Henri BEAUDOUIN
Seur (Loir-et-Cher) 9 juillet 1885 - Saint-Rémy (Haute-Saône) 1968
Fils d'instituteur,
Beaudouin est docteur en médecine de Paris. Après avoir été
près de trois ans interne en médecine à St-Germain-en-Laye,
il est nommé au concours 1913 de l'internat des asiles de la Seine, effectue
sa 1ère année à Ville-Evrard et choisit ensuite le service
du docteur Capgras
de l'asile de Maison-Blanche, où il entre le 1er mai 1914.
Mobilisé le 2 août (comme son médecin-chef, comme aussi
son condisciple Alfred Devaux -interne chez Salomon
Lwoff- qui tombera au Champ d'Honneur à Fère-Champenoise le
8 septembre), Beaudouin sert successivement en tant que médecin à
l'hôpital d'Auxerre, à Montluçon, Orléans, Dunkerque,
à l'asile de Blois et enfin à Bégin. Démobilisé
en mars 1919, il réintégre le service qu'il avait quitté
cinq années plus tôt, où il finit son internat le 31 mai
1920.
Major au concours d'adjuvat 1920, Beaudouin rejoint l'asile de Breuty-la-Couronne
(Charente), et mute l'année suivante à Clermont (Oise). En 1926,
il réussit le prestigieux concours du médicat des asiles de la
Seine, et après un court passage à Moisselles comme Médecin-Directeur,
est nommé à Maison-Blanche: le 1er août 1927, il succède
à Truelle à la 3ème section. Deux ans plus tard (1er octobre
1929), il "prend" la 1ère section, et la dirige jusqu'à
son départ en retraite le 9 juillet 1955.
Parmi les nombreux internes formés dans son service, citons Georges
Daumézon, Bercegeay, Jean Joyeux, Denise Quercy, Pierre Bailly-Salin
Ce même Daumézon, à la mort de son maître, évoquera
son "extraordinaire don clinique" : ses examens de malades étaient
d'une extrême sobriété, ses interventions laconiques, mais
son regard et son jugement d'une singulière acuité et perspicacité.
Hors de toute référence analytique, il était alors quelques
médecins des asiles, et Beaudouin en fut, attentifs à écouter
le malade.
Parmi ses travaux, aussi nombreux que variés, citons sa thèse
de 1912 : "Hôpitaux de Province: leur internat en médecine",
un "Aperçu historique sur le régime des aliénés"
avec J. Raynier paru en 1922 dans les Annales médico-psychologiques,
comme en 1925 son: "Galien fut-il un précurseur de la psychanalyse?",
ou encore un "Essai nosographique sur les états dépressifs"
pour lequel il reçoit le Prix Lefèvre 1926 de l'Académie
de médecine.
Mais Beaudouin est surtout connu comme auteur, avec son ancien condisciple des
années de formation Jean Raynier, Inspecteur Général, d'un
ouvrage de référence deux fois couronné par l'Académie
de Médecine (prix Baillarger en 1922, prix Jean Dietz 1951), et deux
fois réédité : L'assistance psychiatrique française,
qui fait autorité pendant plusieurs décennies en matière
d'Assistance et de Législation psychiatrique. Elle fut appelée
« la Bible de la vie hospitalière des asiles ».
En 1967, il publie avec son fils aîné Jean-Louis (ancien interne
de Maison-Blanche en 1942-1943, médecin-chef à l'hôpital
psychiatrique de Saint-Rémy en Haute-Saône et chargé de
cours à la Faculté de Besançon. Il s'est éteint le 1er mai 2004 à Faverney ; un article pro
memoria a été publié par Christian Claden, dans la
revue L'Information Psychiatrique) un ouvrage au titre tout
à fait moderne : Le Malade mental dans la cité. Modernité
traduite encore par certaines formules comme Le malade, usager du service
public (titre du chapitre IV). Les auteurs prennent cependant un net parti
"anti-abolitionniste", en tant qu'adversaires de l'application du
"droit commun" aux malades mentaux (suppression de la législation
en vigueur depuis 1838).
Mais ne nous y trompons pas. Beaudouin s'était tôt posé
en réformateur progressiste du système : avec Raynier, il défend
en 1929 le principe de la généralisation des services libres dans
tous les asiles (on ne disait pas encore hôpital psychiatrique).
Et en 1931, "en motocyclette, il commençait à créer
un réseau de dispensaires en Seine-et-Marne", que Georges
Daumézon développa à sa suite, organisation dont les
principes seront repris près de trente ans plus tard. Dans ce cadre,
il fait ouvrir un "quartier psychiatrique" à Melun, ville où
il fut également psychiatre de la Maison Centrale.
Il s'engagea aussi comme secrétaire de la Société Médicale
des Hôpitaux psychiatriques de la Seine, et comme administrateur de la
Fédération Croix Marine. Médecin-chef des asiles
donc, mais non psychiatre asilaire.
À une époque où ce n'était pas la règle,
loin s'en faut, Beaudouin accorda à certaines de nombreuses malades de
son service des conditions de vie assez libérales. Il n'est pour s'en
convaincre que de citer le nom de Jeanne
Tripier, qui put, bien qu'internée, exprimer son art.
Certaines pièces conservées dans son dossier administratif démontrent
sans conteste sa courageuse indépendance et sa scrupuleuse probité,
un "état d'esprit" critiqué par certains, et porté
à la connaissance du préfet, en novembre 1943
. Un Beaudouin
donc fort éloigné de « l'homme pour qui l'administration
est souveraine » (Françoise
Marette, Lettre à Alain Cuny, 18 décembre 1935).
L'une de ses anciennes infirmières entrée à Maison-Blanche
en 1934, nous confiait récemment que Monsieur le docteur Beaudouin
avait sous l'Occupation "protégé", et donc sauvé
des malades juives, en les gardant à l'hôpital après leur
guérison.
Ainsi, l'une d'elle, artiste-peintre, installait son chevalet sur l'esplanade
qui sépare les première et deuxième sections, et ne rentrait
au pavillon qu'au moment des repas. Une autre était autorisée,
faveur insigne, à porter ses bijoux. Toutes deux étaient "à
l'infirmerie", le pavillon réservé aux malades atteintes
de troubles somatiques, ce qui constituait déjà en soi un privilège.
Comme en d'autres circonstances, Beaudouin allia, dans la discrétion
et la simplicité, sens du devoir et humanité. C'est là assurément son plus beau titre.
Michel Caire, 2008-2014 |