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Jean-Etienne Dominique ESQUIROL
Toulouse 3 février 1772 / Paris 12 décembre 1840

Promis, comme nombre de ses contemporains, à une carrière ecclésiastique, Esquirol entreprend des études médicales à Toulouse, qu'il poursuit à Paris où il fréquente le service de Philippe Pinel dont il devient l'élève préféré.
En 1805, il soutient sa célèbre thèse, Des Passions. Considérées comme Causes, Symptômes et Moyens curatifs de l'Aliénation mentale.

Trois ans plus tôt, en 1802, il avait fondé une maison de santé rue Buffon, face à la Salpêtrière, qui devient vite très réputée. Il s'agit du premier établissement psychiatrique privé français dirigé par un médecin. Une importante collection de crânes, de plâtres et de dessins d'aliénés y fut réunie par Esquirol [lire ci-dessous].

Cette maison -où Esquirol s'éteindra en 1840- est transférée en 1827 à Ivry par Mitivié, son élève et successeur.

Nommé en 1811 médecin surveillant de la division des folles de la Salpêtrière à Paris en remplacement de Jean-Baptiste Pussin, Esquirol en devient médecin ordinaire en 1812.
Il quitte la Salpêtrière pour la Maison de Charenton en décembre 1825, où il succède à Royer-Collard au poste de médecin en chef qu'il occupera jusqu'à sa mort.
Il élabore le programme architectural -réalisé par Gilbert- du nouvel hôpital, qui remplace le vieil établissement des Frères de la Charité. Cette reconstruction commence en 1838.

En 1863 est inaugurée à Charenton une statue d'Esquirol, représenté assis: «de sa main droite il tient le style antique et écrit sur des tablettes; à ses pieds est couché un jeune malade qu'il abrite sous son large manteau et qu'il va guérir» (Legrand du Saulle)

Morel de Rubempré le disait «observateur profond, praticien distingué, mais d'un abord sévère, qui est loin de plaire toujours à ses cliens.»

Le rôle d'Esquirol dans la diffusion de la doctrine aliéniste et dans la formation des aliénistes de "seconde génération", nés dans les dernières années du siècle précédent et au début du XIXème siècle fut essentiel.

Parmi ses élèves, plusieurs ont marqué le "siècle d'or" de la psychiatrie française : Théophile Archambault, Jules Baillarger, Jacques-Etienne Belhomme (fils de Jacques), Jacques Bouchet, Alexandre Brierre de Boismont, Louis Calmeil, Jean-Pierre Falret, Achille Foville, Etienne Georget, François Leuret, Jean-Etienne Frumance Mitivié, Jacques Moreau de Tours, Scipion Pinel (fils de Philippe), Ulysse Trélat, Félix Voisin.

Dans deux de ses principales publications : Des établissements d'aliénés en France... (1818) et Des maladies mentales considérées sous les rapports médical, hygiénique et médico-légal (volume 1 et volume 2, 1838, agrémenté de 27 planches signées Ambroise Tardieu) sont présentés les principes essentiels de la doctrine esquirolienne qui trouveront leur application dans la loi du 30 juin 1838.


Sa tombe du Père-Lachaise porte l'inscription suivante:

Jean Dominique Etienne Esquirol né à Toulouse
Médecin en Chef de la Maison Royale de Charenton.
Président du Conseil de Salubrité. Membre de l'Académie Royale de Médecine, de la Légion d'Honneur, & & &
Décédé à Paris le 12 décembre 1840 dans sa 69e année
et Anne Joséphine Constance Carré née à Paris, sa veuve décédée le 9 avril 1841 dans sa 54e année


Les crânes des folles

Dans les années 1810, Esquirol entreprend de former une collection de crânes humains, qui semble avoir eu initialement pour but de valider ou d'infirmer le système de Gall et Spurzheim, de vérifier si leur forme présente ou non des caractères anatomiques propres aux diverses espèces de folie. Ces crânes sont pour la plupart ceux d'aliénées, démentes, imbéciles mortes à la Salpêtrière, et quelques-uns ont été recueilli à Bicêtre et à Charenton. On y remarque ceux de Théroigne de Méricourt, et d'une petite fille de Tippoo-Saïb [Tipû Sâhib, ancien sultan de Mysore, en Inde].

Cette immense collection, alors considérée comme l'« une des plus complète qui existent » est complétée par un ensemble de masques en plâtre et de dessins d'aliénés. Elle fut vraisemblablement installée dans sa maison de santé de la rue Buffon, et sert à Esquirol de support pour ses cours cliniques donnés à la Salpêtrière de 1817 à 1826.

Elle est ensuite déménagée dans la maison de santé d'Ivry fondée en 1827 par Esquirol et son neveu Mitivié, où elle occupe un pavillon isolé.

A une date indéterminée, probablement dans les années 1860, Jules Baillarger, successeur de Mitivié avec Joseph Moreau de Tours à la direction de la maison d'Ivry, fait don d'un ensemble de cinq cents crânes d'aliénés de la collection Esquirol au laboratoire d'anthropologie de l'Ecole des Hautes Etudes à Paris. S'y ajouteront en 1894 environ cent cinquante bustes ou masques en plâtre, de criminels, aliénés, idiots, offerts par le docteur Jules Luys - directeur de la maison de 1884 à 1895 - en son nom et au nom des familles Baillarger et Moreau de Tours.

Rappelons que le musée de la Société d'anthropologie de Paris a fusionné en 1876 avec les collections du Laboratoire d'anthropologie pour constituer le Musée Broca. En 1950, la collection du musée Broca a été déposée au laboratoire d’Anthropologie du Muséum d'Histoire Naturelle : les crânes d'Esquirol y sont sans doute conservés aujourd'hui encore.

Michel Caire, 2008-2020
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