L'étrange
histoire du bibliothécaire des fous
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«Un
ancien fol, qui est devenu bibliothécaire des fous : tel est le
héros de cette étrange aventure ; et autour de lui, sans
doute, Charles Nodier ou Edgar Poe se fussent complu à rêver.
Ce M. Daniel... qui était autrefois un petit employé de commerce, fut interné, en 1919, à l'asile de Sainte-Anne, parmi ces gens que hantent toutes sortes de visions délirantes : depuis qu'il avait été, à la guerre, enfoui vivant par un obus, il n'était plus qu'un de ces hallucinés. Puis, peu à peu, au long des jours, il a recouvré la notion du monde réel, jusqu'à ce qu'enfin les médecins l'aient estimé convalescent. Et alors, comme il sait ce que peuvent être les imaginations des têtes malades, comme il est familier avec les fantômes qui les poursuivent, comme il peut juger des histoires qu'il convient de leur raconter, on a tiré parti de son expérience en le chargeant d'une mission délicate : c'est lui qui a le soin de conserver les cinq mille volumes de la bibliothèque de Saint-Anne (sic) et de choisir, pour les pensionnaires de l'asile, les ouvrages que chacun d'eux peut lire, selon le genre et le degré de sa folie. Un mari qui égare sa femme en voyage de noces Ce singulier
personnage a eu un passé non moins insigne que son état
présent. Il lui est arrivé, peut-être "ce que
jamais on ne verra deux fois". Il a égaré sa femme
au cours de son voyage de noce! La nouvelle existence Si douteux
que fût son veuvage, il n'en décida pas moins à
se refaire une existence. Mais, cette fois, il ne se laissa plus prendre
à des charmes étrangers, dont il avait éprouvé
le péril et l'imposture. Il préféra une fille de
son pays et de sa rue, une Bretonne comme lui. Toujours dûment
marié au regard de l'état civil, il était bien
obligé de se passer du maire. L'union du faux ménage persista
toutefois pendant de longues années. Deux enfants naquirent,
en 1907 et 1913, et furent simultanément reconnus par le père
et la mère. M. Daniel entendit assurer leur avenir, leur laisser
son nom. Demeurera-t-il le père de ses enfants? Me
Roth Le Gentil a soutenu hier sa demande devant la première chambre
du tribunal. Cette reconnaissance, a-t-il affirmé, est incontestablement
nulle, puisque la loi ne permet pas à un époux de reconnaître
des enfants adultérins. René de Planhol. Echo de Paris, février 1925 |
Michel
Caire, 2008 |