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[Archives Perray-Vaucluse] Lucien [Jean] BONNAFÉ
Figeac (Lot), 15 octobre 1912 / La-Ville-du-Bois (Essonne) 14 mars 2003

Psychiatre désaliéniste, qui a marqué plusieurs générations de professionnels de la psychiatrie, et dont l'œuvre importante mérite d'être connue.

Lucien Bonnafé est le fils de Toussaint Louis, docteur en médecine, et de Lucie Jeanne Augustine Dubuisson, elle-même fille du docteur Maxime Dubuisson, médecin des asiles d’aliénés.

Interne à Toulouse en 1937-1938 dans le service du Dr Piquemal-Lévêque, puis interne suppléant, de juillet 1938 au 14 novembre 1938 à Moisselles, Bonnafé est reçu 14e au concours 1938 de l’internat en médecine des Hôpitaux Psychiatriques de la Seine, pour 13 places, d’où sa nomination, non de titulaire, mais d’interne à titre provisoire.
Après donc avoir été interne provisoire chez Chanès à Ville-Evrard du 25 novembre 1938 à novembre 1939, Lucien est nommé interne titulaire, fonctions qu'il exerce dans ce même service jusqu’au 14 novembre 1941, puis à l'Hôpital Henri-Rousselle (Paris) du 15 novembre 1941 à décembre 1942.

Nommé au concours du médicat des Hôpitaux Psychiatriques du 22 juin 1942, Bonnafé est affecté initialement à Prémontré avant d'obtenir un poste à l’Hôpital Psychiatrique de Saint-Alban (Lozère), en zone non occupée [sur les conditions de ce choix de Saint-Alban plutôt que Prémontré où son collègue et camarade de promotion Hubert Mignot sera nommé, voir Désaliéner ? : folie(s) et société(s), p.210].

A Saint-Alban, il succède à Paul Balvet comme Médecin Directeur, poste qu'il occupera du 14 janvier 1943 au 31 août 1945.

Du 1er septembre 1945 au 31 janvier 1947, il est détaché à titre de contractuel au Ministère de la Santé en tant que conseiller technique pour la psychiatrie générale, Louis Le Guillant étant conseiller en charge de la psychiatrie infanto-juvénile.

Par arrêté du 17 février 1947, Bonnafé est réintégré dans le cadre comme médecin-chef de l'Hôpital Psychiatrique de Sotteville-lès-Rouen (Hôpital psychiatrique départemental de la Seine-Maritime), fonctions exercées du 1er février 1947 au 15 décembre 1957.

Ayant été admis au concours du médicat des Hôpitaux Psychiatriques de la Seine du 9 avril 1956, avec Henri Cénac-Thaly 1909-1987 -le fils de Raoul, poète martiniquais- et Victor Bertrand 1915-1998, Bonnafé est nommé médecin-chef de service à l’Hôpital Psychiatrique de Vaucluse (Épinay-sur-Orge) par arrêté du Préfet de la Seine du 12 novembre 1957.
Du 16 décembre 1957 au 31 décembre 1970, il y est responsable de la "section B", qui est l'un des deux services de malades hommes de l'hôpital.

En partenariat avec Hubert Mignot lui-même médecin chef de l'hôpital de Maison-Blanche, il développe le dispositif extra-hospitalier dans le centre de Paris et sera dans le contexte de la "première sectorisation" parisienne nommé à partir du 3 janvier 1966 « médecin spécialiste, attaché de consultations de psychiatrie à l’Hôpital de Jour pour malades mentaux adultes sis 16, rue du Pont-aux-Choux Paris (3ème), direction de l’hygiène sociale ».

En 1970, Lucien Bonnafé participe à Vaucluse à la mise en place du service de santé mentale du IVème arrondissement de Paris, l'un des 38 secteurs de psychiatrie générale, et quitte Vaucluse l'année suivante pour fonder le secteur de psychiatrie dit des Mozards à Corbeil-Essonnes.

Ce qui se traduit en terme administratif par le fait qu'il est nommé par Arrêté du Ministère de la Santé publique en date du 26 août 1970, « médecin-chef du quartier psychiatrique du Centre hospitalier de Corbeil (Essonne), poste créé. L’intéressé nommé à ce poste, rattaché provisoirement au Centre psychothérapique d’Etampes, sera chargé notamment des consultations externes au Centre Hospitalier de Corbeil et du secteur correspondant ».

Il dirigera ce secteur de psychiatrie jusqu'à sa retraite en 1977.

Dr L. BONNAFE – Exposé des titres et travaux – 9.IV.1956
[par lui-même]

« Lorsqu’un homme se trouve amené, dans des circonstances telles que celle-ci, à se définir par ce que fut le parcours de son activité, lorsqu’il est tenu de mettre au clair les tenants et les aboutissants du personnage qu’il représente, les raisons pour lesquelles il dit, écrivit ou fit ceci et non pas cela, il faut bien qu’il remonte à ses propres sources.

Quant à moi, dans un tel regard panoramique, je reconnais comme l’homme à qui je dois le plus mon grand père, le Dr Maxime Dubuisson, ancien interne des Hôpitaux Psychiatriques de la Seine, mort en 1928 Médecin-Directeur honoraire des Asiles Publics d’Aliénés. Aujourd’hui je reconnais la valeur d’un véritable enseignement à l’influence qu’eut sur moi, jusqu’à l’âge de 16 ans, ce vieillard qu’une fougue juvénile n’abandonna jamais.

Un esprit critique acéré, une bonhomie toujours alliée aux indignations les plus ferventes, une générosité quichottesque jamais en défaut, et, toujours en avant dans la défense des catégories les plus malheureuses parmi les homme, la place de choix toujours donnée à ceux qu’il ne nommait jamais autrement que "mes chers malades". Je fus ainsi élevé dans le respect de l’ "humanité de l’aliéné".

J’ai compris un jour quelle valeur cet enseignement impliquait sur le plan de la clinique et de la pratique professionnelle. Un de mes maitres, le regretté Dr Roger Mignot, évoquait pour moi les leçons qu’il avait reçues de l’un de ses anciens au point de vue de la responsabilité du médecin quant à ses attitudes et ses propos devant son malade. Il me citait la boutade "Ce sont trop souvent les aliénistes qui empêchent les malades de guérir, ils ne peuvent pas les laisser sortir sans les avoir cuisinés. Ils les empêchent d’oublier leur délire". Il me confirma que l’auteur en était bien mon grand-père.

Ainsi la leçon que j’avais reçue jadis sur un registre sentimental me revenait précisée, technicisée, sur le plan de l’apprentissage professionnel. Ne pas laisser le symptôme masquer l’homme, considérer au commencement et à la fin de toute démarche professionnelle l’aspect humain de la maladie, donner une primauté absolue à la notion d’homme malade n’étaient pas seulement une orientation morale, mais surtout le moyen essentiel pour faire une bonne médecine.

Déjà passionné pour la chose psychiatrique avant d’entreprendre mes études médicales, je suivis de bonne heure l’enseignement du Dr Maurice Dide à l’H.P. de Braqueville et à la faculté des lettres de Toulouse, rentrai à l’H.P. de la Haute Garonne comme interne en 1937, dans le service de Mme le Dr Piquemal-Levêque, puis grâce au Dr Menuau qui m’accueillit à l’H.P. de Moisselles, poursuivis mon apprentissage dans les H.P. de la Seine sous la direction des Docteurs Roger Mignot, Chanès, Dublineau, Xavier Abely et Genil Perrin.

Entre temps, la guerre survenait, m’obligeant à condenser dans une thèse abrégée "Psychoses chez les diabétiques" les matériaux accumulés depuis que Mme Piquemal-Levêque m’avait intéressé à ce sujet. Les conclusions de ce travail, inspirées par l’enseignement physiologique du Professeur Soula, mettaient en valeur les bénéfices que la pratique thérapeutique pouvait tirer d’une pensée globalisante.

L’étude de la bibliographie et des cas personnellement observés mettait en évidence des déductions apparemment contradictoires. D’une part la non spécificité du trouble mental par rapport au syndrome diabétique, la nécessité de considérer les faits cliniques par rapport à un faisceau étiologique et non par rapport au diabète seul, d’autre part l’efficacité thérapeutique souvent saisissante du traitement du diabète contrastant avec cette non-spécificité.

Ainsi se vérifiait avec netteté, dans le cas particulier, ce que la pratique montrait couramment, à condition de l’appréhender dans une position de vigilance maxima contre le schématisme : que le trouble mental répond à des conditions d’apparition forcément complexes mais que l’organisme et la personnalité sont doués d’une capacité positive de réponse souvent suffisante alors que le traitement ne trouverait qu’un point d’impact très localisé.

C’était là un cas particulier d’une leçon que cultivèrent notamment par la suite l’enseignement du Dr Dublineau, celui du Dr de Ajuriaguerra, celui du Dr Ey et qui pourrait se qualifier d’un mot : l’antischématisme. De nombreuses recherches méthodologiques, poursuivies depuis 13 ans et qui figurent au titre III du répertoire déposé, tentèrent d’accumuler les arguments cliniques et thérapeutiques, aussi bien que les données logiques susceptibles de contredire ce schématisme.

Dans les travaux cliniques, rassemblés pour la plupart au titre I du répertoire, cette orientation méthodologique n’est jamais absente. Ainsi, dans un long travail de 1941 sur le masochisme, resté intérieur à la conférence du Dr Ey, j’écrivais : "Il en est d’une connaissance meilleure du problème qui nous occupe comme de tout problème de connaissance scientifique, elle exige de qui s’y engage une méfiance sans cesse accrue envers les écueils du réalisme naïf qui pose l’existence réelle des facteurs rencontrés comme données statistiques… en définitive c’est l’exigence d’une vue structurale du problème, d’une dialectisation méthodique, d’une étude des rapports d’interaction réciproque entre les causes et les effets."

Plus près de la clinique quotidienne, je concluais un travail sur le suicide présenté en 1955 au Congrès de Nice par une critique des notions classiques sur les ‘queues de mélancolie’ vues d’habitude dans une perspective étroitement conventionnelle (le mélancolique qui va mieux se tue parce qu’allant mieux il devient capable de réaliser son suicide) alors qu’en creusant les observations j’avais vu avec une constance remarquable, dans les cas de tentatives de suicide tardives un état d’amélioration apparente, des motivations puisées dans des situations dramatiques réelles plutôt qu’une sorte d’évolution interne du syndrome mélancolique vu "en soi".

J’ai voulu dégager ce sens général des travaux plus spécialement "cliniques" avant de poursuivre l’exposé d’une activité très polymorphe parce que, de ce polymorphisme même, pourrait résulter une obscurité sur ce qui en demeure l’axe : la défense de la primauté de l’acte médical, clinique et thérapeutique, le plaidoyer et l’action pour le passage à une pratique psychiatrique plus médicalisée, l’aspect toujours privilégié du facteur humain, aussi bien sur le plan technique que sur le plan moral, dans la connaissance du malade et dans la conduite de son traitement.

Nous retrouverons plus tard quelques aspects de ces recherches mais il convient maintenant de reprendre l’exposé chronologique, interrompu à la mobilisation de 1939.

Les faits de guerre eurent pour moi une influence décisive. Les souffrances et la mort de nos malades, l’amélioration relative de la santé mentale de la population, quelques expériences psychiatriques dramatiques que je rapportai à Bale en 1946 au Congrès de la Société Suisse de Psychiatrie, apportèrent des éléments fondamentaux à l’appui d’une orientation déjà exprimée vers la recherche des facteurs humains, plus spécialement des facteurs de situation, dans les problèmes de notre travail.

D’autre part, l’activité clandestine, d’abord à Paris, puis en Lozère, lorsque je fus nommé Médecin-Directeur de l’H.P. de St Alban en XII.42, se poursuivit dans une clandestinité à temps complet, à la zone Sud des F.F.I., et se prolongea par l’intégration dans l’armée qui m’amena, après la fin des hostilités, à un détachement auprès de Mr le Ministre de la Santé Publique.

J’eus l’honneur depuis, en qualité de Conseiller technique, de membre de la Commission d’études des problèmes de la Santé mentale, puis du Conseil Permanent d’Hygiène Sociale, de participer à d’importantes taches de réorganisation du dispositif français de protection de la Santé Mentale. Je veux dire ici que, dans cet aspect de mon activité, je me fixai comme ligne rigoureuse l’intransigeance la plus ferme pour la défense du malade, pour l’amélioration de ses conditions d’existence, et de la qualité des soins qui lui sont dus.

Je ne peux détailler les aspects multiples de cette action, mais je veux ici en souligner un aspect qui m’a toujours tenu particulièrement à cœur, aussi bien dans cette activité officielle que dans les tâches poursuivies parallèlement (Ainsi le travail d’organisation et de rédaction des conclusions des journées psychiatriques nationales dont j’assumai le secrétariat en 1945 et 1947) : je me consacrai à atténuer ce que les divisions internes au sein des milieux psychiatriques pouvaient avoir de nocif pour l’intérêt du service, c’est-à-dire celui des malades. Je ne donnerai de cette activité que le témoignage le plus récent, ma dernière communication à la S.M.P. "Définition de l’H.P." où la critique de l’autonomisme asilaire, de ce que j’ai nommé l’aliénation de la chose psychiatrique, est poussée à ses conséquences logiques.

Lorsqu’en 1947 je repris un poste dans le cadre des H.P. je choisis, délibérément, un établissement sinistré, ruiné, où tout était à faire dans des conditions plus difficiles que sur une table rase. Ces conditions privilégiées me permirent d’acquérir sur bien des plans une expérience dont bien peu de mes collègues purent bénéficier. Recrutement et formation d’un personnel pratiquement neuf, transformations architecturales profondes du vieil asile, organisation d’un réseau de protection de la santé mentale très ouvert sur l’extérieur, avec une intense activité de dispensaire, généralisation du service libre et quasi-disparition de l’internement, au total application aussi poussée que les circonstances le permettaient d’une formule en rupture complète avec la fonction ségrégative de l’asile d’aliénés, d’une formule de mouvement, d’une formule extensive, en somme d’une formule incomparablement plus médicale qu’il n’est encore habituel d’en voir la possibilité.

On trouvera dans un dossier annexe des témoignages de cette activité locale (Rapports annuels de l’H.P., Rapport de la Section d’hygiène mentale de l’O.P.H.S. Document sur la société d’activités sociales de l’H.P.). Mais je veux dire ce qui m’a été plus sensible que tout dans le bilan d’échecs et de succès que comporte cette activité. Plus que l’intérêt porté par de nombreux collègues français et étrangers au fonctionnement du service et à ses réalisations architecturales, c’est la qualité obtenue dans les rapports entre le personnel et les malades qui garantit le mieux pour moi la valeur de l’effort poursuivi.

J’ai acquis la conviction que cet humanisme psychiatrique dont j’ai voulu esquisser les traits avant d’en entreprendre un exposé plus systématique était surtout payant, du point de vue du rendement thérapeutique, parce qu’il est éminemment assimilable par nos collaborateurs les plus humbles, ceux justement dont le rôle, dans la vie quotidienne du malade, est si décisif, puisqu’ils déterminent pendant 24 heures sur 24 les stimulations favorables ou défavorables à la guérison.


Il convient maintenant de commenter, en essayant d’en dégager le sens, les travaux scientifiques rassemblés dans le dossier qi vous est soumis, dossier accompagné d’un répertoire chronologique comportant 73 titres et d’un classement analytique qui les distribue entre diverses rubriques, d’une façon certes un peu arbitraire mais qui permet cependant une présentation plus méthodique.

14 titres sont relatifs à des relations de faits cliniques, naturellement disparates, mais où cependant une orientation se dessine, de plus en plus précise avec les dernières années. Il s’agit d’orienter les recherches sur l’importance des facteurs de situation dans l’étiologie et l’évolution des psychoses. Deux cas de manie ont été étudiés sous cet aspect, on trouvera ailleurs, dans la thèse de Créach et dans des textes qui visent à une portée plus générale d’autres références à cette constatation rapportée d’après la pratique quotidienne, que l’accès maniaque répond bien rarement à la description classique mais que, dans la majorité des cas, dont le deuil maniaque est l’exemple le plus typique, le syndrome maniaque 1°) est largement réactionnel à des situations traumatisantes, 2°) comporte, à l’arrière-plan du tableau d’excitation, un ton affectif dramatique 3°) se caractérise, dans le vécu du malade, extériorisé dans les propos marqués par la fuite des idées, par une prévalence souvent remarquable des échos des évènements pénibles, dans la reviviscence kaléidoscopique du passé. Nous avons avec Tosquelles montré que ces notions peu classiques étaient cependant loin de nous être très personnelles, puisqu’on en trouve la trace dans de nombreux travaux psychopathologiques. Mais elles me semblent trop méconnues et pourtant d’une utilité pratique incontestable, puisqu’elles peuvent inspirer une attitude psychothérapique mieux éclairée dans le contexte du traitement biologique des états d’excitation.

Ailleurs, dans une publication au congrès de Pau en 1953, comme dans la thèse de Sifflet, le problème des délires à deux, ou plus généralement des psychoses partagées, a été vu selon une orientation analogue. Nous avons montré le rôle de circonstances telles que la transplantation dans l’éclosion de troubles mentaux plus ou moins simultanés, en tous cas conjugués, chez des sujets victimes en même temps et lieux des mêmes conditions traumatisantes. Une atténuation du schématisme relatif avec lequel sont souvent considérées les notions d’inducteur/induit, actif/passif, résulte de ces études. Il en découle également des conséquences pratiques importantes quant à la conduite psychothérapique, et surtout pour le règlement des problèmes de la réinsertion sociale de tels sujets, généralement très isolés.

Sur le problème des troubles mentaux de la sénilité, nous avons pu, avec mes collaborateurs, mettre en évidence d’une façon peut être plus nette encore, l’extrême sensibilité de l’évolution démentielle aux circonstances traumatisantes, l’importance capitale des réactions catastrophiques du type Goldstein, lorsque les conditions d’existence du lacunaire, et même de tout déficitaire, en multiplient les occasions, la nocivité des conduites qui entraînent les réactions dites de régression affective, toutes conditions qui, à côté des facteurs organiques primordiaux de détérioration, ne sauraient être négligées. Ici encore, la portée pratique de telles données nous a paru très sensible. On y trouve les bases théoriques d’une révision profonde de la notion d’hospice, où, de même que les possibilités de surveillance biologique du vieillard, serait-ce de la simple azotémie, sont dérisoires, de même les conditions d’existence données à l’assisté réalisent un contre-pied à peu près intégral d’une véritable hygiène mentale.

Des conclusions de même valeur se dégagent aussi pour la formation gériatrique du praticien. Sur un autre plan, celui de l’organisation de services géronto- psychiatriques véritables, des directives précises peuvent être formulées, aussi bien sur l’organisation architecturale du cadre de vie que sur la formation du personnel d’encadrement.

Je rappellerai enfin sommairement ce que j’ai dit déjà du sens des études sur le suicide, partiellement publiées et qui se poursuivent sur un matériel de 1600 dossiers environ, parallèlement à un travail sur le pronostic des psychoses puerpérales.

Partout apparaît avec netteté cette importance du facteur humain vers lequel j’ai progressivement marqué de plus en plus nettement l’orientation préférentielle de mes recherches. Comme la conduite suicidaire ne peut être appréhendée sans fouiller, au delà des éléments cliniques sommaires, les raisons de désespérer qui résident dans la situation réellement vécue par le malade, de même, pour tout problème de clinique courante et plus encore devant tout tableau insolite, devant toute évolution déconcertante, une attitude systématique de référence à l’homme total, à ses problèmes, à ses rapports avec son environnement, avec son travail, à ses perspectives vitales, m’apparaît de plus en plus comme nécessaire pour donner le maximum de lumières sur le cas clinique, comme pour orienter le plus judicieusement les conduites de traitement et de réadaptation.

J’ai été extrêmement impressionné, au temps où la lobotomie était en pleine extension, par une découverte dont je fis part à Béjot [André Béjot, Essai sur la place de la lobotomie dans le drame familial. Thèse Paris, 1951, n°641 ; 101 p.] afin de l’éclairer dans la préparation de sa thèse sur les familles de lobotomisés. Je me suis aperçu que, lorsque le problème d’une indication de lobotomie s’était posé pour moi, il s’agissait à peu près constamment des malades dont les situations familiales étaient les plus traumatisantes. La fixation dans des comportements gravement perturbateurs, la gravité du tableau de chronicité, m’apparaissaient ainsi soudainement comme liés à la maladie certes, mais, d’une certaine façon moins schématique, à la maladie dans un certain contexte.

Et il me parassait plus troublant encore sur le terrain de la lobotomie que devant d’autres problèmes de conduite à tenir, d’observer chez moi même l’idée d’une sanction thérapeutique venir à l’esprit non pas d’après un argument physiologique mais d’après un sentiment d’ordre négatif, celui de l’échec des autres traitements. Plus troublant encore, du fait que je voyais les facteurs de situation vitale réelle influer à un tel point sur l’évolution du comportement.

9 titres sont relatifs à des travaux plus directement thérapeutiques.

J'ai annexé à cette rubrique 3 écrits rédigés spécialement à l'intention de lecteurs infirmiers. On ne s'étonnera pas de l'importance que j'attache à ce plan de travail. La pratique m'a montré à un tel point les différences de rendement de telle ou telle technique selon la manière dont agit le personnel qui participe à leur application directe et joue le rôle majeur dans leur contexte, qu'il m'a paru, dans les temps actuels, que fignoler la formation de ce personnel, s'appliquer à dégager pour lui les significations de ses actes, de ses attitudes, vécues par le malade, était une tâche de première importance.

La technique des cures de Sakel, ou des cures de sommeil, pardonne mal l'approximation dans les règles les plus élémentaires quant à l'administration du traitement, mais aussi elle exige plus encore pour l'encadrement du malade hospitalisé que pour le médecin, l'établissement d'un climat psychothérapique soigneusement contrôlé.

Et je pense qu'il est particulièrement indiqué d'enseigner à nos collaborateurs simultanément une technique rigoureuse et les données les plus psychologiques de ses conditions d'application. Ainsi ai-je voulu créer un enseignement spécial des techniques d'observation correcte : la façon d'observer le mieux, le plus utilement, les phénomènes morbides, de mieux faire connaître et décrire les symptomes, est celle qui influence le plus favorablement le cours de la maladie.

Les autres publications concernant des problèmes thérapeutiques sont centrées sur les questions de psychothérapie collective et institutionnelle.

C'est ainsi que la thérapeutique occupationnelle a fait l'objet de recherches soit personnelles soit communes avec mes collaborateurs de St Alban.

Une importante thèse, celle de Calvet [Jacques Calvet, Sur les origines historiques du travail des malades dans les asiles d'aliénés. Thèse Paris, 1952, n°881; 141 p.], analyse les sources historiques de ce vaste problème, et pose les bases, avec une critique des pratiques traditionnelles du travail des aliénés, du passage à un stade vraiment médical des techniques occupationnelles. Sur ce chapitre, un effort de vigilance particulièrement soutenu me paraît demandé au médecin. C'est pourquoi, après un stade durant lequel la valeur du travail thérapeutique était certainement sous estimée en France, stade où il m'avait paru très opportun d'engager les recherches sur ce terrain, et après qu'un certain engouement pour ce qu'on a appelé l'ergothérapie se fut développé, j'ai cru utile de faire porter le principal effort non plus sur une sorte de propagande en faveur du travail thérapeutique, mais sur la nécessité d'éviter que l'institution d'activités ergothérapiques ne vienne porter préjudice à la densité et à la qualité des activités thérapeutiques de tous ordres.

Dans une conférence à l'Evolution Psychiatrique en 1952, dans une communication au Congrès de Pau en 1953, plus nettement encore dans une étude en imminence de parution à l'Information psychiatrique, j'ai voulu contribuer à développer cette vigilance. Il m'a paru nécessaire de réagir contre une tendance malheureusement favorisée par la pratique du travail dans des services surchargés: que les satisfactions puisées par le médecin dans la création d'ateliers, et plus généralement par l'institution de pratiques sociothérapiques, que le cachet de 'réalisations' facilement offert par de telles entreprises, ne détourne pas le médecin de l'attention primordiale qu'il doit porter au traitement biologique, et ne lui soient pas une occasion de dériver de l'activité psychothérapique individuelle vers des pratiques qui, au lieu de compléter et d'enrichir cette activité, vienne se substituer à elle.

J'ai travaillé dans une perspective analogue sur le problème de l'isolement thérapeutique, partant d'une réaction foncièrement médicale devant le fait que les divers aspects de l'isolement du malade jouaient dans la pratique un rôle bien plus souvent défavorable que favorable sur l'évolution de la maladie.

J'ai voulu tenter de clarifier les données obscures de ce problème le malade mental étant classiquement et justement défini par des situations d'isolement d'aspects très divers à l'égard de son prochain, il était d'autre part proclamé, à la naissance de la psychiatrie scientifique, avec Pinel et Esquirol, que des mesures d' 'isolement' étaient des moyens essentiels de sa guérison.

Ce qu'il advenait dans la pratique des applications de l'isolement à l'asile justifiait largement la réaction vigoureuse de B. Ball qui, dans sa leçon inaugurale, portait l'attaque contre le principe traditionnel, dénonçant l'isolement et plaidant, en opposition, pour le traitement biologique. Il y avait, dans cette réaction partiellement salutaire, un aspect schématique frappant, et le problème était loin d'être résolu. Il fallait, en fait, non siguiser cette contradiction mais la résoudre, individualiser tout d'abord les indications de l'isolement et sa posologie, l'épurer de ce qui, étant 'réclusion et contrainte' selon Pinel ne fait qu'entretenir l'aliénation, extirper les conduites d'isolement punitif des pratiques asilaires, en somme 'médicaliser' l'isolement lui-même, et ainsi, anéantir ses formes dégradées, perverties, anti-thérapeutiques.

A St Alban, en 1942, j'avais désaffecté la dernière cellule de mon service. Dans la réorganisation de l'H.P. De Sotteville, j'avais aménagé un service entièrement sans cellules. Les moyens mis en œuvre pour parvenir à ces résultats résidaient d'une part dans un effort dont j'ai fait état ailleurs pour extirper les significations oppressives du cadre de vie des malades, pour animer des modes de vie collective sociables, pour parvenir à un dosage et à une qualité supérieurs dans les rapports du malade et de son prochain. Ils utilisaient aussi largement les moyens de la thérapeutique biologique.

Et lorsqu'en 1948, j'écrivais dans un plaidoyer pour la suppression des cellules dans les H.P. "J'ai plus de confiance, personnellement, dans les progrès des thérapeutiques des comportements agressifs que dans ceux des techniques de protection" je ne pouvais prévoir de façon précise combien, peu de temps plus tard, les nouvelles thérapeutiques neuroleptiques viendraient me donner de justifications. Mais aujourd'hui cette expérience prend pour moi une valeur décisive, prouvant que la confiance dans les pouvoirs de l'acte médical dont je fais une règle d'action n'est jamais portée trop haut.

Tout récemment j'ai repris encore sur un problème d'une particulière gravité des recherches sur l'application de cette orientation : il s'agit du travail sur 'Sanctions punitives et psychothérapie collective'. Ce vaste sujet m'a conduit, à partir de la question des punitions, à mettre en cause plus largement qu'à propos de l'isolement cellulaire tout ce que les conditions de notre pratique laissaient de place vacante pour une action thérapeutique vraiment individualisée, contrôlée, et surtout intensifiée.

J'ai esquissé quels problèmes, tout en nuances, une action psychothérapique authentique pouvait poser sous l'angle de la répression, comment dans le vécu du malade les actes du partenaire soignant pouvaient être investis de significations punitives, par exemple les valeurs de temps donné ou non donné... mais j'ai surtout voulu définir les conditions pratiques dans lesquelles notre action pourrait être commandée par les seuls principes du traitement. Ceci m'a conduit à des exigences techniques d'un niveau élevé dans la structure et le fonctionnement de l'institution hospitalière et j'aurai l'occasion de revenir ultérieurement sur ces implications.


17 titres sont rassemblés sous la rubrique 'recherches méthodologiques'. Il s'agit de travaux d'importance très diverse et d'une portée très variable, mais qui ont pour caractère commun de chercher à dégager comment les règles de méthode scientifique peuvent nous aider à mieux voir les faits pratiques observés et à diriger notre action, comment aussi les arguments cliniques et les enseignements de l'action peuvent développer en nous une meilleure rigueur méthodique.

Une série de ces travaux, communiqués pour la plupart à la S.M.P. en 1945/46, est fondée sur les discussions d'un groupe de travail que j'avais animé à St Alban en 1943/44 et dans lequel je dois dire quelle fut la participation du Dr Tosquelles.

A travers les divers courant de la pensée contemporaine, phénoménologique, gestaltiste, psychanalytique, behavioriste, nous avons tenté de dégager ce qui était théorie détachée du réel ou mystification, et ce qui pouvait nous aider dans l'application pratique. Nous avons au cours de ces recherches eu conscience d'avancer nous mêmes dans nos conceptions sur la structure de la maladie.

Il nous a paru que les contaminations par les préjugés doctrinaux menaçaient toujours le psychiatre, conscient ou non des doctrines qui l'inspirent en fait, et que ces dangers de déformation de la réalité concrète se manifestaient constamment par des réifications, des chosifications, des croyances en des entités n'ayant d'autre réalité que verbale. Que ces altérations de l'esprit scientifique aboutissaient toujours à une notion restrictive de la structure du fait pathologique. Que le dépistage de toute contamination philosophique étrangère à la réalité objective est toujours nécessaire pour mieux appréhender cette réalité dont la loi générale est l'unité de l'être et du milieu.

Cette notion de l'unité de l'être et du milieu était pour nous en définitive, non une position philosophique comme une autre, mais une règle pour l'action pratique, le sens général de ce que j'ai pu dire jusqu'à maintenant et de ce qui suit une dispense d'épiloguer longuement sur ce thème, puisqu'au fond, il ne s'agit ici que d'un commentaire méthodologique solidaire du travail poursuivi par ailleurs, inspiré par lui et l'inspirant à son tour.

D'autres travaux rassemblés sous cette rubrique font le pont entre ceux-ci et les textes plus immédiatement orientés vers l'application pratique.

Ainsi notre contribution, avec Follin [Sven Follin 1911-1997], aux Journées de Bonneval en 1946 et au volume collectif sur la psychogenèse des névroses et des psychoses publié en 1950 regarde essentiellement vers l'application thérapeutique. Son sens final est de défendre une attitude qui n'oppose pas mais synthétise thérapeutique organique et psychothérapie.

D'autres textes, comme ma contribution au volume collectif "Die Psychohygiene" publié à Berne en 1950 sous la direction de Paul Federn, Heinrich Meng et Maria Pfister, ou les réflexions sur la psychoatrie sociale rédigées à l'occasion du Congrès International de Paris, visent à définir les responsabilités du psychiatre dans la vie sociale, à montrer l'étendue de ses responsabilités mais aussi à rechercher les dangers de l'inflationnisme psychiatrique qui sévissait alors et à limiter scrupuleusement au domaine médical la fonction du psychiatre dans la société.

D'autres enfin envisagent au contact immédiat de l'action pratique les problèmes d'application dans les domaines juridique, administratif, ou architectural qui ont fait l'objet d'études plus précises.


Ainsi 3 de ces études sont consacrées à des questions proprement législatives, expressément à la critique de la loi de 38 et à la recherche d'autres bases.

L'une d'elles, la plus modeste par son volume, présente la particularité d'avoir été diffusée personnellement auprès de ceux qui, au lendemain de la libération, participaient à ce courant de critique brusquement étalé alors que dans l'immédiat avant-guerre le centenaire de la loi de 1838 n'avait été troublé que par des critiques d'avant-garde, demeurées sans peu d'échos parmi les médecins des H.P.

Cette "tentative d'exégèse de la notion d'internement" posait pour la première fois le principe d'un éclatement des contenus hétérogènes rassemblés par le texte vénérable dans un dispositif unique et sans nuances. Elle ajoutait à l'idée déjà avancée de l'inutilité fréquente de l'internement et du service libre facteur de progrès celle de la renonciation à aucun régime législatif particulier régissant le fonctionnement d'aucun service. Elle posait le principe, en hospitalisant tous les malades mentaux dans des établissements ou services n'ayant d'autre statut juridique que celui des hôpitaux en général, de règler tous les problèmes effectivement posés par les cas individuels des malades par des mesures législatives particulières et nuancées applicables non aux services mais aux personnes selon les indications précises résultant du cas pathologique réel.

Nous avons ensuite, avec les plus éminents spécialistes des problèmes juridiques dans notre métier, poussé l'étude des possibilités de transcription législative de ces principes. Certes, la situation qui eût permis l'adoption d'une loi nouvelle n'était pas encore née, mais j'avais écrit moi-même, dans la "tentative d'exégèse" que le droit ne pouvait que suivre le fait et qu'il importait surtout de promouvoir des modifications dans la réalité.

C'est à quoi je m'employai par la suite, en œuvrant à la généralisation des services libres, à l'assouplissement de la pratique sous le régime légal actuel lui-même.


Un autre aspect des problèmes d'organisation sociale en psychiatrie auquel je me suis longuement attaché est l'architecture des établissements et services psychiatriques. 11 titres sont relatifs à ce problème.

Ici encore, comme au point de vue juridique, il s'agissait d'opposer à une conduite primitive de la société, sans nuances et ignorant les problèmes complexes, individuels et nuancés, du malade praticulier une conduite plus évoluée, fondée sur la diversité, l'extrême individualité, des problèmes réels de nos malades. La révision des traditions asilaires en matière d'architecture visait aussi à opposer un point de vue strictement médical à une réalité dépassée, dans laquelle le facteur de ségrégation jouait le rôle déterminant, et où la perspective thérapeutique ne jouait qu'un rôle très mineur.

Se dégageant progressivement de l'héritage du passé, une conception vraiment nouvelle de l'hôpital de spécialité a pu être mise à jour par l'application méthodique du principe fondamental : que la perspective thérapeutique doit gouverner la notion de l'H.P. dans sa situation topographique, dans sa structure, dans le détail de sa construction.

De nombreux textes, collectifs ou personnels, depuis 1945, traitent de l'application de ce principe. Dans le plus récent j'ai tenté un effort de synthèse et de mise au point, pour définir comment aujourd'hui on pourrait fixer les règles selon lesquelles passeraient dans la construction et les aménagements les deux aspects solidaires de l'impératif auquel il faut inéluctablement se plier : l'H.P. doit être conçu fondamentalement pour donner des soins, pour l'application de techniques qui doivent nécessairement être individualisées. A l'opposé de l'asile, conçu pour économiser sur le temps des relations personnelles médecin-malade, il doit être conçu pour que soit respectée la prévalence du colloque singulier dans toute pratique médicale.

Comme toute bonne médecine est une médecine foncièrement humaine, tout dans l'H.P. doit viser au respect de la personne humaine, tout doit contribuer à favoriser chez l'homme malade la culture de rapports humains. A une formule qui tend à rassembler, dans une indifférenciation foncière, des hommes voués à une existence mécanisée, j'ai voulu opposer l'idée de réalisations que je crois fermement non utopiques, et dans lesquelles tout serait déterminé par la prévalence de l'acte médical, conçu en principe comme d'abord individualisé.

Les pratiques collectives de traitement et de réadaptation sociale ne peuvent que compléter cet acte individuel mais à aucun prix lui être substituées.

J'ai dit déjà il y a longtemps, par exemple aux Journées Psychiatriques de 1947, que la querelle entre l'asile et l'hôpital devait petre dépassée. Que de toutes façons c'était la survivance anachronique de l'asile qui était le problème essentiel, que sa conversion en institution authentique de cure et de réadaptation sociale était de loin, en masse, le problème dominant, que le service spécialisé à l'Hôpital général ne devait pas être répudiée, qu'il n'était pas condamnable en soi mais seulement dans la mesure où il serait présenté dans une formule d'ensemble qui impliquerait son déversement sur un asile indifférencié.

J'ai précisé plus nettement encore cette doctrine récemment, en définissant l'Hôpital spécialisé, justifié dans la mesure où la masse de son recrutement le rend nécessaire, comme intégré dans l'organisation hospitalière générale.

Plus encore que cette nécessité d'abandonner l'autonomisme asilaire traditionnel, il m'a paru important de défendre la thèse selon laquelle l'établissement ou service hospitalier ne serait, dans le dispositif général de protection de la santé mentale, qu'un chainon, un élément, intégré dans un dispositif très large et très nuancé de postes d'activité médico-sociale, dans la filiation de ce qu'est aujourd'hui le dispensaire, mais à un stade plus évolué.

Ainsi la tendance à arracher l'établissement de soins à son principe ségrégatif originel me parait pouvoir s'accomplir dans les faits, et la fonction du médecin elle-même me parait pouvoir échapper à la prévalence des redoutables servitudes de gestion d'une collectivité aliénée, pour passer sous la dominance de la science et du métier médical.


Je n'aurai plus maintenant beaucoup à épiloguer sur les 19 travaux rassemblés sous le titre VI, problèmes d'application pratique divers.

Il s'agit de documents variés auxquels leur forme ou leurs circonstances de publication donnent un caractère marginal par rapport à ce qui a déjà été commenté, mais leur sens et leur contenu ne sont pas différents. Publications liées aux tâches de préparation et de commentaire des Journées psychiatriques Nationales, souvent écrites à l'intention d'un public médical large, au-delà du milieu spécialisé. Etudes sur les problèmes, les conditions de recrutement ou de travail, ou de formation professionnelle des travailleurs psychiatriques, assistantes sociales, infirmiers, médecin lui-même. Questions d'application administrative. Travaux d'enquête ou de statistique. Enfin rapports au Conseil permanent d'Hygiène Sociale, visant à apporter à l'Administration centrale les éléments techniques nécessaires pour impulser le passage à la réalité des progrès accomplis.


J'ai eu le privilège d'appartenir à une génération dans laquelle un bouleversement profond des conceptions sur la matière de notre travail a été accompli. Certes les circonstances historiques y ont été pour beaucoup, mais le travail des hommes a seul permis que ces circonstances paraissent aujourd'hui près de porter leurs fruits.

Si l'on veut bien me reconnaitre quelque mérite personnel dans cet effort de prise de conscience des possibilités nouvelles, et de définition des applications possibles du progrès, je me retournerai en terminant vers ceux que j'ai écoutés et je dirai, sans modestie d'apparat mais avec une sincérité reconnaissante, à quel point mon travail personnel m'apparait, en moi-même, comme le fruit d'un effort collectif. A mes aînés, mes camarades, mes collaborateurs de tous grades, tous ceux qui ont eu l'attention, et parfois le courage, de me dire leur pensée, je veux dire ici ma gratitude.

Le moment est venu pour moi, après 9 ans d'efforts dans des conditions qui furent parfois dures, pour assumer, avec un nombre de collaborateurs très inférieur aux nécessités, sur la base d'un service de 400 lits, avec un mouvement de 400 entrées annuelles, le 1/4 des besoins psychiatriques d'un département d'un milion d'habitants, d'envisager à un échelon plus élevé l'application des principes de suprématie absolue de l'acte médical, dans une perspective foncièrement humaniste, dont j'ai voulu me faire le défenseur obstiné.

Aujourd'hui, le drame de la surcharge du fait psychiatrique pour la collectivité est parvenu à son comble, l'encombrement des H.P. témoignage dominant de ce drame, appelle des solutions radicales. Fermement convaincu, d'une part que ces solutions sont ici prochainement réalisables, et surtout que les bouleversements profonds dans les conceptions de notre travail dont j'ai fait état permettent réellement d'assurer à la société un rendement des services psychiatriques incomparablement amélioré, instruit par l'expérience d'une amélioration du rendement déjà très sensible dans des conditions dérisoires, j'ai entrepris d'obtenir un poste là où, dans les conditions actuelles, les meilleurs moyens peuvent être mis en œuvre pour la réalisation effective de ces progrès.

Je sais que, s'il m'est permis de rejoindre les rangs de ceux qui partagent ces aspirations, et dont plusieurs ont déjà beaucoup avancé dans cette voie d'une meilleure médecine et d'un meilleur rendement social, cette confiance illimitée dans la valeur de l'acte médical que j'ai invoquée ne sera pas démentie. »


TRAVAUX
Principales publications

Psychoses chez les diabétiques. Thèse de médecine, Toulouse, 1939

(avec L. Le Guillant et H. Mignot) Problèmes posés par la chronicité sur le plan des intitutions psychiatriques. Paris, Masson et Cie., 1964; 282 p. [Rapport d'assistance présenté au congrès de psychiatrie et de neurologie de langue française. Marseille, 7-12 septembre 1964]

Dans cette nuit peuplée : 18 textes politiques. Paris, Éditions sociales, 1977; 252 p.

Psychiatrie populaire, par qui ? pour quoi ? ou Psychorama. Paris, Éditions du Scarabée, coll. "L'Ouverture psychiatrique", 1981; 220 p.

Désaliéner ? folie(s) et société(s). Toulouse, Presses universitaires du Mirail, coll. "Chemins cliniques", 1992; 334 p.

Le miroir ensorcelé. Avant-propos de Michaël Guyader et Serge Chollet. Paris, Ed. Syllepse, coll. "Utopie critique", 2002; 334 p.

Psychanalyse de la connaissance
. Préfaces d'Yves Buin, Guy Baillon. Postface de Franck Chaumon. Toulouse, Erès, coll. "Études, recherches, actions en santé mentale en Europe", 2012; 182 p.


Voir Lucien Bonnafé > Écoutes et échos autour du désaliénisme et de "la psychiatrie de ruines", un site qui parle de psychiatrie, avec les mots du résistant, les mots de l'agitateur poétique et ceux du clinicien que fut Lucien Bonnafé.

Michel Caire, 2016
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