Historique succinct
La Société Médico-Psychologique a été officiellement fondée à Paris en juin 1852. Elle a été initalement désignée sous le nom de Société des Annales médico-psychologiques, qui reflète les liens étroits avec la revue fondée en 1843.
Les Annales médico-psychologiques est le premier journal français de psychiatrie, aujourd'hui le plus ancien au monde à être encore publié, qui publie depuis l'origine le compte-rendu de chacune des séances de la Société et la liste de ses membres.
Dès le premier numéro de la revue, Jules Baillarger, l'un de ses trois fondateurs, fait le vœu de constituter en France une société sur le modèle de celle qui venait de se former à Londres, ayant pour but de contribuer « à l'amélioration du sort des malades et à l'avancement de la science » dite alors aliéniste ou phrénopathique.
Et dans le numéro de juin 1843, il peut annoncer la première adhésion, celle d'Armand Jobert, médecin-directeur de la maison de santé de Dole, dans le Jura, ajoutant : « Plusieurs de nos confrères nous ayant donné les mêmes témoignages d'adhésion, nous ne négligerons rien pour réaliser le vœu commun. Les services qu'une Société médico-psychologique serait en mesure de rendre à la médecine mentale et à la philosophie, sont trop aisés à reconnaître pour qu'il soit nécessaire d'y insister longuement. »
L'application rigoureuse de la loi Le Chapelier de 1791 qui imposait une autorisation royale pour constituer une association fit obstacle au projet.
A partir de 1846, divers échanges entre des médecins d'asiles et le rédacteur des Annales, qui les publie, montrent que l'idée continue de faire son chemin, d'autant qu'en Allemagne et aux Etats-Unis aussi, « la pathologie mentale est représentée depuis longtemps par des associations particulières », et que la nation de Pinel ne peut prendre plus de retard.
Et dans le numéro de janvier 1848, Baillarger, récemment élu à l'Académie royale de médecine « est assez heureux, pour pouvoir annoncer » la constitution d'une Société Médico-Psychologique le 18 décembre 1847 qui rassemble non seulement des médecins « dont la vie est consacrée à l'étude et au traitement de la folie », mais aussi des physiologistes, administrateurs, érudits, jurisconsultes, moralistes, philosophes, « dont les travaux se rattachent plus ou moins directement à la connaissance ou à la direction de l'homme moral et intellectuel. »
Le ministre de l'instruction publique n'aura pas le temps d'approuver le règlement de la société. Quelques semaines plus tard, la révolution de février rétablit la République mais fait échouer ce deuxième essai, ou du moins en retarder la réalisation : nul ne contestera que « les sciences ont essentiellement besoin de repos et de stabilité ; l'agitation et des bouleversements sont leurs plus cruels ennemis », comme le relevait le préambule du nouveau règlement de 1852.
En 1852 peut en effet avoir lieue la fondation officielle de la Société des Annales médico-psychologiques, vite appelée Société médico-psychologique, autorisée par le ministre dès juillet tandis que la première séance de travail s'est tenue le 28 juin. Depuis cette date, les séances se sont tenues sans interruption, à la seule exception de cette courte période de novembre 1870 à février 1871, où elles doivent être suspendues « en raison de la gravité des circonstances », c'est-à-dire le siège de notre capitale par l'armée prussienne.
La liste de 1852 comprend trente-cinq noms, parmi lesquels ceux de la presque totalité des médecins des établissements publics et privés de Paris et sa banlieue :
- Jules Baillarger [1809-1890] bien sûr et ses collègues de la Salpêtrière Jean-Pierre Falret [1794-1870], Frumance Mitivié [1796-1871] et Ulysse Trélat père [1795-1879], les trois médecins des quartiers d'aliénés de Bicêtre, Louis Delasiauve [1804-1893], Jacques Joseph Moreau de Tours [1804-1884]et Félix Voisin [1794-1872], Louis-Florentin Calmeil [1798-1895], médecin de la Maison de Charenton,
- nombre de médecins de maisons de santé privées : Claude Michéa [1815-1882], Alexandre Brierre de Boismont [1797-1881], Casimir Pinel [1800-1866], Jacques-Etienne Belhomme [1800-1880], Xénophon Rota [1809-1889], né en Grèce, Egisthe Lisle [1816-1881], Emile Blanche [1820-1893], Timoléon Reboul de Cavaléry [1819-1861],
- ainsi que d'autres grands noms de la science aliéniste, Guillaume Ferrus [1784-1861], président de la Société, Maximilien Parchappe de Vinay [1800-1866], Laurent Cerise [1807-1869], né à Aoste, Théophile Archambault [1806-1863].
Relevons aussi les noms des membres non médecins, Amédée Dechambre [1812-1886] secrétaire général de la Société, Buchez [1796-1865], né en Belgique actuelle, le premier président d'une assemblée française élue au suffrage universel en 1848 et son disciple Auguste Ott [1814-1903], écrivain et penseur distingué, Alfred Maury [1817-1892], historien, archéologue, futur professeur au Collège de France et Directeur des Archives nationales et l'un des fondateurs de l'Ecole des Hautes Etudes, Louis Peisse [1803-1880], journaliste médical, enfin Henry de Castelnau [1813-1884], autre journaliste médical dont l'engagement politique lui valut de sérieux démèlés avec la justice.
D'autres membres sont docteurs en médecine, mais n'exerceront pas en tant qu'aliéniste ou médecin d'asile : Pierre-Nicolas Gerdy [1797-1856] son vice-président, chirurgien, anatomiste, physiologiste, psychologue, philosophe, François Lallemand [1790-1853], auteur en 1843 sous le pseudonyme de Germanos d'un formidable roman d'anticipation, Le hachych, Charles Londe [1795-1862], Stanislas Sandras [1802-1856], Edouard Carrière [1808-1883], Robert Hippolyte Brochin [1808-1888],Marcellin Emile Hubert-Valleroux [1812-1884], Claude-Etienne Bourdin [1815-1886], Charles Loiseau [1824-1897].
Douze de ces premiers sociétaires, soit un bon tiers, sont ou seront également membres de l'Académie de médecine : Ferrus, Gerdy, Dechambre, Cerise, Baillarger, Blanche, Falret, Lallemand, Londe, Parchappe, Peisse, Voisin.

Des membres de tous âges - Charles Loiseau n'a alors que 27 ans -, de toutes opinions politiques [l'un d'entre eux était même un repris de justice], de toutes classes sociales, d'une grande variété au plan professionnel [on notera qu'en 1843, il n'était question que d'aliénistes], mais non au plan géographique : notre société est exclusivement parisienne à sa naissance -et tient ses séances à la faculté de médecine de Paris.
Mais elle s'ouvre dès l'année suivante à la province, avec l'élection comme membres correspondants de Henri Girard de Caillaux, directeur médecin en chef de l'asile d'Auxerre, et de Boileau de Castelnau, ancien médecin en chef des prisons de Nîmes, et s'ouvre aussi aux autres nations : les deux premiers membres associés étrangers élus sont Johannes Nicolaas Ramaer, médecin-directeur de l'asile d'aliénés de Zutphen en Hollande et Pere Felip Monlau, titulaire d'une chaire de philosophie à Madrid et médecin de l'Hôpital de la Santa Creu à Barcelone.
C'est en 1881 que la Société médico-psychologique élit son premier membre féminin, Nadine Skwortzoff, originaire de Saint-Pétersbourg, avant donc le premier concours de l'externat des hôpitaux ouvert aux femmes, en 1882, et celui de l'internat, qui date de 1885.
Au fil des décennies, elle accueillera des représentants de toutes les nations ou presque, et aura maintes occasions de participer à des échanges avec ses homologues anglaise, italienne, belge, néerlandaise, suisse, autrichienne, allemande, ottomane, norvégienne, polonaise, finlandaise, brésilienne, mexicaine, américaine, etc. etc. Il n'est que de consulter les listes des membres associés étrangers pour juger du prestige dont la Société Médico-Psychologique a toujours joui dans le monde.
La médico a aussi parfois dû assumer son devoir de prendre position, en votant des motions ou en émettant des vœux transmis aux autorités concernées, en particulier sur des questions éthiques et légales -projets de réforme de la loi sur les aliénés, loi sur les aliénés dangereux en 1868, la folie comme cause de divorce, la défense des soldats devant la justice militaire en 1918, etc. comme le rappelait en 2012 le professeur Bernard Lafont dans son allocution de fin de mandat de président. Auxquelles on pourrait ajouter, parmi bien d'autres, la famine dans les hôpitaux psychiatriques sous l'Occupation, ou encore en 1961 l'application de la loi de 1838 aux enfants, même en bas âge.
Les célébrations qui ont ponctué son existence, pour son cinquantenaire, son centenaire, son cent-cinquantenaire ont été l'occasion de rendre hommage à nos prédecesseurs et à leurs travaux, en considération de ce que « les vrais hommes de progrès sont ceux qui ont pour point de départ un respect profond du passé. Tout ce que nous faisons, tout ce que nous sommes, est l'aboutissement d'un travail séculaire. » [Ernest Renan], ainsi que le rappelait René Charpentier en 1952.
Ce fut aussi parfois l'occasion de communications mémorables, comme lors de cette fameuse séance de la médico du 26 mai 1952, où Jean Delay, Pierre Deniker et Jean-Marie Harl rendirent compte de leurs premières réflexions sur l'« Utilisation en thérapeutique psychiatrique d'une phénothiazine d'action centrale élective (4560 RP) », qui est l'observation princeps des propriétés neurolytiques de la chlorpromazine, ensuite appelées neuroleptiques. Une date majeure dans l'histoire de la psychiatrie.
La Société Médico-Psychologique a été dès sa naissance et est restée un organisme pluriel et pluridisciplinaire. Elle n’est pas le lieu d’expression d’une École, d’une cause ; toutes les tendances, toutes les conceptions y ont droit de cité, dès lors qu’il s’agit des désordres psychiques et des moyens de les guérir ou d’en atténuer les méfaits. Et rien de ce qui fut neuropathologique ou neuropsychiatrique, de ce qui est psychiatrique ne lui est étranger.
La diversité, l'éclectisme des opinions - en diverses époques où les passions politiques, mais aussi scientifiques, étaient vives - est à l’origine de discussions à la suite des communications, qui furent parfois intenses, sans aller toutefois jusqu’à l’affrontement comme l’avait déjà indiqué Paul Garnier qui eut à arbitrer des débats animés pendant sa présidence en 1897 : « Ici, le désaccord ne saurait jamais être discourtois. ». Les joutes du XIXe siècle, ces disputacios savantes qui prenaient volontiers plusieurs séances, sur l'hallucination, la monomanie, la démence, n'interdisaient pas de faire preuve d'une bienveillante fraternité entre membres.
Les temps ont, hélas, beaucoup changé, l'esprit de concorde et de confraternité a été remplacé ces derniers temps par la discourtoisie et l'irrespect envers les personnes et leur travail. Les sociétés savantes, comme toute les sociétés humaines, traversent parfois des périodes de dégénérescence. Gageons que la médico survivra à celle qu'elle vit actuellement. Ce 20 décembre 2023.
Dans cette attente, on peut relire, méditer, s'inspirer même du discours que Louis Delasiauve [1804-1893], président de notre Société, prononça en 1863, dont voici un extrait :
« À l'union croissante des membres de la Société ! À la solidarité de leurs efforts ! L'union, messieurs, fait la force; elle fait aussi la joie. Vous l'avez senti, et je n'en voudrais d'autre preuve que votre empressement aux séances, vos affinités ostensibles, vos déférences mutuelles et l'animation même de cette fête. Cela tient sans doute à la nature élevée de vos travaux, mais aussi à la supériorité morale qui a déterminé votre vocation. Etudes et aspirations se commandent et se fortifient. Puisse un tel lien s'étendre et s'affermir ! Le besoin toujours plus impérieux de se revoir procurera à chacun de nous une augmentation de satisfaction sans mélange et sans limites. Au dehors, votre expansion édifiante conquerra à l'institution prisme, respect et adhésions. L'émulation, enfin, fécondera les lumières et les œuvres dont les bienfaits profiteront à l'humanité tout entière. Donc, messieurs, à la consolidation de notre douce et précieuse intimité ! »

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