(
)
La proportion dominante des aliénés étrangers (10%)
surtout Belges, Italiens et Polonais, mais aussi Russes, Suisses et
Orientaux, reste alarmante par sa persistance, dautant plus quil
sagit généralement détrangers peu curables
et expédiés presque directement de létranger
en France, dont ils ignorent la langue.
Préoccupé de ces problèmes, jai cru nécessaire
détablir les statistiques des entrées détrangers
aliénés dans nos Services depuis 1924.
En deux ans et demi deux milliers et demi daliénés
étrangers appartenant à trente-six nationalités
différentes de toutes les parties du monde ont été
internés à Paris.
La majeure partie est constituée par des aliénés
chroniques, incapables de sexprimer en français. Beaucoup
sont visiblement expédiés tels de létranger
en France, où ils tombent aussitôt à notre charge
et la plupart définitivement. A 30 francs par jour, prix de Sainte-Anne,
cest 60.000 francs par jour à la charge du contribuable
parisien et de la France. Comme la moyenne de leur âge est de
27 ans, et la probabilité de leur survie de 30 ans, cest
plus de cent millions que nous avons à payer de ce fait, même
si les évacuations en province peuvent réduire la charge.
Le Dr Remlinger signalait à lAcadémie le 30 novembre
1925, ces envois dinfirmes physiques grevant lAssistance
publique de la même façon et introduisant des virus nouveaux
en France (lèpre, filaire, trachome, encéphalites et myélites,
etc.).
Dans les villes du bassin de la Méditerranée, lorsquun
malade est une non-valeur économique et quil risque de
demeurer longtemps à la charge des siens, cest par une
sorte de réflexe instinctif quon cherche à se débarrasser
de lui, en lenvoyant en France. On voit les familles, les sociétés,
les communautés se cotiser pour envoyer X
se faire soigner
à Paris, signifie lui donner juste largent nécessaire
pour arriver à la capitale et lui remettre une lettre de recommandation
pour un compatriote débrouillard, qui saura le diriger sur lhôpital
ou la clinique où il sera admis gratuitement.
M. Herriot en 1923, signalait la situation des hôpitaux de Lyon
où, sur 420 hospitalisés à lHôtel-Dieu,
plus de 13% étaient étrangers, alors que la proportion
générale des étrangers y est bien moindre.
A Lyon, les Espagnols ont fait du Rhône un centre de contagion
du trachome (un seul ouvrier avait sa femme aveugle de ce fait ainsi
que sa belle-mère et trois enfants à lhôpital
de la Charité).
A Paris, le Dr Apert a signalé un dixième denfants
malades étrangers : et lon signale à la Maternité
20% de parturientes étrangères.
Beaucoup de malades infectieux introduisent en France des virus nouveaux
: le Nord est ainsi devenu un centre dépidémies.
Le Dr Jeanselmes, au Congrès dhygiène, a cité
de nombreux cas daffections exotiques acclimatés en France.
A lAcadémie le Dr P.-E. Weil signalait le nombre croissant
des affections chroniques de malades étrangers (66%).
La tuberculose surtout figure parmi ces cas daffections en cours,
dès avant le départ pour la France ; la syphilis est en
recrudescence du fait de ces courants démigration.
Aussi, MM. Achard et Léon Bernard, firent-ils adopter à
lAcadémie le vu suivant :
« LAcadémie de médecine informée du
nombre considérable détrangers soignés dans
nos hôpitaux, alors quils étaient plus ou moins récemment
entrés dans notre pays sans avoir été préalablement
soumis à un examen médical suffisant, émue des
conséquences fâcheuses de cet état de choses, tant
au point de vues des charges dassistance que des dangers pour
la santé publique quil entraîne, demande aux Pouvoirs
publics dorganiser sans retard le contrôle sanitaire de
limmigration, notamment aux frontières de terre.»
Jai fait adopter à a Société de Médecine
de Paris ce vu corollaire :
« Quune sélection médicale rigoureuse à
lentrée de ces malades, soit établie par le ministère
de lHygiène pour en diminuer la charge et le nombre.»
Les traités de réciprocité en matière dassistance
ne sauraient suffire à alléger ni à prévenir
un tel danger et il importe détablir durgence une
prophylaxie sanitaire à lentrée.
M. Durafour, lorsquil était au ministère du Travail
a signalé 300.000 travailleurs étrangers entrés
en France en 1924 (exactement 265.000 contrôlés).
On doit y ajouter, suivant le professeur L. Bernard, au moins 30.000
arrivants étrangers travailleurs non contrôlés.
M. Justin Godard a proposé dans le « Matin » du 11
janvier 1926 de compléter nos institutions nationales dassistance
par des mesures internationales comportant outre la réciprocité,
la constitution dun budget dassistance aux étrangers
avec juste équivalence et fixation par voie de règlement
dadministration publique dune taxe sur les étrangers
pour pourvoir à une partie de cette assistance, après
avis préalable du Conseil supérieur dassistance.
Au Conseil général M. Raoul Brandon, a pris linitiative
dune campagne en vue des mesures à prendre dans le même
sens.
Filtrer les étrangers qui viennent en France, ce nest pas
mentir à nos traditions dhospitalité. Cest
empêcher la France dêtre exploitée tout en
risquant dêtre atteinte dans ses uvres vives, dans
le domaine de lintelligence et dans celui des forces physiques.
M. le Préfet de Police et M. le Préfet de la Seine, ont
été invités à prendre toutes mesures utiles
à légard des immigrants étrangers arrivant
à paris, en vue déliminer les maladies chroniques
ou contagieuses, tant physiques, que neuropsychiques qui tendent à
encombrer nos hôpitaux et asiles.
Aux Etats-Unis dAmérique, souligne le Professeur Léon
Bernard, les mesures défensives sont triples et fonctionnent
de longue date.
Dabord les émigrants, au départ, doivent obtenir
le visa dun contrôle sanitaire préalable à
la mise en route. A ce visa doit être jointe lattestation
dun pécule minimum et dun répondant qui recevra
larrivant.
Il faudrait à larrivée, une mise en observation
comme à Long-Island pour vérifier le bien-fondé
de tous ces visas, larrivant bien quayant lautorisation
du départ, le pécule et le répondant, devrait être
renvoyé impitoyablement à son point de départ aux
frais de la Compagnie de transport qui la amené, sil
est trouvé porteur dune tare physique ou psychique par
la Commission médicale spéciale.
Telles sont les mesures quil nous reste à envisager et
à faire adopter en France, sans préjudice de la liquidation
méthodique des erreurs passées.
Je me bornerai à citer mes derniers certificats médicaux
typiques établis en cette première quinzaine de décembre
:
1° C. Immédiat, 8 décembre. Menat
iais, 50 ans,
née à Choussila (Bulgarie). Est atteinte de désorientation,
évacuée de lhôpital arménien de Constantinople
où elle était depuis 15 mois. Ne parle pas un mot de français,
arrive dOrient (depuis 5 jours à Paris), antérieurement
4 semaines à Alfortville ;
2°
Rosth
M., 50 ans, à lhôpital
Lariboisière le 10 décembre. Née le 1er juin 1879,
à Düsseldorf (Allemagne). Délire polymorphe, idées
de grandeur et de persécution (parente de têtes couronnées
et de M. Wilson). Ne parle pas français, elle est à Paris
depuis 14 jours ;
3° La nommée Thor
son Bjorge, 1. Bl
, âgée
de 55 ans, née à Westurhopsholar (Islande), entrée
le 12 décembre. Est atteinte de psychose hallucinatoire, on la
poursuit par les rayons intra-rouge (sic). Arrivée dIslande
à Paris depuis 14 jours ;
4° La nommée Car
dian Tak
, veuve Ch
, âgée
de 58 ans, née à Ismidt (Turquie), entrée le 13
décembre. Est atteinte de dépression mélancolique
chronique anxieuse, psalmodie en turc, déjà traitée
en 29, ne parle pas le français (sénélité
(sic) précoce), semble avoir été envoyée
en France déjà incurable.
Jai cru, Monsieur le Préfet, avant de quitter les services
des Asiles de la Seine, devoir appeler une dernière fois votre
bienveillante attention sur ces problèmes.
Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, lexpression
de mes sentiments dévoués.
Docteur MARIE
|