerie du dépôt. Létat des blessés nest pas très grave, car après un premier pansement ils ont pu regagner leur domicile. |
Le drame de l'asile de Bron
La scène se déroule dans le grand asile de Bron (aujourd'hui devenu l'hôpital du Vinatier), et, selon le journal, dans la "section des agitées dangereuses" où "les dortoirs sont seulement de trois lits, où les malades, dès quelles sont couchées, se trouvent ligotées par une camisole de force compliquée de courroies qui rendent tout mouvement impossible." Lors de sa première nuit, une nouvelle venue, Mélanie Bonnet, dont les courroies ne sont pas assez serrées, se précipite sur sa voisine, la dégage incomplètement, la roue de coups et létrangle en la tirant par les pieds. Les gardiennes la maîtrisent à grand peine, tandis que sa victime meurt peu après. |
Un nouveau Vacher
Espérons que non et que le fait qui vient de se produire à Salbris, près de Romorantin, restera un fait isolé. Ces jours passés, une gentille bergerette de dix-huit ans, Marie Debray, faisait tranquillement paître son troupeau lorsqu'une sorte de sauvage de vingt ans, moitié fou, moitié brute, nommé Louis Midou, se précipita sur elle, la saisit à la gorge et la renversa. Elle courait un grave danger lorsque, courageusement, son chien s'élança sur le misérable et fit si vaillante contenance qu'il le força à se sauver. Midou est arrêté. Son avocat plaidera l'irresponsabilité ; on l'enfermera pour un temps dans une maison d'aliénés, après quoi on le relâchera, tout comme Vacher. Quelques mois plus tard on apprendra qu'une série d'attentats vient d'être signalée. Par qui diable peuvent-ils bien avoir été commis ? se demandera-t-on naïvement. 0 société ! que n'es-tu aussi bien gardée contre les chemineaux meurtriers que le fut par son brave chien cette pauvre petite bergère de Romorantin ? |
Victime du devoir
Un certain Besnard, enfermé dans un asile d'aliénés, est si mal surveillé qu'il parvient à s'échapper. Peu de temps après, il commet de telles extravagances qu'on envoie chercher la police pour le réintégrer à l'hospice. L'inspecteur Royer se présente, il parle de la façon la plus douce, il veut persuader au fou de le suivre, et celui-ci tout à coup saisissant un large couteau le plongea dans le ventre de l'inspecteur qui mourut presque aussitôt. On a fait à ce malheureux de très belles funérailles; on l'a solennellement inhumé au cimetière Montparnasse, dans la tombe réservée aux Victimes du devoir. Cela ne le rend pas à l'affection des siens; c'est très bien tout de même, mais il y aurait mieux : ce serait de ne pas lâcher les fous avant qu'ils fussent complètement guéris et hors d'état d'assassiner. |
Un drame dans un asile
Un des pensionnaires, François Coiron, âgé de soixante-treize ans, s'est précipité, armé d'une lame de fleuret emmanchée au bout d'un bâton, sur la supérieure, la soeur Boinet, et lui a fait une blessure profonde; il a également assez grièvement atteint la soeur Cécile; après quoi, saisissant un rasoir, il s'est ouvert la gorge. Comme il est mort sur-le-champ, on n'a pu savoir de lui quel mobile l'avait guidé. Il n'était point fou et paraît avoir agi avec une assez longue préméditation. |
Victime
du devoir Voici encore un pauvre brave homme, marié et père de deux enfants, qui tombe frappé par un aliéné, dans les circonstances suivantes: A l'hôtel Sainte-Marie, rue de Rivoli, dans la soirée, un homme se présentait et délibérément demandait qu'on le conduisit à sa chambre. Le garçon le prit pour un M. Cauchois qui avait déposé ses bagages dans la chambre n° 15. Il s'aperçut de son erreur, à deux heures du matin, quand M. Cauchois rentra. Il alla frapper à la porte du 15, priant l'inconnu d'en sortir, l'assurant qu'il lui donnerait un autre logement aussi confortable. Mais l'homme ne voulut rien entendre; il poussait des cris accompagnés de coups de revolver. Reconnaissant que l'on avait affaire à un fou, on alla chercher le secrétaire du service de permanence, M. Goyard, dont les adjurations n'eurent pas plus de succès. Alors survint M. Euriat, commissaire de police, avec son garçon de bureau, Édouard Héloir, et quatre agents. Il imposa silence à ses hommes, convaincu que le fou sortirait quand il croirait tout le monde parti. C'est ce qui, en effet, arriva; mais Capdeville, ainsi se nomme le triste héros de cette aventure, se montra armé de son revolver; quant on voulut s'emparer de lui il opposa une résistance désespérée et fit feu deux fois. Le premier coup brûla seulement la main de M. Euriat, mais la seconde balle atteignit en pleine poitrine le malheureux Héloir, qui fut transporté à l'Hôtel-Dieu dans un état très alarmant. M. Blanc, préfet de police, l'est allé visiter et lui a remis une médaille d'honneur; c'est fort bien, mais il serait mieux encore de prendre des mesures pour empêcher les fous d'augmenter la trop longue liste des victimes du devoir. |
A L'ASILE DE CLERMONT C'est un fait du même genre qui vient de se passer à l'asile des aliénés de Clermont. Le docteur Thivet, médecin en chef du service des hommes, passait la visite dans la section des malades tranquilles, lorsque soudain l'aliéné Boulogne, âgé de vingt-quatre ans, soldat récemment réformé, s'approcha de lui avec vivacité, le saisi à la gorge, puis le frappa en pleine figure avec un tesson de bouteille qu'il avait dissimulé sous sa blouse. Le médecin, gravement blessé au-dessous de l' oeil droit, a dû s'aliter. Le surveillant Bazelaire ayant voulu s'interposer, reçut de Boulogne une poignée de poivre dans les yeux et fut également frappé d'un coup de tesson de bouteille à la nuque. Le gardien Ildis, accouru aussitôt, fut blessé lui aussi, mais assez légèrement, et il put, non sans peine, passer au malheureux aliéné la camisole de force. Certes, il faut plus que du courage, il faut de héroïsme pour vivre au milieu des fous, pour les soigner, pour garder tout son sang-froid, tout son calme devant leurs injures, leurs menaces, leurs coups. Il faut de la patience, du dévouement et de la bonté. Nos médecins aliénistes ont tout cela. Et l'on ne peut que s'incliner devant le courage de ces hommes qui affrontent des dangers de tous les instants pour la Science et l'Humanité. |
UN DRAME AU JARDIN DU LUXEMBOURG
Tandis qu'une jolie fillette de sept ans jouait au ballon avec sa gouvernante, un homme, correctement vêtu, s'approcha doucement et, tirant un revolver de sa poche, fit feu par trois fois sur l'enfant. Celle-ci, heureusement, ne fut pas atteinte. Tandis que sa gouvernante, épouvantée, l'entraînait hors du jardin, des passants arrêtaient le meurtrier. Celui-ci, conduit au commissariat, fut fouillé. On trouva sur lui une lettre incohérente, dans laquelle il y avait cette phrase : « Je tue les enfants français dans les jardins ». Après un laborieux interrogatoire, on parvint à fixer l'identité du déséquilibré. C'est un Arménien nommé Avenio Toumaeff. Il a déclaré que s'il voulait tuer des enfants français, c'était pour évoquer aux yeux des mères françaises le spectacle des scènes sanglantes qui récemment encore se sont déroulées sous les yeux des mères arméniennes, dont les familles étaient massacrées par les Turcs. Singulière façon de solliciter la pitié des mères que celle qui consiste à tuer leurs enfants ! Toumaeff va être examiné par des médecins aliénistes. |
COUPS DE REVOLVER A LA CHAMBRE
Encore un fou qui joue du revolver et qui en joue en pleine séance de la Chambre !
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UN CHIRURGIEN DEVIENT FOU EN OPÉRANT UN MALADE
Une scène bizarre et horrible à la fois s'est passée à la clinique du docteur Razomine, à Tchita, en Russie.
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LE GESTE D'UNE FOLLE Elle se rendait au théâtre Saint-Georges où elle joue actuellement lorsqu'elle fut abordée par une femme correctement vêtue qui lui demanda : - C'est bien vous, Huguette ex. Duflos? La question fut posée avec un tel ton de menace que l'artiste, après avoir répondu affirmativement voulut pénétrer rapidement dans le théâtre. Comme elle en franchissait le seuil, l'inconnue l'arrêta par le bras et lui dit : - Ah! il y a assez longtemps que vous me faites souffrir! Comme Mme Huguette ex. Duflos tentait de se dégager, la femme, furieuse, brandit un couteau qu'elle avait, ouvert dans son sac, et frappa. L'artiste para de la main droite et fut profondément blessée à la base de l'auriculaire. A cet instant l'énergumène fut maîtrisée par le personnel du théâtre et par le chauffeur de l'artiste. Au commissariat où elle fut conduite, on s'aperçut bientôt qu'on avait affaire à une démente. Tous nos lecteurs apprendront avec joie que Mlle Huguette ex. Duflos est en bonne voie de guérison. |
Michel Caire, 2007-2014
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