Les représentations théâtrales dans les asiles d’aliénés des XIXème et XXème siècles s’inscrivent dans le Traitement moral. Elles consistuent une occasion rare de distraction agréable, et peuvent même faire diversion au délire.
Elles sont également considérées comme une méthode curative à proprement parler, par la mise en jeu des passions, des émotions (ses détracteurs parlent de l’exaltation de l'imagination).
Elles tomberont un temps dans l'opprobre après l’expérience du Théâtre des fous de Charenton en 1811 et son interdiction, d'autant que la critique la plus incisive vient du très influent Esquirol et que les deux principaux protagonistes sont un certain de Coulmier, le directeur autocrate et contesté de la Maison de Charenton, et l'infâme Marquis de Sade.
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Quelques références et documents, par ordre chronologique.
Joseph Guislain, Traité sur l’aliénation mentale et sur les hospices des aliénés. Amsterdam, 1826, I ; p.277
« Spectacles. On a proposé, comme moyen de distraction, de faire jouer aux aliénés la comédie. Il paraît même que cette pratique est en vogue dans quelques instituts pour aliénés en Allemagne. Klose (Beitr. zur Arzneiw. 1824, S.33) veut que l'aliéné ne remplisse aucun rôle qui ait des connexions avec le caractère de son délire.
On ne peut concevoir comment, dans un hospice de fous, il est possible de venir à bout de la direction d'une troupe de comédiens de ce genre; on ne peut encore moins comprendre comment il est possible de faire jouer, par ces malades, une pièce quelconque.
Il me semble que la prudence exige de permettre tout au plus, en quelques cas de folie, que le malade assiste, en spectateur, à des pièces choisies, et qu'il n'est nullement convenable de faire de ces malades, des artistes dramatiques. Le maniaque est exclu de cette cure: elle ne peut convenir que dans quelques genres de monomanie et dans la convalescence. »
Ce Klose, de Breslau, n’est pas W. F. W. Klose, auteur de Beiträge zur gerichtlichen Arzneikunde. (Breslau und Leipzig, 1811) mais Carl Ludwig Klose, auteur de Beiträge zur Klinik und Staats-Arzneiwissenschaft. Leipzig, Kummer, 1823, p.33 : « Leser, die diese Meinung mit mir theilen, werden die Frage interessant finden, ob die Theaterrolle des Wahnsinnigen seinem Character und der Natur seines Wahnsinns, anfänglich wenigstens, einigermassen entsprechen, oder ob sie ganz und gar mit beiden im Widerspruche stehen soll… »
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A.-A. Millet, Coup-d’œil historique et médical sur Bicêtre (maison d’aliénés). Thèse de médecine, Paris, 1842 ; p. 20 et p. 26 [Alexandre-Auguste Millet était interne de Leuret à Bicêtre]
« La Salpétrière et Bicêtre ». Journal des débats politiques et littéraires, 14 novembre 1842 [avec quelques lignes sur le « petit théâtre » de Leuret]
« Suppression des concerts et représentations dans les hôpitaux de fous ». Bulletin général de thérapeutique médicale et chirurgicale. Paris, 1843, 24 ; 160
Belhomme (le docteur), « Réflexions sur le traitement des aliénés » (extrait du Quatrième Mémoire sur la Localisation des Fonctions Cérébrales et de la Folie). 1845; 28 p. [à propos des représentations théâtrales à Charenton et à Bicêtre]
Annales médico-psychologiques 1863, I ; 474 [Représentation à l’asile d’Aversa, en référence à L’Indépendance belge, 10 mars 1863]
Annales médico-psychologiques 1863, II ; 390 [Mundy : [à Averse] « au moment où je parle, les aliénés répètent le Brutus d’Alfieri, pour une représentation de cette tragédie qu’ils doivent donner prochainement sur le théâtre de Naples »]
« Une représentation théâtrale à Naples ». Annales médico-psychologiques 1864, I ; 466 [à l’asile d’Aversa, en référence à La Presse]
Annales médico-psychologiques 1864, II ; 156 [à l'asile Sainte-Madeleine de Bourg]
Edmond-Auguste Texier, Tableau de Paris. Paris, 1842, I ; 169 [à propos de l’expérience de Leuret à Bicêtre en 1833]
« Les aliénés au théâtre ». Bulletin général de thérapeutique médicale et chirurgicale 1869, 77 ; 48 et L’Union médicale 1869, 7 ; 944 [à l'asile de Quatre-Mares à Rouen, 1869]
« Une fête chez les fous ». Le Petit Journal, 30 décembre 1875; pp.2-3 [à l'asile de Ville-Evrard] :
Une fête chez les fous
« Nous recevons la communication suivante que nous nous empressons de publier :
Neuilly-sur-Marne, 27 décembre 1875.
Monsieur le rédacteur,
Je vous adresse, tel qu'il m'a été remis par un de nos malades, le compte-rendu d'une petite représentation théâtrale qui a été donnée ici, hier, en vous laissant la liberté de faire de sa lettre l'usage qu'il vous plaira. Veuillez agréer, etc. Docteur Taguet.
Ville-Evrard, 27 décembre 1875.
Monsieur le rédacteur,
La folie avait disparu hier dimanche de l'asile de Ville-Evrard pour se réfugier momentanément dans un autre lieu. Une représentation théâtrale réunissait le personnel de l'asile et les malades des deux sexes.
Rois, prince, ducs, marquis, confondus avec de simples mortels comme moi, applaudissaient avec un égal entrain leurs camarades qui avaient déposé, pour la circonstance, la livrée du fou pour celle de l'histrion.
Un lypémaniaque [note : La Lypémanie est l'affection mentale caractérisée par une tristesse insurmontable. (Note de la rédaction)], à qui la douche avait été impuissante à rendre la parole, a retrouvé dans le rôle de Colardeau du Jeune Homme pressé de Labiche et dans celui de Grivet du Chevrier de MM. Cogniard frères toute la gravité exigée.
A son tour, un maniaque, dans le rôle de Jacques de cette dernière pièce, a arraché des larmes à tous les spectateurs. N'oublions pas le garde champêtre dont le costume original peint et dessiné par un de nos artistes a déridé les fronts les plus assombris.
M. le directeur s'est prêté avec une grâce parfaite à cette petite fête de famille, dont le principal mérite revient au surveillant en chef qui a conduit la représentation avec un rare talent et une patience à toute épreuve.
Samedi prochain, nous aurons une soirée de physique amusante par un de nos camarades.
Dimanche, on reprendra les mêmes pièces pour ceux d'entre nous qui n'ont pu trouver place dans notre petit théâtre.
Si vous voulez bien venir encourager nos efforts, nous prierons M. le directeur de vouloir vous admettre des nôtres pour quelques heures.
Un malade.
Nous acceptons l'invitation qui nous est adressée et nous ferons part des observations que nous aurons recueillies. »
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Adolphe Kubly, « Les fous de Ville-Evrard ». Le Journal Illustré, 16 janvier 1876, p.19-20 [avec gravure p.20 : « Ville-Evrard : Une Représentation à l’Hôpital »]
« Une fête à l’asile de Montdevergues ». Annales médico-psychologiques 1877, I ; 474-475 [en référence à Le Républicain du Vaucluse, 4 mars 1877]
Gabriel Doutrebente, « Des représentations théâtrales dans le traitement de la folie ». Annales médico-psychologiques 1877, II ; 470-474 [à propos d’une réprésentation donnée à Ville-Evrard le 17 novembre : voir plus loin, 1909]
Procès-Verbal de la Commission de Surveillance des Asiles du Département de la Seine, séance du 2 avril 1878 [à l ‘asile Sainte-Anne]
« Une fête à l'asile de Bailleul ». Annales médico-psychologiques 1879, I ; 503-505 [en référence à La Bailleuloise, n° du samedi 8 mars 1879]
Dimanche dernier (2 mars 1879) a eu lieu à l’asile de Bailleul, en présence des membres de la commission, une soirée qui a eu le plus grand succès. La salle du théâtre, brillamment éclairée, contenait près de 250 malades de toute classe. Le lever du rideau a été précédé d’un chœur : les Laveuses du hameau, chanté avec un ensemble et un accord irréprochables par l’orphéon de l’asile.
Immédiatement après, la toile s’est levée, non pas sur un vaudeville ou la comédie traditionnelle, mais sur une opérette, ou mieux, une bouffonnerie musicale qui du théâtre est passée dans les salons, et qu’on voit toujours avec un plaisir nouveau. Les deux Aveugles d’Offenbach ont fait leur entrée en scène aux applaudissements des spectateurs. Dans ces deux rôles – qui exigent un entrain et une véritable habitude de la scène – nos deux aveugles improvisés ont fait preuve d’un talent réel. (…) »
La séance s'est poursuivie par un spectacle polyoramique, qui est un polyorama par la lumière oxycalcique, puis par une série de tableaux chromatopes.
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Procès-Verbal de la Commission de Surveillance des Asiles du Département de la Seine, séance du 2 mai 1882 [représentation théâtrale dans la salle de réunion de l’asile de Ville-Evrard]
Rapport présenté par Bourneville, au nom de la 3ème commission sur le service des aliénés et sur les Budgets et compte de l'Asile Sainte-Anne au Conseil Général de la Seine (Budget de 1883, sous-chapitre VII). Paris, Impr. municipale, 1882; 75 p.
« A Ville-Evrard, jeux de billards, de cartes, de tonneau, etc. Plusieurs représentations ont eu lieu au théâtre de l'asile, dans le courant de l'année, au grand plaisir des malades, dont plusieurs participent aux représentations soit comme acteurs, soit comme costumiers.
A l'asile clinique (Sainte-Anne) les distractions accordées aux malades ont consisté en concert organisé par quelques uns des malades, en représentations théâtrales, en une soirée donnée par MM. de Fonvielle et Triboulet avec projection à la lumière oxydrique, lancement du ballon "La Défense nationale"; jeux divers, etc. »
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Procès-Verbal de la Commission de Surveillance des Asiles du Département de la Seine, séance du 3 juillet 1883 [à l ‘asile Sainte-Anne]
Le Gaulois, 11 décembre 1883, p.3
« A l’Asile des Aliénés ». Le Petit Provençal, 8 septembre 1884 p.3 La fête de Saint-Lazare célébrée à l’asile Saint-Pierre dirigé par « l’honorable M. Cartoux »]
« Une fête à Sainte-Anne ». La Justice, 19 avril 1887, p.2
« Une représentation à l’Asile Sainte-Anne ». Le National, 30 octobre 1887
« A Villejuif. Une représentation théâtrale ». La Lanterne, 14 mars 1890 :
A l'asile d'aliénés. — Une troupe de fous. — Comment elle fut composée. — Le docteur Briand. — Artistes et spectateurs. — Le bal
Vous vous souvenez, lecteurs, qu'en vous rendant compte de notre distribution de jouets aux enfants de l'hôpital de Villejuif, nous vous avons annoncé que prochainement aurait lieu une grande représentation à laquelle nous serions invités. Cette représentation a eu lieu hier soir, et malgré le peu de temps dont nous disposons—nous ne sommes rentrés au journal qu'à minuit — nous voulons vous en dire quelques mots aujourd'hui même.
Où est le temps où les fous étaient traités avec une cruauté, que de nos jours on n’emploie même plus pour les pires criminels ? Le docteur Pinel a fait tomber leurs chaînes, les aliénistes de notre époque leur donnent des spectacles et des bals, c’est un progrès dont on ne saurait trop les féliciter.
Ce qui distingue complètement la représentation offerte hier à Villejuif de celles qu’il nous a été donné de voir dans divers asiles de Paris, à la Salpêtrière et à Sainte-Anne par exemple, c'est que les acteurs sont tous des pensionnaires de l'établissement.
On a joué deux petites pièces : Les 37 sous de Montaudoin, et l'amusante fantaisie Louis XV, qui s'appelle : Embrassons-nous FolleviIle.
Dire que les artistes valent ceux du Théâtre-Français serait peut-être exagéré, mais en tous cas ils nous ont procuré un plaisir que ceux-ci sont depuis longtemps impuissants à nous donner. Nous avons eu une sensation toute nouvelle et toute originale. Et cela nous arrive si rarement à nous autres journalistes, qui de par notre métier sommes les gens les plus blasés et les plus sceptiques du monde, qu'on voudra bien nous pardonner notre enthousiasme, si on le trouve hors de propos.
La troupe
Avant tout, racontons comment la troupe a été formée. L'asile possédait un malade qui, durant plusieurs années avait accompagné en province les troupes auxquelles il rendait toutes sortes de services. C'était une grande utilité, capable de tenir tous les bouts de rôle qu'on lui confiait en cas de besoin, et servant en même temps de machiniste, de décorateur, de souffleur, etc. Lorsque l'on décida d'installer un théâtre à Villejuif on eut recours à lui.
Avec le temps, il installa la scène, fabriqua les décors, peignit le rideau et trouva dans l'asile assez d'artistes pour jouer quelques petites pièces à trois ou quatre personnages, du genre de celles que nous avons vues hier. Il se chargea ensuite de leur apprendre les rôles, et de donner aux pensionnaires de bonne volonté des leçons de maintien et de diction.
Dans ces fonctions si diverses, il réalisa de véritables tours de force. Il faut dire qu’il fut considérablement aidé dans certaines de ses attributions par le docteur Briand le médecin du service des femmes, qui consacre à ses malades un dévouement vraiment admirable.
En arrivant nous le trouvâmes en train de procéder au maquillage des artistes. En même temps, il donnait un dernier coup d’œil aux costumes et rassurait celles qui n'ayant pas encore essuyé le feu de la rampe, avaient la petite émotion inséparable d'un premier début.
La représentation commença par les 37 sous de Montaudon.
Au début, nous avouons que nous n'étions pas sans inquiétude sur le succès de la représentation. Notre attention était partagée par les artistes, et les spectateurs et spectatrices. Et malgré les figures calmes de tout le monde, nous nous demandions s'il n'allait point survenir quelque scène regrettable, nous rappelant dans quel lieu nous nous trouvions. Mais nous en fûmes pour notre frayeur. Tout se passa le mieux du monde.
Les pièces
Les artistes firent preuve, sinon de grand savoir, du moins d'une grande bonne volonté et d'un entrain des plus satisfaisants. Nous devons même reconnaître que la grande utilité, dont nous venons de parler — et que nous appelons de ce nom, faute de mieux, — a de très sérieuses qualités. Il a joué le rôle principal des deux pièces, de façon à emballer vraiment son public.
L'ingénue des 37 sous de Montaudoin était charmante dans sa toilette blanche et a mérité les plus chauds applaudissements. Nous en dirons autant de celle qui jouait Berthe, dans Embrassons-nous Folleville. Les autres rôles, hommes ou femmes, étaient tenus, d'une façon très suffisante.
Les spectateurs se composaient d'hommes et de femmes. Parmi celles-ci, un grand nombre portaient — quelques-unes, non sans grace — des toilettes de soirées qui les faisaient ressembler à des jeunes filles venues la pour une distribution de prix. Elles eurent toutes une excellente tenue et vraiment, il ne nous a fallu rien moins que l'affirmation du docteur Briand et du directeur pour nous persuader que toutes avaient une petite fêlure qui nécessitait leur présence à Villejuif.
Entre les deux pièces, une jeune élève du Conservatoire, Mlle Marthe Marsan, qui joint à un physique très agréable un grand talent de diction, a dit les Imprécations de Camille, la Leçon de grammaire. Son succès a été très vif.
La représentation terminée, et après avoir été traités de la façon la plus aimable à la table du docteur Briand, nous nous sommes rendus au bal qui se tenait dans la salle de spectacle débarrassée de ses chaises. Toutes les jeunes filles avaient conservé leur toilette et une fois la glaça rompue, elles se mirent à danser avec une joie et un entrain que l'on comprendra sans peine, si l'on songe à la rareté de semblables distractions, dans un asile de ce genre.
Au bout de peu de temps, chacune d'elles avait lié avec son danseur suffisamment connaissance pour le traiter en ami, et lui faire ses petites confidences.
Vers onze heures et demie, quand il fallut songer à son départ, nous dansions à corps perdu, et c'est avec un véritable regret que nous nous sommes séparés de nos danseuses.
En somme nous avons passé une délicieuse soirée, ce dont nous remercions sincèrement le docteur Briand, et l'aimable directeur, qui ont bien voulu nous la procurer. Naturellement, ils assistaient au bal, et ils n'étaient pas les danseurs les moins demandés. Cette affection des malades ne fait-elle pas assez leur éloge ?
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« Une visite à Bicêtre. Chez les fous ». La Presse, 6 avril 1890 [Représentation de marionnettes à la Cinquième division (enfants)]
Le Petit Marseillais, 23 mars 1891, p.2 [article lyrique sur la rénovation de l’asile, sous l’impulsion de Dubief, « éclectique clairvoyant »]
« Le spectacle et la musique chez les aliénés ». Annales médico-psychologiques 1898, II ; 510-516 [en référence à Le Petit Journal du 16 septembre 1897, Le Petit Musicien des 1er octobre et 15 novembre 1897 et La Revue de Psychiatrie, du docteur E. Toulouse]
« A propos d'une soirée théâtrale à l’asile de Villejuif ». Annales médico-psychologiques 1901, I ; 518-520
« Le Théâtre chez les Aliénés ». Le XXe siècle, 21 décembre 1902
Albert Dauzat, « Dans le monde des fous ». Magazin pittoresque 1904 ; 434-439, ill. [les distractions carnavalesques et théâtrales offertes aux aliénés dans les asiles parisiens]
« La Fille de Madame Angot à l’Asile Sainte-Anne ». La Presse, 22 juillet 1905 :
« LE THÉÂTRE CHEZ LES FOUS.
INTERVIEW DU DOCTEUR MAGNAN
La "Fille de Madame Angot". - A l'asile Sainte-Anne. - La fin d'une légende.
Comme chaque année, à pareille époque, les ouvriers sont en train d'installer, dans les jardins de la maison de fous de la rue Cabanis, le théâtre en plein air, véritable théâtre de verdure, aux spectacles duquel, pendant deux mois, cet été, les pensionnaires de la maison viendront, les uns comme acteurs, les autres comme spectateurs, chercher l'oubli de leur déchéance morale.
La première représentation, qui va être donnée incessamment, inaugurera la saison avec une pièce en trois actes, la Fille de Madame Angot, du compositeur Lecoq, qui sera jouée par des convalescents choisis parmi les malades hommes, et des acteurs et des actrices de bonne volonté, pris dans le personnel des infirmiers, des employés et dans leurs familles.
L'idée s'étant, depuis longtemps, répandue dans le public, que le théâtre opérait des cures mentales merveilleuses, nous sommes allé demander confirmation de l'efficacité de ce moyen thérapeutique au professeur Magnan, le célèbre aliéniste.
Chez le docteur Magnan
- Mais, nous dit en riant l'éminent professeur, mon avis est que ces représentations sont très amusantes et... c'est tout. Mais quand à avoir pu être la cause efficiente d'une guérison, voire d'une amélioration, chez un mélancolique par exemple, il n'en peut être nullement tenu compte. J'ai, dans mon service, un phonographe dont, parfois, je donne une audition à mes malades. Cela amuse, simplement, ceux dont l'état n'est pas particulièrement grave; quant à mes agités, cela les agite, mais suivant le rythme de la mélodie. Ils dansent et gambadent, en cadence, il est vrai, mais sont agités tout de même.
C'est Ferrus qui a inauguré ce genre de distraction, à l'époque où j'étais interne à Bicêtre. Il ne poursuivait, d'ailleurs, d'autre but que de procurer de la distraction à ses malades. Mais jamais, au grand jamais, il n'est entré dans son esprit que la musique ou l'art du théâtre dût exercer une influence quelconque sur la marche des affections mentales.
De même en est-il en ce qui concerne les voyages, envisagés comme modificateurs des états pathologiques nerveux, lesquels ne sont qu'exaspérés et aggravés par les fatigues et les préoccupations du déplacement.
Ce sont là des légendes, répétées de proche en proche, et qui sont considérées, bien à tort, comme l'expression de la vérité. N'allez pas conclure de là que je sois opposé à ces représentations; bien au contraire, puisqu'elles procurent de l'amusement à nos malades.
Seulement, je vais demander à l'aimable directeur, M. Guillot [Maurice Guillot], d'accord en cela avec mes collègues, de vouloir bien transformer ses soirées en matinées, à cause de la fraicheur des soirs, qui risqueraient d'enrhumer nos pensionnaires."
L'illustre savant nous rappelle, avec humour, le temps où nous étions interne dans son service, il y a de cela vingt années passées...
Beaucoup en voudront, sans doute, au docteur Magnan, d'avoir détruit une légende, teintée de mystère, qui s'harmonisait si bien avec l'esprit des foules. PAUL HUBAULT.
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« Une représentation théâtrale chez les fous ». Le Gaulois, 25 juillet 1905 [à Sainte-Anne: La Fille de Madame Angot]
Procès-Verbal de la Commission de Surveillance des Asiles du Département de la Seine, 1907 ; 215 [transformation de la chapelle de Ville-Evrard en salle de théâtre]
« Une représentation à l’Asile Sainte-Anne ». Comœdia, 21 juillet 1908
J'ai toujours envié le sort des neurasthéniques, à qui les asiles nationaux offrent le repos apaisant d'une vie minutieusement réglée. Ils y respirent un air calme, loin des agitations quotidiennes, sous la douce surveillance de gardiens paternels.
Leur société est d'ailleurs agréable, à condition qu'on ne contrarie pas leur chagrin.
Je me suis toujours proposé d'intriguer pour obtenir, un jour, une place parmi ces gens aimables. Je me promènerais dans les jardins qu'on leur réserve, en compagnie d'honnêtes inventeurs méconnus, de poètes incompris, d'amoureux éconduits, et j'entendrais leurs confidences.
Ils se distinguent d'ordinaire par une grande simplicité de propos et une touchante candeur de cœur, et s'ils altèrent parfois la vérité, c'est du moins toujours de bonne foi.
On a raison de leur faire l'existence douce et de leur ménager des distractions comme celle d'hier.
Sur un théâtre improvisé dans la verdure, le personnel de l'asile, assisté de quelques pensionnaires, a représenté fort convenablement Les Mousquetaires au Couvent, agrémentés d'un ballet inédit.
Oui, d'un ballet réglé par un maître de ballet, M. Littardy, dansé par un corps de ballet et par une première danseuse, Mme Eugénie Lombard, et par un gracieux travesti, Mlle Annette Boulard, et sur une musique vive, preste, enlaçante de M. Marcel Larderet, maëstro et cappél.meister d'un petit orchestre très discipliné.
Quelques hospitalisés, portant cavalièrement le velours et le feutre, figurèrent très dignement les galants mousquetaires.
L’un d'entre eux, M. Constant, incarna, avec une finesse charmante quoique teintée de mélancolie, la figure de l'abbé Bridaine.
Les autres acteurs étaient des employés de l’asile, ou leurs parents. Il faut leur adresser des louanges globales. Ils s'appellent Maurice Lefranc, Georges Sergent, C. Didier, Henry David, Touchard ; Mmes Marguerite Maniey, Bine, Estival, etc., etc.
Et, spécialement, nous applaudirons Mlle Magdeleine James, première chanteuse, à la voix pure et sûre, bien qu'un peu contractée, et Mlle Cécile James, qui ne bâille pas assez le son, mais le place bien dans le masqué, et qui dirigea excellemment les études musicales de cette petite troupe.
Edouard Helsey
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Gabriel Doutrebente, 40 années de pratique médicale et administrative. Tours, 1909 ; 117-122 [à propos des représentations théâtrales à Ville-Evrard]
Des représentations théâtrales dans le traitement de la folie
[Annales médico-psychologiques, t.18, nov. 1877]
« Si l'on a pu dire, sans paradoxe, que la folie devenait de plus en plus fréquente, suivant en cela une marche régulière, en rapport avec les progrès de la civilisation; il est juste de dire aussi, que les médecins aliénistes s'ingénient, de plus en plus, à trouver ou à développer par l'hygiène, le travail, l'hydrothérapie et les distractions choisies, des modes de traitement variés, précis et pratiques.
Sans prétendre au mérite de la nouveauté, nous avons la persuasion que le théâtre, mis à la portée de toutes ces intelligences surexcitées ou déprimées, paresseuses ou fatiguées, peut et doit procurer aux aliénés, des plaisirs et des émotions dont l'effet curatif ne paraît pas encore scientifiquement démontré ou applicable, mais dont l'effet palliatif est hors de doute.
La guérison des maladies est le but principal vers lequel tendent tous nos efforts, et nous sommes en droit d'affirmer que dans la folie, la moyenne des guérisons est de 33p. 100 pour les malades traités une première fois. Les moyens curatifs sont donc plus sérieux et plus variés qu'on ne semble généralement le croire. Cela tient, peut-être, à ce que chacun se réjouit, se flatte et au besoin se vante de la guérison d'une maladie du foie, des poumons ou de l'estomac, mais cache avec soin, tout ce qui a trait au départ et à l'invasion de la folie. La santé est assurément de tous les biens le préférable; et de tous les maux, le meilleur est le pire : malheureusement nous n'avons pas le choix. Il nous faut donc lutter, travailler sans relâche à cette œuvre philanthropique pleine de périls, mais bien douce et consolante lorsqu'elle est couronnée de succès, le traitement des maladies mentales.
Dans l'un des splendides établissements créés par le département de la Seine et destinés au traitement des aliénés, l'asile de Ville-Evrard, le théâtre est en vogue! les malades calmes s'y amusent, les mélancoliques s'y dérident, les agités y trouvent un remède à la surexcitation de leurs facultés intellectuelles surmenées par le délire et les hallucinations.
Nous disons, avec intention, les agités; car samedi dernier, 17 novembre 1877, nous avons conduit au théâtre 150 malades, choisis parmi les plus criards, les plus désagréables de chaque section; en un mot, ceux qui par la violence de leur maladie (c'est là ce que nous croyons avoir fait de nouveau) avaient jusqu'alors été regardés comme trop dangereux ou incommodes pour assister aux représentations lyriques ou dramatiques.
Le croira-t-on ! tous ces malades ont conservé pendant deux heures un calme et une réserve que ne surent pas toujours conserver, le lendemain, à la seconde représentation, les autres malades calmes et choisis parmi les plus agréables ou les convalescents.
Le compte-rendu de la soirée a été fait par un malade du cinquième quartier des hommes (agités); nous le reproduisons, en lui conservant son cachet d'originalité.
« Non, ce n'est pas un rêve; c'est de La réalité. Je suis à Ville-Evrard, depuis X*** ans, deux mois et treize jours— J'accomplis ma 65e année. = Et me voilà, moi, qui avais renoncé, dès avant mon entrée dans l'asile, à Satan, à ses pompes et à ses œuvres.... transporté tout à coup par le hasard qui est un grand maître ou plutôt par la gracieuseté bienveillante de M. le docteur, adjoint à la direction de l'établissement, dans une salle de théâtre qui me rappelle les plaisirs mondains de ma jeunesse. —
La salle de spectacle dans laquelle je suis introduit par un de MM. les surveillants chefs qui a la bonté de me guider par la main, à cause de mon âge, est une charmante bonbonnière.
La superficie représente une étendue assez vaste pour contenir aisément plus de deux cents personnes.
Au lever du rideau, un jeune interne en pharmacie, fait entendre un solo de flûte. L'exécution de ce morceau est assez sentimentale, pour nous faire regretter de n'en pas connaître les paroles. Les applaudissements du public en disent assez pour que je me dispense de complimenter ce jeune homme. Je ne puis que faire des vœux pour qu'une union ait lieu de sa personne avec une cantatrice et musicienne de ma famille.
Mais revenons à la scène de Ville-Evrard. J'avoue que mes connaissances littéraires ne me permettent pas de dire si les deux pièces qui ont été jouées aujourd'hui, 17 novembre 1877, devant moi, appartiennent à quelque répertoire, ou si elles ont été composées tout exprès pour amuser les malades qui assistait à la représentation, tout ce que je puis dire, c'est que s'il est une spécialité dans le genre, celle-là a remporté le prix. Oh! oui, l'auteur de ces charmants impromptus a réalisé le projet du poète Horace.
Omne tulit punctum qui miscuit utile dulci.
Oh! oui, c'est bien le cas de dire :
Il a joint L'utile à L'agréable.
Les saillies pleines de verve, dont ces deux œuvres sont semées ont été bien goûtées des auditeurs, — et les oreilles féminines ont été charmées, car nous avons entendu leurs bons rires, — et on ne pouvait pas dire d'elles :
Ridere sine re, Signum est stultitiæ.
Oh! non, cette fois, ces pauvres folles elles étaient dans leurs intervalles lucides, car, au moment, ou elles riaient, je riais et je dirai bien les passages où je riais. — Par exemple, dans la seconde pièce, quand le prisonnier de la Bastille chante, à plusieurs reprises, une chanson sur l'Amour, et qu'il traite l'amour de monarque, il y a des sourires approbateurs. —
hélas! oui. L'amour est un monarque et celui-Là, on ne le détrônera pas !!!
Louis XV avait donc doublement triplement tort, d'avoir enfermé à la Bastille un homme qui avait (pour tout crime), dit que l'amour était un monarque.
Mme de Pompadour ne pouvait en être alarmée.
Je ne saurais trop féliciter l'auteur de cette amusante pièce, de l'avoir terminée par un acte de clémence, par un mariage et par des chansons. — C'est ainsi que tout doit finir d'après les principes du Figaro de Beaumarchais.
Ce soir le papier me manque - A demain mes impressions.
18 novembre 1877. Dimanche matin.
Mes lecteurs et mes lectrices, j'ai du nouveau à vous apprendre Nil sub sole novum (ou novi au génitif), eh! bien, le vieux proverbe Latin est en flagrant délit de mensonge. — Il y a du nouveau à Ville-Evrard. — les Fous jouent la comédie. — Ils la jouent à merveille, il y a progrès. — Ce n'était dans ces doux dernières années que l'Enfance de l'art dramatique. — Voilà bientôt que c'est à l'apogée — et à qui doit-on cet heureux succès? — Mon Dieu ! je suis forcé de redire ce que d'autres ont dit avant moi. —. C'est au principal surveillant-chef qu'il faut rapporter cet honneur, oui, c'est la vérité que j'avais lue dans le Petit Journal, fin de l'an 1875, ce surveillant chef est un véritable protée. Ne voilà-t-il pas qu'il se métamorphose en acteur. — Avant le lever du rideau, il est l'amabilité même : il fait les honneurs dans la salle du théâtre sur lequel tout à l'heure il va jouer. — Il faut voir sa pantomime expressive dans la pièce qui nous représente un cabanon de la Bastille.
Son partenaire, auquel nous décernerons aussi des éloges mérités, y met tout l'entrain et toute la verve possible chez un malade de l'esprit et du corps. — Car, il ne faut pas oublier; qu'à Ville-Evrard, un pensionnaire ne peut pas dire de lui, avec outrecuidance : — Mens sana in corpore sano. — Il manquerait à la loi d'Esculape; Hyppocrate [sic] pourrait, comme le médecin du Malade imaginaire, le menacer de tout les maux qui finissent en ie, la dyssenterie, la catalepsie, l'épilepsie, etc., etc.
Je vous renvoie à Molière.
Mais quel est donc l'Auteur de ces bleuettes désopilantes qui font le charme des élus que la bienveillance de M. le directeur appelle à cette fête de famille ??
C'est le cas de citer ces vers :
« Seigneur un bruit étrange est venu jusqu'à moi.
« Ce bruit..., il est digne de foi!
Ce serait ce même surveillant chef, qui comme le grand Molière, cumulerait les fonctions de compositeur, acteur et régisseur.
À le voir si pénétré de son rôle, et à l'entendre chanter le couplet final au milieu de l'hilarité de tout l'auditoire, on n'a plus à s'étonner de la Création de ses œuvres, et à douter que ce soit son esprit qui leur ait donné le jour.
— Mais, à quoi pensent ces deux prisonniers dans cette Bastille, au vieux temps de Louis XV?
Ils pensent, ils aspirent à ce qu'ont toujours désiré les prisonniers de tout temps et sous tous les régimes...
Dans la première pièce, celle qui a précédé la pièce d'une scène à la Bastille, nous sommes transportés dans une ferme. Nous voyons le Bon fermier et le garde-champêtre (un ancien gendarme) revêtu de l'uniforme traditionnel ; tous deux sont assis à une table, ils boivent un verre de vin. — Je ne vous dirai pas, avec Tibulle ou avec Ovide, qu'ils vont dessiner sur la table, avec des gouttes de vin les camps et les batailles de leurs jeunes années. — « Pingere castra mero. — C'est de l'Ovide.
Non. Le Bon fermier a bien d'autres chiens à fouetter, pour le moment, il s'occupe de découvrir son voleur. — Vous voyez (à ce mot de voleur) se dresser l'oreille du garde-champêtre (de l'ex-gendarme) et quand le fermier lui dit : « qu'il a, pour le surprendre en flagrant délit, attaché un cordon à la porte de son armoire; lequel cordon communique avec la cloche de la ferme, » le garde-champêtre fait un signe d'approbation et il donnerait volontiers au fermier un brevet d'invention. »
Le stratagème était infaillible. — Jacques, le voleur, le garçon de la ferme est arrêté. — C'est un vol de confiance. C'est l'article 386 du Code pénal. — C'est de la réclusion, qu'il s'agit. = Jacques demande grâce. — Il y a des circonstances atténuantes en sa faveur. = Le fameux article 463, qui joue un si grand rôle aux Cours d'assises, depuis l'année 1832, est applicable. — Mais il y aura plus. — Il y aura l'absolution. — Le fermier fera grâce, quand il saura que Jacques voulait voler seulement des papiers et un passeport pour faire sauver Julien, — le déserteur, son ami. — Et ce Déserteur, c'est un déserteur imaginaire ! il n'y avait pas Désertion. = Un pli remis ou plus tôt destiné au garde-champêtre lui faisait savoir que le conseil de guerre séant à Tours (Indre-et-Loire), l'avait absous, par la raison que « son congé de libération avait été signé avant son départ du régiment. » —
C'est bien là le cas de dire avec le poète Horace :
Nec deus intersit, nisi dignus vindici nodus.
Ce dénouement inattendu produit sur L'auditoire des Fous et des folles une impression indicible, et un sourire de satisfaction se reflète sur tous les visages, quand un des acteurs (je ne me rappelle plus lequel) s'écrie, dans son rôle : « Le gouvernement est trop bon. »
Il y a dans cette petite composition littéraire, tout ce qui faut pour émouvoir et captiver le cœur. Sur une scène quelconque, il y aura matière à de douces émotions, toutes les fois qu'il s'agira d'un Déserteur. — Un conseil de guerre aura toujours le pouvoir de faire frémir, — car on sait que le Code militaire ne plaisante pas, encore bien qu'il ait été révisé en 1857.
Heureux le Déserteur qui, comme Julien, a des amis semblables à Jacques! —
Ah! L'amitié! L'amitié! c'est un compagnon de voyage! comme dit la chanson.
Croiriez-vous que le dialogue entre ces doux amis sur cette charmante scène de Ville-Evrard, m'a rappelé ces beaux vers ou Nisus dit en parlant d'Euryale (dans Virgile) :
Me, me! adsum qui feci; in me convertite ferrum
O Rutuli! Mea fraus omnis! nihil ille, nec ausus,
Nec potuit.....
Tantum infelicem nimium dilexit amicum.
Oui, ce sont les supplications de Julien qui font obtenir la grâce de Jacques.
J'ai fini, car je connais le précepte de Boileau « qui ne sut se borner ne sut jamais écrire ». Toutefois, je ne puis oublier une mention honorable pour cette charmante et mélodieuse voix de femme qui s'est fait entendre pendant l'intervalle de temps nécessaire pour changer les décors.
C*** C.
Pour copie conforme, Dr DOUTREBENTE. »
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« Le théâtre à l’Asile Sainte-Anne ». Le Rappel, 11 juillet 1912
— Où vont-ils ? peuvent se demander les habitants du quartier du Petit-Montrouge et de la Santé en voyant tant de gens se presser vers la grille d'entrée de l'asile-clinique Sainte-Anne.
— Mais au théâtre de l'Asile, où la série des représentations annuelles est déjà commencée.
Comme dans les meilleurs théâtres, on s'y amuse fort : on admire l'interprétation ; on applaudit l'orchestre, les chœurs, les ballets, et, en partant, à 11 heures, on se dit, en pleine sincérité : je reviendrai dimanche prochain.
Et, de fait, j'y suis retourné.
Avant-hier, on donnait les Saltimbanques et cet opéra-comique de Ganne et Maurice Ordonneau fut très bien Interprété. Comme d'habitude, les artistes étaient recrutés parmi le personnel de la maison et parmi les malades tranquilles. Dans l'élément féminin, il faut citer spécialement Mmes Paulin-Chiousse et Badin, qui recueillirent force applaudissements mérités. Mme Paulin-Chiousse, qui possède une voix agréable, douce et bien timbrée, chanta avec charme C'est la première fois... et Je n'ai que 17 ans. Mme Badin apportait l'autorité de son talent et sa grande habitude de la scène : en sa beauté blonde, portant délicieusement le maillot, elle sut se faire admirer et applaudir.
Du côté des hommes, on doit nommer : MM. Tesson, qui nuança bien Paillasse : Didier, brutal à souhait dans Malicorne ; Constant, un grand Pingouin bien muselé, etc.
Huit jours auparavant, Miss Helyett avait remporté également un grand succès avec Mlle Suzy Laugée, une jeune lauréate du Conservatoire, et Mmes Rezzia et Camille Dax.
L'orchestre, dirigé par M. Larderet, accompagnateur au Conservatoire, fut très applaudi.
— Paul Goguet.
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« Une représentation à l’asile Sainte-Anne ». Excelsior, 3 juillet 1913
Programme de VÉRONIQUE, Opéra-Comique en 3 actes, représentations (acteurs professionnels) en juin et juillet 1914 à l'Asile Sainte-Anne (Archives de Paris, Collection L'Esprit)
L'Observatoire de la R. G., 19 juillet 1914 :
Une fête à Sainte-Anne
C'est au mois de juillet que les fêtes de l'Asile Clinique présentent le plus d'éclat. Sur le théâtre de verdure dressé dans la cour d'honneur, les représentations se succèdent, au grand plaisir des malades et des employés de la maison.
Au programme de cette année, "Véronique" est le morceau de résistance. Disons vite que le chaf-d'œuvre de Messager, malgré les difficultés de la mise en scène et l'importance de la partition vient d'être interprété d'une manière réellement satisfaisante.
Dans le rôle principal, nous avons eu le plaisir de revoir Melle Suzy LAUGÉE, qui, les années précédentes, incarnait avec talent "Mam'zelle Nitouche" et "Miss Helyette". Son apparition est saluée par les applaudissements de l'auditoire. On sent que la jeune et charmante artiste est aimée de tous ceux qui sont là, et qu'elle a délà conquis. C'est une "Véronique" idéale, fine, séduisante, et musicienne accomplie. Jessie HEAD, dans "Agathe", lui donne la réplique, avec moins d'expérience de la scène et une certaine timidité. Mais comme elle est agréable à entendre et à regarder! et quelle voix admirable, pleine de fraîcheur et de jeunesse.
M. CHIRAT, un jeune élève du Conservatoire, est un "Florestan" plein d'entrain et de gaîté. Il sait se servir avec talent d'une voix puissante et bien timbrée.
Citons encore, parmi les premiers sujets, M. HENRY, un "Coquenard" cordial et solennel à souhait; M. TESSON qui, dans "Séraphin", nous a présenté un type de larbin des plus divertissants; enfin M. DIDIER, "Loustot" et "Des Merlettes" chez lequel on retrouvait l'élégance du gentilhomme sous la redingote douteuse du policier.
Enfin, ce serait une injustice d'oublier les ensembles, après avoir mentionné Mme SLUZE, Mlle Marie BONNAULT et Mme DEULEY. L'orchestre et les chœurs étaient conduits avec vigueur et autorité par le jeune maëstro Marcel LARDERET. Les décors frais et pimpants formaient un cadre ravissant à une figuration pittoresque et du meilleur "Louis Philippe". Le "Temple de Flore", avec ses jolies fleuristes, et la guinguette du "Tourne-Bride" furent particulièrement remarqués.
De telles manifestations sont intéressantes, et l'on se rend compte qu'elles représentent un effort considérable. Ceux qui les organisent méritent des félicitations, et leur succès témoigne qu'ils développent autour d'eux le sentiment de l'art, et que le public auquel nous étions mêlé dimanche soir n'y reste nullement étranger.
Et nous remercions tout particulièrement M. Guillot, l'aimable directeur, qui a eu la gracieuseté de nous inviter à cette fête qu'un temps à souhait rendit plus attrayante. D'ailleurs nous reviendrons plus longuement sur ces manifestations artistiques, en donnant, ici-même, l'Historique de Sainte-Anne. A. L'ESPRIT.
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« Une représentation théâtrale chez les fous ». Le Journal, 13 décembre 1929 :
Les malades de l'hôpital Henri-Rousselle et de l’asile Sainte-Anne ont pu vivre, mardi dernier, quelques heures joyeuses. En effet, à la demande du docteur Toulouse, chef du centre de psychiatrie et de prophylaxie mentale de la Seine, le comique Dranem a consenti à donner une matinée récréative aux hospitalisés que sa belle humeur et son talent surent réconforter.
D'autres acteurs avaient bien voulu prêter leur concours à cette bonne œuvre et, comme Dranem, M. de Rigault, de la Comédie-Française ; Mlle Nivette et M. Saillard, de l'Odéon : Mlle S. Garay, de la Porte-Saint-Martin ; Mlle Suzanne Heller, MM. Bonvilliers, Maurice Noury, Tony Laurent, du Grand-Guignol ; M. Fomaira et Mlle Sauvage remportèrent le succès le plus justement mérité.
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Salardenne Roger, L'Amour chez les fous. Reportage dans les asiles d'aliénés. Illustrations de Pol Ferjac. Paris, Ed. Prima, 1933; 190 p., chap. XIV:
Au théâtre des Folies-Sainte-Anne
Demain 16 février, à 14 h 30, dans la Salle des Fêtes de l'asile Sainte-Anne la troupe du théâtre Daunou donnera, pour les malades, une représentation de l'opérette Elevez-moi!... Les représentants de la presse sont cordialement invités." (nota bene: où triomphe Gabaroche: Gaston G. 1884-1961)
Fête organisée par l'hôpital Henri-Rousselle, dirigé par le dr. Toulouse
Note remise aux journalistes
« Des comptes rendus parus lors du précédent gala avaient vivement surpris et peiné les malades et leurs familles, ceux-là y étant traités de "fous" alors que leur comportement au cours du concert et leurs réactions -gaieté et émotion- parfaitement normales et cohérents prouvaient assez que l'affection psychopathique dont ils étaient atteints n'était pas de l'aliénation mentale.
Le docteur Toulouse professe que la distraction des malades constitue l'une des parties importantes du traitement psychiatrique, raison pour laquelle des séances de cinéma, des concerts phonographiques et des matinées artistiques sont régulièrement organisés à l'hôpital Henri-Rousselle. Ces dernières -qui permettent aux malades de l'asile Sainte-Anne de profiter d'un divertissement choisi et réconfortant- font l'objet des soins tout particuliers du docteur Toulouse et de ses collaborateurs.
Ce serait aller à l'encontre du but poursuivi par le chef du Centre de Prophylaxie Mentale du Département de la Seine que d'entretenir dans l'opinion publique, par le moyen d'articles -d'autant plus dangereux qu'ils sont plus spirituels- le préjugé qui existe encore contre la psychopathie, qui n'est cependant qu'une maladie comme les autres, curable et évitable comme les autres.
Nous demandons instamment à la Grande Presse - dont l'influence est si grande, moralement et socialement-, de nous soutenir et de nous aider, en soulignant combien ces représentations sont bienfaisantes, qui donnent de l'apaisement et de la joie à ceux qui souffrent, activent leur guérison et rendent plus rapidement à la collectivité des forces momentanément inemployées.
Nous serions particulièrement reconnaissant aux rédacteurs dont les articles voudront bien se faire l'interprète de notre gratitude auprès des admirables artistes qui spontanément, et si simplement et si généreusement, ont répondu à l'appel du Dr Toulouse en faveur des malades de l'hôpital Henri-Rousselle et de l'Asile Sainte-Anne.
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« Une représentation théâtrale à l’asile de Dury ». Le Progrès de la Somme, 1er août 1933, p.2
[Gévaudan, directeur, représentation du Cirque Houcke et de « L’Ami Fritz », d’Erckmann-Chatrian dans la salle de l’Institut médico-pédagogique annexé à l’Asile]
« Une représentation théâtrale chez les fous ». L’Ere nouvelle, 28 mai 1936 :
Avec son dévouement habituel à la cause de ceux qui souffrent et répondant au premier appel des directeurs de l’Hôpital Henri-Rousselle et de l’Asile Sainte-Anne, M. Gaston Gabaroche a donné hier après-midi une représentation de Faites ça pour moi devant les malades de ces deux établissements.
Auprès de lui et de Mlle Eliane de Creus, la troupe habituelle du Théâtre Antoine : MM. Lestilly et Maurice Rémy, Mlles Milly Mathis, Marthe Derminy et Mado Mailly et l’orchestre au grand complet sous la direction de M. Michel Emer, se sont dépensés sans compter, apportant à ceux dont l’esprit momentanément chancelle quelques heures de réconfort et de joie.
La délicieuse opérette du Théâtre Antoine a retrouvé devant les braves fous le même succès fou qui lui est habituel.
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Jean-Charles Olivier, Le Bicentenaire d’un « Traitement moral » : les représentations musicales et théâtrales en psychiatrie. Thèse de médecine, Caen, 1992 ; 117 p.
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