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Berthe VOGEL
infirmière à l'hôpital psychiatrique de Maison-Blanche
Paris 15 octobre 1902 / Auschwitz 2 septembre 1943


C'est en juin 1935 que Mademoiselle Vogel entre à l'asile de Maison-Blanche (Neuilly-sur-Marne) en qualité d'infirmière auxiliaire. Elle avait auparavant exercé cinq ans comme infirmière spécialisée dans les sanatorias d'Hauteville (Ain) et de Magnanville (Seine-et-Oise), puis quelques mois à l'hôpital Henri-Rousselle à Paris.

A son arrivée à Maison-Blanche, elle est "mise à la disposition" du pharmacien chef M. Soueges, et effectue quelques heures par jour à la radiologie.

Ce service de radiographie et radioscopie est annexé au pavillon sanatorial ouvert en avril 1934. Ce pavillon reçoit les aliénées tuberculeuses du département de la Seine, les hommes souffrant de ces deux pathologies -maladie mentale et tuberculose - étant hospitalisés dans un pavillon spécial de l'asile de Chezal-Benoît, dans le Cher.

Le pavillon des tuberculeuses, appelé le "5/7" [le 7e pavillon de la 5e section] peut recevoir environ 70 malades. Le service prend vite de l'importance, et Berthe y est affectée à temps plein. On y apprécie son zèle « dans l'accomplissement de fonctions particulièrement délicates », dont elle s’acquitte presque seule : le docteur Alexis Misset, radiographe -on dit aujourd'hui radiologue- de l'hôpital Henri-Rousselle, n'a à Maison-Blanche que trois vacations de 2 heures par semaine.

Pour le docteur Jacques Vié, à partir de 1938 médecin-chef de la cinquième section de l'asile dont dépend le sanatorium, Mlle Vogel est une « excellente manipulatrice de radiologie. Intelligente, sérieuse et dévouée ». Mais c'est en vain qu'en mai 1939, l'hôpital demande sa titularisation.

Puis viennent la Guerre, la défaite et les premières lois discriminatoires. En application de la Loi du 3 octobre 1940 portant statut des Juifs, promulguée sous l'autorité du gouvernement dit de l'État français, Berthe est licenciée le 1er décembre. Elle quitte Maison-Blanche avec un certificat du directeur indiquant qu'elle "a toujours donné entière satisfaction"…

Par une lettre du 20 février 1941 le directeur de Maison-Blanche répond au Préfet « qu'il n'a été fait application de la loi du 3 octobre 1940 à aucun agent titulaire de l'établissement ». Certes, Berthe Vogel était auxiliaire et non titulaire, mais il n'est pas impossible que le directeur ait eu la louable intention de ne pas attirer l'attention des autorités sur l'intéressée.

Dès son départ de Maison-Blanche, Berthe a trouvé un emploi d'infirmière à la Clinique Geoffroy-Saint-Hilaire à Paris (Vème arrondissement), et passe les nuits sur son lieu de travail.

Mais, suite à une dénonciation anonyme, elle est arrêtée le 30 août 1943. Le motif ? « travaillait avec le public et ne rentrait pas coucher chez elle ». Conduite aussitôt au Camp de Drancy, elle est dès le 2 septembre déportée vers Auschwitz (Convoi 59. Berthe porte le n°910). Puis sa trace se perd.

A la Libération, les lois discriminatoires de Vichy sont abrogées. En septembre 1944, le directeur de Maison-Blanche écrit à son adresse au 126 boulevard de Strasbourg à Nogent pour l'inviter « si elle le désire, à reprendre son service dès que cela lui sera possible ». La lettre du directeur revient avec la mention : Déportée par les Allemands. Sans adresse connue.

En 1945, la famille n'a plus guère d'espoir. En quête de témoins et à la demande de sa famille, une photographie sera présentée, sans résultat, aux pensionnaires du Centre de convalescence pour déportées de retour des Camps, installé au pavillon 4/2 de Maison-Blanche.

Le jugement déclaratif du Tribunal Civil de la Seine du 10 octobre 1947 prononcera son décès à la date de sa disparition : Berhe Vogel est présumée décédée en captivité le 2 septembre 1943, « victime innocente de ces barbares sans nom » [Lettre de sa sœur Yvonne, 13 décembre 1945]. Des 1.000 personnes du convoi 59 parti de Drancy ce jour-là, seules 13 étaient encore en vie en 1945.

Berthe Vogel figure sur le Mur des noms du Mémorial de la Shoah, à Paris.

Ils ont fondu dans une absence épaisse (…)
Où sont des morts les phrases familières
L'art personnel, les âmes singulières ?

Paul Valéry, Cimetière marin

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