Morts violentes

La pièce d'archive qui suit relate la mort, dans d'horribles circonstances, d'une aliénée hospitalisée en 1844 à l'hôpital de la Salpêtrière à Paris.
On jugera des conditions dans lesquelles, sous le règne de Louis Philippe, pouvait être soignée une malade dans l'un des établissements les plus renommés du royaume.

20 janvier 1844
« On informe que la nommée Masson s'est brûlée dans sa loge »

Lettre du Préfet de police au Ministre de l'Intérieur

« J'ai l'honneur de vous rendre compte d'un évènement fâcheux arrivé le 14 janvier (...) Rosalie Masson, âgée de 28 ans (...) placée (...) le 10 (...) a mis le feu à sa loge, après avoir lacéré avec ses dents la camisolle de force, dont son état d'exaltation furieuse avait nécessité l'emploi, et a été grillée depuis les pieds jusqu'à la tête.
Il résulte de l'enquête faite par le commissaire de police du quartier de l'Observatoire, assisté de M. Duhomme, docteur en médecine, que la mort de cette malade ne présente aucun catactère de criminalité et que, toutes les personnes chargées de sa surveillance étant à leur poste, il ne peut être reproché à aucune d'elles ni négligence, ni imprudence. La rigueur du froid ayant obligé l'administration d'allumer un poêle placé à un mètre 75 centimètres de la loge de force où avait été renfermée la nommée Masson, celle-ci était parvenue, en passant la main à travers les barreaux en bois de la porte, à présenter des brins de paille à la bouche du poële et à les enflammer.
Le procès verbal dressé au sujet de cet évènement a été immédiatement transmis à Monsieur le Procureur du Roi près le tribunal de 1ère Instance de la Seine.
Je suis...
PS. Bien que dans cette circonstance aucun reproche de négligence ne puisse être adressé aux personnes préposées à la garde des aliénées je vais appeler l'attention de l'Administration des hospices sur la nécessité de redoubler de surveillance afin de prévenir le retour de pareils accidens
. »


Autre mort violente en cette même année 1844 à Paris, cette fois par suicide, et dans ce que l'on appelait alors le Dépôt près la Préfecture de Police, situé Quai de l'Horloge.

La création à la Préfecture de Police d'une Infirmerie, baptisée en 1872 Infirmerie Spéciale, puis en 1950 Infirmerie Psychiatrique près la Préfecture de Police, (« IPPP » ou « I3P ») permettra plus tard de mieux séparer les présumés aliénés des autres prévenus, et d'améliorer la surveillance des malades.

Cette Infirmerie, où sont conduites les personnes interpellées à Paris et susceptibles de relever d'une mesure de placement d'office ou « PO » (loi du 30 juin 1838), d'hospitalisation d'office ou « HO » (loi du 27 juin 1990), de soins sur décision du Représentant de l'Etat ou « SDRE » (loi du 5 juillet 2011) est aujourd'hui située rue Cabanis, dans le XIVe arrondissement.


31 décembre 1844
« Suicide au dépôt »

Lettre du Préfet de police au Ministre de l'Intérieur

« (...) le nommé Paucet, âgé de 35 ans, entré hier à 4 heures au Dépôt près ma Préfecture, comme aliéné, s'est donné lui-même la mort dans sa cellule.

Paucet ayant passé la patte d'une de ses bretelles dans un petit grillage qui protège le verre d'une lanterne et qui se trouve placé à 1 mètre 80 c. du sol, a attaché sa cravate au bout de la bretelle et s'est pendu. Le corps était encore chaud lorsqu'on s'est aperçu de l'évènement, mais tous les efforts que l'on a faits pour le rappeler à la vie ont été inutiles.

Les dispositions intérieures des cellules d'aliénés au Dépôt près ma Préfecture offrent, Monsieur le Ministre, des garanties suffisantes de sûreté et, dans la circonstance présente, le surveillant chargé de veiller sur ces infortunés, est exempt de tout reproche. C'est dans le temps qu'il exerçait ses fonctions auprès des autres aliénés qui étaient ce jour là au nombre de cinq, que Paucet a pu mettre son projet à exécution.

Le Commissaire de Police du quartier du Palais de Justice a constaté le suicide par un procès verbal qui a été transmis à Monsieur le Procureur du Roi près le tribunal de 1ère Instance de la Seine.

PS. Je fais examiner avec soin s'il ne serait pas possible d'augmenter encore les mesures de précaution et de sûreté qui existent déjà au dépôt à l'égard des aliénés, pour éviter le retour de semblables accidents. »



Tout aussi tragique est la mort de l'aliéné Pélardy à l'asile d'Auxerre le 18 novembre 1897.

Le procès du gardien Marquereau, accusé d'en être responsable a lieu l'année suivante. Les débats, publiés par le journal L'Yonne les 17 et 18 février 1898 révèlent un quotidien marqué par la violence et la peur entre les fous et ceux qui les gardent.


Affaire Marquereau. Coups mortels

« Il s'agit, dans cette affaire, du meurtre d'un fou par un gardien de l'Asile d'aliénés d'Auxerre, et l'Yonne a relaté les circonstances de ce drame.
Les débats ne sont pas absolument sensationnels. Cependant, l'assistance est assez grande.
Les débats commencent à 2 heures. Charles Marquereau est un garçon de 21 ans. Il est originaire d'Epiry (Nièvre).
L'acte d'accusation relève à sa charge les faits suivants:

L'acte d'accusation

Marquereau était attaché, en qualité de gardien, à l'Asile départemental d'Aliénés d'Auxerre. Il avait, dans ses attributions, la surveillance d'un dortoir dans lequel couchait un aliéné, le nommé Pélardy, plus connu sous le sobriquet de «La Jambe de bois» parce qu'il était amputé d'une jambe.

Le 18 novembre 1897, entre 6 heures et 7 heures du matin, Pélardy, ayant répondu par un refus à l'ordre que lui donnait Marquereau de faire son lit, ce dernier, sans aucune provocation, le frappa brutalement à coups de poing et à coups de pied.
Cette agression fut suivie d'une lutte entre les deux hommes, rendue inégale par l'infirmité de Pélardy et son âge relativement avancé.

L'accusé, qui était chaussé de galoches, terrassa le malheureux aliéné, et pendant que ce dernier était à terre, il le maintint en appuyant le genou sur sa poitrine et en outre lui lança des coups de pied très violents dans toutes les parties du corps, notamment dans les côtes, dans l'estomac et le dos.

Pélardy se releva, et comme il se refusait encore à faire son lit malgré les injonctions du gardien, l'accusé alla chercher un manche à balai avec lequel il frappa de nouveau l'aliéné.
Quelques instants après, Pélardy s'affaissait et succombait aux blessures qu'il avait reçues au cours de cette scène de violence.

L'expertise médicale a établi, en effet, que la mort avait pour cause les traumatismes subis par Pélardy. La victime portait de nombreuses ecchymoses à la tête, à la paroi abdominale et avait quatre côtes fracturées.
L'accusé soutient vainement qu'il était en état de légitime défense et que les blessures ayant entraîné la mort ont pu être faites par deux autres gardiens qui, en même temps que lui, ont frappé Pélardy.
Il est démontré que Marquereau a été l'agresseur et que les coups qu'il a portés ne sont pas justifiés par le souci légitime de défendre sa vie.

Il résulte enfin de la procédure que si deux collègues de l'accusé sont intervenus au cours de la lutte pour lui prêter main-forte, ils n'ont pas donné à Pélardy des coups de poing assez forts pour occasionner les graves lésions ayant entraîné la mort.
L'accusé était bien noté par ses chefs. Il n'a pas d'antécédents judiciaires.

L'Interrogatoire

«- Les renseignements recueillis sur votre compte ne sont pas défavorables, dit le président à l'accusé. C'est après avoir accompli votre service militaire que vous êtes entré à l'Asile d'aliénés d'Auxerre, le 1er novelbre 1895.
Marquereau.- Oui, monsieur.
- Vous étiez, étant militaire, employé à l'hôpital militaire. En êtes-vous sorti librement?
- Oui, monsieur.
- Cependant, vous en auriez été renvoyé, parce que vous vous enivriez fréquemment.
- Non, monsieur, je ne buvais pas.
- Pendant votre séjour à l'Asile, vous vous étiez déjà rendu coupable d'un acte de brutalité, et l'on a dû vous changer de quartier.
- Oui, monsieur, mais le quartier dans lequel on m'avait versé était aussi dangereux que le précédent.
- Vous étiez chef de service et vous aviez, en cette qualité, la surveillance d'un dortoit. Vous aviez la garde d'un malade nommé Pélardy qui n'était pas très dangereux, attendu qu'il était estropié et n'avait pas les mouvements libres.
- Pélardy était dangereux. Il frappait souvent avec ce qui lui tombait sous la main.
- Un matin, continue M. le président, Pélardy avait fait son lit, mais vous aviez trouvé que ce lit était mal fait et vous aviez voulu exiger qu'il le refit.
Marquereau. - Si Pélardy avait bien fait son lit, je ne l'aurais pas fait refaire. Il s'est refusé à le faire, prétendant que son lit était bien fait, et il m'a repoussé. C'est Pélardy qui a commencé à me frapper dans la poitrine. Il a même voulu m'empoigner par le cou.
le président. - La victime était cependant impotente?
L'accusé. - Pélardy était plus fort que moi. la preuve, c'est que j'ai dû appeler mes collègues pour le défendre.
Le président. - Vous étiez chaussé de galoches et vous l'avez frappé à coups de pied.
L'accusé. - Non, monsieur.
Le président. - Vous êtes intervenu de nouveau, lorsque Pélardy était debout, et vous seriez allé prendre un manche à balai et vous l'en auriez frappé.
L'accusé. - Non, monsieur le président, je ne l'ai pas frappé cette fois-là.
Le président. - Vous avez frappé encore une fois Pélardy, et quelques minutes après, il était mort.
L'accusé. - C'est Clément qui est venu me dire: Pélardy est mort.
Le président. - Vous avez donc causé la mort de Pélardy.
L'accusé. - Si Pélardy avait des blessures et s'il est mort, il y avait avec moi d'autres gardiens qui avaient frappé aussi.
Le président. - Les deux gardiens ont-ils frappé à coups de galoches et de bâtons?
L'accusé. - Non, monsieur, mais avec les pieds.
Le président. - Les témoins ne reconnaissent que vous pour ce fait.
L'accusé. - Les témoins aléiéns sont faux. Pélardy m'a pris par le cou et donné des coups de poing, et c'est alors que mes deux collègues sont venus et ont fait comme moi. Ils l'ont brutalisé et frappé. Quoiqu'ayant une jambe de bois, Pélardy éatit plus fort que moi.
Les témoins
Le docteur Alaman dit qu'il a constaté le mort de Pélardy. Il a relevé des blessures aux côtes. Donnant des renseignements sur l'accusé, il déclare qu'il n'avait rien à lui reprocher avant ce fait. Le docteur croit que Pélardy a succombé à une congestion cérébrale.
Le président. - Pourquoi n'avez-vous pas fait immédiatement votre enquête à ce sujet?
Le témoin. - Je croyais erronés les bruits qui couraient. J'ai cru devoir attendre au lendemain.
Me Lalande pose la question suivante:
- Est-il exact que le malade Pélardy, quinze jours avant le crime, ait poursuivi M. le docteur Lapointe, directeur de l'Asile, avec une lime?
M. Alaman : - Oui, M. Lapointe me l'a raconté.
L'audition des témoins continue au moment où paraît le journal. Le verdict sera rendu assez tard dans la soirée.

Audience du jeudi 17 février
Affaire Marquereau. - Coups mortels
Les témoins

«M. le président Madier continue l'interrogatoire des témoins.
M. Pasquier, ancien gardien des fous. Il était dans un dortoir voisin, il a entendu du bruit, il a vu la lutte entre Marquereau et Pélardy. Il les a séparés. Marquereau a demandé un manche à balai. Pasquier a répondu: «Il y en a un dans ton dortoir». Pasquier a vu Marquereau saisir ce manche à balai et en frapper Pélardy.
M. le président. - En présence d'un fou furieux, le devoir d'un gardien est d'employer la camisole de force et non le bâton.

M. Clément, gardien des fous. - D'après lui, c'est Marquereau qui a frappé le premier, parce que Pélardy refusait de faire son lit. Marquereau ensuite a frappé Pélardy avec le bâton sans nécessité.
M. Clément essaie de parler comme un avocat.
Quand la première lutte s'est engagée entre Marquereau et Pélardy, M. Clément n'a pas vu les coups dans l'estomac. mais quand Pélardy s'est trouvé par terre, Marquereau l'a frappé à coups de pied pendant peu de temps.
Pélardy, d'après M. Clément, n'a pas tombé tout de suite sous les coups de bâton. Il a pu encore aller vers son lit et il est mort peu de temps après.
M. Clément, sur la question capitale, affirme que Marquereau a frappé Pélardy avant d'être frappé par Pélardy.
M. Seret, gardien-chef. - Quand le sous-surveillant a annoncé à M. Seret la mort de Pélardy , ce sous-surveillant a attribué la mort à une congestion. Il donne de bons renseignements sur son subordonné Marquereau. Comme acte brutal antérieur à l'affaire Pélardy, M. Seret ne signale qu'une gifle donnée par Marquereau à un autre fou. Quant à Pélardy, il était parfois très violent. Un jour il voulut frapper le Directeur avec une lime. Malgré son infirmité, Pélardy pouvait, à certains moments, devenir dangereux.

M. le docteur Nodot. - Comme médecin légiste, il a pratiqué l'autopsie de Pélardy; il en donne les détails. Il n'a pas trouvé de causes ayant pu donner donner la mort, autres que les causes provenant des coups.
M. le défenseur. - M. l'interne Chapron déclare que Pélardy était un alcoolique, cause qui rendait les os friables. Qu'en pense M. le docteur Nodot?
M. le docteur Nodot. - Je n'ai pas trouvé de traces d'alcoolisme. les fractures causées par les coups pouvaient occasionner la mort.
M. le docteur Nodot ajoute qu'une fracture de côte se produit plus difficilement après la mort que pendant la vie. L'hypothèse d'une fracture post-mortelle lui paraît inadmissible. Il croit absolument que la mort de Pélardy n'est due qu'aux coups portés par Marquereau.

M. Chapron, ex-interne à l'Asile. Il a pris part à l'autopsie. Il affirme que Pélardy était très irritable, même parfois dangereux. Quant à Marquereau, il était, dit M. Chapron, généralement bon et gentil pour les fous. M. Chapron, contrairement à l'avis de M. le Dr Nodot , croit à la possibilité très probable de fractures qui se serainet produites après la mort. Pélardy était entré à l'Asile il y a 15 ans, comme alcoolique.
M. Chapron constate que l'autopsie n'a été faite par le Dr Nodot que trois jours après la mort; donc le cadavre avait eu le temps de passer par beaucoup de mains, et a pu subir des avaries.
M. Joseph Savary, secrétaire de la Direction de l'Asile, donne sur Marquereau des renseignements excellents. Il le représente comme un garçon poli, bien élevé, gentil et nullement brutal. Quant à Pélardy, c'était un fou dangereux.
M. Seret, gardien-chef, revient affirmer que Marquereau n'était pas dans le quartier des fous les moins dangereux. M. Seret renouvelle les chaleureux éloges qu'il a déjà faits de Marquereau.

M. Gervais, gardien, dit qu'il a été victime en 1896 d'une dénonciation calomnieuse du fou Pléaux. Ce fou avait dit, faussement, que M. Gervais l'avait battu. Pléaux s'était écorché lui-même pour le faire croire. M. Gervais ajoute que souvent les fous donnent des coups aux gardiens.

Un autre gardien vient affirmer que l'an dernier, en mai, il a été frappé d'un coup de couteau par un fou. Très souvent, dit-il, les aliénés cachent des objets contondants, bâtons ou couteaux, pour frapper les gardiens à l'occasion. Marquereau a notamment reçu des coups de bâton et des coups de pied.
- Les fonctions de gardien, ajoute le défenseur, sont dangereuses à l'Asile d'Auxerre plus que dans beaucoup d'autres asiles.

M. le président lit la copie des déclarations faites, dans un langage assez drôle, par plusieurs fous ou délirants, témoins de la lutte entre Marquereau et Pélardy. Ces déclarations constatent les coups de bâton portés par Marquereau à Pélardy.
L'audition des témoins est terminée.

Réquisitoire, Plaidoirie, Verdict

«M. Mercier, juge suppléant, occupe le siège du ministère public et requiert contre Marquereau, une sévère condamnation. Ce jeune magistrat manque d'applomb; il écrit ses réquisitoires avant de les prononcer; il les lit presque à l'audience; il n'ose pas s'abandonner à la phrase non préparée. Il a tort; car, avec de l'exercice et de l'habitude, il rendrait sa parole moins hésitante, il triompherait de sa timidité naturelle, et ses discours, quoique d'allure un peu trop froide, impersonnelle et classique, ne manquerait pas de valeur: on y remarque dans la discussion, beaucoup de méthode et de logique, et dans la forme une certaine élégance de bon aloi. Les arguments, toujours groupés avec ordre, sont judicieusement choisis et se présentent bien. C'est le mode d'élocution qui gâte toutes ces qualités.

M. Mercier a développé cette idée très juste : alors même que certains aliénés seraient dangereux, il ne s'en suit pas que l'on ait le droit de les assommer; les gardiens doivent employer la camisole de force, et non point la trique. Et enfin, les fous - qui sont ici-bas, des malheureux, des déshérités, des êtres faibles, misérables et souvent abandonnés - ont droit à plus de protection que les autres humains. Les gardiens qui les frappent ne méritent pas d'indulgence.

Mais le jury ne partage pas cette opinion; il prend parti pour le gardien Marquereau et ne venge pas la mort de l'aliéné Pélardy. MARQUEREAU EST ACQUITTÉ. Il le doit uniquement aux excellents renseignements de moralité fournis sur lui par MM. Joseph Savary et Seret, et par d'autres citoyens sérieux et honorables qui l'ont très bien connu.
»



Violences qui restent donc impunies. On se reportera avec profit à l'article d'Aude Fauvel qui traite d'une affaire qui connut un grand retentissement quelques années auparavant (le meurtre d'un malade commis par un gardien déclencha une importante campagne de presse), «Le crime de Clermont et la remise en cause des asiles en 1880» (Revue d'histoire moderne et contemporaine, n°49, janvier-mars 2002), consultable sur le site CAIRN.

Mais il n'y a pas que les malades qui peuvent connaître un sort tragique derrière les murs de l'asile (comme dans nos services psychiatriques d'aujourd'hui). Il arrive en effet, infiniment plus rarement il est vrai, que le personnel secondaire -comme on appelait alors les infirmiers et les gardiens- meure à son poste.

Ainsi ce terrible drame survenu à l'asile Saint-Luc, près de Pau, en 1904


« Le crime d'un fou. L'exécution d'une sentence: tué d'un coup de bêche »
Le Petit Parisien, 19 mars 1904

« Un aliéné du nom de Bergeret, originaire de Bielle, avait été interné, le mois dernier, pour avoir adressé à diverses personnes des menaces de mort et s'être livré à de nombreuses extravagances.
Après avoir travaillé hier dans le jardin en compagnie de plusieurs de ses camarades, Bergeret, armé de sa bêche, entra dans le réfectoire où le gardien Loustan était occupé à se raser.
Le fou s'approcha, leva sa bêche et, d'un coup terrible, il fracassa le crâne du gardien, qui s'abattit comme une masse. Le malheureux avait été foudroyé.
Quand on s'aperçut du drame qui venait de se dérouler, Bergeret, appuyé sur sa bêche, attendait près du cadavre de sa victime.
Au juge d'instruction qui l'a interrogé, le fou a répondu que, tout récemment, il avait condamné le gardien Loustau à mort et qu'il n'avait fait tout simplement qu'exécuter la sentence. »


Trois jours plus tard, en ce même mois de mars 1904, un drame de même nature touche un infirmier de la 1ère section de l'asile d'aliénés de Villejuif, qui est annoncé dans le quotidien Le Temps, sous le titre

« Un infirmier étranglé »

« L'infirmier Cahuzac surveillait, la veille au soir, vers huit heures, un dortoir de l'asile de Villejuif dans lequel se trouvaient une douzaine de malades.

Tout à coup, deux aliénés se prirent de querelle. L'infirmier voulant intervenir pour les séparer, le plus robuste, nommé Béquillet, se précipita sur lui, le terrassa et l'étrangla avec le col de sa chemise.

En vain, les autres malades tentèrent-ils de le maîtriser.

Béquillet, devenu furieux, les repoussa, et quand un autre surveillant arriva pour prêter main forte à Cahuzac, celui-ci avait déjà succombé. Cahuzac était célibataire et âgé de trente-huit ans. »



Le 2 avril, le journal Le Progrès Médical rend compte des obsèques de l'infirmier, sous le titre

Martyrologe du personnel secondaire des asiles d'aliénés

« Le samedi 26 mars ont eu lieu à Villejuif les obsèques de M. H. J. B. CAHUSAC, infirmier à l'asile d'aliénés de Villejuif, tué en service par un malade. La levée du corps a eu lieu au Hall de l'asile où ont été prononcés les discours officiels des représentants de l'administration. M. Patenne, président de la 3e commission, et M. le Dr Brousse, rapporteur général des asiles, délégués du conseil général, M. Louis Lucipia, ancien président du conseil municipal, directeur de l'asile, M. Defrance, directeur des affaires départementales, représentant M. de Selves, et M. Honorat pour M. le Préfet de Police, ont successivement adressé à l'infirmier mort à son poste, le dernier adieu.
Le personnel médical et administratif des 4 autres asiles publics de la Seine et des quartiers d'hospice avait envoyé des délégations.
Le médecin chef de service de la 1re section où l'infirmier a trouvé la mort a en termes émus rendu un suprême hommage à son collaborateur enlevé prématurément et dans des circonstances si tragiques.
Se solidarisant avec tout le personnel médical auxiliaire dont il partage les dangers, il a montré comment le coup était vivement ressenti par le corps médical qui est le guide de ses modestes collaborateurs si souvent décriés et calomniés. Car si on a pu citer des abus en certains établissements on oublie trop facilement les dangers constants courus et les victimes frappées et estropiées dans le personnel médical et auxilaire, quand elles ne sont pas tuées, comme les infirmiers de Pau et de Villejuif. »

Le 6 juillet de la même année, le Conseil général attribuait aux parents de Cahusac une allocation annuelle et viagère de 360 francs réversible sur la tête de l'époux survivant.


« MEURTRE DANS UN ASILE D'ALIÉNÉS »
Le Temps, repris dans Le Progrès Médical, XXI, n°1 du 7 janvier 1905


« On mande de Marseille qu'un nommé Bazille Sabaton, âgé de quarante et un ans, étant mort lundi à l'asile des aliénés, le médecin constata sur le corps du malheureux des blessures assez graves pour avoir entraîné la mort.


Une enquête fut ouverte, à la suite de laquelle il a été établi que le gardien Barthélemy et trois veilleurs, pris de boisson dans la nuit de Noël, avaient mortellement blessé sabaton avec un instrument contondant.


Ces quatre misérables ont été arrêtés. »


« Une surveillante en chef tuée par un aliéné »
Annales médico-psychologiques, 1926, II, p.471

« Mme Lemercier, surveillante en chef du Pavillon de Chirurgie de l'Asile Clinique, a trouvé la mort dans des conditions tragiques.

En se portant au secours d'une de ses infirmières aux prises avec un malade délirant, grand agité, qui avait réussi à enlever son maillot, elle a été littéralement assommée par ce dernier qui la frappa à la tête à l'aide d'un bassin en tôle émaillée dont il s'était emparé.

Des obsèques solennelles ont eu lieu en présence de M. Dherbécourt, président du Conseil général, de M. Bouju, préfet de la Seine, d'un grand nombre de notabilités, et d'une très grande affluence. Il a été décidé que le Pavillon de Chirurgie serait appelé dorénavant Pavillon Lemercier. »


Michel Caire, 2009-2012
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