Frère
Lucipia
Directeur de l'asile de Villejuif (1900-1904) |
Louis (Adrien) Lucipia naît le 18 novembre 1843 à Nantes (alors Loire-Inférieure).
Elève de l'Ecole des Chartes, il entre dans le journalisme d'opposition sous l'Empire. Capitaine pendant le premier siège de Paris, il prend part à la Commune et collabore au Cri du peuple, le journal de Jules Vallès. Condamné à mort en 1872, il voit sa peine commuée en travaux forcés à perpétuité, puis en 1879 en bannissement. Il vit en déportation en Nouvelle Calédonie, quand l'amnistie de 1880 lui permet de rentrer à Paris, où il devient rédacteur à la Justice, au Radical et au Soir, et vice-président de la Société des Journalistes Républicains. Elu de la capitale, Lucipia siège au Conseil général de la Seine et au Conseil municipal de Paris, deux assemblées qu'il présidera, respectivement en 1896 et 1899. Il fut en outre membre du Conseil de surveillance de l'Assistance publique, et vice président du Conseil de surveillance du Mont-de-Piété à Paris. Louis Lucipia entre en 1888 à la loge Les Droits de lHomme, à Paris, et sera président du Grand-Orient de France. Suite au départ en retraite de Jacques Tondu, il est nommé en 1900 directeur de l'asile de Villejuif, où il prend ses fonctions le 5 novembre. Ce qui suscite les critiques acerbes du journal L'Univers : |
UN ACTE M. Lucipia
dirigeait les débats et les ébats de notre ancien conseil
municipal. Au mois de mai, les électeurs, bien inspirés,
l'ont jeté hors de l'Hôtel de Ville, avec la plupart de
ses collègues. Voici que le gouvernement, -on pouvait s'y attendre,-
repêche M. Lucipia. Et par une attention dont la délicatesse
n'échappe à personne, pour ne pas trop changer ses habitudes
il lui donne à diriger les aliénés de l'hospice
de Villejuif. |
Frère Lucipia avait naturellement, en tant qu'ancien communard,
élu républicain, quelques ennemis politiques, au rang desquels
les collaborateurs du journal ultramontain L'Univers, et notamment
deux journalistes, les frères Eugène et Louis Veuillot.
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L'HÉRITAGE DE LUCIPIA Le frère
Lucipia, lorsqu'il fut dégommé de ses hautes fonctions
de délégué de la Maçonnerie au Conseil municipal,
se fit, de suite, donner une bonne place. |
En
dépit des excès de cet article paru dans la Libre Parole
signé J. Fr., la dénonciation de l'arrangement dont
Monteil bénéficie n'est pas tout à fait infondée.
Villejuif n'est pas le seul grand asile d'aliénés dont la direction est confiée à d'anciens élus, qui n'avaient pas nécessairement la formation ni les qualités requises. Comme Lucipia anciens membres du Conseil général de la Seine, citons, entre quelques autres, Sigismond Krzyzanowski dit Lacroix (1845-1909), ancien président du Conseil municipal de Paris, ancien député, directeur de l'asile de Ville-Evrard jusqu'en 1909 et son successeur Léon-Marie Piettre (1841-1911), docteur en médecine, ancien maire de Saint-Maur, ancien sénateur de la Seine, ancien président du Conseil général. Cependant, pour s'en tenir aux anciens communards comme l'avaient été Lucipia et Monteil, reconnaissons à Léo Melliet de s'être montré bon administrateur, tant à l'asile d'Aix qu'à Cadillac. Quant au docteur Paul Brousse, ancien président du Conseil municipal de Paris, ancien député de la Seine, il n'eut guère le temps de faire ses preuves à l'asile de Ville-Evrard : nommé en novembre 1911 en remplacement du docteur Piettre, il disparaît le 1er avril 1912. Edgar Monteil (1845-1921), ancien communard, franc-maçon lui aussi, ancien préfet de la Haute-Vienne, ancien conseiller municipal et ancien Conseiller général de la Seine, nommé par Combes en septembre 1904, dirigera l'asile de Villejuif jusqu'à l'âge de 73 ans. Et, si l'on en croit l'un de ses contemporains médecin en chef des asiles, il finira sa carrière gâteux au sens médical du terme. Plus d'un an avant sa démission du 1er octobre 1918, il était alité et hors d'état d'assurer un service quelconque. Monteil n'est pas le dernier fonctionnaire ou homme politique usé à bénéficier de cette sorte de retraite qu'était le poste de directeur d'un asile de la Seine : aux termes d'un décret du 3 décembre 1918, les directeurs des asiles pouvaient être maintenus en fonctions sans limite d'âge, sauf, en principe, le cas d'invalidité physique ou morale constaté. Lorsque cette disposition est rapportée par le décret du 29 juin 1930, le rapporteur de la 3e Commission du Conseil général de la Seine se félicite de cette disposition. Bien après la Grande Guerre, quelques politiciens ont obtenu encore une telle faveur après un échec électoral, comme Gustave Rivet (1848-1936), ancien vice-président du Sénat, sénateur de l'Isère battu en janvier 1924 et nommé la même année, à 76 ans, directeur administratif de l'asile de Vaucluse (Raoul Strauss n'ayant pas accepté le poste). Il prendra sa retraite à 85 ans, sans avoir démérité. Citons encore Adrien Veber (1861-1932), ancien professeur de philosophie, ancien président du Conseil Général de la Seine, député de la Seine battu aux élections de 1919, qui remplace le docteur Blanchet comme directeur administratif de Ville-Evrard, et son successeur, Noël Cazals (1861-1942), sénateur du Cantal non réélu en octobre 1929, nommé le 19 septembre de l'année suivante dans le grand asile nocéen... |
Michel
Caire, 2009-2020 |