Jacques (-Joseph) Moreau de Tours
Montrésor (Indre-et-Loire) 2 juin 1804 /Paris 26 juin 1884
Médecin aliéniste.
Né à Montrésor le 13 prairial an XII, Jacques Moreau débute ses études médicales à Tours, fréquente le service de Bretonneau à l'hospice général de la ville où il obtient un poste d'externe en chirurgie. Il poursuit ses études à Paris en 1826, année où il entre
comme interne dans le service d'Esquirol
à la Maison
de Charenton.
Nommé en 1840 au concours de médecin des hospices de Paris, il prend un poste de médecin chef à
Bicêtre, et passe à la Salpêtrière en 1861,
où il poursuivra ses activités jusqu'à sa mort en 1884.
Parallèlement, il est médecin adjoint de la Maison de Santé
Esquirol, à Ivry, puis son directeur avec Baillarger
à la disparition de Mitivié,
le successeur d'Esquirol.
Pour Moreau de Tours, qui s'oppose en cela radicalement à François
Leuret, son collègue de Bicêtre, la folie est une « affection
nerveuse pure et simple ».
A l'occasion d'un voyage au Proche-Orient où il aurait accompagné un malade
à la demande de son maître Esquirol, Moreau découvre le
chanvre indien (cannabis indica).
Il a alors l'intuition qu'un tel produit peut constituer un « moyen puissant,
unique, d'exploration en matière de pathogénie mentale »,
et ouvre la voie à l'étude de l'action des médicaments,
en tant que traitement et instrument de connaissance des maladies : haschich,
mais aussi datura stramonium, belladone, chloroforme, éther.
Pour l'expérimentateur, il s'agit de remonter au fait primordial du délire, dont la nature
est absolument identique à celle du rêve, grâce à
des produits induisant un onirisme. Moreau pose ainsi les bases des relations
entre le cerveau et la pensée, question développée dans
son célèbre ouvrage, Du hachisch et de l'aliénation mentale (Paris, Fortin, Masson, 1845) et que l'on retrouve dans l'organodynamisme
de Henri Ey.
Dans cette perspective, Moreau de Tours est en 1844 l'un des initiateurs -avec
Théophile Gautier- et le principal animateur avec le peintre Fernand
Boissard du Club des Haschichins, qui se réunit en l'hôtel
Pimodan (Hôtel de Lauzun, en l'Ile Saint-Louis) pour expérimenter
les effets du dawamesk. Charles Baudelaire, Honoré Daumier, Eugène
Delacroix, Nerval, Flaubert, Alexandre Dumas et Honoré de Balzac participeront
de temps à autres à ces fantasias.
Le professeur Henri
Baruk considérait à bon droit Moreau de Tours comme le fondateur
de la psychopharmacologie, et donna son nom à une société
scientifique consacrée à la recherche en psychiatrie biologique.
Le fils aîné de Jacques, Paul (1844-1908), dit Moreau de Tours
fils, médecin aliéniste, dirigera, comme son père,
la maison de santé d'Ivry-sur-Seine.
Paul Moreau de Tours est l'auteur de deux ouvrages : De
la folie jalouse (Paris, P. Asselin, 1877) et La folie chez les enfants (Paris, J.-B. Baillière et fils, 1888), considéré comme le premier traité de psychiatrie infantile.
Le second fils, Georges Moreau (1848-1901), peintre d'histoire, est né
à Ivry. Auteur du portrait ci-contre, il a également laissé,
entre bien d'autres uvres, un Portrait du docteur Bretonneau (Pierre
Bretonneau 1778-1863 épousa en 1856 Sophie Moreau 1837-1918, sa secrétaire,
nièce de Jacques qui devint ainsi l'oncle par alliance de son ancien
maître) et un intéressant : Les fascinés de la Charité
(service du Docteur Luys), conservé au Musée des Beaux-Arts de
la Ville de Reims.
Principaux travaux L'Influence
du physique relativement au désordre des facultés intellectuelles
et en particulier dans cette variété du délire désignée
par M. Esquirol sous le nom de Monomanie. Thèse de doctorat en Médecine,
Paris, 1830 n° 127 (Paris, Didot Jeune impr., 1830; 25 p.) |
Voir
notamment :
Antoine Ritti - Eloge
de J. Moreau (De Tours).... le 25 avril 1887. Paris, O. Doin, 1887
Jean-Pierre Luauté (sous la direction de), Les Moreau de Tours. Glyphe éd., 2018
Michel Caire, 2009-2024 |