Sven Follin
Tunis (Tunisie) 20 avril 1911 / Paris 10 octobre 1997
Cette photographie est parue dans le magazine Science & Vie en mars
1955 avec la légende suivante : « Luttant pour les nouvelles méthodes, le Dr Follin inspecte
tous les matins les salles désespérantes où sont entassées
600 malades. Leurs terribles ou innocentes confidences dévoilent parfois
la cause de leurs troubles mentaux. »
Elle est prise dans un pavillon de la 5ème section de l'hôpital
psychiatrique de Maison-Blanche, dont le docteur Sven Follin est alors médecin-chef.
L'article est consacré à cette "extraordinaire expérience
psychiatrique" qu'est le Centre de Traitement et de Réadaptation
Sociale (C.T.R.S.) récemment créé par Paul Sivadon à
l'hôpital psychiatrique de Ville-Evrard. Sont cités d'autres "grands psychiatres français",
Henri Ey,
Lucien Bonnafé, Louis Le Guillant, qui uvrent dans un même esprit
désaliéniste que Follin et Sivadon.
Après une vocation théâtrale contrariée, Follin avait
entrepris des études de philosophie et rencontre la psychiatrie en suivant
les cours de Georges Dumas à Sainte-Anne et de Pierre
Janet au Collège de France.
Il fait alors "sa" médecine,
suivi d'un internat (des Hôpitaux Psychiatriques du département de la Seine) à Ville-Evrard en 1939 chez Jean Dublineau avec Lucien Bonnafé, puis à Sainte-Anne, où il est ensuite
nommé chef de clinique de Jean Delay, à la Clinique de la Faculté.
Sa carrière se poursuit comme médecin-chef à Saint-Venant,
à Armentières puis à Montauban, où il est en 1952
le seul psychiatre du département. Nommé au concours de la Seine,
il prend à Maison-Blanche en 1954 la succession de Guilhem Teulié, et
en 1958 celle de Sivadon au CTRS de Ville-Evrard. En 1961, il est nommé
à la « 1ère section femmes » de Sainte-Anne, où se
termine sa carrière en 1981.
Follin était un humaniste, et un marxiste. Membre du Parti Communiste,
il rompt en 1956, après Budapest. Auparavant, il avait signé avec
Lucien Bonnafé, Jean et Evelyne Kestemberg, Serge Lebovici, Louis Le
Guillant, Emile Monnerot et Salem Shentoub un retentissant manifeste publié
en juin 1949 dans La Nouvelle Critique et intitulé «La psychanalyse,
idéologie réactionnaire», dénonçant cette
doctrine mystifiante, cette technique ésotérique
qui défend une conception idéaliste des rapports individu-société.
Clinicien hors pair, homme d'une grande culture, Follin a formé plusieurs
générations de psychiatres.
Médecin dévoué à ses malades, il avait l'art de
«l'écoute du malade dans son drame personnel», écrit
Jacques Azoulay -qui fut son interne à Maison-Blanche- dans L'Information
psychiatrique en janvier 1998. Jacques Chazaud y rend lui aussi un bel hommage
à ce maître pour qui «ce qui comptait, en empruntant le détour
de la théorie, c'était, en tout et pour tout, le Sujet qu'il fallait
rendre à lui-même».
Représentant éminent de la grande tradition psychiatrique française,
enrichissant notamment l'étude de la discordance et des états
oniroïdes à la lumière de la phénoménologie
philosophique, Follin est le père de la psychose hystérique, conçu
comme modèle des discontinuités de structures dans le processus
d'aliénation de la personne dont l'autisme schizophrénique est
le terme dernier.
Un recueil de ses écrits a été publié sous le beau
titre : Vivre en délirant (éd. Les empêcheurs de penser en rond, 1993).
Michel Caire, 2008-2012 |