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Coll. Michel caire Coll. Michel Caire Charles (Antoine) VALLON
Limoges (Haute-Vienne) 18 avril 1853 / Paris 14 décembre 1924

Aliéniste, médecin des asiles de la Seine, médecin expert près le tribunal de la Seine et la Cour d'Appel. Médecin inspecteur des aliénés à la Préfecture de Police. Officier de la Légion d'Honneur

Après avoir fait à l'asile Sainte-Anne (Paris) ses trois années d'internat chez Henri Dagonet, Vallon y est nommé Chef de Clinique de pathologie mentale, dans le service de Benjamin Ball.

De 1885 à 1900, il est médecin-chef à l'asile de Villejuif, récemment ouvert, et mute à l'Asile Clinique en la même qualité.

A Sainte-Anne, il remplace Paul Dubuisson (passé à la Division des femmes, poste laissé vacant par la mort de Gustave Bouchereau) dans ce service des hommes où il avait débuté sa carrière et où il la finira en 1921.

Pendant la Grande Guerre, Vallon est attaché comme expert au Val-de-Grâce et au Conseil de guerre du Gouvernement militaire de Paris.

Fondateur de la Société de Psychiatrie, Vallon fut membre de plusieurs sociétés savantes, notamment de la Société de Médecine légale et de la Société médico-psychologique dont il est élu président en 1906.

Parmi ses très nombreuses publications, dont plusieurs ont été couronnées par l'Académie de Médecine, citons
- De la paralysie générale et du traumatisme dans leurs rapports réciproques, Paris, 1882
- « Ataxie locomotrice et folie simulées », Archives de Neurologie, 1896, avec le docteur Paul Garnier
- Les aliénés en Russie, 1899, avec le docteur A. Marie, son successeur à Villejuif
- La pathologie mentale au point de vue administratif et judiciaire, sa contribution au Traité de pathologie mentale publié par Gilbert Ballet.

Dans le domaine de l'histoire de la psychiatrie, il publie avec Georges Genil-Perrin deux articles, «La psychiatrie médico-légale dans l'oeuvre de Zacchias» (1912), et «La Psychiatrie dans l'Histoire. Un crime altruiste : l'attentat d'Hillairaud contre Bazaine» (1914) dans La Chronique médicale.

En 1904, « une épreuve terrible avait assombri sa vie. Au cours d'une visite de ses malades, à Ste-Anne, un persécuté le frappait d'un coup de couteau qui atteignait la moelle, à la nuque. Pendant de long jours, peut-on lire dans l'article nécrologique signé F.-L. Arnaud et paru en 1925 dans les Annales médico-psychologiques, nous restions étreints par l'angoisse des conséquences redoutées de cette blessure.
Enfin, la guérison fut obtenue, mais une guérison relative qui laissait le Dr Vallon sous le coup de crises douloureuses assez fréquentes.
Il supporta l'épreuve avec un véritable stoïcisme qui ne s'est jamais démenti. Il put connaître alors, d'une manière éclatante et particulièrement touchante, l'estime qui l'entourait, lorsqu'il nous fut donné de fêter son rétablissement dans une réunion où se pressait la foule de ses amis, de ses élèves, de ses compatriotes Limousins et des nombreux confrères qui avaient tenu à lui apporter un témoignage de sympathie. Pour tous ceux qui purent y participer, cette réunion demeure inoubliable. »


A titre documentaire, voici comment le directeur de l'Asile relatait dans une lettre au Préfet de la Seine en date du 24 octobre 1904 les conséquences de l'agression subie le 5 du même mois et évoquée ci-dessus par Arnaud :

« Pour répondre au désir exprimé par Monsieur le Président du Conseil, Ministre de l'intérieur et des Cultes, vous avez bien voulu me demander des nouvelles de la santé de M. le Dr Vallon.
Je ne crois pas pouvoir mieux faire que de vous donner copie de la lettre que viennent de m'envoyer à cet effet MM les Docteurs Picqué et Gilbert Ballet.

"Notre collègue a été frappé d'un coup de couteau dont la lame effilée a pénétré au niveau d'une ligne horizontale passant par la pointe de la mastoïde et à 2 centimètres environ de cette pointe. La lame a suivi obliquement dans la région postérieure du cou un long trajet et a touché la moelle qu'elle a sectionné partiellement à peu de distance du bulbe.
Il est survenu immédiatement une paralysie totale portant sur le bras et le membre inférieur correspondant, accompagnée d'une perte totale de la sensibilité sur l'autre moitié du corps. La plaie, très infectée par un instrument malpropre a dû, dans une partie superficielle, être débridée et draînée. M. le Professeur Berger que j'avais appelé en consultation avait partagé ma manière de voir à ce sujet, et le débridement a été pratiqué 30 heures environ après l'accident.
Etat actuel. la plaie est actuellement complètement cicatrisée et il ne s'est pas produit, grace aux précautions antiseptiques que j'ai prises, aucun accident infectieux.
L'hémiplégie tend peu à peu à diminuer, mais M. Vallon ne peut encore se soutenir debout et malgré l'amélioration qui s'est produite du côté du membre secteur il lui est même impossible de s'en servir en raison de la paralysie qui persiste encore sur un certain nombre de groupes musculaires.
Il est impossible encore actuellement de dire si M. Vallon recouvrera complètement l'usage de ce membre, mais on peut dire toutefois que la récupération des mouvements demandera encore un long temps avant d'être complète.
La perte de la sensibilité reste totale du côté opposé du corps."
Le Directeur de l'asile Clinique.

(Signé) Guillot »

Et voici comment Bessière, qui fit dans le service de Vallon ses trois années d'internat, en parle dans ses « Souvenirs d'Internat à l'Asile Clinique Sainte-Anne (1911-1914) » écrits en 1940 :

« Le Médecin-Chef du service des hommes était Vallon, et c'est chez lui que j'ai passé mes trois années l'Internat ; d'abord avec mon vieil ami Genil-Perrin, ensuite avec notre si regretté Sengès.
Charles Vallon était petit, mince, légèrement voûté, et traînait un peu la jambe à la suite d'une grave blessure de la région lombaire reçue d'un malade, et qui l'avait laissé assez longtemps paraplégique. Les cheveux taillés en brosse, une grosse moustache et la barbe en pointe étaient grisonnants. Le premier abord était sévère et rébarbatif. Vallon ne semblait guère communicatif et parlait peu, avec un léger accent qu'il avait conservé de son Limousin natal. Mais dès la première visite, on remarquait
son bon sourire, l'indulgence de son regard lorsqu'il interrogeait les malades, sa bienveillance à écouter leurs plaintes et leurs "histoires". Il savait les réconforter en accompagnant ses paroles d'une tape amicale sur l'épaule ou d'une caresse sur la joue. Sous l'écorce rude, on découvrait le brave homme.
Il ne se déridait avec ses Internes que lorsqu'il les connaissait bien et qu'il croyait pouvoir avoir confiance en eux. La meilleure manière de gagner son estime était la ponctualité, car il était lui-même, par goût et par nécessité, d'une régularité d'horloge. Les neuf coups de neuf heures n'avaient point fini de sonner qu'il quittait son bureau, et c'est à cet instant précis que nous devions le prendre pour l'accompagner à la visite, qu'il faisait en costume de ville, la tête couverte d'une petite calotte noire. A dix heures sonnantes, nous rentrions au bureau, et d'une poignée de mains, il prenait congé de nous pour reprendre son travail. Vallon n'avait pas de temps à perdre. Il était l'expert en psychiatrie le plus en vogue de Paris et faisait un nombre considérable de rapports, qu'un vieux malade calligraphe recopiait sans répit. La machine à écrire n'était pas encore répandue.
Au prix de levers qui nous semblaient bien matinaux, nous gagnâmes bientôt la confiance et l'amitié de Vallon et il fut pour nous un véritable "Patron". Il nous a fait bénéficier de sa vaste expérience, qui lui avait permis d'écrire l'importante partie médico-légale du traité de psychiatrie de Gilbert Ballet. Il nous fit aussi travailler et publier avec lui quelques articles. Il sut aussi nous soutenir en diverses occasions et notamment auprès de son vieil ami, Limousin comme lui, Gilbert Ballet, pour nous pousser au Clinicat.
Nous fûmes aussi admis dans son intimité et le connûmes ainsi davantage.
A cette époque déjà lointaine, les Internes faisaient visite à la femme de leur chef de service. Aussi, peu après notre arrivée à Sainte-Anne, nous nous mîmes en tenue rituelle de visite : jaquette et gilets noirs, pantalon très étroit à rayures, bottines vernies, très haut faux-col rigide et régate sombre, chapeua haut-de-forme, gants crême, canne recourbée à virole d'argent, et nous nous présentâmes au "jour" de Mme Vallon qui, avec une charmante simplicité, nous mit vite à l'aise.
Vallon recevait volontiers et nous invitait tous les ans à quelques grands dîners, qui semblaient au premier abord très cérémonieux, car les convives étaient tous en grande tenue de soirée. Mais ils étaient bien choisis, se connaissaient, se trouvaient en sympathie. On rencontrait toujours un contingent médical de qualité; les grands amis: Régis, qui apportait de Bordeaux sa gaîté et son entrain; Séglas, modeste, sceptique et désabusé, mais prêt à rire bruyamment, comme un Normand, de quelques bonnes histoires qu'il savait raconter; Klippel, au masque pincé, qui, d'un air glacé, lançait entre ses lèvres serrées de terribles boutades; Gilbert Ballet, fin, distingué, ironique; Thoinot, jovial et affable; Paul, pétulant, qui commençait sa brillante carrière de Médecin-Légiste.
Le menu était toujours artistiquement composé et la chère exquise. Et dans cette ambiance, Vallon, qui était gourmet, se montrait détendu, heureux, gai, cordial et simple. Les évènements de 1914 nous séparèrent. Puis, peu après la paix, j'appris avec beaucoup d'affliction sa mort brutale.
»

Et Bessière poursuit :
« Après 24 ans d'absence, le jeu curieux des circonstances m'a ramené à Sainte-Anne et m'a fait attribuer le service où j'avais été interne. Ce n'est pas sans une véritable émotion que j'ai pris possession du Bureau où, pendant trois ans, j'étais venu chercher mon excellent Maître, et que je me suis assis dans son fauteuil et accoudé à sa table. J'avais fait placer dans cette pièce son portrait, qui maintenait sa présence. »

LA REVUE SCIENTIFIQUE DU LIMOUSIN n°327, 15 janv.-15 févr. 1925, Nécrologie [pp.74-75]

« Le Docteur Charles VALLON

Le Dr Charles Vallon, né à Limoges, le 18 avril 1853, élève du Lycée Gay-Lussac et de notre Ecole de médecine. Charles Vallon fut reçu docteur en 1882 et se spécialisa dans les maladies mentales.

Médecin adjoint à l'asile Sainte-Anne, puis médecin en chef de l'asile de Villejuif, il revint, en 1900, à l'asile de Sainte-Anne où il fut grièvement blessé, en 1904, par un aliéné, et où il resta jusqu'en 1920, époque de sa retraite.

Très apprécié de ses confrères, expert près des tribunaux, auteur de nombreux ouvrages, le Dr Vallon avait encore présidé le IXe Congrès de médecine légale de langue française qui s'est tenu à Paris les 26, 27 et 28 mai 1924.

A la séance d'ouverture de ce Congrès, il a prononcé un très remarquable discours dont il a bien voulu nous adresser un exemplaire.

Dans ce discours, nous trouvons un souvenir ému de l'auteur à son compatriote et ami le Dr Gilbert Ballet et nous y relevons le paragraphe suivant, qui peut être généralisé : « Magistrats et médecins, nous appartenons aux anciennes classes dirigeantes, aujourd'hui le prolétariat intellectuel ; nous vivons à une époque où le travail des cellules cérébrales est beaucoup moins rémunérateur que celui du biceps. Tout pour le muscle et par le muscle : telle semble être la formule du temps présent. »

C'est le 9 août 1890 que nous sommes entré en relations avec Charles Vallon, étant revenus ensemble d'une excursion faite au château de M. Teisserenc de Bort, à l'occasion du Congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences. Depuis cette époque, le Dr Vallon était toujours resté dans nos rangs. »


Michel Caire, 2008-2013
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