« (...) M. Desaghe. - L'observation de M. Dupré est très intéressante. Le vagabondage d'imagination est propre à tous les aveugles; tous affectionnent particulièrement les récits de voyage. L'hyperactivité imaginative du malade de M. Dupré lui est donc commune avec tous les aveugles; mais son impulsivité motrice, en s'exerçant, permet aux éléments de rêve de se réaliser. Là est l'originalité du cas.
M. Decroly (de Bruxelles). - Est-il bien nécessaire, dans l'interprétation de pareils faits, de faire intervenir un élément moteur ? L'élément proprement psychique, l'hypertrophie de l'imagination, ne peut-il pas suffire à expliquer tous les actes du malade ?
M. Dupré. - Il est indispensable de tenir compte de l'élément moteur. Au point de vue psychique, hommes et femmes sont, au moins, également prédisposés au vagabondage; car l'activité mythomaniaque, pour des raisons psycho-sociales, semble plus considérable chez la femme. Or, d'une manière générale, la femme ne vagabonde pas. Son état moteur, en effet, ne se fait pas le complice de son état psychique. La femme est une véritable débile du train postérieur. Cette impotence fonctionnelle des membres inférieurs particulière à la femme est si nette qu’elle mérite d'être individualisée sous le nom de mérasthénie, de μηρ?ς, cuisse, jambe, et ?σθ?νεια, faiblesse, impuissance. L'existence de cette mérasthénie féminine et ses conséquences prouvent que l’élément moteur ne saurait être négligé dans l'étude du vagabondage.
M. Crocq (de Bruxelles). - Je ne puis m'associer à cette condamnation du train postérieur de la femme. Je ne prendrai pas mes exemples bien loin. Nous voyons en Belgique nos paysannes et nos pêcheuses faire des kilomètres à pied sous de lourds fardeaux, pour porter les denrées à la ville, sans manifester la moindre infériorité fonctionnelle.
M. Antheaume.- Avec le docteur Vurpas, j'ai été récemment amené à m'occuper de gymnastes des deux sexes. Les constatations que nous avons faites viennent à l'appui de l'opinion de M. Dupré sur la mérasthénie féminine. Tandis que le gymnaste homme garde sa valeur et sa vigueur jusqu'à la fin de la soixantaine, la gymnaste femme voit ses membres inférieurs lui refuser très promptement le même service.
M. Dupré. - Avec de l'entraînement, les femmes deviennent évidemment capables de travaux pénibles. Mais ce qu'une longue observation me permet d'affirmer, c'est que par toute sa vie la femme s'affirme comme une débile du train postérieur, et manifeste en de multiples circonstances, cette impotence fonctionnelle, à laquelle me paraît pleinement convenir le terme de mérasthénie. »
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