Commentaires de quelques extraits d'un cours de psychiatrie du Collège National des Universitaires
en Psychiatrie (Module 3 - Question 48), Service de Psychiatrie et de Psychologie Médicale du CHU d'Angers :
« 3. Le moyen âge
Les malades relèvent de la Médecine ou de la religion.
Le trouble mental qui est léquivalent de la possession
démoniaque et du péché conduit souvent à
lInquisition et au bûcher (milliers de femmes et enfants
torturés ou brûlés sur la place publique), avec
lautorisation du pape Innocent VIII et le soutien de lempereur
Maximilien 1er.
Simultanément, apparaît le début de lAssistance
aux malades, mais plus sur un mode charitable que médical.
Les Frères de la Charité organisent des maisons
en Espagne et en France.
Les premières institutions pour hospitalisation des fous
apparaissent en 1173 à Bagdad, à Montpellier (1178),
plus tard à Londres (le Bedlam) au 16ème siècle.
Au XVIème siècle Jean de Wier en Belgique défend
la thèse médicale des troubles psychiques et éloigne
la théorie satanique. »
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Commentaires
Qu'au Moyen Âge, les malades
aient relevé de la Médecine et (plutôt que «ou»)
de la religion est vrai (la prière, le pèlerinage et l'exorcisme
n'ont en effet jamais exclu le traitement humoral).
Mais le trouble mental a-t-il vraiment conduit souvent à
lInquisition et au bûcher ? C'est bien ce qu'ont écrit
les premiers aliénistes, et ce qui a été depuis souvent
redit. Pour autant, les sorciers -il serait plus juste d'écrire
les sorcières- et leurs victimes supposées étaient-ils vraiment pour la plupart des
malades mentaux ? Pour quelques délires de possession, combien
de personnes parfaitement saines d'esprit et avouant sous la torture,
combien de victimes très suggestibles et trompées non par
le Diable, mais par leurs juges ?
Une précision : la "psychose collective" de sorcellerie
naît et atteint son apogée non pas au Moyen Âge, mais
aux XVIème et XVIIème siècles, c'est-à-dire
à la Renaissance...
Une institution pour hospitalisation des fous à Montpellier en
1178 ? Pour la période et dans le monde chrétien, nous connaissons
seulement l'existence de la St-Jean ten Dullen (Maison Saint-Jean)
qui ouvre à Gand cette année-là, de la construction
d'un hôpital à Haspres en 1218, de la fondation à
Ablain d'une maison d'aliénés vers 1270, de celle de Gheel
en ce même XIIIème siècle. Y a-t-il eu à Montpellier
dès la fin du XIIème siècle un établissement
spécialisé, ou s'agit-il de l'hôtel Dieu de la ville, qui
a sans doute accueilli quelques fous ?
Quant au Bethlem Royal Hospital, à Londres, plus connu sous
le nom de Bedlam, ce n'est pas au XVIème siècle,
mais au XIVème siècle qu'il s'ouvre aux aliénés,
dans un prieuré fondé en 1217 : l'hôpital pour lunatics
dit de St Mary of Bethlehem naît en 1398-1400. En 1547, il
deviendra Fondation royale tout en gardant la même destination.
A propos de Jean Wier, originaire du Brabant, qui étudie en Allemagne
puis en France, voyage en Afrique du Nord, à Candie (la Crète),
exerce à Arnhem puis à Clèves, et meurt en Westphalie
: la Belgique n'a pas d'existence propre en tant qu'État avant 1830.
«
4. Les XVIIème et XVIIIème siècles
Cest lépoque du dualisme cartésien qui
sépare le corps et lesprit : (« je
pense donc je suis
»).
Cest surtout lépoque de la naissance des asiles,
de la loi sur les aliénés.
En 1656 est fondé lHôpital Général
de Paris en vue denfermer les malades mentaux, insensés,
mendiants, prostituées et correctionnaires, par lettre de
cachet de lautorité royale, le plus souvent à
la demande des familles. Ainsi on protège la cité
des malades, tout en soccupant de ceux-ci. Linsuffisance
des hôpitaux est complétée par les dépôts
de mendicité et les maisons de force.
Au XVIIIe siècle la vocation charitable des hôpitaux
est progressivement remplacée par une fonction de soins.
Sous limpulsion de Necker, la circulaire de 1785 définit
les asiles comme lieux de soins.
La même année, un médecin écossais, Cullen
utilise le terme de névrose et propose une classification
des troubles psychiques dessence neuro-fonctionnelle.
En 1800, après avoir enlevé les chaînes aux
aliénés à Bicêtre, Pinel écrit
le « traité médico-philosophique sur laliénation
mentale ou la manie ». Ce traité diffusé
en Europe marque la naissance de la Psychiatrie. »
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Commentaires
C'est sans
doute une maladresse que d'écrire pour les XVIIème et
XVIIIème siècles : c'est surtout lépoque
de la naissance des asiles, de la loi sur les aliénés.
A la rigueur, la première partie de la proposition « lépoque
de la naissance des asiles » pourrait s'entendre en référence
à Michel Foucault, bien qu'il soit aujourd'hui admis que l'asile
naît dans les années 1800. Mais il n'existe pas alors de
législation spécifique, et l'on ne peut donc parler de La
loi sur les aliénés sous l'Ancien Régime : comme
il est dit plus loin, cette loi date de 1838.
Quant à l'Hôpital Général, il n'a pas été
fondé en vue denfermer les malades mentaux, insensés,
mendiants, prostituées et correctionnaires, mais, comme l'a
rappelé récemment Claude Quétel, l'Edit royal de
1656 porte établissement de l'Hôpital général
pour le renfermement des pauvres mendiants de la ville et fauxbourgs
de Paris. Qu'il y en eut parmi les pauvres mendiants est certain,
mais enfermer les fous n'était aucunement la vocation de l'institution
royale. Les prostituées et correctionnaires viendront plus tard,
dans des bâtiments séparés.
Par ailleurs, point n'était besoin d'ordre du roi (lettre de cachet)
pour faire admettre un mendiant. Il ne s'agissait que d'une simple affaire de police.
Au XVIIIème siècle existaient -depuis fort longtemps- aussi
des hôpitaux au sens actuel du terme, c'est-à-dire des établissements
de soins médicaux, chirurgicaux et d'obstétrique : les hôtels-Dieu,
qui se distinguaient en tout point des hôpitaux généraux
au sens de l'époque, qui n'avaient pour leur part aucune vocation médicale.
Au XVIIIe siècle la vocation charitable des hôpitaux est
progressivement remplacée par une fonction de soins ne traduit-il
pas une confusion entre les deux concepts?
Enfin, jamais Philippe Pinel n'a dit ou écrit avoir enlevé
les chaînes aux aliénés à Bicêtre,
et jamais non plus il ne l'a fait. Il s'agit d'un beau mythe fondateur,
dont Gladys Swain a fait une très talentueuse analyse en 1978.
«
5. Le XIXème siècle : la naissance de la Psychiatrie
Elle se développe en Allemagne en opposant les partisans
des causes psychiques (Heinroth) et des causes organiques (Griesinger).
En France naissent les premières classifications des maladies
mentales avec Esquirol (les monomanies) et Chaslin (la folie discordante).
Kraepelin en 1883 en Allemagne regroupe lhébéphrénie
(Ecker), la catatonie (Kahlbaum) et le délire paranoïde
dans le cadre de la démence précoce, qui deviendra
en 1911 les « schizophrénies » de E. Bleuler.
Au début du XXème siècle cest la floride
époque descriptive des aliénistes français :
délire chronique interprétatif (Serieux et Capgras),
bouffée délirante aiguë (Magnan), psychose hallucinatoire
chronique (G. Ballet), folie maniaco-dépressive (J. Baillarger, J.P. Falret).
En 1913, la description de la paralysie générale par
Bayle (1822), est rattachée à la méningo-encéphalite
syphilitique. Elle alimente un fort courant organiciste et localisateur de la Psychiatrie.
Entre temps, la loi de 1838 fixe les modalités dhospitalisation
des malades en « placement volontaire » et
« placement doffice », loi qui durera jusquen 1990. »
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Commentaires
Quelques problèmes de dates :
Le XIXème siècle (...) En France naissent les
premières classifications des maladies mentales avec Esquirol (les
monomanies) et Chaslin (la folie discordante)
Ce n'est qu'en 1912 que la discordance apparaît pour la première
fois dans luvre de Philippe Chaslin 1857-1923 (Eléments
de séméiologie et clinique mentales, paru aux éditions
Asselin & Houzeau) : voir Georges Lanteri-Laura, Martine Gros, Essai
sur la discordance dans la psychiatrie contemporaine suivi de Quelques
mots sur la psychologie de la mathématique pure, EPEL, 1992.
Kraepelin en 1883 en Allemagne regroupe lhébéphrénie
(Ecker), la catatonie (Kahlbaum) et le délire paranoïde dans
le cadre de la démence précoce
C'est en 1899, dans la 6ème édition de son Traité
(dont la première édition date bien de 1883) que Kraepelin
définit cette entité de démence précoce qui
aura le succès que l'on sait, qui regroupe l'hébéphrénie
d'Hecker (et non Ecker), la catatonie de Kahlbaum et le délire
paranoïde.
Au début du XXème siècle (...) délire
chronique interprétatif (Serieux et Capgras), bouffée délirante
aiguë (Magnan), psychose hallucinatoire chronique (G. Ballet), folie
maniaco-dépressive (J. Baillarger, J.P. Falret)
Le délire d'interprétation a bien été décrit
par Sérieux et Capgras en 1909 et la célèbre "PHC"
de Gilbert Ballet est née en 1911. Mais la description par Valentin Magnan de la
Bouffée délirante des dégénérés
(rebaptisée plus tard « BDA ») date de 1886 (voir ses
Leçons cliniques sur les maladies mentales, publiées dans
Le Progrès Médical, et rassemblées en un volume
paru chez Delahaye et Lecrosnier en 1887 -2e édition : 1893).
Et ce n'est pas non plus au début du XXème siècle,
mais en 1854 que Jules Baillarger 1809-1890 et Jean-Pierre Falret 1794-1870
ont décrit l'un la Folie à double forme, et l'autre
la Folie circulaire (le trouble bipolaire d'aujourd'hui,
longtemps appelé la psychose maniaco-dépressive,
ou «PMD»).
En 1913, la description de la paralysie générale par
Bayle (1822), est rattachée à la méningo-encéphalite
syphilitique
La phrase semble plus compréhensible sans « la description
de », puisque la cause de la "PG", décrite
par Antoine-Laurent Bayle en 1822 sous le nom d'arachnitis chronique
et dont Alfred Fournier avait soutenu en 1879 la nature syphilitique,
a pu être établie définitivement grâce aux travaux
de Noguchi et Moore en 1913. L' « Entre temps » est-il celui qui sépare
la description de Bayle des travaux de Noguchi et Moore ?
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