Esquirol en 1805
titres, travaux, services rendus


Résumé

L'auteur présente une lettre inédite de J.E.D. Esquirol, adressée au ministre de l'Intérieur en août 1805, où le jeune aliéniste demande à être exempté des examens avant de soutenir sa thèse de médecine conformément à la loi de Ventôse, et retrace les différentes étapes de son cursus depuis 1791. La demande est apostillée par Pinel, Lallement et Ant. Dubois.

Esquirol in 1805: titles, publications, performed duties
Presentation of an unpublished letter from J.E.D. Esquirol to the minister of interior (Home Office) in 1805, in which the young alienist requests to be exempted from examinations before defending his medical thesis according to the "law of ventose". The various stages of his cursus since 1791 are recalled. The request is annotated by Pinel, Lallement and Antoine Dubois.


(Voir aussi :
Jean-Etienne Dominique ESQUIROL Toulouse 3 février 1772 / Paris 12 décembre 1840)


 

En août 1805, Etienne Esquirol (1772-1840) entreprend de se conformer à la loi du 19 ventôse an XI (11 mars 1803) relative à l'exercice de la médecine: ancien élève de l'Ecole de médecine de Paris de l'an VII à l'an IX, il n'a pas obtenu l'attestation de fin d'études qui lui permettrait par la seule soutenance de thèse d'obtenir le diplôme désormais indispensable. Il dépose donc, deux ans après la promulgation de la loi, une demande d'exemption des examens auprès du ministre de l'Intérieur, qui a la tutelle de la médecine. Cette lettre du jeune aliéniste, inédite, retrace à grands traits son cursus de 1791 à 1805 (A.N., F8 154, dr. Esquirol. La lettre, non datée, a été reçue à la 3ème division du ministère de l'Intérieur le 9 fructidor an XIII, soit le 27 août 1805; contrairement à d'autres dossiers ayant le même objet, aucune pièce justificative n'est jointe à sa demande)..

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3ème Division
reçu le 9 fructidor
n°456




"Je ne puis que rendre un témoignage honorable en faveur du pétitionnaire, pour son application à l'étude, ses connaissances solides en médecine et l'expérience éclairée qu'il a déjà acquise dans le traitement de l'aliénation mentale

Pinel
méd. consultant de S.M. l'Empereur et Roi, et Professeur à l'école de méd.



"Je me fais un devoir de me joindre à mon collègue Mr Pinel pour donner un témoignage du zèle et de la capacité du pétitionnaire Lallement, chirurgien en chef de la Salpêtrière

"J'ai eu souvent occasion de me trouver pour affaires de ma profession avec Monsieur Esquirol j'ai toujours profité de ses lumières. Son Excellence le Ministre de l'Intérieur fera justice s'il accorde au pétitionnaire l'objet de sa demande

Ant. Dubois

"Monseigneur le Ministre de l'Intérieur,

"Monseigneur J'ai l'honneur d'exposer à votre Excellence les titres et les motifs qui me font espérer d'obtenir le grade de Docteur en Médecine, après avoir soutenu une thèse devant Mrs les Professeurs de l'Ecole de Paris, et d'être dispensé des examens préliminaires à cet acte public.

"Dès 1791, je me suis livré à l'étude de la Médecine, dans les cours particuliers et publics du lycée de Toulouse, qui avait remplacé l'Université de cette ville.

"En l'année 1794, je fus successivement attaché au service des hôpitaux civils et militaires.

"En 1798, je vins à Paris complèter mon instruction médicale et après un concours je fus reçu élève de 1° classe à l'Ecole pratique de Médecine.

"Après trois ans d'assistance à l'Ecole de Médecine et à l'Ecole pratique, je m'adonnai particulièrement à la Médecine pratique, et j'ai constamment depuis suivi les leçons et la pratique du Pr Pinel aux infirmeries de la Salpêtrière et aux loges de cet hospice.

"En 1801, je fis un établissement destiné exclusivement au traitement des aliénés, que la fortune et les préjugés éloignent des hospices. Dès sa naissance cet établissement a compté un grand nombre de personnes guéries parmi lesquelles je pourrais nommer des hommes très recommandables par leurs services publics. Deux mémoires sur la Manie insérés dans les journaux de Médecine, un troisième lu à la Société de l'Ecole ont été le fruit de mes premiers loisirs.

"Les motifs pour me dispenser des examens préliminaires à la thèse appartiennent à ma position actuelle, position qui est à bien des égards comparable à celle des praticiens attachés aux hôpitaux puisqu'elle enchaîne tous les instants de mon existence aux soins assidus, qu'exigent impérieusement les malades confiés à mes soins.

"Monseigneur, s'il est vrai que la direction donnée depuis 5 ans à mes pensées, à mes recherches, à mes travaux, par l'étude de l'Aliénation Mentale, m'a éloigné des détails élémentaires et scolastiques demandés dans les examens préliminaires, s'il est vrai que le temps nécessaire pour se disposer à plusieurs examens et pour les subir, est absorbé par les soins infinis que sollicitent, sans cesse, les malheureux aliénés à qui je me dois tout entier, s'il est vrai que mon établissement est d'une utilité reconnue; s'il est vrai que mes droits pour exercer la Médecine reposent sur une suite continue de 14 ans d'études et de pratique médicales, j'ose espérer, Monseigneur, qu'il vous plaira d'acquiescer à ma demande.

"Je suis avec le plus profond respect, Monseigneur, Votre très humble et très obéissant serviteur Esquirol Ancien Elève de l'Ecole de Médecine de Paris. Maison de traitement des Aliénés, vis-à-vis la Salpêtrière N°8.

Plusieurs renseignements biographiques ont été puisés dans la thèse de Monique Dumas, Etienne Esquirol. Sa famille, ses origines, ses années de formation. Thèse médecine, Toulouse, 1971; 121 p. Une bibliographie exhaustive a été publiée par Dora B. Weiner en appendice de "Mind and Body in the Clinic: Philippe Pinel, Alexander Crichton, Dominique Esquirol, and the Birth of Psychiatry". The Languages of Psyche, University of California Press, 1985-1986; 331-402

Premières années d'études

Le jeune Esquirol s'est-il livré dès 1791 à l'étude de la médecine? En septembre de cette année-là, Esquirol est désigné comme clerc tonsuré dans le contrat de mariage de son frère Jean-Pierre. Il est donc alors encore au Grand Séminaire de Saint-Sulpice à Issy, près de Paris, où il se prépare à la prêtrise, après ses études chez les Doctrinaires du collège de l'Esquile à Toulouse. Le retour dans sa ville natale a du avoir lieu à la fin de l'année. Bien qu'aucun document ne l'ait prouvé jusqu'ici, il est vraisemblable qu'il y a bien été attaché au service d'un hôpital civil, puisque son père était en position de favoriser son entrée à l'hôpital de Bienfaisance, ci-devant de la Grave: Capitoul de Toulouse à la veille de la Révolution et officier municipal en 1790 puis en 1795, le père d'Etienne en est de 1782 à 1792 l'un des directeurs semainiers, et l'un des vingt-quatre administrateurs en 1795-1796.

Il suit alors les cours de la faculté de médecine jusqu'à sa fermeture imposée par le décret de la Convention du 15 septembre 1793, puis ceux de l'Ecole Supérieure provisoire de la rue des Fleurs, créée par Alexis Larrey et ouverte dans l'hôtel de l'ancienne Académie des Sciences. L'enseignement, libre et gratuit, y commençe le 15 pluviose an II (3 février 1794); la présence d'Esquirol est attestée par Jean Dominique Larrey (dont l'oncle Alexis y enseignait l'anatomie) dans une lettre conservée aux Archives du Val-de-Grâce, et dont un extrait est cité par M. Dumas: "Je remplissais alors les fonctions de chirurgien aide-major et professeur d'anatomie (à l'Hôpital Général de Toulouse). M. Larrey oncle, assisté de deux autres professeurs enseignait dans cette école où régnait une grande émulation, l'anatomie suivie de dissection et de toutes sortes d'expériences physiologiques, la pathologie externe et la médecine opératoire. M. Esquirol était l'un des élèves les plus distingués de cette école".

A l'armée des Pyrénées

Le 7 mars 1793, la guerre est déclarée à l'Espagne et Toulouse en devient la base d'opérations. La levée en masse proclamée en août. Esquirol part aux frontières comme officier de santé dans l'armée des Pyrénées Orientales. Plusieurs de ses biographes, dont E. Pariset, ont fait état de deux années de service, notamment à Narbonne à l'hôpital Lepelletier ("Eloge de J.E.D. Esquirol", Mémoires de l'Académie de médecine, 1845, 11; XXXIII-LXX). La paix est conclue avec l'Espagne le 20 juillet 1795. Esquirol, libéré de la réquisition, se serait alors rendu à Montpellier. Il a pu y suivre quelques cours, mais ne le dit pas dans sa lettre de 1805, et n'y a pas été, comme on l'a écrit, élève du gouvernement entre l'an III et l'an V: Son nom est absent des Etats émargés des élèves de l'école de santé de la ville (A.N., F17 2293 et 2294), ainsi que des registres d'inscriptions de la Faculté (M. Dumas). Qu'a-t-il fait entre son retour du Roussillon et son départ à Paris? On sait seulement qu'il est en l'an V revenu à Toulouse, où il habite avec son frère Jean-Pierre et se déclare officier de santé: Il figure à ce titre sur les procès-verbaux des assemblées primaires, dans les listes des électeurs et éligibles (Archives municipales de Toulouse, 1K16, cité par M. Dumas p.53): "Sont logés dans la maison 523, Esquirol Jean-Pierre, négociant, et Esquirol Etienne, officier de santé". Ce frère fut nommé l'un des sept administrateurs du bureau de charité de l'arrondissement de Saint-Etienne en fructidor an III (août-septembre 1795), et plus tard membre du bureau des subsistances (M. Bouron, Indigence et politique sociale à Toulouse des années 1780 à 1800, Mémoire de maîtrise, Toulouse Le Mirail, 1989-1990).

Esquirol à Paris

En 1798, il arrive à Paris sans grandes ressources. Hébergé chez Madame Molé à Vaugirard, il entre aussitôt à l'Ecole de médecine, qui a remplacé l'Ecole de Santé en messidor de l'an V.

Initialement, l'aspirant médecin, "élève de la Patrie" "choisi sur son civisme et sur ses premières connaissances acquises dans une ou plusieurs sciences préliminaires de l'art de guérir", était nommé par son district et envoyé aux frais du gouvernement dans son école de rattachement, Paris, Montpellier ou Strasbourg (loi du 14 frimaire an III). Après suppression des districts (loi du 21 fructidor an IV), puis du salariat des élèves (loi du 19 germinal an V), "les étudiants sont libres dans le choix de celles (des écoles) dont ils veulent suivre l'instruction", qui reste néanmoins gratuite (Lettre du ministre de l'Intérieur, 25 brumaire an VI, A.N., F17 2287). Dès lors, le nombre des élèves à Paris n'est plus limité à trois cents, et il atteint rapidement le millier.

Un an après son arrivée, à l'automne 1799, Esquirol se présente au concours de l'Ecole pratique, composée de trois sections. Instituée dans le sein de l'Ecole de médecine pour améliorer la formation des élèves, l'Ecole pratique a pris modèle sur "l'institution d'exercice" de l'ancien Collège de chirurgie de Paris. Elle offre, indépendamment de l'instruction donnée par les professeurs, "pour toutes les parties de l'enseignement qui en sont susceptibles, des exercices particuliers à une instruction pratique". Soixante quinze (puis cent vingt) élèves y accèdent par la voie d'un concours, et sont distribués en trois classes dans chacune desquelles ils passent une année.

A l'issue des épreuves verbales et écrites, il est déclaré admis, et son bon rang le place d'emblée dans la première section, où il reste jusqu'à la fin de l'année 1801 (Extrait des Registres de délibérations de l'Ecole de médecine de Paris, séance du 29 vendémiaire an VIII, et lettre de Thouret, directeur de l'Ecole, au Ministre de l'Intérieur, 22 frimaire an VIII, A.N., F17 2165. Les épreuves se déroulent du 12 au 28 vendémiaire an VIII. Tandis qu'Esquirol concoure, son frère aîné François-Antoine connaît une fin tragique: jugé le 18 comme l'un des chefs de l'insurrection royaliste de Haute Garonne en l'an VII, il est exécuté le 22 vendémiaire. Voir aussi: Rapport sur l'organisation de l'Ecole pratique pour l'an 9 (A.N., AJ 16 6698, n°156). Esquirol figure parmi les élèves de la 1ère section "qui n'ont point fait leur tems et ont demandé d'y rester")

Inscrit en l'an VIII à la clinique interne dirigée par Corvisart à l'Hôpital de la Charité, en l'an IX à la clinique externe chez Pelletan à l'Hôtel-Dieu, il fréquente surtout l'école officieuse de la Salpêtrière, où Philippe Pinel, en plus de ses cours de pathologie interne de l'Ecole (suivis par Esquirol en l'an VII et VIII) dispensait un enseignement complémentaire privé fort prisé des étudiants: Bailly, élève de l'Ecole de médecine de Paris en l'an X, trouvait lui aussi l'enseignement officiel insuffisant, et s'empresse "d'aller porter (ses) trois louis à M. Pinel pour l'avantage de suivre sa visite des vieilles femmes à la Salpêtrière. C'est un homme unique que ce M. Pinel, ne disant pas deux mots sans hocqueter et ne guérissant pas mieux ses malades qu'un autre; il a cependant rendu de très grands services à la médecine en formant beaucoup de bons médecins... Les mouvements de sa figure grippée m'en ont plus appris que ses paroles". (R. Simon-Bailly, Souvenirs d'un élève des Ecoles de Santé de Strasbourg et de Paris pendant la Révolution. Strasbourg médical, 1924, cité par M. Dumas). Selon Leuret (cité par M. Wiriot, L'enseignement clinique dans les hôpitaux de Paris entre 1794 et 1848. Thèse médecine, Paris, 1970), "chez Corvisart, on apprenait vite; chez Pinel, on savait bien"

Esquirol, comme lui originaire du Languedoc, élève des Doctrinaires de l'Esquile, séminariste destiné au sacerdoce avant d'étudier la médecine à Toulouse, Montpellier et Paris, s'attache vite au Maître de la Salpêtrière dont il devient l'élève favori et en obtient la caution morale et financière, selon Bouchet pour ouvrir son établissement privé face à l'hospice: "Esquirol n'avait que six cents francs. Il loua (...) sous la garantie de son maître, une maison et un jardin sur le boulevard, vis-à-vis de la Salpêtrière, Pinel et Chaussier lui donnèrent ses deux premiers malades, et il resta quatre ans sans presque dépasser le seuil de sa porte" ("Quelques mots sur M. Esquirol, lus dans la séance générale de la société académique du 6 février 1841, p.2-3, cité par M. Gauchet et G. Swain, La Pratique de l'esprit humain, Paris, Gallimard, 1980; p. 49, note 13).

La maison de santé de la rue Buffon

La maison de Jean-Etienne-Dominique Esquirol, rue Buffon et "vis à vis la Salpêtrière n°8", ouvre début 1802: la première entrée date du 6 février, selon le registre de la maison découvert et étudié par Dora B. Weiner. Ce registre apporte de précieux renseignements sur la population des malades soignés, ces aliénés que la fortune et les préjugés éloignent des hospices. Le nombre d'admissions, de huit en 1802, passe à trente et un en 1806, dont nombre de ces hommes très recommandables par leurs services publics. Le registre, annoté par le commissaire de la section du Finistère, permet aux autorités de contrôler la pension. Cette maison réservée au traitement des aliénés, dont l'ouverture fut annoncée dans la Décade Philosophique (an 10, T.2, n°18, 30 ventôse) et dont Pinel fait l'éloge dès 1803 dans la deuxième édition de sa Nosologie philosophique (an XI), est la première en France à être dirigée par un médecin, et connaîtra une grande notoriété.

Publications

En l'an XI (1803), Esquirol publie dans le Journal Général de Médecine, ou Recueil périodique de la Société de médecine de Paris, ses Observations sur l'application du traitement moral à la manie: Les deux premières concernent deux jeunes hommes admis cette année-là dans sa maison de traitement, l'un pour un troisième accès de manie, l'autre une rechute de mélancolie hypocondriaque, et guéris par le médecin par le traitement moral. Trois des autres malades sont vus à la Salpêtrière.

L'année suivante (an XII-1804) paraissent dans le même journal deux Observations pour servir à l'histoire du traitement de la manie, qui ont cette fois pour objet le traitement physique de la manie, où la guérison est obtenue "en dirigeant le traitement vers l'organe primitivement affecté, d'où sembloit naître l'altération des facultés intellectuelles".

Le Mémoire sur l'aliénation lu à la Société de l'Ecole de Médecine en messidor an 12 est cité par Esquirol dans sa thèse (p.71, note) avec un extrait de l'observation d'une femme de 34 ans, incurable et furieuse, brutalement rendue à la raison cinq ans après à l'annonce d'un projet de remariage de son époux, preuve que de violentes commotions morales peuvent "rejeter les aliénés sur la voie de la santé".

Curieusement, sa participation à la rédaction des observations rassemblées dans l'ouvrage de Pinel La Médecine clinique (1802), n'est pas signalée dans sa lettre. Pinel l'a pourtant explicitement précisé dans l'introduction: le citoyen Esquirol a été chargé "de rédiger d'une manière uniforme et d'après (ses) principes, tous les cas particuliers de clinique (qu'il) publie, et de les rapporter à (son) cadre nosographique" (Dumas, p.86).

Apostilles

Trois professeurs à l'Ecole de médecine de Paris, Pinel, Lallement et Dubois, apportent leur témoignage des mérites du demandeur:

Auteur d'une apostille sobre et éloquente, Philippe Pinel (1745-1826), professeur à l'Ecole depuis 1794, médecin en chef de la Salpêtrière depuis 1795 est alors au faîte de sa notoriété. Elu deux ans auparavant à l'Académie des sciences (section de zoologie) en remplacement de Cuvier, et fait l'année précédente chevalier de la Légion d'Honneur, il est en 1805 nommé médecin consultant de l'Empereur. Pinel est alors plus célèbre comme auteur que comme acteur d'une libération des aliénés de leurs chaînes dont son fils Scipion formera l'histoire bien des années plus tard. Une petite notice biographique peu connue et datant précisément de la période étudiée en fait foi (Biographie moderne ou dictionnaire biographique de tous les hommes morts et vivans qui ont marqué à la fin du 18e siècle et au commencement de celui-ci. Breslau, G.T. Korn, 1806. Seconde éd.):

"Pinel (Philippe), médecin à Paris, est connu par les ouvrages suivans: Institutions de médecine-pratique, traduits de l'anglais de Cullen, 1785; Traité physico-philosoph. sur l'aliénation mentale ou la manie, 1789; la Médecine clinique rendue plus exacte par l'application de l'analyse, etc. Il a donné une nouvelle édition des Oeuvres latines de Baglivius, sur la pratique de la médecine et l'anatomie, qu'il a enrichie de notes".

Notons que la Médecine clinique s'est substituée sous la plume du biographe à la plus vaste et plus connue Nosographie philosophique (1798) qui connaîtra cinq rééditions. Surtout, le célèbre Traité médico-philosophique est intitulé physico-philosoph. et daté de 1789 au lieu de 1800, bien qu'il ait si peu perdu de son actualité en 1806 que son auteur en prépare alors une seconde édition. Remarquons enfin que ce fameux ouvrage est mis sur le même plan que les traductions déjà anciennes de William Cullen (1785) et Baglivi (1788).

André-Marie Lallement (1767-1834) né à Guérande (Loire-Atlantique), sera l'un des examinateurs de la thèse d'Esquirol. Formé de 1784 à 1792 à l'école de Desault, il mène à Paris une longue carrière universitaire et hospitalière: professeur de clinique médicale réservée aux cas rares en 1795, adjoint de Sabatier à la chaire de médecine opératoire de 1795 à 1822 puis professeur honoraire en 1823, il remplace Boyer en 1795 comme chirurgien-adjoint à la clinique de perfectionnement, avant de devenir chirurgien en chef de la Salpêtrière. Entré à l'Académie de médecine, section de chirurgie en 1820, il meurt à Paris le 10 décembre 1834. ("Etat général des Professeurs" de l'Ecole de médecine de Paris "dressé conformément à la lettre du Directeur général de l'Instruction publique en date du six vendémiaire an 6" (A.N., F17 2289). "Esprit original et taciturne, il ne supportait pas de prendre un repas avec quelqu'un; aussi déjeunait-il dans un tiroir. Quand un visiteur ou un de ses collaborateurs entrait, il repoussait le tiroir et prenait un livre. Bon chirurgien par ailleurs" (J.-F. Lemaire, Napoléon et la médecine. Paris, F. Bourin, 1992; note 6 p. 190).

Antoine Dubois (1756-1837), professeur d'anatomie à la Faculté, fondateur en 1801 de la célèbre Maison de Santé du faubourg Saint-Martin, accoucheur en chef à la Maternité et accoucheur de l'Impératrice, est né à Gramat (Lot) le 17 juillet 1756. Reçu maître en chirurgie en 1787 à Paris, puis docteur en médecine à Reims la même année, suppléant de Baudelocque en 1786, il devient en 1791 professeur adjoint au Collège de chirurgie puis titulaire de la chaire d'anatomie en août 1792. En 1793, il occupe le poste de chirurgien major à l'hôpital militaire de Melun en 1793, et en tant que membre du Conseil de santé des armées se voit chargé d'inspecter les hôpitaux du Sud-Ouest. Nommé professeur d'anatomie à Paris lors de la création des écoles de santé, il sera fait baron de l'Empire le 23 avril 1812.

 

Si Esquirol demande une dispense des examens, c'est qu'il ne lui avait pas été délivré de certificat de capacité à la fin de ses études, comme d'ailleurs à nombre de ses condisciples: la loi ne prescrivait aucune mesure pour s'assurer de l'assiduité ou même de la présence des élèves réclamant des attestations (A.N., F17 2165).

Il l'obtiendra non de par sa position rue Buffon "à bien des égards comparables à celle des praticiens attachés aux hôpitaux", qualité que la loi de Ventôse ne prévoit pas, mais bien par ses services rendus en 1794-1795 dans l'armée des Pyrénées, conformément à l'article XI: en bénéficient "les médecins ou chirurgiens qui ont été employés en chefs ou comme officiers de santé de première classe pendant deux ans dans les armées de terre ou de mer", "récompense de services rendus à nos braves armées" (Exposé des motifs du projet de loi sur l'exercice de la médecine, par Fourcroy, Conseiller d'état; Corps Législatif, 7 ventose an XI ).

Le 13 fructidor, Barbier-Neuville, chef du 3e bureau, présente au ministre un rapport favorable. La thèse d'E. Esquirol, Des Passions considérées comme Causes, Symptômes et Moyens curatifs de l'Aliénation mentale, qui fera date, est soutenue le 7 nivôse an XIV (28 décembre 1805) et dédiée à Ph. Pinel, en Hommage à (sa) reconnaissance.





Michel Caire, « Esquirol en 1805: titres, travaux, services rendus» Histoire des sciences médicales, 1997, XXXI, 1; 45-51 (communication devant la Société française d'Histoire de la médecine (Paris), séance du 27 avril 1996)