Constance PASCAL
Pitesti (Valachie) 24 août 1877 / Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis) 21 décembre 1937
Originaire
de Roumanie, Constantza Pascal vient à vingt ans à Paris
poursuivre ses études commencées à Bucarest, francise son prénom et obtient sa naturalisation.
Externe des Hôpitaux de Paris, elle est en 1903 candidate au concours de l'internat des asiles de la
Seine, qui avait jusque-là été strictement réservé
aux hommes. Mademoiselle Pascal est reçue, comme sa condisciple Madeleine Pelletier.
Elle est interne de la Division des femmes de l'asile de Vaucluse, dont le médecin-chef est le docteur Jean-Marie Dupain [1857-1949] puis à la Maison de Santé de Neuilly-sur-Marne (Pensionnat de l'asile de Ville-Evrard) dont le médecin en chef, Paul
Sérieux [1864-1947] dirige sa thèse de doctorat
sur Les formes atypiques de la paralysie générale (Prix
de thèse, médaille de bronze, 1905).
A la fin de la période d'internat de Constance à Ville-Evrard, Sérieux quitte l'établissement pour ouvrir la 3ème section de l'asile de Maison-Blanche, et il est remplacé par le docteur Joseph Rogues de Fursac [1872-1941].
En 1908, Constance Pascal est la première femme à être
reçue au concours de l'adjuvat, qui ouvre à la carrière de médecin des asiles d'aliénés. Elle prend
ses fonctions de médecin-adjoint en janvier 1909 à l'asile de Clermont (Oise), dans le service du docteur Eugène Thibaud [1861-1929], où elle a la charge de la Colonie de Fitz-James.
A partir de décembre 1916, elle est détachée sur un poste de médecin assistant
à la Maison Nationale de Charenton dans le service du docteur Roger Mignot [1874-1947] qui reçoit alors un très grand nombre de militaires souffrant de troubles nerveux et mentaux.
Puis
elle obtient -enfin- en 1920 un poste de médecin en chef, et à ce titre, est affectée
à l'asile de Prémontré (Aisne) et deux ans plus tard dans le service des femmes de l'asile de Châlons (Marne), où elle fondera et dirigera le premier institut médico-pédagogique public départemental.
En 1925, le docteur Pascal est -là encore- la première femme à
être reçue au prestigieux concours du médicat des asiles
de la Seine : de Moisselles, asile du département recevant des femmes et des enfants, elle passe à l'asile de Maison-Blanche, établissement réservé aux femmes, où elle exerce de
1927 à 1937.
Lors de la visite quotidienne, elle est accompagnée de son fox
à poil ras, très apprécié dit-on des malades agitées
et délirantes. Elle y pratique ses originales séances de psychanalyse
pharmacodynamique [l'une des premières approches de la narco-analyse ou subnarcose amphétaminée, avec notamment la narcose prolongée de Klaesi, 1922], utilisant la cocaïne,
le peyotl, l'éther, le protoxyde d'azote, le champagne et le haschich comme agent d'exploration.
Elle y donne aussi des cours aux infirmières, très appréciés
nous confiait il y a quelques années l'une de ses anciennes auditrices, Madame Aimée Lebeau, entrée à
Maison-Blanche en 1934, et décédée en 2021, à l'âge de 108 ans.
Pascal s'est beaucoup préoccupée des questions d'assistance,
en particulier de celle des enfants dits alors anormaux , à Fitz-James, à Moisselles, et surtout, comme nous l'avons dit,
à Châlons-sur-Marne où elle a créé l'un des premiers instituts médico-pédagogiques français
(dénommé Ecole d'anormaux), qu'elle dirige de 1923 à 1927.
Parmi bien d'autres exemples de son activité
originale et novatrice, citons l'ouverture à Charenton en 1917 d'une
pouponnière pour les enfants des infirmières, et à Maison-Blanche
en août 1932 du premier service de transfusion sanguine (don du
sang).
Initialement intéressée par les relations entre l'aliénation
mentale et la neurologie, et toujours inspirée par Paul Sérieux,
Constance Pascal consacre de nombreux travaux à la démence
précoce, objet de deux communications au
Congrès des médecins aliéniéstes et neurologistes tenu à Lille en 1906 : Formes dépressives prodromiques
de la démence précoce et Ictus dans la démence précoce.
Elle écrit encore un ouvrage sur les Traitements des maladies
mentales par les chocs (avec son interne Jean Davesne, 1926, couronné par l'Académie
de médecine) et plusieurs articles sur l'application thérapeutique
chez les déments précoces de ses recherches pharmacodynamiques.
Ses études sur les psychoses de sensibilisation aboutissent à l'ouvrage
longtemps médité : Chagrins d'amour et psychoses (1935,
rééd. 2000, L'Harmattan, avant-propos de J. Chazaud) sur les atteintes
qu'infligent au cœur féminin les luttes de la vie sur le terrain morbide.
Contre Freud, elle conclut à la nécessité du refoulement (J. Vié).
Constance Pascal fut incontestablement l'une des plus dynamiques et des plus
modernes des aliénistes de son temps.
Sa vie et son oeuvre ont fait l'objet d'un regain d'intérêt ces dernières
années, avec, tout d'abord, la thèse de doctorat en médecine de Jean-Michel
Barbier, La vie et l'uvre de Constance Pascal (1877-1937). Amiens,
1997 (Dir. G. Serra), puis un article cosigné Jean-Michel Barbier, Gérard
Serra et Gwenolé Loas paru dans Le Journal de Nervure (n°6
et 7, Septembre et Octobre 2000), la rééditon en 2000 chez L'Harmattan de Chagrins d'amour
et psychoses avec un avant-propos de Jacques Chazaud, qui a publié ensuite : « Constance Pascal,
première femme aliéniste en France », dans Histoire des Sciences
médicales, T. XXXV, n°1, 2001; pp.85-90 (portr.).
On lira aussi avec profit l'article que sa fille Jeanne Rees lui a consacré
dans l'Information Psychiatrique, février 2001, pp. 173-184 (présenté
par J. Chazaud). Madame Rees, agrégée de lettres et dont la fille Margaret est docteur en médecine, universitaire et chercheur, est décédée en 2006 près de Londres, à l'âge de 90 ans.
Dernières publications en date : Felicia
Gordon (Anglia Ruskin University, Cambridge), « French psychiatry
and the new woman: the case of Dr Constance Pascal, 18771937 »,
History of Psychiatry, Vol. 17, No. 2, 159-182 (2006) |
Constance Pascal repose au cimetière de Neuilly-sur-Marne. Sa pierre tombale, très
simple, porte l'inscription: Doctoresse Pascal 1877-1937
Une partie des archives professionnelles de Constance Pascal a été confiée par sa petite-fille à l'Association Histoire & Mémoire de Maison-Blanche et déposée au service des archives de l'E.P.S. de Ville-Evrard à Neuilly-sur-Marne.
Travaux
(avec Vigouroux) « Un cas d'aphasie totale chez un paralytique général par prédominance des lésions diffuses au niveau de la zone du langage ». Communication à la Société Anatomique, 27 janvier 1905. Comptes rendus, p.85
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Michel Caire, 2007-2023 |